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ETUDE INTERNATIONALE SUR LA COMMUNICATION DES EMISSIONS DE CARBONE

Chapitre 4 Pratiques de gestion environnementale des entreprises : une étude Pratiques de gestion environnementale des entreprises : une étude

4.2. Littérature et développement des hypothèses

4.2.1. La décision de divulgation : une analyse coûts-bénéfices

Les théories décisionnelles de la communication financière volontaire démontrent que cette dernière constitue un outil stratégique destiné à réduire l’asymétrie informationnelle entre les diverses parties prenantes de l’entreprise (dirigeants, actionnaires existants et prospectifs et créanciers). Avant toutes décisions de diffusion volontaire d’informations, les dirigeants se prêtent à une analyse en termes de coûts et bénéfices. Ainsi, comme le prédisent les théories d’agence et du signal, le gain de transparence par le biais d’une communication judicieuse aurait comme conséquences une baisse de la volatilité et du coût du capital et une hausse de la valeur des titres pour les entreprises cotées (Dhaliwal et al., 2011 ; Clarkson et al., 2013). Cependant, lorsque le coût de divulgation est élevé, les dirigeants sont incités à retenir l’information destinée à devenir publique dans l’intention, non seulement, de dissimuler les mauvaises nouvelles (mauvaise performance) mais de préserver les données confidentielles de l’entreprise (Aerts et al., 2008 ; Clarkson et al., 2004).

Ces modèles décisionnels de divulgation, initialement développés pour l’information financière, peuvent être appliqués dans le champ de l’information de type sociale et environnementale, sous l’hypothèse que de telles informations améliorent l’efficience des marchés.

Notons que, dans le cas spécifique de la communication carbone, outre les coûts de production des rapports environnementaux, ceux relatifs à la mesure des émissions de CO2 et, optionnellement, à leur vérification par un tiers ne sont pas négligeables et peuvent dissuader les petites et moyennes entreprises de diffuser volontairement des informations environnementales. Pour ces raisons et dans le but de lutter contre le réchauffement climatique, certains programmes de reporting volontaire offrent un nombre de privilèges à leurs membres allant du suivi et conseil à l’audit des émissions, voire la promotion des efforts des participants auprès des médias et des institutions.

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4.2.2. Développement des hypothèses

Cette section est dédiée au développement des hypothèses autour des déterminants de la communication environnementale que nous déclinons en cinq volets, à savoir (1) la gestion environnementale active (2) l’envergure de la firme (3) la performance environnementale (4) les contraintes environnementales et (5) l’asymétrie informationnelle.

Les entreprises qui communiquent sur leur performance environnementale sont celles qui ont a priori intégré la problématique de l’environnement dans leur politique globale. Cela peut se traduire par l’adoption de pratiques de management environnemental sur la base desquelles l’entreprise pourra communiquer et suivre l’évolution de sa performance d’une année à l’autre. Il est donc plus vraisemblable que la communication environnementale soit associée à la présence d’autres pratiques de gestion environnementale dans l’entreprise de manière concomitante. Spécifiquement, la probabilité de communiquer sur sa performance environnementale serait plus grande pour les entreprises qui ont a priori fixé des objectifs de réduction des émissions de CO2 (Objectif) et qui se sont engagées d’une manière ou d’une autre à lutter contre le changement climatique auprès d’autres parties prenantes (Engagement).

Par ailleurs, les entreprises qui ont mis en place des mécanismes d’incitations managériales pour encourager les comportements éco-responsables au niveau interne (Incitation) sont vraisemblablement plus transparentes sur le plan environnemental. Enfin, étant donné l’essor que connaissent les programmes d’échanges de droits de pollution, communément appelés marchés cap & trade, par le fait qu’ils permettent l’instauration d’incitations économiques favorisant les investissements à faibles impacts environnementaux, nous supposons qu’ils font désormais partie des éléments essentiels que les dirigeants considèrent avec intérêt dans la conception d’une politique environnementale. Aussi, la participation à ces marchés (Trading) implique la tenue d’une comptabilité carbone. Par conséquent, nous prédisons une plus grande propension à la publication environnementale pour les entreprises impliquées dans des programmes d’échanges de droits de pollution. Ceci nous conduit à tester H1.

H1 : Les entreprises impliquées dans leur gestion environnementale sont plus actives en termes de communication environnementale

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La théorie prédit un degré de divulgation croissant en fonction de la taille qui se justifie par une exposition plus importante et une pression médiatique plus intense dont font l’objet les grands groupes (Kim et Lyon, 2011). De même, la production de rapports non-financiers requiert la mobilisation d’importantes ressources en termes de temps et de capitaux humain et financier (Kolk et al., 2008 ; Clarkson et al., 2008). Par ailleurs, les entreprises les plus rentables ont les ressources nécessaires pour amortir les coûts inhérents à la publication environnementale (Luo et al., 2012). Nous testons en H2 si la taille ainsi que la rentabilité sont des déterminants significatifs de la communication environnementale.

