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Encadré 2.2. Mise en œuvre du Proxy Means-Testing

2.4.3. Principaux résultats

Avant de passer à l’interprétation des résultats, on explicite les tarifs du modèle dans le cas du Congo (tableau 2.3). Les tarifs au Congo sont bimensuels. L’on a déjà expliqué que la tarification actuelle (modèle 2.4.12) est de type IBT, avec des tarifs de 94.9 FCFA par mètre- cube pour les 25 premiers mètres-cube, 124.9 FCFA du vingt-sixième au soixante-cinquième mètre-cube ; et enfin de 156.7 FCFA à partir du soixante-sixième mètre-cube consommé tous les deux mois. En s’inspirant de ce modèle, l’on simule une tarification de type VDT (modèle 2.4.13). Le tarif de 94.9 FCFA à l’unité s’appliquerait aux ménages consommant au plus 25 mètres cube ; le prix de 124.9 FCFA le mètre cube s’appliquerait sur toute la consommation d’un ménage consommant entre 26 et 65 mètres cubes (et pas seulement aux unités supérieures à 25 mètres cubes), et celui de 156.7 FCFA le mètre cube s’appliquerait sur toute la consommation d’un ménage consommant plus de 65 mètres cubes. Les deux derniers modèles sont différents des deux premiers en ce sens que l’on ne suppose plus l’hypothèse d’auto-ciblage. Le troisième (modèle 2.4.14) suppose la mise en œuvre d’un PMT où on appliquerait non plus trois tarifs (on n’a pas retenu de groupe intermédiaire entre les ménages pauvres et les ménages non-pauvres) mais deux. Pour ce modèle, on applique le tarif bas pour tout le volume de consommation des ménages classés pauvres par le PMT, et le tarif haut pour tout le volume de consommation des ménages classés non-pauvres. Le dernier modèle est identique au précédent, à la seule différence qu’au lieu d’un PMT, on suppose que l’on peut identifier parfaitement les ménages pauvres. Etant donné que cette identification est pratiquement impossible dans un pays comme le Congo, ce dernier modèle est le modèle parfait présenté simplement comme la situation de référence permettant d’évaluer les performances des autres modèles.

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Tableau 2.3. Tarification (bimensuelle) utilisée dans les simulations

94.9 FCFA/m3 124.9 FCFA/m3 156.7 FCFA/m3

Modèle 1-Actuel (IBT et auto-ciblage) Appliqué à la tranche de consommation jusqu’à 25 m3 Appliqué à la tranche de consommation de plus de 25 jusqu’à 65 m3 Appliqué à la tranche de consommation de plus de 65 m3

Modèle 2-Alternatif (VDT et auto-ciblage) Appliqué sur toute la consommation si le ménage consomme jusqu’à 25 m3

Appliqué sur toute la consommation si elle est plus de 25 et jusqu’à 65 m3

Appliqué sur toute la consommation si plus de 65 m3

Modèle 3-Alternatif (PMT) Appliqué sur toute la consommation si le ménage est prédit pauvre

Appliqué sur toute la consommation si le ménage est prédit non-pauvre Modèle 4-Alternatif (ciblage parfait) Appliqué sur toute la

consommation si le ménage est

effectivement pauvre

Appliqué sur toute la consommation si le ménage est effectivement non- pauvre

Source : SNDE et calcul des auteurs

Les résultats des calculs montrent que la tarification actuelle est défavorable aux pauvres, le paramètre Ω vaut 0.76 à Brazzaville et 0.73 à Pointe-Noire. Autrement dit, les ménages pauvres à Brazzaville reçoivent relativement 24% de moins en termes de ressources qu’il aurait fallu pour qu’il y ait un minimum d’équité ; à Pointe-Noire le gap est de 27%. A titre de rappel, le paramètre Omega est le produit de cinq ratios, chacun rapportant un indicateur de l’ensemble des ménages à celui des ménages pauvres (voir modèle 2.4.9). Les cinq ratios sont le taux d’accès au service, le taux d’utilisation du service quand il existe, le taux de ménages subventionnés, le taux de la subvention du bien et les quantités moyennes consommées. Les ménages pauvres sont défavorisés quant aux deux premiers paramètres, ils vivent dans des quartiers où le service est moins présent que l’ensemble de la population, et quand ce service existe, ils l’utilisent moins souvent. Le pourcentage de ménages subventionnés est identique pour tous les ménages pour le modèle de tarification de type IBT (il est égal à 100 pour cent), puisque dès que l’on consomme le bien on bénéficie automatiquement du subside. Et comme les niveaux de consommation ne diffèrent pas trop entre les ménages pauvres et non-pauvres, la faible performance de ce modèle de tarification est causée par la faible utilisation du service des ménages pauvres. La discussion de la section 2.3 a largement porté sur cet accès qui est factice en fait, lié à la définition que l’on utilise dans ce papier. L’utilisation d’une définition alternative (notamment celles de la SNDE)

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montre que cet accès est moins important et l’entreprise peine à étendre son réseau comme il a été montré à la section 2.3.

