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32-L’accompagnement dans le cadre du dispositif de microcrédit social : Une approche par les compétences (Maryline Meyer)

Encadré 14 Principaux résultats

 La démarche d’accompagnement « amont » est largement formalisée. Elle est généralement co-construire par le partenaire bancaire et accompagnant.

 La procédure d’accompagnement « amont » est commune à l’ensemble des structures accompagnantes110.

 La démarche de l’accompagnement « aval » est moins avancée à ce jour que celle de l’accompagnement « amont ».

 L’accompagnement « aval » varie en fonction des choix stratégiques réalisés par les établissements prêteurs et de leur ancienneté dans le dispositif de MCS. Les partenaires se sont peu interrogés au début de l’expérimentation sur cet accompagnement. Ils apprennent par la pratique.

 Les accompagnants sont amenés à rencontrer deux à trois fois plus de demandeurs que de bénéficiaires réels de microcrédit social. Ces rencontres doivent être comptabilisées dans le travail d’accompagnement social.

 L’accompagnement social consiste à co-construire avec le demandeur son propre projet. De nombreuses demandes ne sont pas instruites car les personnes choisissent avec l’aide de l’accompagnant de se réorienter vers une autre solution. Il existe une corrélation négative entre l’accompagnement social et le nombre de prêts accordés (FIMOSOL, 2008).

 L’accompagnement financier contient un accompagnement bancaire, strictement lié au crédit, et budgétaire visant à améliorer la situation globale du bénéficiaire de MCS.

Source : M.Meyer, FIMOSOL, rapport final au HCSJ et à la DIIESES, juillet 2009

L’accompagnement n’est pas figé dans une procédure unique. Il varie selon des facteurs propres aux organisations mais aussi aux personnes. Dans le cadre de l’étude du partenariat historique entre le CCAS d’Angers et le Crédit Municipal de Nantes, nous avons identifié une variété d’accompagnement selon le statut et les motivations des parties prenantes au dispositif (FIMOSOL, 2008). L’analyse de plusieurs autres partenariats en Région Ouest confirme cette diversité et nous permet de donner des éléments explicatifs.

Un accompagnement inscrit dans un environnement institutionnel et organisationnel

L’accompagnement est endogène à la gouvernance du partenariat ainsi qu’à celle des organisations partenaires. En d’autres termes, cette démarche est indirectement influencée par l’ensemble des processus et des règles, formelles et informelles, qui régissent les relations entre les organisations partenaires. Ces règles sont elles-mêmes déterminées par les objectifs qui gouvernent

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les organisations partenaires. Par ailleurs, les ressources financières et humaines dont disposent les structures influencent la qualité de l’accompagnement réalisé dans le cadre du microcrédit social.

La forme prise par l’accompagnement dans le dispositif de MCS, plus précisément le partage des compétences, reflète la culture des organisations partenaires et le profil des dirigeants. Elle est toujours le fruit d’une réflexion collective, parfois impulsée ou orientée par un ou plusieurs porteurs de projet.

Les administrateurs du Crédit Mutuel Anjou ont porté ensemble le microcrédit social car c’est un projet qui ancre la banque dans ses racines mutualistes. Ils se sont appropriés cet outil en le rebaptisant « crédit accompagné » pour insister sur la notion d’accompagnement qui est, selon la déclaration de la responsable de la vie du mouvement, le métier de l’association partenaire. La finalité du Crédit Mutuel Anjou est de réinsérer un public spécifique dans une démarche bancaire « accompagnée » mais aussi de rester attachés à leur territoire en consolidant leurs liens avec des associations locales comme les Restaurants du Cœur. Aussi, dans le cadre de ce partenariat, l’accompagnement est largement assuré par les bénévoles de l’association qui bénéficient dans l’exercice de cette mission de la confiance de l’établissement bancaire. La Fédération toulousaine du Crédit Mutuel, précurseur du microcrédit avec le Secours Catholique, a adopté en 2004 une toute autre orientation stratégique en confiant aux administrateurs l’accompagnement des demandeurs de microcrédit. Ici, la volonté est d’impliquer les bénévoles élus de la banque dans leur structure.

Un autre exemple original est celui de l’association Parcours Confiance Pays de la Loire où l’activité microcrédit est née d’une vision partagée entre le directeur et président de l’association Parcours Confiance Pays de la Loire se différencie culturellement du modèle national111. Son directeur déclare :

« Dans l'esprit, nous ne sommes pas un dispositif de lutte contre l'exclusion bancaire, nous sommes un dispositif de lutte contre l'exclusion financière….Quand il y a un problème financier, on peut avoir des problématiques d'accès à l'assurance, on peut avoir des problématiques d'accès à la santé, on peut avoir des problématiques sur la création d'entreprise... »112.

