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3.3.1- Pressions de pores, régimes de pression et circulations de fluides

La plupart des processus physiques de transport dépendent de la température et de la pression. La pression s’applique sur un fluide, et non sur un solide. Dans un milieu poreux, elle est communément définie comme la pression au sein du fluide dans les pores (i.e. la pression de pore). Un volume poreux est caractérisé par des gradients de pression de fluides. Les états de pressions anormales du fluide (i.e. la surpression ou la sous-pression) entraînent son mouvement et sa circulation : Ce dernier va toujours avoir tendance à retrouver son état d’équilibre en migrant.

On peut comparer la pression de pore à son équivalent pour les solides, le tenseur des contraintes. Comme cette dernière, la pression de pore décrit la réponse du matériel (dans ce cas, un fluide) à une charge externe. Le processus primaire qui génère contraintes ou pressions dans un milieu poreux est la subsidence et la sédimentation, qui contribue à l’enfouissement et la surcharge des roches sédimentaires. Dans le cas normal, la pression de pores et la contrainte augmentent avec l’enfouissement.

Au cours de l’enfouissement, ces deux valeurs physiques interagissent avec la compaction, i.e. la réduction de porosité de la matrice. On dénombre deux principaux mécanismes de compaction : (1) la compaction mécanique, c’est à dire le réarrangement des grains qui composent la roche sédimentaire

94 en un assemblage plus dense, et (2) la compaction chimique, c’est-à-dire la cimentation issue de la minéralisation de nouvelles phases suite à l’enfouissement et aux circulations de fluides. En résumé, trois mécanismes sont nécessaires pour formuler un modèle de la mécanique des milieux poreux : la contrainte, la pression de pore et la compaction [e.g. Hantschel et Kauerauf, 2009]. Sur ces trois mécanismes peuvent s’ajouter des effets additionnels : les transformations minérales, le craquage du kérogène ou la fracturation de la roche par exemple.

Dans un cas simplifié, où le milieu est homogène et où les contraintes tectoniques sont négligeables, l’état de contrainte d’un solide est uniquement contrôlé par la surcharge sédimentaire (i.e. le poids de la colonne des sédiments); c’est la notion de pression lithostatique (Figure 3.12). Elle représente l’état de « pression » du volume poreux. Dans un milieu hétérogène, les contraintes appliquées aux solides dans le sous-sol ne sont pas isotropes [e.g. Sassi et Faure, 1997]. La pression lithostatique est donc mal définie physiquement, et ne peut pas être mesurée directement. En pratique néanmoins, on considère souvent la pression lithostatique comme équivalente à la contrainte verticale (σv = ρsgz) [e.g. Allen et Allen, 2005 ; Hantschel et Kauerauf, 2009 ; Deville, 2015].

Figure 3.12 – Evolution de la pression de pore en fonction de la profondeur au sein d’un bassin sédimentaire.

La pression de pores est également contrôlée par le poids des sédiments. Ainsi, pour une roche poreuse idéale non compactable la pression de pore et la pression lithostatique sont toute les deux égales au poids des terrains. Cependant, la circulation des fluides et la compaction contribuent à réduire cette pression de pore ; Celle-ci est donc généralement inférieure à la pression lithostatique (Figure 3.12). L’expulsion des fluides permet aux roches de se compacter de manière plus efficace, ce qui réduit à la fois la pression de pore et la porosité. La roche devient plus dense, et la contrainte

95 interne augmente à mesure que les surpressions diminuent [e.g. Allen et Allen, 2005 ; Hantschel et Kauerauf, 2009]. D’un certain point de vue, la différence entre la pression de pore et la pression lithostatique est donc une simple mesure de compaction.

Une compaction idéale ne réduit jamais la pression de pore à zéro. Un état hydrostatique demeure, qui est égal au poids de la colonne d’eau sus-jacente : c’est la pression hydrostatique (Figure 3.12). Cette pression correspond à une pression théorique, définie pour une couche compactable idéale : elle ne peut pas être mesurée. Généralement, la courbe hydrostatique est définie comme la part de la pression de pore qui ne contribue jamais aux circulations de fluides [e.g. Allen et Allen, 2005 ; Hantschel et Kauerauf, 2009]. Puisque la circulation de fluides dans les pores est contrôlée par des gradients, et non par des valeurs absolues, le niveau zéro du gradient hydrostatique peut être défini arbitrairement ; de fait, il correspond généralement au niveau de la mer.

Tant qu’il existe un chemin reliant les pores de la roche à la surface, la pression de pore est égale à la pression hydrostatique (i.e. le fluide est libre de circuler et de s’équilibrer en pression avec l’atmosphère). Dans un milieu hétérogène, des barrières de perméabilités peuvent freiner l’échappement du fluide et isolent les sédiments de la surface [e.g. Hedberg, 1974; Luo et Vasseur, 1995 ; Heppard et al., 1998; Van Rensbergen et al., 1999; Grauls, 1999 ; Hantschel et Kauerauf, 2009]. L’état de pression dévie alors du gradient hydrostatique et établit un régime de pression anormale. L’état de surpression caractérise un fluide interstitiel dont la pression de pore est supérieure à la pression hydrostatique (Figure 3.12). L’état de sous-pression caractérise un fluide dont la pression de pore est inférieure à la pression hydrostatique (Figure 3.12) ; c’est une situation fréquemment rencontré dans les avant-pays d’une chaîne de montagne, par exemple [e.g. Roure et al., 2010 ; Deville, 2015].

Les conditions de surpression correspondent donc à un état transitoire de pression de fluides qui tendent à évoluer vers un état d’équilibre, celui des pressions hydrostatiques. Le phénomène de surpression est dynamique et dépend de la concurrence entre des mécanismes de générations et de dissipations; de fait, aucune roche n’est suffisamment imperméable pour préserver indéfiniment un état de surpression [Deming, 1994 ; Neuzil, 1994 ; Osborne et Swarbrick, 1997 ; Wangen, 2001 ; Hantschel et Kauerauf, 2009 ; Deville, 2015]. Le maintien à plus ou moins long terme d’un état de surpression va dépendre de deux paramètres essentiels [e.g. Mourgues, 2003 ; Hantschel et Kauerauf, 2009 ; Deville, 2015]:

(1) La perméabilité des formations géologiques et des fractures : Elle définit la vitesse d’expulsion des fluides et de dissipation de la surpression. Les zones de faibles perméabilités sont souvent associées à des formations épaisses de shales, qui peuvent contenir de la matière organique [Heppard et al., 1998 ; Neuzil, 1994 ; Osborne et Swarbrick, 1997 ; Mourgues,

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2003 ; Nordgård Bolås et al., 2004 ; Hantschel et Kauerauf, 2009 ; Aydin et Macquaker, 2011].

(2) La vitesse de génération des surpressions, qui est le sujet de la partie suivante.