L’efficacité du ciblage peut aussi être évaluée en le comparant aux autres formes de ciblage, le ciblage parfait étant considéré comme le benchmark. La tarification actuelle, de type IBT, a de moins bonnes performances que la tarification VDT pour Brazzaville et pour l’ensemble des deux villes combinées, elle est moins performante à Pointe-Noire. Ce dernier mode de tarification améliore les performances du ciblage à Brazzaville à cause du taux de subvention qui est meilleur pour les ménages pauvres. Ce taux dépend du niveau de consommation, les petits consommateurs (moins de 25 mètres cube tous les deux mois) étant les seuls qui en bénéficient dans le cas de ce modèle de tarification. Le modèle n’arrive pas à améliorer les résultats du ciblage à Pointe-Noire parce que les ménages pauvres de cette ville ont des niveaux de consommation beaucoup trop proches de ceux des ménages non-pauvres. Le modèle VDT semble donc être une première voie pour améliorer les performances du ciblage, à condition qu’il s’agisse d’une stratégie globale d’amélioration de l’accès à l’eau courante et pas seulement d’amélioration des performances de ciblage. La tarification IBT est nettement moins performante que dans le cas d’un PMT (Proxy Means-Testing). Si on mettait en place un PMT, on obtiendrait des valeurs de Ω dix fois plus grandes que celle que l’on a actuellement. Mais contrairement aux deux modèles précédents, le PMT engendre des coûts administratifs, et ces derniers peuvent s’avérer importants et rendre ce modèle inopérant. La solution du PMT ne peut donc être envisagée que si le pays met en place une politique de transferts sociaux plus larges où les différents programmes se partageraient les coûts. En cas d’un ciblage parfait, le paramètre Ω aurait des valeurs supérieures à 20 dans chacune des deux villes. La tarification actuelle est donc très éloignée d’un ciblage parfait.

55 Tableau 2.4. Indicateurs de performance du ciblage des subsides à l’eau courante

Brazzaville Pointe-Noire Les deux villes

IBT (tarification actuelle) VDT (modèle alternatif) Proxy Means- Testing Ciblage parfait IBT (tarification actuelle) VDT (modèle alternatif) Proxy Means- Testing Ciblage parfait IBT (tarification actuelle) VDT (modèle alternatif) Proxy Means- Testing Ciblage parfait C 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 156.7 N 245,477 245,477 245,477 245,477 145,181 145,181 145,181 145,181 390,658 390,658 390,658 390,658 P 62,362 62,362 62,362 62,362 40,750 40,750 40,750 40,750 103,112 103,112 103,112 103,112 An 0.955 0.955 0.955 0.955 0.939 0.939 0.939 0.939 0.949 0.949 0.949 0.949 Ap 0.929 0.929 0.929 0.929 0.945 0.945 0.945 0.945 0.936 0.936 0.936 0.936 Un 0.616 0.616 0.616 0.616 0.468 0.468 0.468 0.468 0.562 0.562 0.562 0.562 Up 0.491 0.491 0.491 0.491 0.337 0.337 0.337 0.337 0.430 0.430 0.430 0.430 Tn 1.000 0.378 0.155 0.205 1.000 0.388 0.164 0.197 1.000 0.381 0.158 0.202 Tp 1.000 0.452 0.406 1.000 1.000 0.365 0.543 1.000 1.000 0.421 0.454 1.000 Rn 0.268 0.106 0.061 0.081 0.265 0.099 0.065 0.078 0.267 0.104 0.062 0.080 Rp 0.276 0.116 0.160 0.394 0.261 0.079 0.214 0.394 0.271 0.103 0.179 0.394 Qn 32.4 26.2 27.3 27.8 32.8 26.5 27.6 28.2 32.6 26.3 27.4 28.0 Qp 30.8 24.9 29.5 38.2 33.6 26.9 34.0 42.2 31.8 25.6 31.1 39.6 A 0.973 0.973 0.973 0.973 1.006 1.006 1.006 1.006 0.986 0.986 0.986 0.986 U 0.797 0.797 0.797 0.797 0.720 0.720 0.720 0.720 0.766 0.766 0.766 0.766 T 1.000 1.196 2.625 4.874 1.000 0.942 3.304 5.079 1.000 1.105 2.872 4.946 R 1.029 1.099 2.625 4.874 0.984 0.792 3.304 5.079 1.014 0.996 2.872 4.946 Q 0.949 0.951 1.080 1.373 1.025 1.016 1.229 1.497 0.976 0.974 1.133 1.417 Omega 0.758 0.971 5.777 25.309 0.731 0.549 9.720 27.976 0.747 0.809 7.054 26.159 Source. Enquête sur l’utilisation des infrastructures urbaines, 2008

