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Chapitre 2. LE CADRE THÉORIQUE

2.3 Les activités liées à l’enseignement de la lecture/appréciation des œuvres

2.3.2 Les principales activités d’exploitation des lectures à l’écrit et à l’oral

L’équipe de Simard (Simard et al., 2010) décrit différents types d’activités d’exploitation des lectures, tout comme le fait Barone (2012) pour des moyens de répondre à la lecture/appréciation d’œuvres littéraires. Ces activités peuvent se réaliser à l’écrit et à l’oral, de façon individuelle ou collective. Dans les prochaines sous- sections, nous présentons les exploitations métatextuelles et hypertextuelles, d’une part, à l’écrit (2.3.2.1) et, d’autre part, à l’oral (2.3.2.2) avant de conclure cette section (2.3.2.3).

2.3.2.1 Les exploitations métatextuelles et hypertextuelles à l’écrit

Les activités d’exploitation des lectures peuvent se faire par le recours à des verbalisations écrites ou orales (De Croix, 2001; Dufays, Gemenne et Ledur, 2015; Gabathuler, 2016; Simard et al., 2010) et elles visent à faire verbaliser, à faire écrire et parler pour penser et apprendre (Chabanne et Bucheton, 2002a; Graham et Hebert, 2011; Hébert, 2008). Les exploitations écrites ou orales peuvent être réalisées en classe de façon individuelle ou collective, pour des fins analytiques ou créatives (Dufays, Gemenne et Ledur, 2015; Simard et al., 2010). Les activités d’exploitation plus réflexives, plus analytiques sont nommées métatextuelles par les équipes de Simard (Simard et al., 2010) et Schneuwly (Schneuwly, Thévenaz-Christen, Canelas Trevisi et Aeby Daghé, 2017) tandis que les exploitations plus créatives, plus imaginatives sont nommées hypertextuelles.

D’une part, les activités métatextuelles amènent les élèves, par exemple, à poser des questions sur les textes, à exprimer leur opinion, à écrire un résumé (Bishop, 2007). D’autre part, les activités hypertextuelles incitent les élèves à se servir des textes lus comme tremplins ou comme sources d’inspiration pour les transformer, les imiter ou en inventer de nouveaux (Daunay, 2003; Denizot, 2005). Le Goff et Larrivé (2015) notent, dans leur texte de cadrage des seizièmes rencontres des chercheurs en

didactique de la littérature, que « l’écriture de la réception est l’expression d’une lecture, la traduction volontaire ou prescrite, métatextuelle ou hypertextuelle, synchrone ou différée, d’une rencontre avec un texte et, de façon extensive, avec toute création artistique, indifféremment du support ». Cela dit, au début du primaire dans le contexte français du début des années 2000, très peu d’enseignants suscitaient des activités d’écriture (13,0 %) ou de création artistique (7,0 %) à la suite de la lecture d’un livre de jeunesse (Fijalkow, 1999, 2003).

Selon différents auteurs, les écrits réflexifs, souvent « inachevés » (Hébert, 2011), qui alimentent les activités d’exploitation se présentent sous de multiples dénominations : écriture de la réception (Le Goff et Larrivé, 2015), écrits intermédiaires (Chabanne et Bucheton, 2000, 2002b), écrits de travail (Tauveron, 2002b; 2005), écrits de travail personnel (Tauveron, 2005), écrits informels (Beach et Williams, 2005; Delcambre, Dolz et Simard, 2000), écrits de soi (Dubois-Marcoin et Delahaye, 2006), écrits réactifs (Dubois-Marcoin et Delahaye, 2006; Tauveron, 2005), écrits instrumentaux pour soi (Astolfi, Peterfalvi et Vérin, 2006), écrits communicationnels pour d’autres (Astolfi, Peterfalvi et Vérin, 2006), traces de lecture (Suffys, 1999), brouillons de lecture (Le Goff, 2007), « brouillonnements » (Chabanne et Bucheton, 2002c). Ces écrits peuvent aussi prendre diverses formes : fiches de lecture, listes, commentaires, notes, affiches, schémas, relevés de résultats, comptes rendus d’expérience, réponses à des questions, résumés de lecture. Ainsi, les écrits réflexifs, ou intermédiaires, sont des « écrits qui se situent entre le brouillon, promis à une destruction immédiate, et les formes dignes de conservation et d’évaluation » (Chabanne et Bucheton, 2000 : 24).

