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Chapitre 1 : Revue de la littérature

IV. Epidémiologie moléculaire de Cryptococcus neoformans et de Candida albicans

IV.1. Principales méthodes de typage moléculaire de Cryptococcus neoformans et de Candida albicans

albicans

L’épidémiologie moléculaire utilise la matière génomique comme support pour confronter les caractéristiques variables au sein d’une espèce, afin de préciser l’identité des souches et de retracer leur circulation dans un contexte documenté. L’efficacité de la méthode dépendra de sa capacité à confronter les régions les plus polymorphes. Cette efficacité est définie par le pouvoir discriminant de la méthode, qui caractérise son aptitude à distinguer deux souches n’ayant aucune relation entre elles. Suivant la méthode ou le marqueur utilisé, la confrontation des caractéristiques variables peut s’opérer sur un support qui représente soit la totalité du génome soit de simples fragments. Cet élément essentiel rend compte du fait que les différentes méthodes utilisées sont des modes d’approches différentes.

En mycologie médicale, le typage moléculaire est devenu un outil d’enquête épidémiologique incontournable. Il permet le «traçage» de souches et/ou d’isolats, nécessaire pour comprendre et/ou prouver le mode de transmission des souches notamment lors d’infections nosocomiales. Il permet de différencier rechute de réinfection lors d’un échec thérapeutique supposé ou sélection et acquisition d’une souche lors d’une résistance aux antifongiques apparue en cours de traitement (Chapeland-Leclerc et al., 2010 ; Albano et al., 2009; Kidd et al., 2009; Miranda

et al., 2009). Sur le plan fondamental, cet outil a permis l’analyse en génétique des populations

de pathogènes fongiques comme C. albicans ou C. neoformans et aidé à préciser le mode de reproduction sexuée et/ou clonale (Diogo et al., 2009; Lin et al., 2009; van Asbeck et al., 2009 ;

Nebavi et al., 2006) ainsi qu’à mettre en évidence des génotypes représentatifs des espèces

étudiées (Odds et al., 2007) qui devraient être utilisées lors d’études sur la pathogénie. Pour être fiables, les méthodes de typage moléculaire doivent répondre à des critères de qualité précis dont : la stabilité du profil des marqueurs étudiés chez une même souche, la typabilité ou capacité d’assigner un profil au plus grand nombre de souches, la spécificité pour l’espèce considérée, la reproductibilité et le pouvoir discriminant ou la capacité d’assigner des profils différents à deux souches non liées, sélectionnées au hasard dans la population d’une espèce donnée. Celui-ci est habituellement calculé en utilisant l’index de diversité de Simpson.

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où N est le nombre de souches testées, S est le nombre de profils différents et nj est le nombre de souches ayant le profil j (van Belkum et al., 2007). Sa valeur est comprise entre 0 et 1 et tend vers 1 lorsque le pouvoir discriminant croit. Les groupes de European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) et du European Study Group on Epidemiological Markers (ESGEM) ont émis des recommandations et considérés qu’une méthode de typage devait présenter un pouvoir discriminant ≥ 0,95 (van Belkum et al., 2007).

Depuis une vingtaine d’années, des méthodes de typage moléculaire de C. albicans et C.

neoformans ont été mises en œuvre pour l’étude de ces pathogènes en génétique des

populations ou pour le traçage des souches dans un contexte pathologique. Elles comprennent des techniques basées sur l’étude en électrophorèse de l’ADN non amplifié avec (RFLP pour Restriction Fragment Length Polymorphism) ou sans (caryotypage en champ pulsé) restriction enzymatique préalable ; des techniques basées sur la PCR aléatoire (RAPD pour Random Amplified Polymorphic DNA, AP-PCR pour Arbitrarily Primed PCR, rep-PCR pour repetitive extragenic palindromic sequence-based PCR ou inter-repeat PCR), ou ciblée (REA pour Restriction Enzyme Analysis). La technique MLEE (Multilocus Enzyme Electrophoresis) a également été appliquée à l’étude de ces pathogènes. Plus récemment, des méthodes utilisant le séquençage pour la recherche de Single Nucleotide Polymorphism (SNP) sur plusieurs fragments de gènes (MLST pour Multilocus Sequence Typing) et des techniques basées sur l’analyse du polymorphisme de longueur des régions microsatellites (DNA fingerprinting) ont été développées.