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On peut aussi examiner les performances de ce ciblage à partir d’une part des erreurs d’exclusion et d’inclusion et d’autre part de la distribution des subsides. S’agissant des erreurs du programme, l’erreur d’exclusion est de 0.55, autrement dit 55% des ménages pauvres ne bénéficient pas des subsides issus de la consommation d’eau courante, une fois de plus à cause de la combinaison de la faible utilisation du service par les ménages pauvres. Par ailleurs l’erreur d’inclusion est de 0.47, c’est-à-dire 47% des non pauvres en bénéficient.

Graphique 2.5. Distribution des subsides

Source. Enquête sur l’utilisation des infrastructures urbaines, 2008

Quant à la distribution des subsides, on évalue leur progressivité à l’aide de la courbe de concentration qui présente le pourcentage des subsides reçues en fonction du niveau de bien-être du ménage, mesuré par les percentiles de la dépense par tête. Les subsides d’un modèle de tarification donné sont progressifs s’ils sont moins inégalitaires que les dépenses totales du ménage (qui sont utilisées pour construire l’agrégat de bien-être) ; le cas échéant, ces subsides sont régressifs. D’une manière générale, les subsides à l’eau courante sont progressifs, quels que soient le modèle de tarification. Malgré cette progressivité, les subsides du modèle de tarification actuel demeurent principalement à l’avantage des non-pauvres puisque la courbe de ces subsides se situe en dessous de la droite à 45 degré qui est synonyme d’équité ; résultat qui ne fait que

0 .2 .4 .6 .8 1 C (p ) 0 .2 .4 .6 .8 1 Percentiles (p) 45° line Depense_Totale Subsides_Tarif_1 Subsides_Tarif_2 Subsides_Tarif_3 Subsides_Tarif_4 Concentration Curves

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confirmer celui trouvé par le calcul du paramètre Omega. La tarification VDT améliore la distribution des subsides, tout en les laissant à l’avantage des non-pauvres. En revanche, le PMT montre une progressivité supérieure, à l’avantage des pauvres. Si ce modèle était mis en place, on aurait par exemple 20% des ménages les plus pauvres qui concentreraient 40% de ces subsides.

Les calculs ci-dessus sont faits sur la base d’un seuil de pauvreté relatif qui classe 35% de la population en dessous du seuil de pauvreté. A titre de rappel, ce choix a été fait dans la mesure où les informations détaillées sur la consommation n’étaient pas disponibles pour calculer un seuil de pauvreté absolu. Pour cette raison, il est légitime de poser la question de savoir si les performances du ciblage resteraient identiques avec d’autres seuils de pauvreté. Dans le cas d’une tarification IBT (la tarification actuelle), on teste la robustesse des résultats avec des seuils de pauvreté pour avoir une incidence de la pauvreté variant de 20% à 50%. Les résultats qui figurent au graphique 5 montrent que le paramètre Ω varie de 0.6 à 0.8, c’est-à-dire qu’il demeure inférieur à l’unité, même quand le taux de pauvreté est de 50%. Dans tous les cas les pauvres restent donc défavorisés par la structure tarifaire actuelle.

La décomposition du paramètre Ω a permis d’établir les causes des performances médiocres de la tarification IBT en place au Congo. La faiblesse de l’utilisation du réseau, comme on l’a montré dans la section précédente, est largement tributaire d’une offre insuffisante ainsi qu’à d’autres difficultés telles que les coûts de connexion. Cela conduit à relativiser une fois de plus l’universalité de l’accès au réseau. En fait si le réseau n’est pas toujours « très éloigné » au sens commun, du point de vue technique il n’est pas nécessairement accessible puisqu’un grand nombre de ménages sont au-delà de la distance maximale qui leur permettraient de se raccorder sans avoir à débourser des frais supplémentaires importants. De plus, les ménages, notamment les pauvres qui ne consomment pas l’eau courante ne bénéficient pas de ces subsides.