111 Selon le modèle national, un chargé de clientèle Caisse d'Epargne est détaché au sein de chaque association Parcours

Confiance pour prendre en charge le suivi d’un certain nombre de personnes. Il étudie chaque situation, réalise les entretiens de diagnostic, fait une prescription et participe aux décisions bancaires. Il accompagne la personne jusqu’à la stabilisation de sa situation. L’association n’a pas vraiment d’identité propre et ne travaille pas directement avec des structures accompagnantes.

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Cette approche élargie du microcrédit social est issue d’une réflexion commune entre le directeur actuel de l’association et son président. Elle induit notamment une plus grande souplesse dans l’octroi des prêts évoquée précédemment et une lecture approfondie des dossiers de demande qui devient lourde pour l’établissement mais qui satisfait les structures accompagnantes partenaires. En effet, la lecture du dossier est sociale avant d’être bancaire. Dans la mise en œuvre du dispositif de microcrédit, le binôme a, par ailleurs, pris conscience de l’impossibilité technique de recevoir les personnes en face à face : « on aura jamais 150 000 collaborateurs sur le terrain ». De ce constat est née l’idée de travailler étroitement avec des structures accompagnantes en leur accordant une certaine confiance.

Le modèle partenarial détermine également la forme prise par l’accompagnement au sein des structures. Dans le cadre du partenariat public entre le Crédit Municipal de Nantes et le CCAS d’Angers, c’est un comité d’usagers113 qui en a défini les règles. Ce collectif représentatif des bénéficiaires de l’aide sociale n’a pas souhaité que les demandeurs de MCS soient accueillis par un « accompagnant référent », comme prévu par la charte, et il a refusé l’idée d’un accompagnement systématique : « Si on est sous votre contrôle, comment s’autonomiser ? » 114 Cette vision du microcrédit social a contribué au fait que les agents d’accueil du CCAS d’Angers, fonctionnaires de mairie qui ne sont pas formés à l’accompagnement, puissent instruire des dossiers de prêt (FIMOSOL, 2008). Le partage des missions entre la banque et le CCAS, décidé par le comité d’usagers, devait être en lien avec les compétences des acteurs. Ainsi, l’accompagnement « amont » est réalisé par le CCAS d’Angers car les usagers attendent à ce stade une écoute attentive. En termes d’accompagnement « aval », la mission du CCAS est plus limitée que celle du Crédit Municipal de Nantes. Le CCAS n’intervient qu’en cas de défaut de paiement de façon à responsabiliser les bénéficiaires vis-à-vis de l’établissement prêteur. Il est important de souligner que les travailleurs sociaux et agents d’accueil du CCAS, s’ils n’étaient pas décisionnaires, ont participé aux réflexions initiant le projet microcrédit social et sa mise en œuvre. Ils ont réussi à « s’approprier » l’outil, ce qui améliore leur implication dans le dispositif et donc, leur accompagnement.

Le modèle partenarial privé avec structure bancaire dédiée du type de celui qui rassemble Parcours Confiance Pays de la Loire et le Secours Catholique 49, est également intéressant à plusieurs titres. Ces structures, toutes deux associatives, sont très éloignées culturellement : la

113 Les usagers du comité sont ceux bénéficiant ou ayant bénéficié des services du CCAS, les associations qui oeuvrent

dans le champ de la solidarité, les élus de la Ville d’Angers et les agents du CCAS et de la Ville.

114 Extraits du discours des usagers lors de la construction du dispositif de MCS rapportés par la directrice du CCAS

première porte la culture de la banque et la seconde, celle du don. Pourtant, ces organisations partenaires ont réussi à créer une forme d’accompagnement efficace à travers un respect mutuel de leurs compétences respectives. Comme la structure bancaire et accompagnante sont co- décisionnaires dans l’octroi du prêt, un équilibre du pouvoir s’est naturellement créé au sein du partenariat et les bénévoles se montrent dès lors moins réticents à « faire » du microcrédit social. Parce que les relations entre les partenaires sont largement basées sur la confiance et l’entraide, l’accompagnement des bénévoles « de terrain » est facilité. Au-delà de formations spécifiques proposées par Finances &Pédagogie, ils bénéficient, à la demande, au cours du processus d’instruction du soutien de la délégation départementale mais également du banquier.

