Objectifs de l’étude et présentation des études
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Les analyses de la composition de la communauté picoeucaryote (< 5 µm) réalisées ces dernières années dans plusieurs systèmes lacustres (différent par leur statut trophique, taille, morphologie et géographie) fournissent une première estimation de la diversité de ces microorganismes et une première caractérisation des clades lacustres par séquençage du gène codant pour l‘ARNr 18S. Ces travaux ont permis de révéler une grande variété de groupes phylogénétiques parmi ces cellules de petite taille difficilement identifiables lors des observations microscopiques. La majorité des OTUs détectés au cours de ces travaux est affiliée à des
organismes non-pigmentés, au détriment des phyla photosynthétiques moins représentés (80 vs
20% des séquences). Parmi ces organismes ―incolores‖, l‘importance de séquences affiliées à des groupes parasites (avérés ou putatifs), dont la présence était jusqu‘alors méconnue dans cette fraction de taille planctonique, a notamment retenu notre attention. En effet, ces microorganismes ont longtemps été associés sans distinction dans le pool des flagellés hétérotrophes (HF) pour lesquels un rôle strictement bactérivore était alloué jusqu‘alors dans les écosystèmes aquatiques. Par ailleurs, à l‘inverse des communautés nano- et microphytoplanctoniques, largement décrites et reconnues comme bio-indicatrices de l‘état
trophique des hydrosystèmes (Reynolds, 1998, Calijuri et al., 2002), l‘importance relative du
picoplancton photosynthétique (à priori faiblement diversifié dans les écosystèmes lacustres d‘après les résulats des les librairies de clones) a été peu explorée et pris en compte dans le fonctionnement et la productivité pélagique.
Ainsi, plusieurs hypothèses/questions ont vu le jour quant aux divers rôles fonctionnels existants au sein de cette “boite noire” picoplanctonique. Toutefois, l'étude de l’importance relative, de la répartition et de la dynamique de ces microorganismes appartenant à divers groupes phylogénétiques n’a que très peu été entreprise dans les écosystèmes lacustres. Par ailleurs, à l’heure où de nombreux auteurs s’interrogent sur les patrons de distribution des communautés microbiennes, très peu d’informations sont connues sur l’évolution temporelle de la structure et de la diversité de la communauté picoeucaryote. Ces questions relatives à la dynamique des picoeucaryotes constituent les principaux objectifs de ce travail de doctorat.
Dans un premier temps (Chapitre I), notre intérêt s‘est focalisé sur l‘élaboration, la
validation et l‘application d‘outils moléculaires permettant d‘appréhender l‘importance quantitative de divers groupes eucaryotes picoplanctoniques. Les approches moléculaires basées essentiellement sur le clonage-séquençage de l‘ADNr 18S sont strictement qualitatives, le nombre
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de séquences obtenues dépendant de multiples facteurs dont notamment l‘efficacité d‘extraction de l‘ADNg et le nombre d‘opérons d‘ARN ribosomal variables selon les organismes. Par ailleurs les efforts d‘analyse par séquençage se sont essentiellement attachées à décrire la communauté picoeucaryote de manière ponctuelle tant à l‘échelle temporelle (quelques dates) que spatiale (2-3 points dans la colonne d‘eau). Toutefois, ces techniques ont permis d‘acquérir, pour certains clades spécifiques, un jeu de séquences codant pour l‘ARN 18S permettant de dessiner des sondes oligonucléotidiques. Dans cette optique, nous nous sommes intéressés à cibler des groupes non-pigmentés nouvellement révélés dans les eaux douces et aux rôles encore parfois inconnus. Les groupes des LKM11 et Perkinsozoa interpellent particulièrement par la méconnaissance que l‘on a de leur présence et rôle dans les lacs. Fortement représentés et diversifiés dans les librairies de clones caractérisant la fraction picoplanctonique lacustre, les groupes hétérogènes des Cercozoa et des Champignons ont également fait l‘objet d‘un intérêt particulier dans cette étude avec notamment l‘élaboration d‘une sonde spécifique ciblant le groupe des Cercozoa. Nous nous sommes également intéressés à cibler à l‘aide de sondes parues dans la littérature des groupes pigmentés tel que les Chlorophyceae et Cryptophyceae qui se sont avérés faiblement représentés dans les banques de clones lacustres actuelles, ainsi que le groupe hétérogène des Chrysophyceae (photo- et/ou hétérotrophes) qui s‘est révélé ponctuellement important, tant en terme d‘OTUs que de clones, en milieu lacustre.
Ainsi, afin d‘obtenir une image de leur dynamique temporelle, un suivi saisonnier de
l’importance quantitative de ces différents taxa dans l’épilimnion des eaux mésotrophes
du Bourget a été abordé par la technique de TSA-FISH (Hybridation in situ couplée à
une amplification du signal fluorescent par la réaction enzymatique HRP-tyramide).