Ø Le caryotypage

Le principe de cette méthode consiste à séparer les chromosomes par électrophorèse en gel d’agarose, par électrophorèse en champ pulsé (Pulsed Field Gel Elecrophoresis (PFGE)) ou Contour-clamped homogenous electric fields (CHEF). Elle travaille sur la totalité du matériel génétique et les profils obtenus sont comparés pour en tirer les conclusions nécessaires

(Kwong Shung et al., 1998). Par ailleurs, cette méthode dont la reproductibilité est bonne reste

Ø RFLP (Restriction Fragment Lengh Polymorphism)

Cette méthode consiste à comparer les profils de migration électrophorétique des produits de digestion de l’ADN génomique par des enzymes de restriction, suivie ou non d’un transfert sur membrane de nitrocellulose et hybridation avec une sonde radio-marquée (Southern blot) (Di

Francesco et al., 1999 ; Lockhart et al., 1997; Cormican et al., 1996). Cette méthode a été

utilisée sans Southern blot, pour l’investigation d’épidémies (Lin et al., 2007 ; Cormican et al.,

1996) ou pour chercher un lien entre génotype et sensibilité aux antifongiques (Cormican et al., 1996). Le nombre de génotypes obtenus était plus faible que celui du caryotypage, (Vazquez et

al., 1993).

L’utilisation de cette méthode est restée limitée en raison de plusieurs inconvénients : difficulté de réalisation due à la nécessité d’une grande quantité d’ADN, nécessité de numérisation des profils pour une comparaison objective, comparaison des résultats des différentes études difficile en raison du choix d’enzymes de restriction différentes, des conditions de migration (gel, voltage) et enfin un pouvoir discriminant mal défini ou insuffisant (Lockhart et al., 1997).

Ø La RAPD (Random Amplified Polymorphic DNA)

Le principe de cette méthode est de comparer le profil électrophorétique de produits PCR obtenus avec des amorces non spécifiques et de courtes tailles (environ 10 Pb) avec une température d’hybridation basse (35 à 40°C) (Essendoubi et al., 2007 ; de Meeus et al., 2002). Cette méthode est beaucoup utilisée du fait de sa facilité de mise en œuvre et de sa rapidité. Toutefois, elle présente plusieurs inconvénients : un manque de reproductibilité, notamment inter-laboratoires; une difficulté de lecture et de comparaison des profils qui sont complexes ; l’absence de corrélation avec d’autres méthodes de typage mis appart la MLEE (Essendoubi et

al., 2007 ; de Meeus et al., 2002 ; Arif et al., 1996) et un pouvoir discriminant inférieur à celui

du caryotypage et non évalué sur un nombre suffisant de souches épidémiologiquement non liées.

Ø PCR-RFLP (PCR-Restriction Fragment Length Polymorphism ou polymorphisme de

longueur des fragments de restriction.

fragments de restriction, sont ensuite séparés selon leur taille par électrophorèse sur gel d'agarose. La longueur et le nombre de fragments de restriction varie en fonction des individus du fait de la variabilité du gène cible choisi. Le polymorphisme existant entre individus d'une même espèce peut être ainsi visualisé grâce au polymorphisme de leur ADN. Cette technique permet également de montrer les relations génétiques qui peuvent exister entre individus. Elle est très utilisée pour le typage des bactéries et a beaucoup servi au typage moléculaire du complexe C. neoformans/C. gattii, surtout après amplification du gène URA5

(Bertout et al., 2012 ; Meyer and Trilles, 2010 ; Ruiz et al., 2000 ; Everett and Andersen, 1999).

