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Les premiers peuplements en Europe centrale, contexte et choix des ensembles lithiques

B. Premières occupations 0,5 0,4 Ma

C’est au cours de cette période que la quantité et la qualité des témoignages de la présence humaine en Europe centrale s’affirment. La limite inférieure de cette périodisation se justifie par l’apparition de quelques assemblages conséquents, signant réellement les premiers peuplements. La limite supérieure à 0,4 Ma été choisie car elle marque une rupture entre les premières industries à éclats et le complexe des industries à petits outils qui sera typique de la période suivante (0,4 - 0,3 Ma). Nous allons donc à présent exposer les données disponibles pour cette période et justifier le choix des assemblages étudiés.

B.1. UKRAINE

B. 1. 1. Korolevo VI

Le site de Korolevo en Ukraine a livré une séquence allant du Paléolithique inférieur au Paléolithique supérieur (Figure 19). La stratigraphie repose sur un niveau de terrasse ancienne à la base, attribuée à l’épisode de Jaramillo. Au dessus, les niveaux de lœss et les paléosols s’alternent. Grâces aux études pédologiques et aux datations absolues, le complexe a été attribué à environ 0,5 Ma. Il a livré une collection conséquente principalement en andésite, matière première locale (Koulakoskaia et al., 2010).

Le complexe VI du site de Korolevo fait partie du corpus d’étude (voir chapitre VI). L’ensemble lithique représente un total de plus de 1.500 pièces qui s’intègrent dans une chaîne opératoire cohérente. De plus, les récentes études chronostratigraphiques (Haesaerts & Koulakoskaia, 2006), ainsi que la révision des collections (Koulakoskaia, 2006) offrent un cadre favorable à l’analyse du matériel lithique (Figure 34).

Figure 34 : Critères de sélection des assemblages ; Korolevo VI, Ukraine

B. 1. 2. Maslovo, Medzhybozh, Malyi Rakovest

Ces trois localités, Maslovo, Medzhybozh, Malyi Rakovest situées en Ukraine ont chacune livré une petite collection de pièces lithiques (Stepanchuk et al., 2010). Les assemblages comprennent des éclats, des racloirs, ainsi que des galets aménagés. Ces pièces ont été découvertes, dans des sols attribués au MIS 11 et 9, mais sont le résultat de découvertes isolées

Korolevo VI Ukraine 0,5 Ma 1543 ++ ++ oui oui

Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

(Stepanchuk et al., 2010). Il n’est donc pas possible de parler réellement d’unité archéologique, mais cela signifie que des indices d’occupation humaine ancienne existent probablement ailleurs en Ukraine.

B. 2. ALLEMAGNE

B. 2. 1. Miesenheim

Le site de Miesenheim se trouve en Allemagne dans la région Rhénanie-Palatinat (Figure 19), proche de la carrière de Kärlich. C’est avant tout un site paléontologique dans lequel une petite collection de pièces lithiques principalement en quartz a été récoltée (Turner et al., 2000 ). Le téphra au sommet de la séquence a été interprété comme correspondant à celui de Kärlich H, daté à 452±8 ka. Les données de la faune et de la microfaune confirment cette datation puisque l’assemblage est attribué à un épisode interglaciaire de la fin du Cromérien hollandais (Turner 1989 ; Turner et al., 2000 ; Turner Kolfschoten & Turner, 1996). L’étude archéologique de l’assemblage faunique a montré qu’aucun élément ne permet d’affirmer que l’homme a joué un rôle dans l’accumulation (Turner et al., 2000 ).

Nous avons étudié le matériel lithique, mais il n’a pas été pris en compte dans le corpus pour des raisons liées au matériel archéologiques lui-même et au contexte dans lequel il se trouve. En effet, la majorité des pièces sont des petits fragments de quartz qui pourraient avoir été taillés mais leur faible nombre ne permet pas de l’affirmer (Figure 36). Une autre catégorie de pièces est représentée par quelques éclats en quartzite patinés. Il est impossible de savoir si ces pièces font partie d’un même assemblage ni de connaître leur rapport avec la faune. De plus, le matériel a été récolté sur une grande surface ce qui ne permet pas d’affirmer que ce matériel représente un assemblage cohérent (Figure 35).

Figure 35 : Critères de sélection des assemblages ; Miesenheim I, Allemagne

oui

Misenheim I Allemagne 0,45 Ma 101 - + non

Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

Figure 36 : Miesenheim, Allemagne ; 1- éclat en quartz ; 2- éclat en calcaire très altéré ; 3- nucléus en quartz ; 4- éclat en chaille très altéré ; 5 à 7- petits éclats en quartz ; 8- éclats sur petit galet de silex ; 9- petit éclat en calcaire (échelle 80%).

