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Chapitre 1 : Revue de la littérature

II. Cryptococcus et la cryptococcose neuro-méningée au cours de l’infection par le VIH

II.6. Diagnostic biologique de la cryptococcose neuro-méningée

Ø Prélèvements

Le diagnostic repose sur un bilan d’extension complet basé sur l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR), de l’hémoculture et d’une culture des urines ainsi que la recherche de l’antigène capsulaire polyosidique dans le sérum et le LCR avec détermination du titre antigénique (Dromer et Lortholary, 2004).

Ø Examen microscopique · Examen Direct

C. neoformans et C. gattii sont des levures sphériques à ovoïdes encapsulées de taille variable

(moyenne de 3-10μm). La capsule est facilement observable en microscopie optique après contre coloration à l’encre de Chine. En effet, les particules de l’encre sont repoussées par la capsule entrainant l’apparition d’un halo clair autour de la cellule. La mise en évidence de levures capsulées à l’examen direct d’échantillons biologiques est un élément majeur du diagnostic. Leur présence dans un LCR signe le diagnostic de méningo-encéphalite cryptococcique d’après les critères internationaux de diagnostic des mycoses invasives (De

Pauw et al., 2008). Le culot de centrifugation du LCR ou de tout autre liquide biologique est

examiné entre lame et lamelle après contre coloration à l’encre de Chine diluée au 1/3. L’examen direct du LCR est positif au cours de la cryptococcose neuro-méningée chez 90% des patients infectés par le VIH et 50% des patients séronégatifs au VIH (Dromer et al., 2007). Des colorations de type Gram ou plus spécifiques des champignons (Calcofluor) peuvent aussi être utilisées.

· Histologie

En histopathologie, après coloration non spécifique (hématoxyline-éosine-safran (HES)) ou spécifiques des champignons (imprégnation argentique de Gomori-Grocott qui colore la paroi des champignons en brun-noir), les levures de 5-20μm sont facilement détectables grâce à leur capsule importante. Certains réactifs colorent spécifiquement la capsule (le mucicarmin colore les mucopolysaccharides en noir, le PAS (periodic acid-Schiff) colore les polysaccharides en rose fushia, le bleu Alcian colore la capsule en bleu). La coloration de Fontana-Masson qui colore la mélanine en brun-noir semble être assez spécifique pour distinguer C. neoformans et C. gattii des autres champignons lévuriformes dans les tissus (Kwon-Chung et al., 1981).

Ø Culture

· Ensemencement

C. neoformans et C. gattii sont classés parmi les agents pathogènes de classe 2 d’après la

législation française (Décret 94-352 du 4 mai 1994, arrêté du 30 juin 1998, Code du Travail Art. R.231-61-1). Une classification réalisée par des mycologues internationaux recommande de

manipuler les deux espèces au niveau 2 de sécurité (BSL-2) quand elles sont sous la forme levure, mais au niveau 3 (BSL-3) quand elles sont sous forme de basidiospores (de Hoog, 1996). La mise en culture des échantillons (culot de centrifugation du LCR, des urines, hémoculture, pus, biopsies) est indispensable pour permettre l’identification de l’espèce. Le rendement des cultures est très dépendant des volumes ensemencés même si la charge fongique dans le LCR est censée dépasser dans certains cas 105cellules/ml (Bicanic et al., 2009). La croissance est optimale entre 30°C et 35°C. En cas de traitement antifongique antérieur, les échantillons peuvent être ensemencés en milieu liquide pour favoriser la dilution de l’antifongique résiduel. Les colonies sur milieu Sabouraud gélosé ont un aspect muqueux voire gluant, de couleur beige à marron, après quelques jours de culture. Ce sont des levures qui peuvent pousser jusqu’à 40°C, avec une température de croissance optimale à 30°C. Les souches poussent sur la plupart des milieux de culture, excepté ceux contenant de la cycloheximide (actidione). A partir d’un prélèvement, les colonies apparaissent après environ 48 heures de culture mais les délais peuvent être allongés en cas de traitement antifongique antérieur ou de charge fongique faible, ce qui justifie de conserver les cultures au moins 4 semaines (Perfect, 2006 ; Bose et al., 2003).