Les écrits réflexifs, un espace intermédiaire d’analyse et de réflexion entre une lecture et une discussion orale à la suite de cette lecture (Dufays, 2001a), sont donc à distinguer des formes d’écriture dite créative (Dufays, Gemenne et Ledur, 2015) : l’écriture littéraire, l’écriture d’invention, d’imagination ou de fiction (Tauveron et Sève, 2005). Ces dernières, relevant du domaine de la création, placent l’élève dans la

peau de l’écrivain (Houdart-Merot, 2004). Elles ne font donc pas appel à l’explicitation de points de vue et à la formulation d’incompréhensions, comme les écritures à vocation plus réflexive (Dufays, 1996).

Utiliser l’écriture et l’oral pour apprendre apparait depuis quelques décennies comme une piste à explorer pour l’enseignement et l’apprentissage en contexte scolaire. Pour l’écriture, Graham et Hebert (2011) montrent dans une récente méta- analyse que la compréhension en lecture s’améliore chez des élèves américains de la deuxième à la douzième année quand ils écrivent à partir de ce qu’ils ont lu, que ce soit des textes littéraires ou informatifs. Ce progrès est vrai pour les élèves en général, mais en particulier pour les élèves en difficulté. Quatre types d’activités d’écriture liées aux textes lus semblent très efficaces, selon ces chercheurs : 1) rédiger une suite ou des prolongements (exploitation hypertextuelle); 2) écrire des résumés (exploitation métatextuelle); 3) prendre des notes (exploitation métatextuelle); 4) répondre et poser des questions (exploitation métatextuelle). Cette même méta-analyse soutient aussi qu’enseigner à écrire a un impact positif sur les habiletés en lecture des élèves et qu’augmenter le temps consacré à l’écriture en classe permet de les développer. D’après les travaux de l’équipe de Graham et Hebert (2011), plus les élèves écrivent dans les classes du primaire, plus leurs habiletés de compréhension en lecture s’améliorent. Ces bienfaits des interactions lecture-écriture avaient déjà été mis en évidence par les travaux de Reuter et de ses collègues au milieu des années 1990 (Reuter, 1994). Cependant, dans plusieurs pays, peu de temps est accordé à l’utilisation de l’écriture comme outil pour aider à apprendre (Gilbert et Graham, 2010).

2.3.2.2 Les exploitations métatextuelles et hypertextuelles à l’oral

Ces pratiques langagières réflexives et créatives peuvent donc être vécues à l’écrit, mais aussi à l’oral, ou en alternance. Par exemple, le rôle de ces écrits qui ne sont pas finalisés dans une forme précise est de soutenir, de préparer, d’étayer les oraux des élèves et de marquer les avancées cognitives et notionnelles (Cellier et Dreyfus,

2002-2003 : 86-87). Traditionnellement, les activités d’exploitation des œuvres littéraires étaient réalisées après la lecture, souvent par des questionnaires de compréhension (Dumortier, 1999). Le rôle de ces questionnaires ou autres activités de compréhension en lecture aux formes rigides et balisées était principalement de vérifier et d’évaluer la lecture faite par les élèves (Giasson, 2003). Les approches réflexives et créatives présentées ici soulèvent l’intérêt de mettre en action les élèves avant, pendant et après la lecture, à l’écrit comme à l’oral, pour développer leur compétence littéraire (Giasson, 2003; Hébert, 2011). Les sujets lecteurs sont ainsi placés en situation de questionnement dès le début des tâches de lecture littéraire (Barone, 2012). Cette approche didactique s’éloigne, comme le souligne Tauveron (2005), de la tradition qui veut que les élèves répondent sans faire d’erreurs aux questions posées par l’enseignant.

