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LA POLITIQUE DE DIVIDENDE DES SOCIETES

Chapitre 2 La politique de dividende des sociétés françaises: une approche

2.3. Catering incentives et les hypothèses concurrentes

2.3.3. Prime de dividende et sentiment de l’investisseur

            Prime Où : firme la de comptable Valeur dettes des comptable Valeur + propres capitaux des marché de Valeur  B M

Selon la catering theory, les dirigeants sont incités à s’aligner sur les préférences des investisseurs et à répondre à leur demande. Ceci se traduit par une relation positive entre le pourcentage des payeurs et la prime de dividende.

H1 : Le pourcentage des payeurs tend à s’accroître (décliner) lorsque la prime de

dividende augmente (baisse)

2.3.3. Prime de dividende et sentiment de l’investisseur

Le sentiment est l’ensemble des croyances des investisseurs individuels et leurs anticipations non justifiées par les fondamentaux, pouvant conduire à une déviation des prix des actifs financiers par rapport aux valeurs intrinsèques. Quand les émotions de l’investisseur ne sont pas bien maîtrisées, elles deviennent dangereuses dans la mesure où elles peuvent altérer l’objectivité du jugement et générer des décisions destructrices de valeur. A l’échelle du marché, le rôle du sentiment dans le processus de formation des prix a déjà été éprouvé et validé sur le plan empirique par quelques chercheurs, dont Baker et Wurgler (2006). Leur étude a mis en évidence que les périodes caractérisées par un niveau de sentiment faible sont suivies de rendements élevés, signe de sous-évaluation en périodes de déprime. A l’inverse, les périodes d’optimisme engendrent une surévaluation temporaire et une baisse subséquente des rendements. Notamment, les jeunes pousses, les petites capitalisations, les entreprises peu profitables et/ou très volatiles, et celles à fort potentiel de croissance, sont plus sujettes aux sur-réactions des marchés, preuve que la difficulté d’évaluation accentue le sentiment (Lee et al., 1991 ; Brown et Cliff, 2005).

D’une manière générale, le sentiment des investisseurs reflète leurs émotions liées à l’espoir et l’aspiration à la richesse versus le désespoir et la peur de perdre. L’espoir intervient en général durant les vagues d’optimisme favorisées par une bonne conjoncture économique et sociale. L’extrême euphorie peut toutefois engendrer l’avidité, responsable de formation des bulles, quand les investisseurs aveuglés par l’appât du gain et la perspective de rendements exceptionnels vont inconsciemment sous-estimer les risques et

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biaiser leurs jugements. Quant au sentiment de peur, il émerge comme une conséquence directe de l’incertitude, et peut devenir problématique dans un environnement de détresse financière ou sociale (plans sociaux, faillites…), de fraude et d’abus de confiance (Enron, WorldCom…). Le cas échéant, un pessimisme général peut s’installer et régner sur les marchés, amenant une forme de conservatisme dans les comportements d’investissement, et pouvant aboutir sur des mouvements de panique dans le cas extrême d’un krach boursier.

Nous présumons qu’un sentiment pessimiste fait pencher les préférences vers le dividende, car il constitue un gain sûr et contribue à réduire l’incertitude, et qu’un sentiment optimiste engendre une baisse de la demande de dividende, reflétant la confiance du marché dans les perspectives de croissance des entreprises.

H2 : La corrélation entre le sentiment de l’investisseur et la prime de dividende est

négative

Plusieurs mesures du sentiment existent dans la littérature, dont certaines sont directes et d’autres indirectes. Les mesures directes sont généralement issues d’enquêtes et des sondages d’opinions conduits auprès de panels d’individus et/ou de ménages à l’instar des indices de confiance publiés par l’Université de Yale, l’Université de Michigan et la Conference Board aux Etats-Unis, et aussi l’indice du sentiment de l’Association Américaine des Investisseurs Individuels (AAII). Plusieurs chercheurs ont investigué la relation entre ces mesures directes du sentiment et les marchés des actions (Fisher et Statman, 2003 ; Brown et Cliff, 2005). Fisher et Statman (2003) ont, notamment, démontré qu’il existe une forte corrélation entre l’indice de confiance des consommateurs et l’indice du sentiment des investisseurs mesuré par l’AAII, réaffirmant la crédibilité des études qui ont recours aux indices de confiance des consommateurs comme proxy du sentiment de l’investisseur. En France, l’étude de Zouaoui (2005) montre l’existence d’une relation significative entre la rentabilité des actions et le sentiment de l’investisseur, où il avait retenu la variation mensuelle de l’indice de confiance de l’INSEE48

comme proxy du sentiment. Ses résultats ont mis en évidence un effet sentiment indéniable sur les rendements des titres (entre octobre 1997 et juin 2004). En particulier, les périodes d’optimisme caractérisées par un sentiment haussier correspondaient aux périodes

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haussières en ce qui concerne la valorisation des actions. Quant aux mesures indirectes, elles sont construites à partir d’un ensemble d’indicateurs économiques et boursiers tels que la décote sur les fonds à capital fermé (Lee et al., 1991) ou encore l’écart entre le volume d’achat et le volume des ventes des titres (Kumar et Lee, 2006).

