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Ce travail était consacré à l’évaluation des performances de ciblage et à l’analyse de l’impact de trois projets dans trois pays d’Afrique subsaharienne. Les histoires de vie décrites à l’introduction, qui sont diverses manifestations de la pauvreté, illustrent les questions en jeu, questions que s’attellent à résoudre les politiques publiques analysées dans les trois études. Les résultats ne vont pas toujours dans le bon sens quand il s’agit du ciblage des pauvres, montrant que le simple fait de concevoir un projet ou un programme pour les pauvres n’assure pas que ces derniers en seront les principaux bénéficiaires.

Dans la première étude qui porte sur l’accès à l’eau courante en République du Congo, les résultats montrent que ce bien demeure un bien de luxe puisque peu de pauvres ont les moyens d’y avoir accès. L’auto-ciblage pratiqué à travers une tarification spécifique ne bénéficie qu’aux ménages qui sont connectés au réseau et qui sont majoritairement des ménages non pauvres. Ce résultat est obtenu pour Brazzaville et Pointe-Noire qui font le champ de l’étude. Si on élargissait le champ en y intégrant les villes secondaires, le ciblage serait certainement plus mauvais car les ménages qui ont accès à une forme quelconque d’eau potable sont généralement les ménages les plus nantis. Ainsi l’auto-ciblage n’est pas la panacée pour tous types de programmes. En fait cette forme de ciblage a plutôt souvent mal fonctionné dans le cas des utilités publiques pour diverses raisons qui ont été mises en évidence dans cette étude, en particulier l’étroitesse du réseau, et sa limitation dans les grandes agglomérations urbaines.

L’exemple du Congo qui est pays à revenu intermédiaire laisse voir que l’on peut passer à d’autres mécanismes de ciblage comme le PMT. Dans ce cas, des dotations en énergie peuvent être allouées directement aux ménages les plus pauvres, sous réserve que des programmes préalables (du genre campagne de branchement au réseau), leur permettent d’avoir accès au bien. On fixerait alors les tarifs des utilités publiques à leur niveau réel, au coût marginal afin que les compagnies ne perdent plus de l’argent ; sachant que les pertes subies par ces compagnies ont souvent été remboursées par l’Etat, c’est-à-dire par les impôts des personnes dont une proportion importante n’a même pas accès au bien. Dans les pays beaucoup plus pauvres que le Congo où le PMT est plus difficile à mettre en œuvre, les questions d’offre, en particulier l’extension du

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réseau aux quartiers et localités les plus pauvres devraient être la priorité pour ce genre de programmes.

Contrairement à la première étude, l’auto-ciblage fonctionne un peu mieux dans le cadre du programme des travaux publics de la troisième étude ; la proportion de pauvres qui participent à ces travaux a été relativement élevée même s’il y a une marge d’amélioration. Contrairement au cas de l’eau courante, ce programme n’a aucune barrière à l’entrée a priori, ce qui explique en partie le succès de l’auto-ciblage. De plus, la conception du programme qui combine cette forme de ciblage et le ciblage géographique va dans le bon sens en matière d’efficacité. Clairement dans les pays les plus pauvres, le ciblage géographique, si possible à l’aide des cartes de pauvreté, est une des solutions pour améliorer l’efficacité du ciblage.

A l’instar du cas de l’utilisation de l’eau courante, le ciblage du programme de modernisation agricole dans trois provinces de la RDC n’est pas très efficace non plus, les bénéficiaires ne proviennent pas en priorité des ménages pauvres, mais sont issus de toute la gamme des niveaux de vie. Ce résultat est néanmoins moins surprenant ne serait-ce que parce que dès le départ, le programme dans sa conception a ciblé les régions ayant un potentiel agricole, ce qui peut aller de pair avec un certain niveau de vie pas trop faible.

Quant à la question de l’analyse d’impact, elle est traitée dans les deux dernières études, celle relative au programme de modernisation agricole en RDC et l’autre qui concerne le programme de travaux publics au Libéria. L’impact en termes de réduction de la pauvreté est important dans les deux cas, tout au moins pour les populations bénéficiaires. Le cas du projet de modernisation agricole en RDC montre néanmoins qu’il est important d’intégrer un grand nombre de facteurs pour obtenir un impact important, en aval et en amont. Les contraintes liées aux marchés du crédit et à l’accès aux infrastructures doivent être levées dans le cas de l’agriculture, chose pas facile pour ce qui est du marché du crédit car l’agriculture est fondamentalement risquée et n’attire pas souvent les établissements financiers classiques.

Quoi qu’il en soit, les analyses réalisées montrent qu’il est important, quand cela est approprié, de quantifier les gains d’un projet afin d’en déduire l’impact réel sur les populations pauvres.

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Même pour un programme en fin de cycle, l’analyse d’impact peut aider à mieux formuler d’autres programmes futurs de même nature dans le pays ou dans d’autres pays. Cela étant il est important de combiner l’analyse d’impact à des évaluations qualitatives, ce qui a été fait dans le cadre du programme des travaux publics au Libéria. Ces dernières évaluations apportent d’autres informations sur l’adéquation ou non du cadre institutionnel, la pertinence des procédures dans la mise en œuvre, etc. autant d’éléments qui sont utiles en eux-mêmes, mais aussi pour mieux comprendre et formuler les bonnes hypothèses pour l’évaluation d’impact.

Les travaux présentés concernent trois pays particuliers, mais les problèmes posés et les conclusions sont généralisables à l’Afrique subsaharienne et même au-delà. Les questions d’accès à l’eau courante, la modernisation d’une agriculture restée trop longtemps une agriculture de subsistance, le sous-emploi des jeunes sont des questions qui concernent un grand nombre de ces pays.

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