Plusieurs chercheurs et praticiens proposent de lier les activités à l’oral, comme des entretiens, des discussions, des cercles de lecture et des présentations orales, conjointement avec des journaux de lecture (Daniels, 2005; Giasson, 2000; Hébert, 2003a, 2003b, 2011; Le Goff, 2007; Terwagne, Vanhulle et Lafontaine, 2003). Élaborés dans une approche socioconstructiviste de l’apprentissage (Vygotski, 1934/1997), dans laquelle s’inscrivent au cœur du processus les interactions sociales et les médiations instrumentales (Scheepers, 2008), ces dispositifs didactiques permettent de réaliser des échanges oraux à partir de la lecture d’une œuvre, échanges soutenus par la tenue d’un journal de lecture, forme d’écrit réflexif qui se situe au croisement de la lecture et de l’écriture (Hébert, 2008). De plus en plus de recherches tendent à prouver que les cercles de lecture, par exemple, permettent d’améliorer la compréhension de façon significative lorsqu’ils sont réalisés en petites équipes (Cunningham et Allington, 2007; Fall, Webb et Cudowsky, 2000). Aussi, plus les équipes qui participent à des cercles de lecture sont petites, plus les discussions seraient riches : ces équipes réduites créant de plus grandes opportunités pour les élèves de parler, de coopérer et de collaborer (Day, Spiegel, McLellan et Brown, 2002). Une articulation entre lecture, écriture et expression orale contribuerait ainsi, selon Pfeiffer

Ryter, Demaurex et Dolz (2007), à l’évolution des notations écrites et des exposés des élèves.

2.3.2.3 La synthèse des activités de lecture

En somme, être compétent en littérature, pour Dufays (2001a), c’est être en mesure de mobiliser des savoirs et des capacités de lecture, d’écriture, d’écoute et de parole. Étant donné que la lecture peut être autant une activité sociale que personnelle en classe (Whitmore, 2005), mettre en place un dispositif didactique qui permet une alternance entre lecture personnelle et discussion collective sur cette lecture serait une piste à ne pas négliger pour les enseignants (Barone 2012; Langer, 2011). L’utilisation de l’écriture réflexive permettrait aux élèves de recourir à la parole sur l’œuvre, parole comprise au sens d’un discours singulier écrit ou oral (Chabanne et Dufays, 2011). Il convient ainsi, comme le suggèrent Doquet-Lacoste, Lumbroso et Tauveron (2009 : 6) dans le texte d’introduction de la revue Repères intitulé Écrire avec, sur, de la littérature, de se demander comment les enseignants du primaire alimentent cette parole sur l’œuvre pour l’inscrire dans le processus dynamique de la quête de sens, tant individuellement que collectivement, à l’intérieur d’activités écrites et orales sur la littérature.

La formation littéraire de sujets lecteurs (Rouxel et Langlade, 2004) pourrait être nourrie ainsi des façons de « répondre » à la littérature par l’entremise de la réflexivité (Dubois-Marcoin et Delahaye, 2006). En invitant les élèves à utiliser l’écriture et l’oral pour « répondre » à des textes littéraires, les enseignants les aident à apprendre à réfléchir à leurs propres lectures et leurs propres textes ainsi qu’aux textes produits par les autres élèves de la classe (Beach et Williams, 2005; NCTE, 2004). Toutefois, en ce qui concerne les écrits de la réception, l’équipe de Schneuwly (Schneuwly et al., 2017) a réalisé une enquête auprès de trente enseignants suisses de la fin du primaire et du secondaire afin d’analyser les activités d’écriture mises en place à partir de la lecture d’œuvres littéraires. Les chercheurs ont ainsi considéré deux

types d’activités d’exploitation écrite : 1) répondre à des questionnaires; 2) produire un texte (métatextuel ou hypertextuel). À partir d’un échantillon restreint de quelques séquences d’enseignement analysées pour la fin du primaire, les résultats montrent une présence plus marquée des questionnaires que de textes à produire en réaction à une lecture littéraire et une fréquence plus grande d’activités d’exploitation hypertextuelles que métatextuelles. Nous revenons sur ces types d’activités d’exploitation de la lecture dans la partie 2.5 portant sur l’évaluation.

2.4 Les corpus et le matériel pour l’enseignement de la lecture/appréciation des