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La discussion concernant les origines possibles des inhomogénéités du vecteur d'onde de l'ODC à la surface du bronze bleu seront discutées dans le chapitre suivant. Nous terminons ce chapitre consacré aux résultats expérimentaux par l'interprétation de nos images STM et la discussion de cette interprétation par rapport aux résultats obtenus par les groupes précédents. Par ailleurs, nous avons mis en place une collaboration scientifique avec les chercheurs Eduardo Machado-Charry, Pablo Ordejon, et Enric Canadell de l'Institut de la Matière Condensée de Barcelone

(ICMAB-Fig 4.25: Images STM (données brutes) à courant constant avec résolution moléculaire de

28×31nm2

de la surface 2 01 de Rb0.3MoO3 dans la phase ODC à T=63K.Contrairement

aux images précédentes, le super-réseau de l'ODC est presque invisible dans l'image. Des protrusions (parties brillantes) sont visibles dans l'image, dont les deux profils tracés suivant les lignes blanches permettent d'apprécier la hauteur. Tandis que la corrugation du réseau moléculaire est inférieure à 0.1 ˚A , ces protrusions sont jusqu'à 10 fois plus hautes. La TF 2D de l'image STM montre cependant que le désordre présent n'a pas complètement détruit l'ODC: certains pics satellites correspondant à ceux de l'ODC sont encore visibles.

2b

*

2(a+2c)

*

CSIC) dans un double but. Le premier était d'effectuer des calculs de la structure de bandes de la surface stoéchiométrique afin de simuler la ILDOS du bronze bleu dans la phase ODC15

. Ces calculs complètent et éclairent notre discussion. Le second objectif était d'étudier l'effet de variations de la concentration d'alcalins en surface sur la structure de bande de surface.

Nous rappelons tout d'abord l'interprétation des images STM obtenus par les groupes précédents (cf. chapitres 4.3.2.2 page 74 et 4.3.2.3 page 75). Ils aboutirent à des résultats cohérents montrant les chaînes unidimensionnelles formant comme attendu une maille de surface rectangulaire centrée, en accord avec les paramètres de maille de volume mesurés par rayons X. A l'intérieur d'une maille élémentaire, le motif observé est de forme plus ou moins triangulaire et suggère la possibilité d'obtenir une résolution quasi-moléculaire du bronze bleu. Walter et al. (Walter et al. 1992)

remarquent que les octaèdres MoO6 de type I (carrés rouges sur la figure 4.26) aussi bien que les

atomes alcalins de type 1 ou 2 (respectivement ronds bleus et bordeaux sur la figure 4.26) forment un réseau rectangulaire centré défini par les vecteurs b et a2 c , les rendant impossibles à différencier par la simple mesure de leurs périodicités, comme on peut le voir sur les deux cadres de droite de la figure 4.26 ci-dessous. Cependant après clivage on attend un désordre important pour les alcalins de type 1 (correspondant aux ronds bleus sur la figure 4.26) car ils sont situés exactement à mi-distance entre deux bi-couches. Statistiquement, la moitié devrait disparaître laissant en moyenne, une concentration stoechiométrique pour la couche de surface. Cet argument

renforce le fait que le STM n'image pas les alcalins mais les octaèdres MoO6 de type I, car un

nombre de défauts important (en moyenne un défaut sur 2 pour les alcalins de type 1) devrait sinon être observé aux noeuds du réseau de surface, ce qui n'est pas rapporté expérimentalement.

De plus, les calculs de Whangbo et Schneemeyer (Whangbo and Schneemeyer, 1985) pour un feuillet de bronze bleu, qui supposent que les alcalins sont des donneurs parfaits, prévoit un vecteur de nesting en bon accord avec les résultats expérimentaux et montrent que la densité électronique

autour du niveau de Fermi se répartit essentiellement sur les sites Mo des octaèdres MoO6. Ceci est

confirmé expérimentalement par les mesures de rayons X de Schutte et De Boer à 100K (Schutte, and De Boer, 1992, cf. chapitre 4.2.4.3 page 64) montrant que l'ODC implique principalement les déplacements des Mo(2) et Mo(3), la charge électronique se répartissant qualitativement en 13%, 44% et 43% sur les sites Mo(1), Mo(2) et Mo(3). Ainsi, en conclusion des études précédentes, la structure observée à l'intérieure d'une maille élémentaire par STM est associée à la LDOS autour de

Ef des octaèdres MoO6 de type I avec une participation possible (mais plus faible) des MoO6 de type

II voisins (pouvant donner comme on peut le voir sur le cadre central de la figure 4.26 une forme triangulaire en chevron). Cette conclusion est contre-intuitive et présente une surprise certaine car la

densité électronique autour de Ef sur les sites Mo(1) est plus petite que celle présente sur les sites

Mo(2) et Mo(3), et domine pourtant le motif des images STM.

15 Les deux derniers noms sont auteurs de la publication la plus récente concernant des calculs de structure de bandes ab initio de volume du bronze bleu dans la phase métallique (Mozos, Ordejon, and Canadell, 2002).

