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4.2.4 Principales propriétés physiques dans l'état piégé

4.2.4.1 Transport ohmique

Comme le montre la figure 4.2, la résistivité électrique présente une large anisotropie cohérente

avec un comportement quasi-1D: b

a2c

~100 et etb

⊥2 01

~ 1000 , plus importante que dans le

cas de NbSe3 (voir chapitre 5 Microscopie à effet tunnel de la surface (100) de NbSe3 à basse

température), et une transition métal-semiconducteur marquée (voir par exemple Bervas et al., 1984).

Fig 4.2: Résistivité électrique (échelle log) de Rb0.3MoO3 en fonction de l'inverse de la température le long de b, [102] et perpendiculairement aux bi-couches octaédriques (d'après Bervas et al., 1984).

Ceci suggère que la surface de Fermi n'est pas loin d'être planaire dans l'état métallique, ce que confirme les calculs de structure de bandes (voir plus loin), et est donc complètement détruite par la

transition, ce qui n'est pas le cas de NbSe3 qui reste métallique à toute température. Les données

d'effet Hall (par exemple Bervas et al., 1984) et de pouvoir thermoélectrique (Perloff, Vlasse, and Wold, 1969) montrent que les porteurs majoritaires sont des trous au-dessus de Tp et des électrons au-dessous. Comme le paramètre d'ordre et donc le gap de Peierls augmentent avec la diminution de température jusqu'à 50K, on n'attend pas une simple loi d'activation pour les propriétés de transport au-dessus de 50K. Entre 30K et 70K la résistivité montre une énergie d'activation de 0.03 eV, or à partir des mesures de réflectivité optique on peut estimer un gap de Peierls d'environ 0.15 eV, ceci suggère que le bronze bleu n'est pas un semiconducteur parfaitement intrinsèque mais possède des états d'énergie dans le gap de Peierls. Ces états localisés

pourraient correspondre à des défauts de stoechiométrie donnant naissance à des états Mo5 + 4d1

 , à des dislocations de phase ou des états midgap prédits par la théorie (Chakraverty, 1986;

Machida, and Nakano, 1985). Le rapport 2

kTp entre le gap de Peierls et le produit kTp vaut

environ 9, ce qui est beaucoup plus grand que la valeur B.C.S. qui vaut 3.52 . Ceci est habituellement attribué à l'existence de fortes fluctuations statistiques thermiques 1D dans ces composés, ce qui du reste a été étudié expérimentalement en détail dans le cas du bronze bleu, ou bien à des effets de couplage fort électron-phonon (voir par exemple Monceau, 2006).

4.2.4.2 Susceptibilité magnétique, propriétés thermiques et élastiques

La thermodynamique de la transition de Peierls a notamment été étudiée par des mesures de susceptibilité magnétique, de chaleur spécifique, et de module de Young, dont nous rappelons ici les principaux résultats.

La susceptibilité magnétique  du bronze bleu K présente une anisotropie entre une aimantation

dans le plan des couches (plan 2 01 ) et hors plan. L'analyse montre que

=diaPauliVan Vleck et que l'anisotropie est principalement due à l'anisotropie du

paramagnétisme de Van Vleck, relié à l'anisotropie de la structure de bandes. La décroissance de

 avec la température est attribuée à l'annulation progressive de Pauli associée à l'ouverture du

gap de Peierls. Ces différentes caractéristiques sont visibles sur la figure Figure 4.3. L'analyse de Johnston (Johnston, 1984) montre l'importance des fluctuations et conduit à un pseudogap de 200K au-dessus de Tp.

La température de Debye des bronzes bleus K et Rb est d'environ 300K, principalement déterminée

par les octaèdres MoO6 (Konaté, 1984).

Les études de chaleur spécifiques montrent une anomalie entre 150K et 190K (Konaté, 1984).

