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4.3.2 Microscopie électronique à effet tunnel (STM)

4.3.2.1 Introduction

Les résultats de rayons X en incidence rasante et de photoémission présentés ci-dessus montrent que l'ODC existe en surface du bronze bleu, et en particulier existe également dans la première bi-couche de surface avec des caractéristiques similaires à celles développées dans le volume. On s'attendrait donc à ce que la STM puisse révéler de même l'ODC en surface du bronze bleu, avec un vecteur d'onde similaire à celui du volume. Plus précisément qODC _ bulk± =±qbb*0.5 c*

dans le

volume avec qb=0.25 (Schutte and De Boer, 1992). La projection de ce vecteur sur le plan de

qODC _ bulk±b

b2 qb

b soit qODC _ bulk

±

b

b=±qbb*

et pour la composante suivant a2 c :

qODC _ bulk±a2 c

∣a2 c∣=

2

∣a2 c∣ soit qODC _ bulk

±

a2 c

∣a2 c∣=∣a2 c

*

∣ où on a défini de manière

naturelle les vecteurs b * et a2 c*

comme vecteurs réciproques bidimensionnels des vecteurs b et a2 c . Ainsi la projection du vecteur d'onde de l'ODC dans le plan

b , a2 c  s'écrit:

qODC _ surface± =±qbb*a2 c*

Ce résultat est en accord avec celui de Walter et al. (Walter et al., 1992) avec la différence que

qb=0.25 ici, en accord avec l'expression de départ de Schutte et De Boer écrite ci-dessus.

La structure dans le plan b , a2 c  est montrée par une vue idéalisée de face sur la figure 4.8. Les trois types d'octaèdres I, II et III sont indiqués, ainsi que la maille de surface rectangulaire centrée formée par les vecteurs b et a2 c .

La figure 4.8 montre la vue de côté de la structure au voisinage de la surface (les deux types d'atomes alcalins ne sont pas indiqués sur la vue de face mais le sont sur la vue de côté).

Fig 4.8: A gauche: vue idéalisée de face de la structure de surface du bronze bleu dans le

plan 2 0 1 . A droite: vue idéalisée de côté de la structure du bronze bleu projetée sur le

plan perpendiculaire à l'axe b. Les ronds pleins (numérotés 1) représentent la position de volume des atomes alcalins (Rb) les plus hauts par rapport à la surface (représentée en traits tiretés), les ronds vides (numérotés 2) représentant les alcalins situés 1.2 ˚A plus bas. Les trois octaèdres les plus hauts par rapport à la surface sont indiqués par les carrés de couleur rouge (type I) , bleu (II) et vert (III), indiqués par les flèches; leur centre se trouvent respectivement 1.8 ˚A , 2.4 ˚A et 3.5 ˚A sous la surface.

4.3.2.2 Les résultats antérieurs

Les premières expériences furent menées à l'air et à température ambiante (Heil et al., 1989; Anselmetti et al., 1990; Rudd et al., 1991) sur les bronzes de K et de Rb. Elles aboutirent à des résultats cohérents montrant les chaînes unidimensionnelles formant une maille de surface rectangulaire centrée, en accord avec les paramètres de maille de volume mesurés par rayons X. Comme on le voit sur l'image de gauche de la figure 4.9, à l'intérieur d'une maille élémentaire, le motif observé est de forme triangulaire et suggère la possibilité d'obtenir une résolution quasi-moléculaire du bronze bleu. Anselmetti et al. sont les seuls à signaler l'observation de grandes structures longilignes orientées parallèlement aux chaînes de quelques dizaines de nm de large et jusqu'à ~100nm de long, à l'intérieure desquelles les chaînes unidimensionnelles sont également observées. Cependant, ces structures n'ont ensuite été rapportées par aucun autre groupe, et nous ne les avons pas observées non plus ce qui jette un doute sur la généralité de ce résultat, plus probablement attribuable à une forme de contamination de surface (mesures à l'air) ou bien à une

particularité structurale de l'échantillon observé. Les corrugations mesurées sont de ≃3 ˚A ce qui

est environ un ordre de grandeur plus grand que les corrugations que nous avons mesurées sur des surfaces clivées sous UHV, mais en relatif accord avec la variation topographique de hauteur entre

l'octaèdre MoO6 de type I (le plus haut) et celui de type III (le plus bas) qui vaut 1.8 ˚A .