Nos résultats expérimentaux sont en accord général avec cette conclusion. Toutefois, comme le motif observé dans nos mesures est parfaitement reproductible, (mais dépend comme je l'ai montré des conditions de pointe existant pour une série de mesures données), et que nous avons pu observé le super-réseau de l'ODC, nous pouvons affiner cette conclusion.

Tout comme Walter et al., nous n'avons pas non plus observé la présence même minime de défauts caractéristiques aux noeuds du réseau rectangulaire centré (i.e en lieu et place des boules mesurées dans les images STM, visibles sur la figure 4.26 par exemple). Par ailleurs, les calculs de bandes de volume, récents et plus complets, par la méthode DFT (théorie de la fonctionnelle de la densité dans l'approximation du gradient généralisé), de Mozos, Ordejon et Canadell (Mozos, Ordejon and

Canadell, 2002) montrent explicitement que dans ±2eV autour de Ef il n'y a pratiquement pas

de DOS sur les sites alcalins et qu'elle se concentre essentiellement sur les sites Mo et O des MoO6

de type II et III. Nos résultats expérimentaux et les résultats de ces calculs ab initio, prenant en compte la structure cristalline exacte du bronze bleu et étant en très bon accord avec la dispersion des deux bandes coupant le niveau de Fermi mesurée par photoémission (Gweon et al., 1996), confortent tout à fait l'interprétation précédente des images STM. Cependant dans notre cas le motif comporte toujours une partie quasi-circulaire (les boules indiquées par la flèche rouge dans l'image ci-dessus) accompagnée d'une partie dépendant de la résolution donnée par la pointe. Ceci implique

directement que l'ODC est observée par STM essentiellement sur les octaèdres MoO6 de type I.

Ce résultat paraît en contradiction directe avec les données de rayons X de Schutte et De Boer (Schutte, and De Boer, 1992, cf. chapitre 4.2.4.3 page 64 ) qui montrent clairement que la partie principale de la modulation ODC se situe sur les Mo(2) et Mo(3) et non sur les Mo(1), et aussi avec les résultats des calculs de bandes de volume plus complets de Mozos, Ordejon et Canadell.

b

a+2c

a+2c

b

a+2c

a

b

Z = -1.2Å Z = 0Å Z = +1.2Å

b

a+2c

a+2c

b

a+2c

b

a+2c

a

b

Z = -1.2Å Z = 0Å Z = +1.2Å Z = -1.2Å Z = 0Å Z = +1.2Å

Fig 4.26: Image STM haute résolution du bronze bleu (voir figure 4.17 page 87) et vue idéalisée du plan b , a2 c  et du plan perpendiculaire à b du bronze bleu. Les carrés rouges (respectivement bleus et verts) correspondent aux octaèdres MoO6 de type I (resp. II et III). Les distances respectives observées à l'intérieur d'une chaîne 1D entre les parties indiquées par les trois flèches rouge (correspondant aux boules), bleue et verte s'accordent bien avec les distances respectives attendues entre les trois types d'octaèdres de même couleur que les flèches. Seuls les octaèdres de types I et II sont vus dans cette image STM, suggérant que les types III ne participent pas au courant tunnel.

Cependant il faut se rappeler que le STM donne le contour iso-densité de la ILDOS de surface. Or comme on le voit sur le cadre de droite de la figure 4.26 , les octaèdres de type I, II et III ont respectivement leurs centres positionnés à 1.8 ˚A , 2.4 ˚A et 3.6 ˚A sous la surface (la surface correspond au plan de clivage indiquée par la ligne tiretée horizontale contenant les alcalins bleus de type 1). A cause de la dépendance exponentielle du coefficient de transmission en fonction de la distance s pointe-échantillon (entrant dans l'expression du courant tunnel, cf. Eq. (3.11) page 47), cet effet topographique de la position des octaèdres par rapport à la surface est très important à prendre en compte pour l'interprétation des images STM. Le travail de sortie du bronze bleu valant

=4.5eV (Breuer et al., 1994), une augmentation de s de 0.6 ˚A (resp. de 1.8 ˚A ) entraîne une multiplication du courant tunnel par 4.1 (resp. par 67). Donc puisque nos résultats expérimentaux montrent qu'en général le motif observé n'est constitué que d'une partie quasi-circulaire, cela veut dire, selon l'interprétation à la Tersoff-Hamann, que l'effet topographique est

tellement important que les octaèdres II et III ne participent plus dans ce cas au courant tunnel16

, ne laissant donc aucune signature visible dans le motif. Il n'est donc plus paradoxal, une fois cela pris en compte, que la modulation ODC ne soit observée que sur ces boules quasi-circulaires associées

aux MoO6 de type I, puisque les autres types d'octaèdres ne donnent pas de contribution au courant

tunnel. Ceci est conformé par le résultat de calculs présentés ci-dessous.