Enfin, les mesures de module de Young montrent près de Tp une importante anomalie

4.2.4.3 Cristallographie, diffraction de rayons X, RMN, diffraction de neutrons La structure cristalline fut ensuite raffinée par Ghedira et al. (Ghedira et al., 1985) puis plus récemment par Schutte et de Boer, (Schutte and de Boer, 1993). Nous donnons ici plus de détails sur ces résultats cristallographiques, en vue de les utiliser pour l'interprétation des résultats STM. Schutte et de Boer calculent la distribution des états de valence 4d pour le bronze K en se basant sur

la formule de Zachariasen5

(Zachariasen, 1978; Pauling, 1960), pour les trois sites indépendants Mo(1), Mo(2) et Mo(3). Ces auteurs montrent qu' à 298K, seulement 12% de ces électrons se trouvent sur le site Mo(1), 45% sur Mo(2) et 43% sur Mo(3), pour respectivement 13%, 44% et 43% à 100K. La densité observée est légèrement plus importante sur le Mo(1) pour le bronze de Rb

que pour le bronze de K à 298K, mais le transfert de charge en dessous de Tp se fait cette fois à

l'inverse du bronze de K, du Mo(1) vers les Mo(2) et Mo(3). Les amplitudes des modulations ODC des composés K et Rb diffèrent seulement légèrement. Les atomes les plus déplacés sont les Mo(2) et Mo(3) avec une amplitude de 0.03 ˚A et 0.05 ˚A suivant les directions [221] et [201] respectivement (essentiellement dans le plan des couches perpendiculairement à b ). Schutte et de Boer soulignent également, dans le but d'expliquer la transition métal-semiconducteur (et le transport non-linéaire associé), comment de petites distorsions dans la structure modulée peuvent

affecter le recouvrement critique c des orbitales cation-anion-cation et avec la mise en place de

l'ordre de charge donner lieu à la localisation des électrons le long des chaines. En comparant les distances Mo-O le long des chaînes dans le bronze rouge (semiconducteur à 300K) et dans le bronze

bleu de K dans la phase métallique puis semiconductrice, ils trouvent c~ 1.96 ˚A (valeur similaire

pour le bronze bleu de Rb). Ainsi, tandis que dans la phase métallique  ~ 1.94 ˚A ,  ~ 1.97 ˚A

dans la phase ODC. En conclusion, ces auteurs soulignent que, contrairement à nombreux composés

5 Cette formule, donne dans le cas d'un oxyde, la valence d'un anion (cation) donné en fonction de la force des liaisons formées par cet anion (cation) avec les cations (anions) environnant. Cette force s'exprime en fonction des longueur des liaisons anion-cations, ici Mo-O.

Fig 4.3: Susceptibilité magnétique de K0.3MoO3 en fonction de la température pour différentes orientations du champ magnétique (d'après Schneemeyer et al., 1984).

ODC dans lesquels il y a des liaisons métal-métal directes (ici dMo−Mo~ 3.7 ˚A est trop grande pour un recouvrement direct des orbitales Mo-Mo) qui sont périodiquement modulées dans la phase ODC (entraînant ainsi des variations directes de charge de valence sur les sites métalliques), dans le cas du bronze bleu les distance Mo-Mo restent constantes mais les distances Mo-O sont modulées et induisent les variations de charge de valence sur les sites métalliques. Ces auteurs proposent que le

même mécanisme se produit pour NbSe3 via les liaisons Nb (métal) – Se (non métal).

Les études diffusion diffuse de rayons X ont montré la présence de raies diffuses dans l'espace

réciproque parallèles à b* au-dessus de Tp , se condensant à la transition en réflections satellite

bien définie de vecteur d'onde qODC=0,1−qb, 0.5 avec 1−qb évoluant de ~ 0.70 à 300K à

une valeur incommensurable très proche de 0.75 à 100K, puis restant constant en dessous de 100K (Fleming, Schneemeyer, Moncton, 1985; Pouget et al., 1985). La présence d'une transition de lock-in à la valeur commensurable 0.75 n'a pas été établie (Pouget, 1989). En traçant la raclock-ine carré de l'intensité intégrée des tâches satellites de l'ODC en fonction de la température (voir figure 4.4), les données de rayons X montrent que le paramètre d'ordre de la transition évolue de façon assez comparable au paramètre d'ordre B.C.S. (Pouget et al., 1985).