L’examen des taux de connexion à la section 2.2 a montré des différences nettes en fonction du niveau de vie des ménages. Pour les ménages du premier décile (le plus pauvre), à peine un sur trois est connecté au réseau, cette proportion est de sept ménages sur dix pour les ménages du dixième décile (le plus riche) ; ce qui met en exergue les facteurs liés à la demande. En effet, le

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coût minimum de connexion est estimé à 110 000 FCFA. Ce montant représente plus de 10% de la consommation annuelle des ménages des deux villes. Mais pour les ménages les plus pauvres, il s’agit d’un investissement important car les frais de connexions représentent jusqu’à 27% de la dépense de consommation des ménages du quintile le plus pauvre et 17% des ménages du deuxième quintile. Quand on sait qu’en plus des coûts directs de connexions, il s’y ajoute d’autres frais relatifs aux travaux, on comprend que les ménages pauvres éprouvent des difficultés à se connecter.

Graphique 2.6. Omega en fonction du seuil de pauvreté

Source. Enquête sur l’utilisation des infrastructures urbaines, 2008

Les résultats précédents amènent à s’interroger sur les mesures qui pourraient conduire à améliorer les performances du ciblage afin que les subsides bénéficient en priorité aux populations pauvres. Dans certains pays comme au Cameroun depuis 2005, la solution a été d’adopter une tarification de la forme VDT en aménageant la structure tarifaire de telle sorte que le seuil de la première tranche (dite tranche sociale) soit à un niveau bas. Toutefois cette structure tarifaire cible bien les pauvres seulement si les niveaux de consommation des ménages non-pauvres sont nettement supérieurs à ceux des ménages pauvres, ce qui n’est pas le cas de la ville de Pointe-Noire. Cependant des solutions qui se limiteraient simplement au changement de

0.55 0.6 0.65 0.7 0.75 0.8 15 20 25 30 35 40 45 50 55 Incidence de la pauvreté

Figure 6. Omega en fonction du seuil de pauvreté

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la structure tarifaire conduirait à privilégier les 40% de ménages qui consomment ce bien actuellement au détriment des 60% qui ne le font pas et qui sont relativement plus pauvres. Ainsi toute solution visant à un meilleur ciblage passe par des taux de connexion plus élevés, en particulier parmi les pauvres. Pour y parvenir, pour ceux des ménages limités par des facteurs liés à la demande, on peut par exemple étaler le paiement des frais de connexion dans le temps, afin de les aider à se connecter. On a déjà relevé que ces frais étaient prohibitifs pour ces ménages. Ces solutions ont été appliquées par exemple dans le secteur de l’électricité au Cameroun. Elles étaient appelées « campagnes de branchement » et elles ont quelquefois permis aux ménages vivant dans des localités défavorisées de se connecter au réseau.

Cependant il a été montré que la plus grosse contrainte des ménages n’ayant pas accès à ce bien se situe du côté de l’offre. Il paraît notamment logique d’élargir le réseau de distribution d’eau en l’étendant aux nouveaux quartiers et à le densifier dans les quartiers déjà couverts. Cette solution, combinée à la baisse des frais de connexions devraient permettre à un plus grand nombre de ménages pauvres de se connecter. Cependant cette stratégie se heurte à une difficulté de taille, la situation financière de l’entreprise est mauvaise et sa capacité d’autofinancement est faible.

En 2005, la SNDE a réalisé une perte d’exploitation de 2.023 milliards de FCFA, la perte était de 2.698 milliards de FCFA en 20045. Afin de repasser à des résultats positifs, une solution consisterait à augmenter les tarifs, par exemple en faisant payer le coût marginal de 156.7 FCFA à tous les ménages. Pour le mois où l’enquête a eu lieu, on a évalué le montant des subsides implicites aux ménages à 0.211 milliard de FCFA. Mais une augmentation des tarifs, appliquée de manière isolée pénaliserait les consommateurs les plus pauvres. Pour améliorer la situation de ces derniers, en plus de favoriser la connexion au réseau en faisant baisser les frais y afférents, on peut mettre en œuvre un PMT pour identifier les ménages pauvres qui bénéficieraient des subsides directs, par exemple en termes de bons de consommation. Les performances du ciblage sont alors ceux du PMT. Cela étant les simulations faites dans cette section supposent que le niveau de consommation des usagers ne change pas en cas de changement de tarif. Dans la

5 Au moment de la rédaction de ce papier, on ne disposait pas de données plus récentes sur les résultats de

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section suivante, on traite de la question de l’équilibre financier de l’entreprise suite à l’augmentation des prix et on s’intéresse également à l’impact de ces changements de prix sur les performances du ciblage.