Par rapport à ce cas général de motif constitué uniquement d'une partie quasi-circulaire, le type de résolution correspondant à l'image de la figure 4.26 est intéressant car il montre un motif contenant en plus de la boule, une partie continue située à droite des boules, indiquée par la flèche bleue. La distance observée à l'intérieur d'une chaîne entre les parties indiquées par les flèches rouge (correspondant aux boules) et bleue s'accorde bien avec la distance attendue entre les octaèdres I (en rouge sur les deux vues de droite) et II (en bleu), suggérant par rapport au cas général précédent que les octaèdres II contribuent ici au courant tunnel. On voit qu'aucun signal spécifique n'est vu dans l'image STM à l'endroit de l'octaèdre de type III, suggérant à nouveau que ceux-ci ne participent pas au courant tunnel. Les calculs ab initio de la structure de bandes de surface du bronze bleu (Machado-Charry et al., 2006) ont été effectués très récemment pour une couche mince préservant la stoechiométrie du volume en surface. De manière à modéliser proprement la surface 2 0 1 les calculs ont été menés en prenant en compte différents nombres de bi-couches octaédriques (de 1 à 4 bi-couches, avec les couches de rubidium intercalées bien entendu). De plus, la relaxation des atomes alcalins de surface par rapport à leur position dans le volume a été prise en compte. Les conclusions sont les suivantes:

i) la structure de bandes de la surface stoechiométrique ne dépend pas du nombre de bi-couches total de la couche mince;

ii) la structure de bandes de la surface d'une couche mince et celle de volume sont quasiment

identiques, au repliement près à b

*

4 des bandes de surface dû à la maille double utilisée suivant

b pour modéliser l'occupation partielle des sites alcalins (1.5 par maille de surface).

La figure 4.27 ci-dessous reproduit la structure de bandes de surface et celle de volume autour de

Ef suivant les deux directions caractéristiques du plan 2 0 1 . Ces résultats sont en bon accord

avec les mesures de rayons X par incidence rasante (Zhu et al., 1990) et de photoémission (Gweon et al., 1996). En intégrant de plus la distorsion statique du réseau atomique à partir des données disponibles de rayons X les plus précises (Schutte, and de Boer, 1993), la structure de bandes de surface dans la phase ODC a été également calculée. Machado-Charry et al. ont à partir de ces

16 Cela peut paraître également surprenant de mesurer au-dessus d'un site donné une DOS électronique associée à un autre site, mais ceci est simplement dû à la délocalisation des orbitales suivant la direction a+2c grâce à une intégrale de transfert non négligeable des orbitales moléculaires des états électroniques des MoO6 de type I.

résultats tracé le contour iso-densité de la ILDOS intégrée en énergie entre Ef et Ef0.5eV , pour une amplitude de l'ODC d'environ 0.1 ˚A , ce qui correspond aux conditions de mesure utilisées pour balayer l'image STM de la figure 4.26.

Le résultat est montré sur la figure 4.28 ci-dessous, le profil étant représenté à l'intérieur d'une maille élémentaire dans le plan perpendiculaire aux chaînes. Premièrement, la simulation montre clairement l'absence de DOS sur les sites alcalins, comme ça avait été montré dans le cas du volume. Deuxièmement, la DOS se répartit comme suit entre les différents sites: 42.5% pour les Mo(2), 22.1% pour Mo(3), 1.9% pour Mo(1) et 1.2% pour les atomes d'oxygène les plus extérieurs à la surface, situés aux sommets des octaèdres de type I. Ceci permet de montrer clairement que l'ODC affecte principalement les Mo(2) et Mo(3) dans la bi-couche de surface comme dans le volume, mais affecte également, de façon beaucoup moins importante les oxygènes de surface dont les états électroniques sont hybridés avec ceux des molybdènes voisins. Ainsi ces calculs permettent de comprendre comment les boules brillantes communes à toutes nos images STM proviennent de la DOS des atomes d'oxygènes des octaèdres de type I (celle des Mo(1) est comparable mais ils sont situés environ 2 ˚A plus bas, donc ne contribuent pas au courant tunnel). De plus, cela montre que sur des images STM du type de la figure 4.28, la partie plus continue à droite des boules brillantes doit avoir son origine dans la DOS des Mo(2) et des oxygènes situés aux sommets des octaèdres de type II.

Fig 4.27: Structure de bandes calculée par DFT pour: A) Rb0.3MoO3 en volume avec

Γ=(0,0,0), X'=(0.5,0,0), Y'=(0,0.5,0) (Mozos, Ordejon and Canadell, 2002); B) une couche

mince préservant la stoechiométrie du volume à la surface, Γ=(0,0), X'=(0.5,0), Y'=(0,0.5)

Par ailleurs, l'amplitude du déplacement vertical dû à la distorsion par l'ODC de ces atomes d'oxygène situés aux sommets des octaèdres de type I, est 3 à 4 fois plus petit que l'amplitude de l'ODC dans les images STM expérimentale et simulée ci-dessus (où elle vaut environ 0.1 ˚A ). Cela montre que le STM mesure les variations de LDOS créées par l'ODC, plutôt que la modulation de la hauteur de ces atomes par l'ODC.