L'existence d'une ODC incommensurable est confirmée par RMN (utilisant les noyaux de Rb comme sondes) jusqu'aux plus basses températures (Berthier et al., 1992). L'analyse des

fluctuations de l'ODC au-dessus de Tp par rayons X, en extrayant la longueur de corrélation

phase-phase des profils des taches satellite suivant les différentes directions cristallographiques, montrent que les fluctuations sont bidimensionnelles dans le plan des couches au-dessus de 200K et deviennent tridimensionnelles en-dessous de 200K (Girault, Moudden, and Pouget, 1989). Comme mentionné précédemment, les cristaux de bronze bleu étant suffisamment larges, la diffraction inélastique de neutrons a pu être utilisée pour mettre en évidence le mode mou provoquant

l'anomalie de Kohn au-dessus de Tp, ce mode se scindant en un mode d'amplitudon et de phason

en-dessous de 220K qui ont pu être analysés également (Pouget et al., 1991; Pouget et al., 1989). L'analyse de la dispersion du mode de phason permet de remonter à la vitesse de l'ODC, qui près de

Fig 4.4: Racine carrée de l'intensité intégrée d'un pic satellite de l'ODC du bronze bleu mesuré par rayons X en fonction de la température, proportionnelle au paramètre d'ordre de la transition métal-ODC (Pouget et al., 1985).

Tp vaut environ un centième de la vitesse de Fermi, correspondant à une masse de l'ODC de ~150me. Mentionnons également que très récemment, les modes de phason et d'amplitudons ont pu également être observés par diffraction inélastique de rayons X au-dessus de 100K, en accord avec les résultats de diffraction inélastique de neutrons ( Ravy et al., 2004).

4.2.4.4 Effet des impuretés et des défauts ponctuels

Le dopage avec des impuretés isoélectroniques comme W substituées sur les sites Mo ou le Rb sur

les sites K, agit très différemment sur la température de transition Tp (Brusetti et al., 1981; Yue

et al., 2005). La substitution d'alcalins produit des effets mineurs tandis que la substitution de W diminue fortement la résistivité de la phase semiconductrice, divise par deux l'énergie d'activation de la phase basse température pour un dopage de 12% (Schneemeyer et al., 1985) et élargit la transition. Ces effets sont interprétés par la formation d'une bande d'impuretés dans le gap de Peierls.

Le dopage avec des impuretés non-isoélectroniques comme le vanadium sur les sites Mo modifie au

contraire qb. Ceci s'interprète simplement en termes de modification du nombre de charges dans les

bande de valence (V5+

substitué à la place de Mo6+

). Le remplissage des deux bandes de valence pour le composé dopé est donc différent du remplissage du composé pur. Cela conduit à un vecteur

de Fermi, donc à un vecteur de nesting, et donc à une composante qb du vecteur de l'ODC différente

de celle du composé pur, et dépendante de la concentration en vanadium (Girault et al., 1988). Par ailleurs, tandis que dans le cas d'échantillons purs la résolution du profil des pics satellites des ODC est limitée par la résolution expérimentale, cet ordre à longue distance diminue en présence d'impuretés. Une étude récente (Rouzière et al., 2000) généralisée dans (Ravy et al., 2006) sur le

même système avec un dopage de 2.8%, a montré que l'intensité des pics satellites à -2kf (-qb)

devenait asymétrique par rapport à celle à +2kf (+qb) et que le profil de chacun de ces pics devenait

également asymétrique, par opposition au cas du composé pur où les intensités et profils des pics satellites sont symétriques (Brazovskii et al., 1997). Ces auteurs ont montré que ces effets étaient dus à la présence d'oscillations de Friedel (FO) au voisinage des atomes de vanadium. Les asymétries d'intensité sont attribuées à la cohérence entre la position des impuretés et celle de l'ODC déformée par la FO. Les asymétries de profils sont une preuve de la distorsion de la phase de l'ODC, correspondant ici à une diminution de la densité électronique au voisinage d'une impureté.

De façon surprenante, dans les bronzes bleus K0.30MoO3 et K0.28MoO3 le même vecteur d'onde

1−qb a été mesuré (Girault et al., 1987). On s'attendrait pourtant dans une vision simple des

choses, à modifier directement la quantité d'électrons concernés par le transfert de charge, donc le

niveau de Fermi et par conséquent le vecteur de nesting et à diminuer 1−qb de 0.75 à 0.70

environ. Ceci a été interprété de deux manières: ou bien les lacunes d'alcalins sont compensés par une autre non stoechiométrie locale (sur les sites oxygène plus probablement) ou bien il y a un gondolement supplémentaire de la surface de Fermi permettant un nesting impliquant le même vecteur d'onde que dans le cas stoechiométrique.