Cette relation s’apparente à du tutorat. Nous pouvons identifier au sein de ce partenariat privé original un véritable engagement du banquier vis-à-vis de la structure accompagnante. Un élément important de la charte de l’accompagnement est clairement mis en œuvre : « l’établissement prêteur

sensibilisera, si nécessaire, la structure d’accompagnement sur la culture bancaire de base ».

Le partenariat privé entre le Crédit Mutuel Anjou et les Restaurants du Cœur 49 fonctionne sur un modèle sensiblement différent.

« La fédération est une association. On a beaucoup fonctionné sur le bénévolat, on est né du bénévolat, ce qui n'est pas le cas de la Caisse d'Epargne. Donc on a une culture du bénévolat. Ça nous ressemble. »115

C’est la proximité idéologique entre les partenaires, qui génère ici une relation de confiance qui permet de dédramatiser la banque. « Le retour à la banque » des bénéficiaires de MCS peut s’en trouver facilité.

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Tableau 32- Les modèles partenariaux dans le cadre du dispositif de MCS

Modèle partenarial Exemple Caractéristiques principales

Public Crédit Municipal de Nantes & CCAS d’Angers

- Co-construction du dispositif CCAS Angers et comité d’usagers

- Comité de crédit CCAS

- Instance décisionnaire politique

- Gouvernance formelle116

Public/ Privé Crédit municipal de Nantes & l’association Comptoir de Vie

- Adaptation de la convention passée avec le CCAS d’Angers - Absence de comité de crédit - Structure bancaire décisionnaire - Gouvernance formelle

Privé avec structure bancaire dédiée

Parcours Confiance & Secours Catholique

- Comité de crédit mixte

- Co-décision structure bancaire et structure accompagnante

- Gouvernance hybride : formelle et informelle117

Privé avec structure bancaire non dédiée

Crédit Mutuel & Restaurants du Cœur - Absence de comité de crédit - Structure bancaire décisionnaire - Gouvernance largement informelle

Source : M. Meyer, FIMOSOL rapport final pour HCSA-DIIESES, juillet 2009.

Au sein de la plupart des structures parties prenantes du dispositif de MCS, les ressources humaines nécessaires à la bonne réalisation de la mission d’accompagnement manquent. S’engager dans l’activité microcrédit social est la volonté politique d’une grande majorité des associations sociales. Certaines têtes de réseaux accompagnants, comme les Restaurants du Cœur, ont recruté un chargé de mission dédié à l’animation et au développement du microcrédit social au niveau national. Mais, au niveau local, le microcrédit social représente la plupart du temps une activité annexe, complémentaire au cœur de métier de la structure accompagnante. Rares sont les organisations rencontrées en Région Ouest qui, faute de ressources financières notamment, dédient entièrement des salariés à l’activité microcrédit social118. Les salariés de ces structures instruisent des demandes de prêt en supplément de leur activité « normale ».

116 Nous entendons par « gouvernance formelle » un mode de gouvernance essentiellement basé sur des règles et

procédures écrites (convention de partenariat, courriels, fiche de liaison, dossier de prêt…).

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La « gouvernance informelle » est définie comme un mode de gouvernance essentiellement basé sur la confiance et les normes sociales.

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La charge administrative induite par la préparation et le suivi de dossiers est souvent lourde à assumer pour la structure accompagnante. L’association Comptoir de Vie, terrain de notre expérimentation, a évalué le temps respectif consacré au travail administratif et à l’accompagnement des personnes. Elle révèle que le temps administratif représente au total le double du temps de l’accompagnement119. Cette charge de travail est également difficile à « supporter » par les accompagnants eux-mêmes et peut conduire à une certaine démotivation qui nuit à terme à la qualité de l’accompagnement.

Un responsable de l’UDAF 49 souligne que les travailleurs sociaux, même s’ils ont le désir de participer à l’activité microcrédit, ne peuvent s’investir pleinement. Comme témoigne l’un d’entre eux : « accompagner c’est prendre du temps » et ce temps, ils n’en disposent pas toujours. La mission d’accompagnement dans le cadre du dispositif de MCS est intensive en capital humain. Une stagiaire du CCAS de Nantes a récemment réalisé dans le cadre de sa mission une estimation des ressources humaines nécessaires à la réalisation des objectifs fixés en amont dans le cadre de nouveaux partenariats et de la mise en place d’une ambitieuse Mission de Conseil en Finances Personnelles. Cette évaluation est riche d’enseignements quant au volume de travail nécessaire à un accompagnement efficace dans sa double dimension sociale et financière.

Encadré 14 : Estimation du temps salarié dédié à l’activité MCS au CCAS de