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Chapitre 2. LE CADRE THÉORIQUE

2.2 Les pratiques d’enseignement de la lecture/appréciation des œuvres

Dans cette deuxième partie du chapitre, nous définissons le terme de « pratiques » et les expressions « pratique enseignante » et « pratiques d’enseignement » (2.2.1), nous distinguons les étiquettes « pratiques déclarées » et « pratiques effectives » (2.2.2) et nous présentons l’unité d’analyse retenue, soit le dispositif didactique (2.2.3).

2.2.1 Le terme « pratiques », les expressions « pratique enseignante » et « pratiques d’enseignement »

Dans le champ de la didactique du français, le mot « pratiques » n’est pas sans signification (Bucheton, 2008), tout comme celui de « conceptions » que nous abordons plus loin dans ce chapitre. En 1992, Halté (1992) soulignait déjà que la didactique est la discipline de référence sur les pratiques d’enseignement. Cela dit, l’un des problèmes de l’analyse des pratiques dans le monde de l’éducation est qu’il s’agit d’une étiquette très large qui sert à définir un ensemble de dispositifs différents (Altet, 2000). Le terme même de pratiques, comme le soulignent Yvon et Saussez (2010 : 208), « désigne à la fois les manières de faire observables, soit les procédés, mais aussi les choix, les décisions et l’activité cognitive ou plus généralement psychique qui soutiennent l’action concrète ». Cette double dimension de la notion serait, d’ailleurs,

ce qui la rendrait précieuse aux yeux de certains (Altet, Bru et Blanchard-Laville, 2012).

Les chercheurs du Réseau OPEN (Observation des Pratiques Enseignantes) soulignent qu’il n’existe pas de définition univoque de la notion de pratique enseignante, mais que certaines caractéristiques communes semblent s’en dégager : 1) les pratiques enseignantes, c’est ce que font les enseignants dans la classe lorsqu’ils sont en présence d’élèves; 2) les pratiques enseignantes, c’est l’accomplissement de l’activité d’enseignement dans une institution, en classe, mais aussi hors de la classe pour la préparation didactique des séances, pour la socialisation de leurs élèves avec des collègues, des acteurs en partenariat, des parents; 3) la pratique enseignante, c’est la manière de faire singulière d’une personne, sa façon réelle, propre, d’exécuter une activité professionnelle dans une institution d’enseignement; 4) la pratique enseignante, ce n’est pas seulement l’ensemble des actes observables, actions et interactions liés aux multiples tâches de l’activité professionnelle, mais cela comporte aussi les procédés de mise en œuvre de l’activité dans une situation donnée par une personne en interaction avec d’autres, avec les réactions, les interactions, les choix, les prises de décision (Altet, Bru et Blanchard-Laville, 2012). Notons que la notion de pratique enseignante ainsi caractérisée par ces chercheurs a subi de multiples variations depuis le milieu des années 1990. Par exemple, Altet, l’une des responsables du Réseau OPEN, a utilisé dans ses écrits différentes expressions pour rendre compte de ce que font et déclarent faire les enseignants, sans distinctions notables entre elles : pratiques éducatives (Altet, 1994); pratiques d’enseignement (Altet, 1994); pratiques pédagogiques (Altet 1994, 2000); pratiques enseignantes (Altet, 1994, 1996, 2000, 2002).

Bien que l’expression « pratique enseignante » soit polysémique (Dupin de Saint-André, Montésinos-Gelet et Morin, 2010), cette notion semble permettre de situer ce que fait l’enseignant en classe en reliant ce qu’il fait à d’autres dimensions dont relève la pratique (Bru, 2002b). En ce sens, elle représente une manière de faire

singulière propre à un enseignant, mise en œuvre dans un milieu pédagogique particulier, qui comprend, outre l’ensemble des actes observables, des choix et des prises de décision dans une situation donnée (Altet, 2002; Legendre, 2005). Les pratiques dites enseignantes, contrairement aux pratiques dites d’enseignement, ne se déroulent pas exclusivement en salle de classe; elles sont plus globales et elles ont une finalité plus large que l’apprentissage des élèves (Bru et Talbot, 2001).

