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3.3 Un système de déduction naturelle quasi-modulaire

3.3.2 Preuves en forme normale

Après avoir démontré normalisation, nous étudions maintenant la structure des preuves en forme normale. Cette étude nous permet, en particulier, de démontrer la propriété de la sous-formule, à savoir que toutes les formules appartenant à une preuve en forme normale sont des sous-formules des formules de sa racine.

En premier lieu, nous définissons la notion de chemin qui est une séquence particulière de A-séquents apparaissant dans une preuve. L’idée est que tout A-séquent apparaissant dans une preuve appartient à au moins un chemin. Ensuite, nous démontrons que tout chemin dans une preuve en forme normale peut être décomposé en trois parties ayant certaines spéci-ficités. Cette décomposition permet de démontrer que toutes les formules d’un chemin dans une preuve en forme normale sont des sous-formules de formules de la racine. Par conséquent, nous

72 3. Déduction naturelle et logiques modales intuitionnistes obtenons la propriété de la sous-formule. Enfin, nous démontrons que nos systèmes vérifient certaines propriétés intéressantes qui seront utilisées plus loin.

Définition 3.3.1 (Chemin). Un chemin dans une preuve D dans DNIKTh est une séquence d’occurrences de A-séquents S0, . . . , Sn telle que :

– S0 est l’étiquette d’une feuille de D qui n’est pas déchargée par une application de [∨E] ou [♦E] ;

– Si pour i < n n’est pas une prémisse mineure d’une application de [⊃E] et

(i) Si n’est pas une prémisse majeure d’une application de [∨E] ou [♦E] et Si+1 est le A-séquent qui vient directement en dessous de Si, ou

(ii) Si est une prémisse majeure d’une application α de [∨E] ou [♦E] et Si+1 est une occurrence d’un A-séquent déchargée par α ;

– Sn est une prémisse mineur de [⊃E], la racine de D, ou une prémisse majeure d’une application de [∨E] ou [♦E] qui ne décharge aucun A-séquent.

Proposition 3.3.2. Tout A-séquent appartenant à une preuve D dans DNIKTh appartient à un chemin de D.

Démonstration. Par induction sur la structure de D. Si D est un axiome (une instance de [id]), alors il est trivial que ce A-séquent appartient au chemin qui ne contient que lui-même. Maintenant, on considère les cas de la dernière règle appliquée dans D :

– Si cette règle est différente de [⊃E], [∨E] et [♦E], alors sa conclusion ajoutée à n’importe quel chemin se terminant par une de ses prémisses (l’existence d’un tel chemin est obtenue en utilisant l’hypothèse d’induction) forme un chemin.

– Si cette règle est [⊃E], alors sa conclusion ajoutée à un chemin se terminant par sa prémisse majeure (hypothèse d’induction) forme un chemin.

– Si cette règle est [∨E] : D Γ{A1∨ A2}{∅} D1 Γ{x : A1}{C} D2 Γ{y : A2}{C} [∨E] Γ{∅}{C}

Par hypothèse d’induction, on sait qu’il existe un chemin π1 dans D1 se terminant par Γ{x : A1}{C}. Si ce chemin ne commence pas par une occurrence de A-séquent déchargée par l’application de cette règle, alors π2, Γ{∅}{C} est un chemin dans D. Sinon, par hypothèse d’induction, il existe un chemin π dans D se terminant par Γ{A1∨ A2}{∅}. Dans ce cas, π, π1, Γ{∅}{C} est un chemin dans D.

– Le cas de la règle [♦E] est similaire à celui de [∨E].

Dans la proposition suivante, nous décrivons certaines des caractéristiques des chemins dans une preuve en forme normale.

Proposition 3.3.3. Soient D une preuve en forme normale dans DNIKTh et π = σ0, . . . , σn

un chemin dans D. Il existe un segment σi dans π, appelé le segment minimum, séparant deux parties de π, appelées E-partie et I-partie, vérifiant les propriétés suivantes :

– pour chaque σj dans la E-partie (j < i), σj est la prémisse majeure d’une règle d’élimi-nation (σj+1 est une sous-formule de σj) ;

– pour chaque σj dans la I-partie (i < j), si j 6= n alors σj est la prémisse d’une règle d’introduction (σj est une sous-formule de σj+1) ;

3.3 Un système de déduction naturelle quasi-modulaire 73 – si i 6= n alors σi est une prémisse d’une règle d’introduction ou une prémisse de [⊥] (σi

est une sous-formule de σ0).

Démonstration. Soit σi le premier segment qui n’est pas une prémisse d’une application d’une règle d’élimination. Si i = n alors il est facile de voir que cette proposition est vraie dans ce cas. Sinon σi est une prémisse d’une application de soit une règle d’introduction, soit la règle [⊥]. Si σi est une prémisse de [⊥], alors soit i + 1 = n, soit σi+1 est une prémisse d’une application d’une règle d’introduction (⊥-permutation). De plus, on sait que π ne contient aucun segment qui est la conclusion d’une application d’une règle d’introduction et au même temps une prémisse d’une application d’une règle d’élimination ou de [⊥] (règles de réduction et de permutation). Ainsi, pour tout i < j < n, σj est une prémisse d’une application d’une règle d’introduction. Le cas où σi est une prémisse d’une application d’une règle d’introduction est traité d’une façon similaire.

Dans l’optique de faire une démonstration pas induction sur les chemins composant une preuve en forme normale, on assigne aux chemins un ordre.

Définition 3.3.2. Dans une preuve en forme normale D, un chemin est d’ordre 0, s’il satisfait une des deux propriétés suivantes :

– il se termine par la conclusion de D ;

– il débute par un A-séquent qui n’est déchargé par aucune règle et il se termine par la prémisse majeur d’une application de [♦E].