Ø AFLP (Amplified Fragment-Length Polymorphism ou polymorphisme de longueur des

fragments amplifiés)

L'ADN génomique est digéré par deux enzymes de restriction. Des adaptateurs sont ensuite ajoutés aux extrémités des sites de coupure pour que les amorces puissent se fixer sur les fragments. Afin d'augmenter la quantité d'ADN, une pré-amplification est effectuée sur tous les fragments (amorces dégénérées). Une amplification PCR sélective permet ensuite d'augmenter le nombre de fragments. Sur gel d'acrylamide, plusieurs dizaines de fragments (généralement entre 500 pb et 100 pb) peuvent être visualisés en une seule PCR suivie d'un seul gel, sans connaissance préalable sur l'espèce. Les polymorphismes sont relativement fréquents. Cette technique reproductible est de réalisation simple. Cependant, il faut avoir un ADN de très bonne qualité, aussi, très souvent l’intensité des bandes est variable, rendant la lecture et l’interprétation difficiles. Le typage moléculaire de C. neoformans a déjà été effectué par cette approche (Meyer and Trilles, 2010 ; Bovers et al., 2008).

Ø Analyse du polymorphisme de longueur des régions microsatellites et minisatellites

ou MLP (Microsatellites Length Polymorphysm)

Une séquence microsatellite est une séquence d'ADN formée par une répétition continue de motifs composés de 2 à 10 nucléotides. Ces « motifs » sont très abondants dans tout le génome de tous les eucaryotes (en milliers d'exemplaires dans le génome d'une espèce). Ils sont le plus souvent trouvés au niveau des introns et d'exons des gènes (van Marle-Köster and Nel, 2003). Les minisatellites sont des séquences du génome répétées en tandem dont la taille du motif unitaire est comprise entre 10 à 60 nucléotides. Elles sont présentes chez toutes les espèces. Il est fréquent d'observer des erreurs de réplication dans ces minisatellites, notamment par

glissement de réplication, qui sont à l'origine de variations interindividuelles quant au nombre de répétitions (van Marle-Köster and Nel, 2003).

La longueur de ces séquences minisatellites et microsatellites (c'est-à-dire le nombre de répétitions ; de 10 à 100 fois en général) varie selon l'espèce, mais aussi d'un individu à l'autre et d'un allèle à l'autre chez un même individu, voire d'une cellule à l'autre du fait d'« erreurs » au cours de la réplication. Mais la localisation de ces séquences dans le génome est relativement conservée entre espèces phylogéniquement proches (van Marle-Köster and Nel,

2003). La taille de ces régions, corrélée au nombre de répétitions des motifs de nucléotides, est

variable d’un individu à l’autre et d’un allèle à l’autre chez le même individu. La transmission génétique de ces séquences suit les lois de Mendel sur l’hérédité.

L’analyse du polymorphisme de longueur des régions microsatellites consiste à amplifier des régions microsatellites en utilisant des amorces spécifiques de séquences cibles et de déterminer leur longueur. Il s’agit donc d’une méthode combinant analyse de séquence et migration électrophorétique. Le séquençage de nombreux génomes et leur mise à disposition sur internet a rendu possible et accessible la recherche des régions microsatellites par recherche bio-informatique et l’analyse de leur polymorphisme (Richard et al., 2008).

Cette méthode a démontré un haut pouvoir discriminant lors de l’étude de souches de C.

albicans, Aspergillus fumigatus, S. cerevisiae, C. neoformans (Bertout et al., 2012 ; Foulet et

al., 2005 ; Botterel et al., 2001; Bertout et al., 2001 ; Hennequin et al., 2001). Sa facilité de

mise en œuvre et son fort pouvoir discriminant en ont fait un bon outil de typage pour le traçage des souches.

Ø MLST (Multilocus Sequence Typing)

Cette technique a été initialement mise au point pour le génotypage des bactéries avant d’être ultérieurement développée pour le typage des levures du genre Candida et Cryptococcus (van

Asbeck et al., 2009 ; Dodgson et al., 2003). Son principe repose sur l’analyse de séquences de

gènes très conservés au sein de l’espèce considérée, le plus souvent des gènes impliqués dans le métabolisme (gènes de ménage) ne subissant pas de pression de sélection. Au sein de ces séquences, des points de polymorphisme (SNP) sont notés et répertoriés. Chaque séquence

gènes constitue un génotype MLST. L’avantage majeur de cette technique est de générer des résultats dont la lecture est parfaitement objective et qui sont stockés dans des banques de données numériques internationales (http://www.mlst.net) auxquelles tout laboratoire a accès pour analyser ses propres données. C’est cependant une technique contraignante et couteuse (van Asbeck et al., 2009).