Au contraire, les défauts ponctuels de type lacune-intersticiel créés par irradiation électronique ont un effet important sur la température de transition et sur la valeur du gap de Peierls, provoquant une

diminution linéaire de ces quantités en fonction de la dose utilisée jusqu'à environ 0.3C/cm2

. Pour une dose plus élevée, le système redevient métallique (Mutka et al., 1984).

4.2.4.5 Structure de bandes

Une première structure de bande schématique pour une chaîne fut esquissée par Travaglini et

Waechter (Travaglini, and Waechter, 1985) par analogie avec ReO3.

Un calcul de liaisons fortes plus complet pour une bicouche Mo10O30 fut effectué ensuite par Whangbo et Schneemeyer (Whangbo and Schneemeyer, 1985). Comme expliqué dans les chapitres

4.2.1 et 4.2.2 page 60 et suivantes, sans aucun alcalin dans la structure (soit MoO3) chaque atome de

molybdène serait dans l'état Mo6 + ( d0 ), chaque oxygène dans l'état O2 - , le bloc de bandes d

serait donc vide et la structure toujours semiconductrice (ce qui est expérimentalement observé). Dans la structure centrée de Graham et Wadsley ( Graham and Wadsley, 1966), il y a l'édifice moléculaire A6Mo20O60 par maille (où A=K, Rb), ce qui donne 6 électrons pour remplir les 5∗20=100 bandes d. Il y a donc un petit nombre de bandes d partiellement remplies responsable

des propriétés métalliques quasi-1D du bronze bleu au-dessus de Tp . Le calcul est compliqué par

le fait que les octaèdres ne sont pas parfaits mais distordus dans la structure réelle (cf. chapitre 4.2.2 page 60). Cette configuration octaédrique lève la dégénérescence des 5 orbitales d en 2 sous-bandes

t2g et eg. Les bandes remplies font partie de t2g, car les eg sont plus hautes en énergie. Le calcul

Whangbo et Schneemeyer conduit à deux bandes 1 et 2 quasi-parallèles coupant le niveau de Fermi. La bande 1, la plus basse en énergie, est associée aux états provenant principalement des octaèdres III, la bande 2 elle est associée aux états provenant majoritairement de la chaîne II. Les deux vecteurs de Fermi obtenus sont kf1=0.33 b*

et kf2=0.42 b*

, ce qui a conduit ces auteurs à expliquer avec succès que le vecteur de nesting expérimentalement observé provient du nesting des

états de la première bande vers ceux de la seconde suivant la relation 1−qb=kf1kf2=0.75 b*

. Ceci a pour effet de faire d'une pierre deux coups, puisque de cette manière deux fois plus d'états sont couplés que dans les nesting plus habituels d'un feuillet à l'autre d'une même bande (cf. Fig. 2.1 chapitre 2.3 page 18). Toutefois la dispersion calculée pour la bande 1 est plus faible que celle observée en photoémission (voir chapitre 4.3.1.2 page 69).

Ces calculs sont affinés par les calculs ab initio de Mozos, Ordejon et Canadell (Mozos, Ordejon, and Canadell, 2002) suivant la théorie de la fonctionnelle de la densité dans l'approximation du gradient généralisé. Deux bandes coupant le niveau de Fermi sont également prévues et ces auteurs

confirment la propriété de nesting de la bande 1 vers la bande 2 menant à 1−qb=0.75b*

(voir

figure 4.5). Selon eux, l'énergie de couplage transverse (suivant a2 c ) est petite devant Tp ,

donc la valeur expérimentale de 1−qb=0.72 b*

à 180K reste une question ouverte. Ils obtiennent une dispersion pour la bande 1 plus conforme aux résultats de photoémission. Enfin la distribution de la densité d'états électronique (DOS) sur les différents sites de la structure est montrée sur la figure 4.5. En cohérence avec les résultats de rayons X (Schutte and De Boer, 1993), elle se répartie principalement sur les sites Mo(2) et Mo(3) de la structure, les sites alcalins ayant une DOS nulle