Nous privilégions les mesures directes du sentiment et proposons d’utiliser l’indicateur de confiance dont les données sont issues de la Commission Economique Européenne et publiées dans des communiqués mensuels de l’OCDE49

pour les pays de la zone euro. L'OCDE obtient les données d'enquêtes d'opinions des ménages européens auprès d’instituts statistiques nationaux, d'autres agences gouvernementales, des instituts privés de recherche, des banques ainsi que par d'autres instituts de recherche attachés à des universités ou d'autres institutions académiques. Pour le cas de la France, l’indicateur de confiance est calculé par l’INSEE. L’avantage d’utiliser un proxy direct est qu’il est totalement exogène et permet, par conséquent, d’éviter les problèmes d’endogénéité inhérente aux mesures indirectes.

L’indice de confiance de l’INSEE est calculé sur la base d’une enquête mensuelle de conjoncture auprès de ménages français interrogés sur leur environnement économique et sur certains aspects de leur situation économique personnelle. L’enquête permet de collecter des informations sur le comportement des consommateurs, leurs anticipations en matière de consommation et d'épargne ainsi que leurs perceptions des phénomènes conjoncturels (prix, chômage, épargne...)50. Ainsi, l’indice de confiance calculé à l’issu de l’enquête de l’INSEE est une combinaison des cinq indicateurs suivants :

- Situation financière personnelle - évolution passée

- Situation financière personnelle - perspectives d'évolution - Opportunité d'acheter

- Niveau de vie en France - évolution passée

- Niveau de vie en France - perspectives d'évolution

Les données pour chaque question sont exprimées comme solde entre opinions positives et opinions négatives. L’indicateur est ensuite calculé comme la moyenne des réponses aux

49 cf .site de l’OCDE, [en ligne], disponible sur : http://www.oecd.org/fr/

50 Les interrogations sont faites par téléphone auprès d'environ 2000 ménages, avec saisie directe des informations depuis janvier 1991. Elles ont lieu au cours des trois premières semaines de chaque mois. L'évaluation du mois d'août est obtenue par interpolation linéaire des données issues des enquêtes de juillet et septembre.

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cinq questions. Les séries ainsi obtenues seront par la suite corrigées des variations saisonnières.

Par ailleurs, nous utilisons accessoirement deux mesures additionnelles du sentiment, à savoir le nombre d’introductions en bourse et la rentabilité anormale moyenne au premier jour de cotation, définie comme la différence entre le prix d’offre (prix d’émission) et le prix du marché (premier cours coté), appelée également la sous-évaluation à l’introduction en bourse (Underpricing)51

. En effet, plusieurs travaux antérieurs tendent à affirmer que les données relatives aux introductions en bourse véhiculent une information sur le sentiment de l’investisseur. En l’occurrence, la sous-évaluation initiale - phénomène largement observé sur les marchés internationaux (Ritter et Welch, 2002) - est perçue comme une anomalie puisqu’elle constitue un coût pour l’émetteur dès le moment où il accepte de placer ses titres à un prix, a priori, sous-évalué. Or, cette sous-évaluation semble être causée par l’enthousiasme excessif des marchés envers certaines IPOs, et comme les émetteurs sont réticents à réajuster le prix d’émission, il s’en suit des rendements anormaux significatifs dès le premier jour de cotation. Ainsi, la sous-évaluation signale un excès d’optimisme et une confiance excessive dans la performance future de l’émetteur.

Empiriquement, Lowry (2003) démontre que les périodes caractérisées par une importante activité d’IPOs sont significativement associées à une faible décote sur les fonds à capital fermés, considérée comme un indicateur d’optimisme des investisseurs individuels (Lee et al., 1991). Plus récemment, Campbell et al. (2009), utilisant un très large échantillon américain d’IPOs entre 1970 et 2004, ont mis en évidence une corrélation positive entre la sous-évaluation des émissions initiales et le sentiment de l’investisseur. Les auteurs ont utilisé comme proxy du sentiment l’indice de Baker et Wurgler (2006) composé de deux mesures directes issues de sondages auprès de consommateurs et investisseurs américains, et de quatre mesures financières, à savoir les flux nets des fonds mutuels, la décote sur les fonds à capital fermé, la sous-évaluation à l’émission initiale et le volume des IPOs.

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Nous sommes très reconnaissante envers le Professeur Jay Ritter de nous avoir fournie les données relatives aux introductions en bourse en France.

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Il est également établi que les périodes de forte activité d’IPOs succèdent aux périodes marquées par une forte sous-évaluation moyenne à l’émission, puisque les périodes haussières (forte sous-évaluation) constituent une fenêtre d’opportunité pour les introductions en bourse (Lee et al., 1991). A la lumière de ces constats empiriques, nous anticipons que le nombre des IPOs et la sous-évaluation soient positivement corrélés avec le sentiment de l’investisseur et négativement corrélés avec la prime de dividende.