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Un décollement est une faille qui forme une surface de glissement parallèle à la stratigraphie. Il est formé typiquement par des roches caractérisées par de faibles coefficients de frottements, et/ou un comportement mécanique ductile prononcé, comme les argiles ou les évaporites. Ce sont des objets tectoniques communs dans les chaînes plissées, dont le rôle a beaucoup été étudié. Ils sont responsables de la formation de structures tectoniques variées, dont l’évolution et la géométrie sont notamment contrôlées par le comportement rhéologique de la roche décollement [e.g. Davis et al., 1983; Davies et Engelder, 1985 ; Dahlen, 1990; Philippe et al., 1998 ; Rowan, 2004 ; Corredor et al., 2005; Morley et al., 2011; Vergès et al, 2011 ; Graveleau et al., 2012]. Ainsi, la déformation des niveaux salifères ductiles est principalement contrôlée par son épaisseur et le taux de déformation

105 appliquée au système géologique (Figure 3.17a). A l’inverse, le comportement rhéologique des argiles dépend de la profondeur, d’enfouissement, de ses propriétés de résistance aux frottements et des pressions de fluides (Figure 3.17b)

Figure 3.17 – Profil de résistance d’une colonne sédimentaire au dessus d’un niveau de décollement argileux ou

salifère

Le rôle de la nature du niveau de décollement sur la structuration des fronts orogéniques et les modes de propagation de la déformation a été de très nombreuses fois démontré sur la base d’expérience de modélisation physique, numérique et d’observations géologiques [voir

Konstantinovskaia et Malavieille, 2011 ; Graveleau et al., 2012 ; Ruh et al., 2012 ; Mary et al, 2013

pour des reviews récent]. Le comportement rhéologique distinct des sédiments argileux ou salifères permet ainsi la formation des styles structuraux très différents entre les imbrications de la Chartreuse et les plis du Jura (Figure 3.18).

Figure 3.18 – Comparaison de la géométrie du front alpin entre le Jura, détaché sur les niveaux évaporitiques du

Trias, et la Chartreuse, détachée sur les niveaux argileux du Lias.

Un schéma classiquement proposé pour décrire l’activité et la progression d’un décollement au sein de niveau argileux est celui du fault-valve, souvent observé au front des prismes d’accrétions [e.g.

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Sibson, 1992 ; Saffer et Bekins, 1998 ; Teixell et al., 2000 ; Henry, 2000; Deville et al., 2010], et notamment au sein du prisme des Barbades (Figure 3.18):

(1) La charge tectonique entraîne l’augmentation des pressions de fluides au sein du décollement.

(2) Les fluides sont expulsés, ce qui transmet les surpressions vers les zones frontales de décollement.

(3) les surpressions transmises dans ces zones frontales permettent l’ouverture de plans de fractures horizontales, et l’initiation d’un proto-décollement.

(4) le décollement est activé, permettant la progression du système chevauchant, et la mise en place d’une nouvelle charge tectonique entretenant ainsi le cycle du décollement.

Figure 3.19 – Résultat d’un modèle de simulation de la migration des fluides dans le nord du prisme de La

Barbade [Deville et al., 2010]. La surpression importante proche du niveau de décollement et en dessous est directement associée à l’épaississement tectonique rapide.

Dans ce schéma, on remarque que l’épaisseur réduite de la colonne sédimentaire au dessus du décollement permet d’atteindre des critères de fracturations hydrauliques pour des surpressions très faibles, de l’ordre de quelques MPa (Figure 3.19). Ces surpressions sont alors générées par transmission latérale des fluides au sein des sédiments pérméables situés sous le décollement [Deville et Sassi, 2010]. On peut donc se poser la question de la validité de ce modèle lorsqu’il est appliqué à

107 des chaînes plissées dont l’histoire pré-compression est plus complexe, et les sédiments déjà fortement compactés.

La nature même des décollements en fait des objets structuraux de nature profonde ; Leurs observations est souvent faite sur une base cartographique, sur des profils sismiques, ou par l’observation de redoublement de série sédimentaire dans les puits : c’est le cas pour le décollement Toarcien du Risoux dans le Jura (Figure 3.18) et celui de la Chartreuse (Figure 3.18). Il n’existe pas beaucoup d’exemples exhumés à la surface de décollement accommodant des déplacements kilométriques et déformé dans des conditions de pression et de température typique des bassins sédimentaires [on mentionne par exemple Hansberry et al, 2015]. Souvent, les affleurements ne permettent d’observer que des figures tectoniques ponctuelles faisant parties d’un édifice structurale plus large [e.g. Aydin et Engelder, 2014 ; Zanella et al., 2013]. Ces exemples sur le terrain ne permettent pas de cerner pleinement par quels processus les zones de décollements accommodent des déplacements de grandes envergures. Ainsi, peu d’informations sont disponibles sur les épaisseurs, les modes de déformations et les circulations de fluides qui caractérisent les décollements argileux à l’état naturel ; Certain de ces exemples sont présentés dans la Figure 3.20.

Figure 3.20 – Tableau comparatif des caractéristiques structurales principales de décollements argileux observés

à l’affleurement dans plusieurs systèmes géologiques différents

Ces exemples proviennent de systèmes géologiques variés, allant du prisme d’accrétion (les Barbades) aux chaînes plissées d’avant-pays (les Pyrénées), marqué par des lithologies et des profondeurs d’enfouissement au moment de l’activation du cisaillement qui sont très distinctes. Ils montrent la variabilité des processus de déformations et des épaisseurs de la zone de faille qui existent au sein des décollements. Toutefois, certaines carcatéristiques sont communes, notamment les nombreuses évidences de circulations de fluides d’origines locales (eaux de formations) ou régionales (eaux de bassins). Pour la plupart des exemples, les décollements forment des systèmes couplant

108 déformations fragiles et ductiles (Figure 3.20) et adopte un comportement rheologique complexe intégrant de multiple processus de déformation différent (Figure 3.21).

Figure 3.21 – Evolution du comportement rhéologique d’une alternance de roche argileuse et carbonaté en

fonction de la profondeur. La génération de fluides modifie la résistance de la roche, en facilitant la rupture et le fluage de la roche (par pression solution par exemple, comme ici)

Le décollement de la chaîne plissée de Khao Kwang (Figure 3.20) est une roche-mère [Hansberry

et al., 2015]. Hansberry et al. [2015] trouve une corrélation positive entre le taux de matière organique dans les shales et l’espacement et la complexité des structures de déformations, suggérant ainsi une influence importante de la matière organique sur les propriétés mécaniques et le comportement rhéologique des roches-mère.

3.4.2- Surpressions de fluides et activation de décollement dans les