Un chemin est d’ordre n + 1, s’il satisfait une des deux propriétés suivantes :

– il se termine par la prémisse mineure d’une application de [⊃E], ayant la prémisse ma-jeure qui appartient à un chemin d’ordre n ;

– il se termine par la prémisse majeure d’une application de [♦E] et son début est déchargé par une application de [⊃I] appartenant à un chemin d’ordre n.

La proposition suivante a pour objectif de nous permettre de dire que si toutes les con-clusions des A-séquents apparaissant dans une preuve sont des sous-formules de formules de la racine, alors toutes les formules de cette preuve sont des sous-formules des formules de la racine.

Proposition 3.3.4. Soient S = Γ{C} un A-séquent et D une preuve de S dans DNIKTh. Pour tout A-séquent Γ{C′⊢} dans D, si A est une formule dans Γ{∅}, alors A est soit dans Γ{∅}, soit il existe un A-séquent Γ′′{C′′⊢} dans D tel que A est une sous-formule de C′′. Démonstration. Par induction sur la structure de D.

Théorème 3.3.4 (Propriété de la sous-formule). Soient S un A-séquent et D une preuve en forme normale de S dans DNIKTh. Alors toute formule dans D est une sous-formule d’une formule de S.

Démonstration. Pour démontrer ce théorème, il suffit de démontrer par induction sur la valeur de n que pour les chemins d’ordre n, les conclusions des segments qui les composent sont des sous-formules de formules de S. Effectivement, la proposition 3.3.4 nous permet d’étendre cette propriété à toutes les formules de D.

Soient π = σ0, . . . , σk un chemin d’ordre n dans D et σi le segment minimum de π.

Cas n = 0. On sait que σk se termine soit par S, soit par la prémisse majeure d’une ap-plication de [♦E].

74 3. Déduction naturelle et logiques modales intuitionnistes - σk se termine par S. Alors on a C(σk) est une sous-formule d’une formule de S. En utilisant la proposition 3.3.3, on a pour tout j ∈ [i + 1, k], C(σj) est une sous-formule d’une formule S. De plus, on sait que σ0 débute soit par un A-séquent qui n’est pas déchargé, soit par un A-séquent déchargé par une application de [⊃I] appartenant à la I-partie de π. Par conséquent, C(σ0) est une sous-formule d’une formule de S. En utilisant aussi la proposi-tion 3.3.3, on déduit que pour tout j ∈ [0, i], C(σj) est une sous-formule d’une formule de S. - σk se termine par la prémisse majeure d’une application de [♦E]. Alors pour tout j ∈ [0, k], σj est la prémisse majeure d’une application d’une règle d’élimination (proposi-tion 3.3.3). On sait que σ0 débute par un A-séquent qui n’est pas déchargé. Par conséquent, C(σ0) est une sous-formule d’une formule de S. En utilisant la proposition 3.3.3, on déduit que pour tout j ∈ [0, k], C(σj) est une sous-formule d’une formule de S.

Cas n = m + 1 (m > 0). On sait que σk se termine soit par la prémisse mineure d’une application de [⊃E], soit par la prémisse majeure d’une application de [♦E].

- σk se termine par la prémisse mineure d’une application de [⊃E]. Alors en utilisant l’hypothèse d’induction et la proposition 3.3.3, on a pour tout j ∈ [i+1, k], C(σj) est une sous-formule d’une sous-formule de S. De plus, σ0 débute soit par un A-séquent qui n’est pas déchargé, soit par un A-séquent déchargé par une application de [⊃I] appartenant à la I-partie de π ou d’un chemin d’ordre inférieur ou égal à m. On en déduit que pour tout j ∈ [0, i], C(σj) est une sous-formule d’une formule de S.

- σk est la prémisse majeure d’une application de [♦E]. Alors pour tout j ∈ [0, k], σj est la prémisse majeure d’une règle d’élimination (proposition 3.3.3). On sait que σ0 débute par un A-séquent qui est déchargé par une application de [⊃I] appartenant à un chemin d’ordre m. En utilisant l’hypothèse d’induction et la proposition 3.3.3, on déduit que pour tout j ∈ [0, k], C(σj) est une sous-formule d’une formule de S.

Une conséquence directe de la propriété de la sous-formule est celle de la séparation :

Corollaire 3.3.1 (Propriété de la séparation). Soient S un A-séquent et D une preuve en forme normale de S dans DNIKTh. Alors D ne contient que des applications des règles associées aux opérateurs apparaissant dans S.

Dans le cas de DNIKTh avec Th ∈ {∅, {T }, {B}, {T, B}}, il existe une autre propriété im-portante que nous pouvons obtenir à partir de la propriété de la sous-formule. Cette propriété concerne la valeur délimitant les profondeurs des A-séquents apparaissant dans une preuve en forme normale.

Corollaire 3.3.2 (Propriété de la profondeur). Soient S un A-séquent et D une preuve en forme normale de S dans DNIKTh avec Th ∈ {∅, {T }, {B}, {T, B}}. Si S est un A-séquent dans D, alors sa profondeur est inférieure ou égale à la profondeur de S plus la valeur de nest(S).

Démonstration. Les seules règles possédant des prémisses ayant des profondeurs supérieures à celles des conclusions sont [I] et [♦E]. Si la profondeur de S est supérieure à celle de S plus nest(S), alors D contient une formule A avec nest(A) > nest(S), ce qui nous fournit une contradiction car toutes les formules dans D sont des sous-formules des formules de S. Formellement, la démonstration est par induction sur la structure de D.

L’absence de cette propriété dans des systèmes comme DNIS5est à cause des règles d’élim-ination de  et d’introduction de ♦. En effet, dans ces dernières, il n’y a pas de valeur limitant

3.4 A-séquents et logiques modales classiques 75