Une seconde série d'expériences a porté sur la mesure de l'ODC à la surface du bronze bleu

en-dessous de Tp , d'abord en milieu liquide (Nomura and Ichimura, 1989a,1989b; Walter et al.,

1992) puis dans un vide secondaire ( 10−6torr ) mais sur un échantillon fraîchement clivé à l'air

(Tanaka, Ueda and Sato, 1993). Nomura et Ichimura (Nomura and Ichimura, 1989a,1989b) ne parvinrent pas à imager ni le réseau de surface du bronze bleu, ni l'ODC à 80K dans l'azote liquide.

2(a+2c)*

2b*

2(a+2c)*

2b*

Fig 4.9: A gauche: image STM topographique avec résolution quasi-moléculaire de Rb0.3MoO3; la double flèche indique le paramètre b le long d'une chaîne (conditions de mesure:+100mV, 300pA) (d'après Rudd et al., 1991). Au centre, image STM de K0.3MoO3 dans la phase incommensurable à 143K (d'après Walter et al., 1992); la maille de surface rectangulaire centrée est indiquée par un rectangle rouge de côté b le long des chaînes et ∣a2 c∣ perpendiculairement aux chaînes. A droite, transformée de Fourier de l'image STM du centre montrant les pics du réseau atomique de surface formant un réseau rectangulaire centré défini par les vecteurs 2b* et 2(a+2c)* (d'après Walter et al., 1992).

Ayant déposer des contacts d'indium sur le bronze bleu, ils affirmèrent toutefois avoir détecté un pic de bruit dans le spectre de fréquence du signal de courant tunnel lorsque l'échantillon était polarisé au-delà de son champ seuil, ce qu'il ont attribué au dépiégeage de l'ODC. Comme ils n'ont toutefois pas réussi à mesurer ni le réseau de surface ni l'ODC, il est plus probable que ce pic soit dû, comme le suggère Walter et al., à une tension oscillante due au bruit quasi-périodique de bande étroite (NBN) qui s'établit aux bornes de l'échantillon par le dépiégeage de l'ODC, plutôt qu'à une mesure directe du dépiégeage local de l'ODC sous la pointe de l'échantillon (voir chapitre 2.6.3 page 27). Cette tension de NBN aurait modulé la tension de bias entre la pointe STM et l'échantillon, et donc le courant tunnel.

Les mesures de Walter et al. sont, me semble-t-il, les plus soignées et les mieux analysées de cette série d'expérience. Elles sont effectuées sur les bronzes de K et de Rb et mènent à des conclusions identiques pour les deux composés. Lorsque l'échantillon est clivé à l'air, ils observent systématiquement de la contamination sur la surface et n'arrivent pas à obtenir la résolution moléculaire. Les échantillons sont alors clivés dans N2 gazeux sec ou dans l'hexadécane, puis

mesurés ensuite à 77K dans N2 liquide ou à 143K dans un bain de pentane. De cette manière, ils

réussissent à obtenir la résolution moléculaire à 77K, 143K et 300K. Un exemple est donné sur

l'image du centre de la figure 4.9) ci-dessus à 143K (en-dessous de Tp ), les résultats obtenus à

77K étant similaires9

. Comme on peut le voir dans l'image, les chaînes 1D sont bien visibles et la maille de surface rectangulaire centrée est indiquée par un rectangle rouge. Il n'y a cependant pas de trace évidente de sur-modulation due à l'ODC. L'image de droite de la figure 4.9 montre la transformée de Fourier 2D de l'image STM du centre de la figure 4.9. On peut voir les premiers ordres du réseau bidimensionnel de surface indexés par les vecteurs 2 b* et 2a2 c *

(en rouge), vecteurs primitifs de la maille rectangulaire centrée dans l'espace réciproque. Aucun pic de sur-structure dû à l'ODC n'est cependant visible. Dans une tentative supplémentaire pour voir des signatures de l'ODC, ils appliquèrent un champ électrique valant trois fois le champ électrique seuil à la surface de l'échantillon. Ceci n'a eu aucun effet perceptible sur leurs images STM mesurées à 77K ou 143K par rapport à la situation sans champ, illustrée sur la figure 4.9. Les mesures de Tanaka, Ueda et Sato sont en accord avec celles de Walter et al.: le réseau de surface est imagé à 78K mais aucune trace de l'ODC. Ils rapportent par ailleurs des problèmes de contamination importants de surface lors de cyclage en température. Mentionnons enfin une contribution annonçant, après la parution de notre travail, la mesure de l'ODC par STM à température variable dans le bronze bleu de rubidium (Nikiforov et al., 2006). Toutefois, aucune publication à ce sujet n'a encore paru de la part de ces auteurs.

