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Le calcul de la surpression sous un pli de cintrage sur rampe au sein d’une stratigraphie homogène est utilisé pour hiérarchiser les principaux paramètres contrôlant la génération de pressions anormales au sein du footwall d’un chevauchement. Quatre paramètres généralement impliqués dans le développement des surpressions dans les bassins sédimentaires sont modifiés successivement, afin de vérifier leur impact sur les résultats de modélisations : la formation d’hydrocarbures au sein d’une roche-mère, la vitesse d’enfouissement sédimentaire et tectonique et les propriétés de perméabilité du sédiment.

L’enfouissement sédimentaire est constant, continu et fixé à une valeur de 0.1 km/Ma (0.1 mm/a). Trois scénarios de raccourcissement différents sont testés : 0.5 km/Ma (0.5 mm/a), 1 km/Ma (1 mm/a) et 3km/Ma (3 mm/a) (Figure 5.2). Etant donné la simplicité de l’évolution structurale du modèle, la température est calculée selon un gradient géothermique fixe, qui est de 30°C ou de 40°C par kilomètre (Figure 5.2). Les propriétés pétrophysiques et le comportement poro-mécanique attribuées au sédiment homogène correspondent à ceux d’une roche argileuse. La compaction est simulée par la loi φ/profondeur présentée en Figure 5.2b, qui correspond à une loi dérivant d’une base de données regroupant une vingtaine de lithologies argileuses différentes [e.g. Bessereau, 2003]; elle est similaire à la loi de compaction proposée pour des shales par Bethke [1985]. La perméabilité de la roche est calculée soit selon une loi de Kozeni-Carman calibrée sur des argiles [e.g. Ungerer et al., 1990 ; Hantschel et Kaueauff, 2009], soit selon une loi de type Yang-Aplin calibrée pour un mudstone composé d’environ 35% d’argiles [Yang et Aplin, 2010], respectant ainsi la minéralogie des niveaux roches-mères du Toarcien [Chapitre 4]. En l’absence de données au sein du système chevauchant de la Chartreuse, la faille est traitée comme une interface perméable pendant le dépôt des sédiments et une interface imperméable pendant le développement de la structure tectonique (Figure 5.2). La compartimentation du footwall est donc totale, à l’instar des blocs de chevauchements décrits dans les

164 chaînes Subandines par Moretti et al. [2002]. On s’attend, de cette manière, à augmenter sensiblement la surpression qui se développe dans le footwall, et à forcer l’écoulement des fluides vers le front du chevauchement.

Figure 5.2 – Conditions aux limites des expériences de modélisations réalisées sur le pli de cintrage sur rampe

théorique

Pour une vitesse de raccourcissement de 1 km/Ma (1 mm/a), un gradient géothermique de 30°C/km et une loi de perméabilité de type Kozeni-Carman, la formation du pli conduit à développer une forte surpression dans tout le footwall de la structure tectonique (Figure 5.3c). La surpression se développe principalement pendant l’enfouissement tectonique du niveau de décollement dans le footwall : plus de 15 MPa (150 bar) de surpression est alors généré (Figure 5.3c). La porosité et la perméabilité sont fortement réduites pendant l’enfouissement sédimentaire (Figure 5.3a et b). Comme on pourrait s’y attendre, le charriage de l’unité chevauchante au dessus du footwall n’entraîne pas de modifications conséquentes sur ces deux paramètres (Figure 5.3a et b). Les très faibles perméabilités simulées dans tout le modèle retardent fortement les écoulements ; les fluides contenus dans les pores soutiennent la structure poreuse, réduisant donc les phénomènes de compaction. La surpression qui se développe est donc un effet des très faibles perméabilités du milieu. L’imperméabilité de la rampe de chevauchement crée un contraste très fort sur l’état des pressions de part et d’autre de la faille (Figure 5.3c) ; En limitant les circulations de fluides, cette compartimentation tend à augmenter la surpression générée dans le footwall. On note que ce phénomène simplifie fortement la réalité géologique, puisqu’une faille n’est jamais complétement imperméable et qu’elle peut être successivement drain et barrière pour les fluides [e.g. Labaume et al., 2001 ; Evans et Fisher, 2012].

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Figure 5.3 – Evolution de la porosité, de la perméabilité et de la surpression au sein du pli homogène.

Deux points peuvent être évoqués comme limites de ce scénario de plissement :

(1) Les effets de bords : le déplacement de l’unité chevauchante crée des zones artefacts sur les bords droits et gauches du modèle, qui induisent des forts effets de bords pour le calcul de la pression de pore (Figure 5.3). Dans l’idéal, les dimensions du modèle devraient être adaptées pour limiter ces effets.

(2) La résolution : dans la formulation d’Arctem, les valeurs des résultats de simulation sont calculées au centre des mailles. La faible résolution du modèle entraîne donc des différences dans les calculs de part et d’autre de la faille.

Quand le niveau de décollement est une roche-mère caractérisée par un TOC très fort (10%) et un indice hydrogène IH d’environ 640 mg/gC, la surpression qui se développe dans le footwall pendant l’enfouissement tectonique augmente légèrement de 1 à 2 MPa (10 à 20 bar) (Figure 5.4a). Ainsi, l’augmentation de la température sous le chevauchement entraîne la transformation de près de 20% du kérogène au sein de la roche-mère en hydrocarbure pendant l’enfouissement tectonique, avec un pic à l’aplomb du point le plus enfoui (Figure 5.4b et c). En réduisant l’espace poreux disponible pour la phase « eau », la transformation du kérogène en hydrocarbure entraîne une augmentation légère mais sensible de la surpression au sein des niveaux situés sous le chevauchement.

