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Le H-Print, est-il réellement un marqueur d'utilisation de la banquise pour des

Chapitre 4. Discussion

4.1. Structure du réseau trophique et relations inter-espèces

4.1.3. Le H-Print, est-il réellement un marqueur d'utilisation de la banquise pour des

Une approche appelée « HBI fingerprint » (H-Print) consiste en l’utilisation de plusieurs HBIs pour créer un indice écologique permettant de déterminer de façon semi- quantitative l’origine de ces lipides (Brown et al. 2014). Cette approche met en relation les HBIs déterminés comme étant associés aux environnements pélagiques (triène) et sympagiques (IP25 et diène) pour créer une gamme de valeur allant de 0 à 100 % selon la

formule (1) (Brown et Belt 2017).

𝑯 − 𝑷𝒓𝒊𝒏𝒕 = 𝒕𝒓𝒊è𝒏𝒆

𝑰𝑷𝟐𝟓+𝒅𝒊è𝒏𝒆+𝒕𝒓𝒊è𝒏𝒆∗ 𝟏𝟎𝟎 (1)

Selon cette formule, une production primaire qui provient de la banquise devrait donc présenter des valeurs en H-Print de 0 %. À l’inverse, une production primaire provenant du milieu pélagique devrait présenter des valeurs en H-Print de 100 %. Cette approche a été utilisée dans plusieurs études écologiques s’intéressant à l’importance relative des deux bassins de production primaire, notamment chez quelques espèces d’amphipodes (Brown et al. 2017), chez le phoque annelé (Brown et al. 2014) et chez l’ours blanc (Brown et al. 2018). Dans ce type d’étude, plus la valeur du H-Print est élevée et s’approche de la valeur maximale, plus la proportion de carbone pélagique est importante dans l’alimentation de l’individu analysé, ou dans les proies de celui-ci. À l’inverse, une valeur de H-Print faible est associée à un régime d’origine sympagique important (Brown et Belt 2017).

La valeur de l’empreinte H-Print a été calculée dans les échantillons de carottes de glace récoltées dans cette étude. La Figure 8 présente l’évolution de ce marqueur au cours des trois années de récolte.

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Figure 8. Signature H-Print des échantillons de glace de mer en 2014, 2015 et 2016. Les valeurs du H-

Print dans les carottes de glace des trois années sont représentées au cours de la saison de croissance.

Pour chaque année dans la glace, les valeurs les plus élevées de H-Print sont atteintes en début de saison de floraison, avec un maximum de 44.2 % en 2014, 24.9 % en 2015 et 7.4 % en 2016. Ceci est cohérent avec la présence de triène en concentration plus élevée proportionnellement aux deux autres isomères en début de floraison (voir Figure 6). Ensuite, lorsque les concentrations totales en HBIs deviennent plus importantes autour de la fin du mois de mai, le H-Print diminue rapidement à des valeurs très faibles (~5% et moins). La détection d’une proportion importante du triène dans la glace s’explique potentiellement par la présence d’espèces planctoniques qui pourraient avoir été incorporées lors de la formation de la banquise à l’automne, et soient donc retrouvées dans les analyses de carottes de glace au printemps. Il est également possible que la présence du HBI tri-insaturé soit associée à une production dans la banquise plus tôt en saison, par des espèces d’algues différentes de celles produisant l’IP25 (par exemple Pleurosigma ou

Navicula). L’observation de valeurs en H-Print pouvant atteindre plus de 40 % dans la

glace au cours de la saison de production signifie donc que l’utilisation du H-Print en tant qu’outil d’association à la glace en Arctique comporte une incertitude importante.

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Tableau 11. Signature H-Print au sein des espèces sélectionnées de l’environnement Arctique. Les

moyennes géométriques ainsi que les gammes de valeurs atteintes sont présentés.