H2 : Les entreprises de grande envergure sont plus actives en termes de communication environnementale

En ce qui concerne l’impact de la performance environnementale sur la communication non-financière, la littérature théorique et empirique fait état de prédictions et de résultats aussi variés que divergents. Les modèles économiques s’appuyant sur l’asymétrie informationnelle prédisent une forte activité de divulgation pour les plus performants dans l’objectif de se distinguer des moins performants (Clarkson et al., 2008). En revanche, les théories sociales supposent que les entreprises de piètre performance sont plus enclines à divulguer volontairement ; celles-ci étant à la recherche de légitimité auprès des parties prenantes (Déjean et Oxibar, 2010 ; Delmas et Blass, 2010 ; Patten, 2002 ; Philippe, 2006).

Ainsi, du point de vue de la théorie de l’asymétrie informationnelle, il existe une corrélation positive entre la performance environnementale et la probabilité de communication dans l’objectif de signaler à l’ensemble des parties prenantes les efforts entrepris en matière d’environnement. Alternativement, une corrélation négative entre la performance environnementale et la divulgation carbone validerait l’hypothèse de la légitimité selon laquelle ce sont les plus mauvais élèves qui cherchent à se justifier et à convaincre en annonçant des axes d’amélioration. Ainsi, nous proposons de tester l’hypothèse H3a et son alternative H3b.

H3a : Les entreprises éco-efficientes sont davantage actives en termes de communication environnementale

H3b : Les entreprises non éco-efficientes sont davantage actives en termes de communication environnementale

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Les entreprises opérant dans les secteurs polluants sont dans les premières ciblées par les régulateurs nationaux et régionaux à l’occasion d’un changement de la réglementation environnementale. En mesurant leurs émissions toxiques et en divulguant ces données, elles devancent le régulateur et préviennent l’avènement de coûts supplémentaires de conformité avec les nouvelles lois à venir (Al-Tuwaijri et al., 2004). Les industries qui sont désignées comment fortement intenses en émissions carbone comprennent les secteurs de l’énergie, des matériaux, des services pour la collectivité et le secteur industriel. Nous testons si la propension à communiquer sur sa performance environnementale est plus grande pour les entreprises appartenant à ces secteurs polluants.

Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du protocole Kyoto en 2005, les pays développés ayant ratifié le traité (pays de l’annexe 1) sont contraints juridiquement à réduire et/ou maintenir leurs émissions de carbone dans un délai prédéterminé. Ces mesures ont entraîné entre autres une prolifération de la publication de rapports environnementaux. En toute logique, le niveau de transparence sur les émissions toxiques est plus grand pour les entreprises domiciliées dans un des pays de l’annexe 1 de Kyoto.

H4 : Les entreprises contraintes par les nouvelles réglementations environnementales sont plus actives en termes de communication environnementale.

Les théories de l’agence et du signal recommandent plus de divulgation financière en présence d’asymétries informationnelles. Souvent, les entreprises fortement dépendantes de la dette et/ou les sociétés ayant des perspectives de croissance importantes font l’objet d’une plus forte demande d’information de la part des créanciers et/ou actionnaires. Les dirigeants sont ainsi encouragés à communiquer volontairement sur la situation de l’entreprise dans le but de réduire l’asymétrie d’information et diminuer le coût du capital (Healy et Palepu, 2001). Nous testons ces prédictions pour le cas de la divulgation environnementale en mesurant l’asymétrie informationnelle par le niveau d’endettement et le Q de Tobin.

Des études antérieures montrent une corrélation positive entre l’endettement et la communication environnementale volontaire, expliquée par une exigence accrue de la part des créanciers pour ce type de reporting (Clarkson et al., 2008 ; Dhaliwal et al., 2011). D’autres soutiennent que le coût de divulgation peut excéder ses bénéfices dans les entreprises fortement endettées ; ces dernières seraient ainsi plus réticentes à communiquer (Cormier et

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Magnan, 1999, 2002; Brammer et Pavelin, 2008). L’impact de l’endettement sur la probabilité de communiquer demeure équivoque.

D’un autre coté, l’asymétrie informationnelle est présumée plus importante dans les entreprises dont la valeur des actifs intangibles est élevée (Smith et Watts, 1992). Dans ce cas, la demande d’information sur les perspectives futures de la firme serait plus grande (Clarkson et al., 2008). Plus le Q de Tobin est élevé, plus grande est la probabilité de publication volontaire.

H5 : Les entreprises dont la demande d’information au sujet de leurs perspectives futures est importante sont plus actives en termes de communication environnementale.