Par ailleurs, nous avons cherché dans un second travail (Chapitre II) à caractériser la
répartition verticale de ces groupes dans trois écosystèmes lacustres se différenciant par
leur statut trophique. En effet,Lefranc et al. (2005) ont déjà observé des différences marquées
de diversité picoeucaryote selon le statut trophique du milieu considéré. Par ailleurs, dans leur
travaux menés en mésocosmes, Lepère et al. (2006) ont révélé un fort contrôle top-down exercé
par le métazooplancton et un effet bottom-up structurant des nutriments et de la température sur la communauté picoeucaryote. Cependant, à l‘échelle taxonomique du groupe, on ne sait quels paramètres biotiques ou abiotiques expliqueraient la répartition de ces taxons et si des variations
d‘abondance selon le statut trophique peuvent être détectées. Ainsi, nous avons tenté, au sein des
lacs eutrophe d‘Aydat, mésotrophe du Bourget et oligomésotrophe du Pavin, de caractériser par TSA-FISH l‘abondance des différents taxa qualitativement dominants (Cercozoa),
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potentiellement parasites (Champignons et Perkinsozoa) ou encore mixotrophes (Chlorophyceae et Haptophyceae) à différentes profondeurs ; ces valeurs d‘abondances ont été confrontées à divers paramètres environnementaux.
Après s‘être intéressé sur un pas de temps relativement long (année) ou ponctuellement, à caractériser la répartition verticale (Chapitre II) et la variabilité temporelle (Chapitre I) de ces microorganismes, nous avons souhaité appréhender la dynamique et la diversité de ces communautés à une échelle temporelle plus fine. En adéquation avec le temps de génération de ces microorganismes et de leur rôle supposé (parasitisme notamment), un pas de temps de quelques jours peut s‘avérer plus adapté à l‘étude de l‘écologie de ces organismes
picoplanctoniques (Jacquet et al., 2002). En effet, en raison de leur croissance rapide, les
populations picoplanctoniques (essentiellement la composante photosynthétique) peuvent répondre très rapidement aux fluctuations de l'environnement (variations de la couverture nuageuse, brassage vertical, pulses de nutriments, pression de prédation, effets directs et indirects
de l'attaque virale) (e.g. Jacquet et al., 1998, Vaulot et Marie, 1999, Vaulot et al., 1996, Reckermann
et Veldhuis, 1997, Cottrell et Suttle, 1995). De plus, au regard des efflorescences picoplanctoniques pouvant survenir en réponse aux changements temporels des caractéristiques
physico-chimiques des milieux aquatiques (rayonnement solaire, température) (Nakane et al.,
2008, Polat et al., 2005) et des successions de parasites fortement corrélées à l'évolution rapide de
leurs populations hôtes laissant soupçonner une évolution rapide in situ de la dynamique du
parasite (Chambouvet et al., 2008), un pas de temps resserré à l‘étude de la communauté
eucaryote picoplanctonique nous est apparu nécessaire dans un souci d‘une meilleur
compréhension de la dynamique in situ de ces microorganismes dans ces écosystèmes lacustres.
L‘objectif était donc, d‘une part, de relativiser les amplitudes de variations observées à l‘échelle saisonnière en regard de dynamiques à plus court terme afin de mieux appréhender les facteurs contrôlant cette communauté. D‘autre part, les réponses de la communauté picoeucaryotique aux changements du milieu environnant sont attendues tant à l‘échelle quantitative que qualitative. En effet, de récents travaux portant sur la communauté microbienne eucaryote totale (<160 µm) ont déjà révélé de forts et rapides remaniements de la communauté eucaryote sur un pas de temps
court (quelques heures à 1-2 semaines d‘intervalle, respectivement) (Countway et al., 2005, Vigil et
al., 2009). Aussi, dans le cadre de cette étude de la dynamique à court pas de temps, les approches
de séquençage massif, permettant maintenant une analyse approfondie de la diversité
microbienne (Sogin et al., 2006, Galand et al., 2009, Nolte et al., 2010), nous ont permis de décrire
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Ainsi, dans un troisième volet (Chapitre III), une caractérisation des variations à
court terme (2-3 jours) de la richesse, de la structure (en terme de groupes dominants et rares) et des abondances de la communauté eucaryote picoplanctonique (et de divers groupes phylogénétiques) a été produite sur la base d’un couplage entre différentes approches moléculaires. Ce travail a été mené au sein du lac mésotrophe du Léman au
cours d’un suivi estival (2 mois). Pour ce faire, deux approches quantitatives, PCR en temps
réel et TSA-FISH, ont été couplées à une approche de séquençage massif de type
pyroséquençage normalisé (basé sur la méthodologie proposée par Gifford et al.,(2010)). Notre
attention s‘est portée au cours de ce travail plus particulièrement sur le groupe des Perkinsozoa qui est apparu constitutif de l‘assemblage du ―core taxa‖ lors de notre étude et pour lequel de nouveaux éléments sur leur rôle potentiel dans les écosystèmes lacustres ont été apportés.
Les objectifs de ce travail se sont donc essentiellement focalisés sur deux axes d’étude visant (i) à acquérir les premières données quantitatives descriptives de groupes eucaryotes unicellulaires picoplanctoniques lacustres à différentes échelles d’étude
(spatiale et temporelle), et (ii) à apporter, via des approches moléculaires de nouvelle
génération, une profondeur d’analyse supplémentaire de la diversité et de la structure des picoeucaryotes en considérant leurs variations de diversité et d’abondance sur des pas de temps resserrés. Ainsi, cette approche écosystémique a permis de recueillir les premières informations sur les patrons de distribution et de diversité associés aux variations (quantitative et qualitative) des picoeucaryotes, et d’apporter de nouveaux éléments quant au rôle potentiel du groupe des Perkinsozoa au sein des réseaux trophiques lacustres.
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