Chapitre I Structure et dynamique saisonnière de la communauté picoeucaryote lacustre
AMPLIFICATION-FLUORESCENT IN SITU HYBRIDATION
S‘affranchissant des biais engendrés par les approches culturales, l‘extraction d‘ADN ou
encore les techniques de PCR, l‘hybridation in situ fluorescente (ou FISH) est à l‘heure actuelle
l‘une des techniques les plus efficaces pour identifier et quantifier les cellules recherchées grâce à
l‘utilisation de sondes oligonucléotidiques spécifiques (pour revue, Amann et al.., 1995, Bouvier et
Del Giorgio, 2003). Cette approche est basée sur l‘utilisation d‘une sonde ADN ―taxa-spécifique‖ (de 15 à 20 nucléotides), couplée avec une molécule fluorescente, s‘hybridant avec la séquence complémentaire de l‘ARNr 18S des organismes ciblés. La détection de la fluorescence émise se
fait alors par microscopies à épifluorescence ou confocale (e.g. Wagner et al., 1994, Daims et al.,
2001), ou par cytométrie en flux pour une analyse automatisée (e.g. Amann et al., 1990, Wallner et
al., 1993, Simon et al., 1995). Depuis une quinzaine d‘années, la technique FISH a été appliquée
sur la communauté picoeucaryotique et plus précisément sur des groupes photosynthétiques
(Simon et al., 1995). Ces travaux, menés sur des picoeucaryotes photosynthétiques maintenus en
culture, se sont révélés efficaces. Toutefois, de fortes variations de l‘intensité du signal ont été observées en fonction du stade de croissance (directement corrélé au contenu ribosomal). Ainsi, son application sur la communauté eucaryote picoplanctonique provenant du milieu naturel n‘a pas permis l‘obtention de signaux fluorescents suffisamment intenses pour son étude du fait de
ses contenus en ribosomes variables (Simon et al., 2000). La technique FISH requiert un état
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pour l‘ensemble de la communauté ciblée. De ce fait, son application in situ a pour conséquence
de masquer une partie de la diversité que seule une amplification du signal permet réellement de révéler. Différentes techniques ont été développées dans cette optique. Elles impliquent
notamment l‘utilisation de rapporteurs immunofluorescents (Lebaron et al., 1997), de longues
sondes couplées à plusieurs molécules fluorescentes (sondes polyribonucléotidiques) (DeLong et
al., 1999) ou encore des sondes couplées directement à une enzyme (Amann et al., 1992 ,
Schonhuber et al., 1997 , Pernthaler et al., 2002). Cette dernière, connu sous les sigles CARD-FISH (CAtalyed Reported Deposition-CARD-FISH) ou TSA-CARD-FISH (Tyramide Signal Amplification-FISH), a été employée avec succès depuis une quinzaine d‘années en écologie marine, aussi bien
sur les communautés bactériennes (Schonhüber et al., 1997 , Schonüber et al., 1999) que sur les
populations picoeucaryotiques (Not et al., 2002, Biegala et al., 2003) ou nanoplanctoniques
(Biegala et al., 2002).
Figure III-2 Illustration des différentes étapes de la technique d‘hybridation in situ fluorescente couplée au système
TSA d‘amplification du signal par réaction enzymatique faisant intervenir l‘enzyme HRP (Horse Radish Peroxidase) et son substrat, la tyramide.
Afin d‘étudier la communauté picoeucaryotique lacustre, et notamment divers groupes d‘intérêt (pour la plupart méconnus dans ces systèmes), nous avons privilégié l‘emploi de cette
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technique quantitative basée sur une amplification du signal via la réaction enzymatique entre
l‘enzyme ―Horse Radish Peroxidase‖ (HRP) et son substrat, la tyramide, et ce tout au long de ce
travail de thèse. Les principales étapes de la méthode TSA-FISH sont résumées dans la Figure
III-2. Cette technique, développée en 1997 par Schonhuber et al. permet une amplification du
signal de 10 à 20 fois supérieure à la fluorescence classiquement obtenue par la méthode FISH permettant une meilleure visualisation et estimation de l‘abondance des communautés naturelles
procaryotiques (Schonhuber et al., 1999). Par la suite, une adaptation de cette approche pour la
communauté picoeucaryotique a été réalisée par Not et al. (2002) et Biegala et al. (2003) sur laquelle se base le protocole effectué au cours de ce travail de thèse. Le détail du protocole d‘application de cette technique est repris dans la section ―matériel et méthodes‖ de l‘article qui suit.
IV. RESUME DE L’ETUDE
La dynamique saisonnière de la fraction picoeucaryotique a été étudiée dans le lac
mésotrophe du Bourget par hybridation fluorescente in situ couplée à une amplification du signal
par la réaction enzymatique HRP-tyramide ciblant sept groupes phylogénétiques différents : les groupes des Chlorophyceae, des Chrysophyceae, des Cryptophyceae, des Cercozoa, des LKM11, des Perkinsozoa (constitué de deux clades), et des Champignons (Fungi). Dans ces eaux, l‘abondance des picoeucaryotes, caractérisée par une nette augmentation en période estivale, varie
de 1692 à 10782 cellules.ml-1. Plus précisément, les groupes dominants sont les groupes des
Chrysophyceae et des Chlorophyceae qui représentent respectivement 19,6% et 17,9% de la communauté picoeucaryotique totale. Ces travaux confirment également l‘importance quantitative de parasites potentiels, les Champignons et Perkinsozoa, au sein de l‘assemblage des petits eucaryotes hétérotrophes. Les abondances relatives enregistrées pour le groupe des Perkinsozoa atteignent jusqu‘à 31,6% des eucaryotes totaux ciblés pendant l‘été. Les dynamiques du clade 1 des Perkinsozoa coïncident avec les variations d‘abondances d‘espèces appartenant aux
Peridinium et Ceratium spp. (Dinoflagellata), tandis que les dynamiques du clade 2 des Perkinsozoa
sont liées à la présence de Dinobryon spp. (Chrysophyceae). Les Champignons, représentés par les
Chytrides, atteignent leur maximum d‘abondance en décembre (569 cellules.ml-1) et sont
principalement corrélés avec les dynamiques de Diatomées, et plus particulièrement de Melosira
varians. Un autre point marquant de cette étude est la présence récurrente de cellules appartenant aux Cercozoa (6,2%) et au groupe des LKM11 (4,5%) tout au long de ce suivi saisonnier. Cette
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approche quantitative basée sur l‘emploi de sondes oligonucléotidiques nouvellement dessinées offre des outils prometteurs pour l‘analyse approfondie de la structure des réseaux trophiques microbiens, notamment en révélant la composition phylogénétique de l‘assemblage des petits flagellés hétérotrophes, pour lequel une fraction importante de cellules est généralement non identifiée par la microscopie classique (en moyenne, 96,8 % des petits flagellés hétérotrophes ont été identifiés par les sondes spécifiques que nous avons utilisées dans cette étude).
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