2.2.2 Les pratiques déclarées et les pratiques effectives

Pour étudier spécifiquement les pratiques d’enseignement en classe, certains chercheurs ont recours aux expressions « pratiques déclarées » et « pratiques effectives ». Les pratiques déclarées donnent accès aux intentions, aux choix et aux décisions de l’enseignant dans une situation donnée (Lefebvre, 2005). Selon Marcel, Orly, Rothier-Bautzer et Sonntag (2002), lorsque le chercheur utilise le sujet (l’enseignant, par exemple) en tant que médiateur de la connaissance de ses propres pratiques personnelles, il a recours aux pratiques déclarées comme porte d’entrée à la pratique enseignante. Les pratiques effectives, pratiques qui sont observées ou constatées en action, témoignent, quant à elles, de ce qui se passe effectivement en situation avec les élèves (Courally, 2007; Dubois-Marcoin et Tauveron, 2008; Garcia- Debanc et Lordat, 2004; Lefebvre, 2005; Marcel, Orly, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002).

En didactique du français, sans que leur usage ne soit toujours unifié, les chercheurs se sont intéressés particulièrement au couplage pratique des enseignants – activité des élèves (Bucheton, 2008; Reuter et al., 2007). Depuis quelques années, en plus de cette notion de pratique qui est utilisée dans les recherches, diverses expressions tentent de rendre compte du travail de l’enseignant de français. Citons, à titre d’exemple, les travaux sur l’analyse des « objets enseignés » (Schneuwly et Dolz, 2009; Schneuwly et Thévenaz-Christen, 2006) et sur le développement des « gestes professionnels » de l’enseignant (Bucheton et Dezutter, 2008). Ces travaux portent sur

des objets et des gestes fins propres aux pratiques d’enseignement du français. En ce qui a trait précisément aux approches didactiques de la littérature, l’un des défis majeurs qui est assigné aux chercheurs est « de s’attacher, modestement mais résolument, à l’analyse des pratiques enseignantes et de leurs effets sur les appétences et les compétences des apprenants de différents profils » (Rosier et Dufays, 2003 : 11).

2.2.3 Le dispositif didactique

Pour les pratiques qui nous concernent sur l’enseignement de la lecture/appréciation des œuvres littéraires, notre unité d’analyse, à l’instar de l’équipe de Schneuwly et Dolz (2009), est le dispositif didactique. Le dispositif didactique relève du pôle « enseignant » du triangle didactique (Simard et al., 2010) et il comprend les outils de la discipline (supports, activités) mis à la disposition des élèves pour approcher l’objet à enseigner (Ronveaux, Aeby Daghé, Jacquin et Léopoldoff, 2010). En ce sens, l’équipe GRAFELect (Thévenaz-Christen, 2014a) montre l’intérêt d’étudier trois variables principales impliquées dans les pratiques, soit les activités mises en place en classe, le matériel utilisé pour ce faire et les moyens/outils d’évaluation retenus, autant de variables que nous explicitons dans les prochaines parties de ce chapitre. Ces variables apparaissent influencées par un effet de sédimentation, c’est-à-dire par des pratiques qui se renouvèlent tout en étant ancrées dans une certaine tradition scolaire (Schneuwly et Dolz, 2009). C’est ce que les travaux de Schneuwly et Dolz (2009) ont montré, dans le cas de pratiques d’enseignement liées à la rédaction d’un texte argumentatif et à la connaissance de la phrase relative au secondaire : les pratiques évoluent par un effet de sédimentation, c’est-à-dire par un effet spiralaire de continuités et de ruptures marqué par la tradition et par l’évolution des pratiques.

2.3 Les activités liées à l’enseignement de la lecture/appréciation des œuvres