4.3.2.3 Conclusion des mesures STM antérieures

En conclusion, Walter et al. et Tanaka, Ueda, Sato, proposent, pour être cohérent avec les résultats de rayons X en incidence rasante (Zhu et al., 1990) qui prouvent que le paramètre d'ordre est

presque le même depuis 20 ˚A (correspondant aux 2.5 bi-couches MoO3 de surface) jusqu'à

1000 ˚A (respect. 125 bi-couches) sous la surface que:

i) ou bien l'ODC disparaît dans la dernière bi-couche MoO3

ii) ou l'ODC est majoritairement concentrée comme on l'attendrait sur les atomes Mo(2) et Mo(3) (les plus déplacés par l'ODC suivant les résultats de rayons X (Schutte and De Boer, 1993)) qui sont

situés trop profondément sous la surface10

, pour contribuer à la LDOS mesurée par STM.

9 Les conditions d'imagerie tunnel utilisées ne sont pas précisées par Walter et al. (Walter et al., 1992)

10 Cf. figure 4.8 cadre de droite: Mo(1), Mo(2) et Mo(3) sont respectivement 1.8 ˚A , 2.4 ˚A et 3.5 ˚A sous la surface définie par les alcalins de types 1 indiqués en cercles pleins

Concernant l'interprétation de leurs images STM, Walter et al. remarquent que les octaèdres MoO6

de type I aussi bien que les atomes alcalins de type 1 ou de 2 forment un réseau rectangulaire centré défini par les vecteurs b et a2 c , les rendant impossibles à différencier par la simple mesure de leurs périodicités. Toutefois les calculs de bandes récents de Mozos, Ordejon et Canadell

(Mozos, Ordejon and Canadell, 2002) montrent que dans un intervalle de ±2eV autour de Ef il

n'y a pratiquement pas de DOS sur les sites alcalins, ceux-ci étant des donneurs quasiment parfaits (ce que suppose les calculs de Whangbo et Schneemeyer (Whangbo and Schneemeyer, 1985)). Le STM ne devrait donc pas être sensible à ces atomes dans la gamme d'énergie mentionnée. De plus après clivage on attend un désordre important pour les alcalins numérotés 1 (ronds pleins) sur la vue de côté de la figure 4.8) car ils sont situés exactement à mi-distance entre deux bi-couches. Statistiquement, la moitié devrait disparaître laissant en moyenne, une concentration stoechiométrique pour la couche de surface. Cet argument renforce le fait que le STM n'image pas

les alcalins mais les octaèdres MoO6 de type I, car un nombre de défauts important (en moyenne un

défaut sur 2 pour les alcalins de type 1) devrait sinon être observé aux noeuds du réseau de surface, ce qui n'est pas rapporté expérimentalement. La structure observée à l'intérieur d'une maille élémentaire par STM est donc associée à la LDOS des octaèdres MoO6 de type I avec une

participation possible (mais plus faible) des MoO6 de type II voisins. Nous verrons dans le chapitre

suivant que ceci est également en accord avec nos observations expérimentales.

4.3.2.4 Études par STM sur d'autres oxydes de Molybdène

Mallet et al. (Mallet et al., 1999; Mallet et al., 2001) ont visualisé pour la première fois l'ODC dans des oxydes présentant une transition de Peierls, le bronze violet K0.9Mo6O17 et η-Mo4O11, conducteurs quasi-unidimensionnels. Ils ont mis en évidence l'importance de la préparation de la surface pour l'observation de l'ODC dans ces composés dont les surfaces sont réactives: leurs échantillons sont clivés in-situ dans l'UHV. Dans ces deux cas leurs mesures ont abouti à la mesure d'un vecteur d'onde de l'ODC en bon accord avec les valeurs obtenues par diffraction de rayons X et diffraction électronique.

4.4 Existence de l'ODC sur la surface (-201) du bronze bleu clivée in situ et