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LES CONSEQUENCES DE LA NOTORIETE DES

Chapitre 1 Les conséquences de la notoriété des sociétés du SBF-120 sur Les conséquences de la notoriété des sociétés du SBF-120 sur

1.2. Le biais de familiarité : revue de la littérature

1.2.1. Les définitions de la familiarité

Dans la littérature cognitive de la décision, l’étude des biais comportementaux est étroitement liée aux heuristiques. S’il est important de comprendre par quels mécanismes les biais cognitifs conduisent à des erreurs systématiques, il est tout aussi éclairant de savoir par quelles heuristiques nous obtenons quels biais. En l’occurrence, le biais de familiarité est communément associé à l’usage de l’heuristique de disponibilité (availability heuristic) qui se décrit par la facilité avec laquelle certaines informations peuvent être utilisées pour former le jugement (Kahneman et al. 1982). De manière similaire, le biais de familiarité peut être défini par la facilité de restitution d’informations liées à un événement donné, qui ont été accumulées et stockées en mémoire en fonction de leur saillance et leur degré d’importance. La littérature financière fait état de plusieurs situations et contextes dans lesquels les décisions d’investissement sont sujettes au biais de familiarité. Nous les synthétisons, ci-après, en deux catégories selon que le sentiment de familiarité soit appréhendé à travers la notion de proximité ou celle de visibilité.

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a. La familiarité à travers la notion de proximité

La notion de proximité se reflète dans la distance géographique, le voisinage, la similitude professionnelle, sociale et culturelle, etc. Nous la retrouvons principalement dans les études sur le biais domestique, le biais local et le biais de l’employeur. Le biais domestique, initialement étudié par French et Poterba (1991), est la tendance à surpondérer son portefeuille en titres nationaux par rapport aux actions étrangères au détriment des bénéfices de la diversification, et ce malgré l’intégration croissante des marchés financiers ayant conduit à une limitation des barrières à l’investissement international. Similairement, Coval et Moskowitz (1999) mettent en évidence un biais local chez les gérants de fonds commun de placement exhibant une préférence pour les titres émis par les sociétés implantées dans une zone géographique proche. Zhu (2002) constate la même tendance chez les investisseurs individuels. Par ailleurs, derrière l’actionnariat salarié peut se cacher une autre anomalie du comportement d’investissement lorsque les salariés placent la majeure partie de leurs économies dans l’entreprise-employeur (Driscoll et al., 1995 ; Huberman, 2001). Le préjudice potentiel auquel ils s’exposent est pourtant considérable car ils risquent de perdre non seulement leur épargne mais aussi leur travail en cas de faillite de l’entreprise. Si l’actionnariat salarié peut paraître attractif en raison des incitations fiscales et sociales qu’il offre, il relève le plus souvent d’un optimisme et d’une confiance excessive quant à la performance future de l’entreprise-employeur. L’enquête menée par Driscoll et al. (1995) montre que les salariés considèrent les titres de leur entreprise plus sûrs, voire moins risqués que l’indice S&P 500. La familiarité peut également être ressentie à travers la proximité linguistique et culturelle comme l’ont démontré Grinblatt et Keloharju (2001) dans le contexte finnois. En considérant trois attributs de la familiarité, à savoir la distance, la langue et la culture du dirigeant, ils montrent que l’investisseur finnois tend à investir dans les entreprises situées dans son district, communiquant dans sa langue et dont les CEO ont une culture d’origine finnoise. Leurs résultats montrent, par ailleurs, que les investisseurs institutionnels les plus sophistiqués sont moins sujets au biais de familiarité, comparés aux ménages, à l’Etat et aux organisations non-lucratives.

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b. La familiarité à travers la notion de visibilité

La familiarité est aussi un sentiment qui se développe envers les objets les plus visibles. Les expositions fréquentes à des faits (ou objets ou personnes) sont de nature à rendre ces derniers plus présents dans l’esprit et contribuent à renforcer un sentiment de familiarité tout autour. Cette idée est bien connue en marketing à travers la familiarité à la marque qui évoque, outre les expériences directes liées à l’achat et l’utilisation du produit, les expériences indirectes comme les expositions à la publicité (Korchia, 2004). Ces théories suscitent également de l’intérêt pour des chercheurs en finance, qui se sont intéressés, par exemple, à l’effet de la publicité sur le comportement des investisseurs. Ainsi, l’étude de Grullon et al. (2004) a permis de mettre en évidence une relation positive entre les dépenses publicitaires et le nombre des investisseurs individuels et des institutionnels dans le capital des entreprises américaines, tout en contrôlant pour la taille. Il est clair que ces résultants ne s’accordent pas avec les prédictions des modèles rationnels selon lesquels seules les informations se rapportant aux fondamentaux économiques sont de nature à guider les investisseurs dans leurs choix d’investissement. Or, dans la plupart du temps, le contenu de la publicité est vide de toute information de ce type. Pourtant, l’effet de la publicité est aussi perceptible sur la valeur de l’entreprise. L’exemple des grands événements sportifs en est illustratif. Fehle et al. (2005) ont traité le sujet dans le contexte particulier de la coupe d’Amérique de Football (Super Bowl) en examinant la réaction des cours et des volumes de transactions relatifs aux titres des entreprises ayant financé la diffusion de spots publicitaires pendant toute la durée de l’événement. Leurs résultats révèlent des rendements anormaux significatifs uniquement pour les entreprises qui sont facilement reconnues dans le message publicitaire17, ainsi qu’un volume important de transactions initiées principalement par les petits porteurs. Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle des émotions dans le processus de prise de décision. Il s’agit, précisément, de l’effet de l’humeur et la focalisation attentionnelle suscitées par ce grand événement sportif18, sur le comportement court-termiste des investisseurs. Dans la même veine, l’étude de Frieder et Subrahmanyam

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Par exemple, les publicités qui contiennent le nom de la société dans son message ou bien les entreprises dont le nom coïncide ou rappelle le nom de la marque.

18 L’audimat des matchs de la Super Bowl est des plus importants aux Etats-Unis, ce qui justifie les prix exorbitants des spots publicitaires diffusés dans ce programme. A titre indicatif, le coût de diffusion pendant la Super Bowl varie entre 3,5 jusqu’à 4 millions de dollars pour 30 secondes de pub.

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(2005) atteste d’un effet significatif de la perception de la marque sur les préférences des investisseurs individuels. Outre la publicité, d’autres mécanismes peuvent contribuer à améliorer la visibilité des entreprises, telles qu’une cotation sur une grande place financière (Kadlec et McConnell, 1994) et une importante couverture médiatique par les analystes (Galy et al., 2006).