Espèce H-Print (%) Espèce H-Print (%)

Zooplancton Morue arctique

1000 µm + 19.8 (11.7 – 28.1) Muscle 38.2 (20.9 – 81.4)

Calanus spp 10.1 (8.1 – 12.7) Phoque annelé

Bivalves Foie Nunavik 8.4 (3.3 – 26.0)

Mya truncata 12.0 (1.7 – 72.1) Muscle Nunavik 33.2 (13.4 – 55.6)

Serripes groenlandicus 21.6 (5.1 – 45.0) Morse

Chaboisseau Muscle 28.5 (17.8 – 57.1)

Muscle Nunavik 1.1 (0.6 – 1.6)

Les valeurs en H-Print dans les communautés de zooplancton sont relativement faibles (19.8 %), mais légèrement supérieures à celles des individus du genre Calanus (10.1 %). Ces résultats sous-entendent une dépendance très forte des copépodes arctiques à la production sympagique. L’analyse du contenu en IP25 des communautés de zooplancton

provenant de la mer de Beaufort a également révélé une relation étroite avec le carbone organique dans la banquise pendant la saison de production (Brown et Belt 2012). En effet, les échantillons de zooplancton et de glace de mer récoltés entre le début du mois de février et la mi-juin montrent des contenus en IP25 qui évoluent de façon semblable, avec un

maximum d’IP25 dans le zooplancton survenant ~25-30 jours après le maximum dans la

glace (Brown et Belt 2012). Par contre, l’analyse du H-Print dans ces mêmes échantillons de zooplancton, provenant dans les deux cas d’un hivernage en mer de Beaufort (Forest et al. 2011), présente des résultats contraires, avec une valeur moyenne supérieure à 80 % (Brown et al. 2014). Ces résultats démontrent que l’utilisation d’un H-Print moyen pour décrire un tissu ne reflète pas correctement la provenance du carbone organique duquel il dépend. Par exemple, le calcul du H-Print lors d’un échantillonnage uniquement effectué pendant la production d’algues de glace (cette étude) surestime l’importance de cette source de production, alors qu’un échantillonnage qui s’étend sur plusieurs mois (Brown et al. 2014) sous-estime l’importance saisonnière des algues de glace, tel que démontré en 2012 pour le zooplancton (Brown et Belt). Il est donc très difficile d’extrapoler les résultats en H- Print d’un échantillonnage ponctuel comme étant la signature représentative d’une espèce.

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De plus, contrairement à l’analyse isolée du marqueur IP25, qui est fortement corrélé à la

date de récolte chez les deux espèces de bivalves (voir section 4.1.2), le H-Print ne montre pas de relation temporelle (S. groenlandicus p = 0.09 rho = -0.32; M. truncata p = 0.64 rho = -0.09). Cette différence pourrait être liée au tissu utilisé, majoritairement composé de muscle puisque les individus complets ont été analysés, qui n’accumule pas suffisamment de HBIs pour permettre l’utilisation précise du H-Print (Brown et al. 2013). Des concentrations encore plus faibles sont observées pour le muscle de chaboisseau, de la morue arctique, du morse ainsi que du phoque annelé, ce qui rend l’interprétation des données hasardeuse.

L’empreinte H-Print est donc utile dans certaines circonstances, où il a été démontré qu’elle permettait de bien décrire le comportement saisonnier de certaines espèces dans un système écologique (Brown et al. 2014). Par contre, l’une des suppositions les plus importantes pour l’utilisation du H-Print est que le triène représente significativement un apport de matière organique pélagique. Comme des quantités relativement importantes de triène ont été retrouvées dans les échantillons de matière organique provenant de la glace, son utilisation est ici remise en question. Le H-Print possède tout de même un avantage majeur : l’élimination du besoin de déterminer les unités de mesure les plus appropriées. Cette propriété est spécifiquement intéressante pour l’application des HBIs en écologie en raison des espèces et des tissus multiples utilisés. De plus, le H-Print représente une proportion de la diète et facilite donc la comparaison entre les espèces et les régions, où une concentration absolue des différents isomères comporte des défis supplémentaires.