· Milieux sélectifs

La capacité de synthèse de mélanine par C. neoformans et C. gattii grâce à la phénol-oxydase a été utilisée pour développer des milieux sélectifs tels que le milieu L-DOPA (Paliwal et

Randhawa, 1978b), le milieu norépinephrine (Shaw et Kapica, 1972) ainsi que le milieu aux

graines de Niger (Guizotia abyssinica) (Paliwal et Randhawa, 1978a ; Staib, 1963). Sur ces milieux les colonies deviennent rapidement marron, ce qui permet de les distinguer des autres espèces, dont les colonies restent blanches/beiges. C’est le cas de Cryptococcus laurentii parfois décrite au cours d’infections en association avec C. neoformans (Manfredi et al., 2006 ;

Ikeda et Maeda, 2004) et des levures de type Candida parfois majoritaires dans des

prélèvements de type expectoration.

Pour différencier phénotypiquement C. neoformans et C. gattii, il existe deux milieux :

o Le milieu CGB (Canavanine-Glycine-Bromothymol bleu). Le milieu gélosé est de couleur verte. Les souches de C. gattii sont résistantes à la canavanine et hydrolysent

souches qui en sont capables sont sensibles à la canavanine, le milieu restant donc de couleur verte (Min et Kwon-Chung, 1986 ; Kreger-van Rij, 1984).

o Le milieu YCB + Proline (Dufait et al., 1987) : C. gattii est capable d’utiliser la D-Proline comme source azotée contrairement à C. neoformans.

Ø Identification biochimique

C. neoformans est capable d’utiliser la plupart des acides aminés, sucres, lipides et vitamines

comme source d’énergie. Les levures sont aérobies et sont capables de croître en milieu solide et liquide. En revanche, elles ne sont pas capables de fermenter les sucres et ne peuvent utiliser ni le nitrate ni le nitrite comme sources azotées (Kreger-van Rij, 1984 ; Barnett et al., 1983). Elles tolèrent des pH allant de 4 à 7,5. Quelques données physiologiques caractéristiques sont résumées dans le Tableau 2.

Tableau 2 : Profil biochimique des espèces Cryptococcus neoformans et Cryptococcus gattii (Fricker-Hidalgo et al., 1995).

Comme toutes les levures basidiomycètes, elles sont capables d’hydrolyser l’urée en ammoniaque (Kreger-van Rij, 1984) et sont positives pour la réaction de coloration du Diazonium Blue B (Kreger-van Rij, 1984). L’activité uréase peut être déterminée en quelques heures grâce à des kits commercialisés comme par exemple le milieu urée indole (bio Mérieux®, Marcy-L’étoile, France).

Ø Détection de l’antigène capsulaire

La recherche de l’antigène capsulaire polyosidique est un outil de diagnostic très important. En effet, les trousses commercialisées ont une excellente spécificité et sensibilité (> 95 % pour les trousses utilisant la pronase pour le prétraitement des échantillons). La détection se fait par agglutination de billes de latex sensibilisées avec des anticorps anti-polyoside capsulaire ou par

ELISA (Enzyme Linked Immunosorbent Assay). La positivité de la détection dans le LCR est synonyme de méningo-encéphalite cryptococcique (De Pauw, et al., 2008), mais sa négativité n’élimine pas le diagnostic. De même, la positivité de la détection dans le sérum est en faveur d’une infection disséminée. La détermination des titres antigéniques est un élément important de l’appréciation de la sévérité de l’infection puisque des titres antigéniques élevés dans le sérum et/ou le LCR au moment du diagnostic sont corrélés à un moins bon pronostic (échec mycologique à 15 jours et à 10 semaines de traitement avec rechute), hypertension intracrânienne, et lésions spécifiques à l’imagerie cérébrale. Il est totalement inutile de déterminer les titres dans les urines ou d’autres liquides biologiques (Charlier et al., 2008 ;

Dromer, et al., 2007).