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C HAPITRE 3 P ROJET DE MODERNISATION AGRICOLE ET PAUVRETE : L ’ EXEMPLE DU PRESAR EN RDC

3.2. Présentation du projet

3.4.1. Performances de ciblage du projet

Avant de présenter les principaux résultats, il est intéressant d’examiner les performances de ciblage du projet, c’est-à-dire dans quelle mesure le projet bénéficie relativement plus aux ménages pauvres. En effet l’objectif des politiques publiques de faire bénéficier le projet aux populations les plus pauvres n’est pas neutre ; outre le fait que les conditions de vie de ces populations se trouvent améliorées, on sait de plus qu’un programme bien ciblé a de plus grandes chances d’avoir un impact important en termes de réduction de la pauvreté (Komives et al., 2005).

Tableau 3.5. Indicateurs de pauvreté (écart-types entre parenthèses)

Incidence de la pauvreté Profondeur de la pauvreté Sévérité de la pauvreté Ensemble 64.4 (1.9) 30.8 (1.1) 17.7 (0.9) Non-bénéficiaires 63.0 (2.5) 30.6 (1.5) 17.9 (1.1) Bénéficiaires 67.5 (3.1) 31.1 (1.8) 17.4 (1.3)

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On évalue les performances du ciblage en utilisant deux approches. La plus simple consiste, interne à l’enquête du PRESAR, consiste à comparer les niveaux de pauvreté entre bénéficiaires et non bénéficiaires du projet15. Le taux de pauvreté est important parmi ces populations puisque deux personnes sur trois vivent en dessous du seuil de pauvreté16. Mais plus important, on note que la pauvreté semble être moins importante parmi les ménages non bénéficiaires ; ce qui va dans le sens d’un bon ciblage du projet. Cependant ce résultat est à relativiser car il n’est pas robuste à des seuils de pauvreté alternatifs. Par exemple si on considère des seuils de pauvreté plus faibles (par exemple à 18000 FC par mois), on a des taux de pauvreté identiques entre bénéficiaires et non bénéficiaires (voir le graphique 3.2) ; pareillement si on considère des seuils beaucoup plus élevés, (par exemple à 45000 FC par mois).

Graphique 3.2. Distribution de la dépense mensuelle par équivalent-adulte (en milliers de FC)

Source. Calculs de l’auteur à partir des données de l’enquête du PRESAR, 2009

15

On a construit deux indicateurs de bien-être, mais tous deux donnent des résultats cohérents ; par conséquent on retient celui qui est normalisé per l’indice spatial du coût de la vie.

16 Ce taux était évalué à 64.5% en 2004 ; et il n’a apparemment pas changé quoique les deux enquêtes ne soient pas

de même nature. 0 .2 .4 .6 .8 1 0 20 40 60 80 100

Dépense par équivalent-adulte déflatée

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On approfondit la question du ciblage en élargissant le travail précédant. Pour cet exercice, outre l’indicateur de bien-être ci-dessus, on prédit aussi un nouvel indicateur à partir de l’enquête de 2005. La raison en est que cette dernière enquête était une opération d’envergure nationale et elle reste la référence en matière d’évaluation de la pauvreté en attendant la prochaine prévue pour 2012. Pour estimer un indicateur de bien-être à partir des données de 2005, on estime un modèle linéaire ayant comme variable dépendante la dépense par équivalent-adulte et des variables indépendantes communes aux deux enquêtes (composition des ménages, éducation, emploi, caractéristiques du logement, biens durables, etc.). A l’aide de ce modèle, on prédit la dépense par équivalent-adulte des ménages de l’enquête PRESAR pour avoir une variable proxy du niveau de vie du ménage en 2005 ; le modèle utilisé figure en annexe au Tableau A3.3.

L’évaluation des performances du ciblage du programme se fait en examinant la distribution des bénéficiaires d’abord au niveau national (en utilisant l’imputation de l’enquête de 2005), ensuite en examinant leur distribution dans les trois régions du projet en utilisant les deux indicateurs de niveau de vie, celui de 2005 et celui de 2009.

Tableau 3.6. Répartition de la population selon les quintiles de niveau de vie

Quintiles Ensemble des 3 provinces en rapport des quintiles nationaux à partir de 1-2-3 de 2005 Bénéficiaires en rapport des quintiles nationaux à partir de 1-2-3 de 2005 Bénéficiaires en rapport avec les quintiles des 3 provinces à partir de 1-2-3 de 2005

Bénéficiaires en rapport avec les quintiles des 3 provinces à partir du PRESAR de 2009 Q1 15.3 12.7 20.1 17.1 Q2 19.7 21.9 19.9 21.3 Q3 21.1 18.7 20.0 18.2 Q4 20.5 19.6 20.0 21.3 Q5 23.4 27.1 19.9 22.1 Total 100.0 100.0 100.0 100.0

Source. Calculs de l’auteur à partir des données des enquêtes 1-2-3, 2005 et PRESAR, 2009

D’une manière générale, il apparaît que le projet n’est pas bien ciblé. Un examen des deux premières colonnes du tableau 4 montre qu’alors que 56% de la population des trois provinces sont classés dans les trois premiers quintiles (c’est-à-dire 60% des individus les plus pauvres au niveau national), ce pourcentage est de 53% pour les bénéficiaires du projet. A l’autre extrême quelque 23% de la population des trois provinces vit dans le quintile le plus riche (c’est-à-dire

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20% de individus les plus riches), et ce pourcentage dépasse 27% pour les bénéficiaires du projet. Ce résultat est robuste comme on le constate à l’examen des deux dernières colonnes qui sont relatives à la distribution de la population à l’intérieur des provinces en utilisant non pas le niveau de vie au niveau national, mais seulement celui de ces trois provinces. Il en ressort que les bénéficiaires ne font pas nécessairement partie des ménages les plus pauvres, ils proviennent de l’ensemble de la distribution des revenus.

Deux autres indicateurs apportent une confirmation supplémentaire de la faible efficacité du ciblage des ménages pauvres par le projet ; il s’agit d’une part de l’erreur d’exclusion qui est le pourcentage de pauvres exclus du projet et de l’erreur d’inclusion qui est le pourcentage de non pauvres qui en bénéficient. L’erreur d’exclusion est de 61% et l’erreur d’inclusion de 34%. Ainsi s’il y avait des efforts à faire pour un meilleur ciblage, il faudrait examiner dans quelle mesure améliorer la participation des ménages pauvres dans le projet.

Cela étant la question se pose de savoir si un ciblage non orienté vers les plus pauvres est nécessairement un problème pour un projet d’amélioration de la production agricole en Afrique subsaharienne. En effet on peut aussi avancer qu’il peut être utile de cibler les grands producteurs qui pratiquent l’agriculture à une échelle plus importante et qui peuvent bénéficier plus facilement de l’accès au crédit, avoir des économies d’échelle et des coûts de production plus faibles et être plus compétitifs. C’est peut-être la voie pour transformer une agriculture paysanne extensive vers une agriculture plus professionnelle. Cependant ce raisonnement est peut-être valable à moyen et long termes, à plus court terme il y a toujours des petits paysans dont l’Etat a pour rôle d’améliorer les conditions de vie et les revenus, et pour ceux-là, il est encore important d’avoir des projets mieux ciblés vers les plus pauvres.