Cette modélisation suggère que la production syn-tectonique de fluides hydrocarbures au sein d’une roche-mère peu perméable permet la création de surpression. Etant donné le potentiel pétrolier très fort du décollement roche-mère, l’augmentation de surpression n’est cependant pas très importante. Dans le cas où la roche possède une faible résistance aux cisaillement et rupture, le

166 différentiel des contraintes est très faible ; il n’est alors pas certain que la génération des huiles seules puisse permettre de franchir le seuil de fracturation de la roche [Bons et al., 2012 ; Sassi et al., 2013 ; Deville, 2015].

Figure 5.4 – Evolution de la surpression, de la température et du taux de transformation du kérogène lorsqu’un

niveau roche-mère (TOC=10% ; IH=640 mg/gC) est intégré à la modélisation.

Lorsque le gradient géothermique est augmenté à une valeur de 40°C/km la transformation du kérogène en hydrocarbures des hydrocarbures est considérablement accélérée (Figure 5.5). Une partie de la maturité des roches-mères est acquise dès la dernière étape de l’enfouissement sédimentaire (environ 20% du kérogène est alors transformé), et le kérogène est presque entièrement transformé en hydrocarbures pendant la formation du pli (Figure 5.5b). En retour la surpression qui se développe dans le footwall du chevauchement est augmentée de presque 7 MPa (70 bar) pour atteindre 24 MPa (240 bar) à l’aplomb du pli, et de plusieurs MPa à son front (Figure 5.5a). Pour des cas extrêmes (fort TOC, taux de transformation de proche de 100% et génération très rapide), la transformation du kérogène en hydrocarbure est donc susceptible de fournir suffisament de fluides pour augmenter significativement la surpression. En l’absence de processus de craquage secondaire, on suggère que cette surpression est fortement sous-estimée par rapport à la réalité géologique [e.g Nordgard Bolas et

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Figure 5.5 – Evolution de la surpression, de la température et du taux de transformation du kérogène pour un

gradient géothermique de 40°C/km.

En modifiant la vitesse de raccourcissement du pli de cintrage sur rampe, la vitesse de l’enfouissement tectonique de la roche-mère est également modifiée. On peut alors évaluer l’importance de la cinétique des réactions géochimiques et de la vitesse d’écoulement dans les niveaux peu perméables sur le développement de la surpression. En augmentant la vitesse d’enfouissement, deux processus qui ont un effet inverse sur la pression de fluides sont modifiées : le temps disponible pour transformer le kérogène est réduit (limitant la surpression), tandis que le temps disponible pour dissiper la surpression par écoulement est également réduit (augmentant la surpression). Pour un gradient thermique de 30°C/km et une loi de perméabilité de type Kozeni-Carman, la vitesse de raccourcissement modélisée pendant la période tectonique est de 0.5 km/Ma (mm/a), 1 km/Ma ou 3 km/Ma (Figure 5.2). Comme la température est calculée par un gradient géothermique fixe, la vitesse de croissance du pli n’en modifie pas la distribution.

Au premier ordre, la diminution de la vitesse du raccourcissement amplifie les surpressions au sein du footwall de la structure tectonique (Figure 5.6). Dans le cadre de cette modélisation, la réduction de la vitesse de raccourcissement se traduit par deux processus couplés:

(1) Elle modifie les vitesses d’écoulements et le temps disponible pour remettre le système à l’équilibre ; Les fluides tendent à être expulsés, et propagés au front du modèle.

(2) Elle conduit surtout à augmenter le temps de résidence de la roche-mère au sein des fenêtres thermiques de transformation du kérogène en hydrocarbures ; en retour, le taux de

168 transformation de celui-ci est fortement augmenté (de 8% à 30%), ce qui s’accompagne d’une augmentation de la surpression de 4 MPa (40 bar) environ.

Figure 5.6 – Surpression et taux de transformation pour trois scénarios d’enfouissements tectoniques.

Une relation K/φ classique de type Kozeni-Carman a initialement été introduite pour des matériaux granulaires [Ungerer, 1990], et n’est pas forcément adaptée pour représenter l’évolution de la perméabilité des roches argileuses [Yang et Aplin, 2010 ; Aplin et Macquaker, 2011 ; Gasparrini et

al., 2014]. Une loi de type Yang-Aplin pour une minéralogie de 35% d’argile permet de développer plus rapidement et plus intensément les surpressions dans le modèle (Figure 5.7). A la fin de l’enfouissement sédimentaire, les surpressions sont déjà relativement importantes au sein du niveau de décollement (jusqu’à 8 MPa), et atteignent des valeurs très fortes à la fin de l’enfouissement tectonique, par rapport aux modèles de la Figure 5.3.

Figure 5.7 – Evolution de la surpression pour une loi φ/K de type Yang-Aplin pour une minéralogie de 35%.

Pour conclure, la génération de surpression dans le footwall d’un pli de cintrage sur rampe au sein de sédiments argileux homogènes s’effectue principalement par un processus de désquilibre de compaction issue de la très faible perméabilité généralisée dans le modèle. On suggère que la génération d’hydrocarbure peut-être un mécanisme important pour le développement de la surpression

169 au sein d’une roche-mère à partir d’un seuil critique de transformation du kérogène. Ce modèle théorique du pli de cintrage sur rampe permet ainsi de hiérarchiser les paramètres qui contrôlent le développement des surpressions dans la roche-mère pour les modèles Arctem (Figure 5.8).

Figure 5.8 – Tableau récapitulatif de la hiérarchie des paramètres influencant la surpression dans le pli de

cintrage sur rampe théorique