B. 2. 2. Kärlich H

Dans la carrière de Kärlich, le niveau H a livré une petite collection de 26 pièces découverte sur une surface de seulement 1 m2

(Würges, 1984). Ce niveau se trouve au dessus d’un niveau de téphra daté par A40

/A39

à 618±13 ka et un autre niveau daté à 452±82 ka (Kröger et al., 1988). Les quelques restes de faune sont caractéristiques d’un contexte froid et le niveau a donc été attribué au MIS 12. La faible quantité de pièces nous a conduits à ne pas prendre en compte cet ensemble dans notre corpus d’étude (Figure 37).

Figure 37 : Critères de sélection des assemblages ; Kärlich H, Allemagne

B. 2. 3. Rheindhalen C 1

Le site de Rheindahlen en Westphalie (Figure 19) est surtout connu pour ses industries micoquiennes. Toutefois, le niveau C1, attribué à l’Elstérien, a livré une petite collection de quelques éclats en quartz et un galet aménagé (Klosterman & Thissen, 1995). La quantité de pièces est donc trop faible pour pouvoir se prononcer sur le matériel.

B. 2. 4. Kärlich-Seeufer

Kärlich-Seeufer représente le plus récent des sites identifiés dans la carrière de Kärlich. Il est interprété comme appartenant au MIS 12 (Gaudzinski, 1996) sur la base des datations radiométriques et des données chronostratigraphiques. Le matériel lithique fait partie de notre corpus d’étude (voir chapitre VII) car il se trouve dans un contexte fiable et représente une collection d’environ 150 pièces où la chaîne opératoire est cohérente. Toutefois, la question de la datation reste ouverte ; l’attribution chronologique se basant principalement sur celle du niveau de téphra sous-jacent qui pourrait appartenir au MIS 9 (voir chapitre VII) (Figure 38).

Figure 38 : Critères de sélection des assemblages ; Kärlich-Seeufer, Allemagne

non

Kärlich H Allemagne 0,4 Ma 10 + + non demandée

Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

0,4 Ma

Kärlich-Seeufer Allemagne 146 ++ ++ oui oui

Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

B. 3. POLOGNE

B. 3. 1. Trzebnica

Le site de Trzebnica se trouve en Pologne, proche de la ville de Wroclaw (Figure 19). C’est au cours de la surveillance d’une briqueterie qu’il est découvert et fouillé par J. M. Burdukiewicz. Une petite concentration de matériel lithique a été identifiée sous le niveau attribué au Sanian (Élsterien). Des sondages permettent de mettre en évidence une séquence où se succèdent un niveau Nidanien (Cromérien) et un niveau Sanian séparés par un dépôt contenant des bioclastes typiques d’un contexte interglaciaire. La couche des découvertes est donc attribuée à l’interglaciaire du Malopolanian (Figure 40).

Le matériel lithique a été étudié. Il représente une collection d’environ 200 pièces indiscutablement anthropiques et dans un contexte stratigraphique favorable, même si l’attribution chronologique se base uniquement sur l’interprétation des tills et n’est pas étayée par des datations absolues ou des données biochronologiques. Toutefois, nous avons décidé de ne pas prendre en compte le matériel dans le corpus et cela pour plusieurs raisons. La série se divise en deux grandes catégories, les éclats issus d’une chaîne opératoire de façonnage et de retouche et les outils confectionnés (Figure 41). Pour mener à bien une analyse techno- fonctionnelle du matériel, il serait nécessaire d’avoir un assemblage suffisamment conséquent pour pouvoir comparer les pièces entre elles. Or la quantité d’outils est trop faible pour que la comparaison soit valable. Nous avons donc décidé de ne pas présenter l’analyse du matériel dans le corpus d’étude. Toutefois, lors de la conclusion, nous comparerons les quelques pièces significative de ce site avec les autres assemblages étudiés (Vértesszölös et Bilzingsleben) (Figure 39).

Figure 39 : Critères de sélection des assemblages ; Trzebnica, Pologne

non oui Trzebnica Pologne 0,4 Ma 1.400 - ++ Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

Figure 40 : Position chronologique des sites de Trzebnica et Rusko dans le cadre des subdivisions stratigraphiques du quaternaire en Pologne (d’après Ber, 2006 ; Leszek & Leszek, 2008)

B. 3. 2. Rusko 42 & 33

Le site de Rusko se situe aussi en Pologne, dans la région de Wroclaw (Figure 19). C’est au cours de la surveillance d’une carrière de kaolin que deux locus contenant des restes lithiques sont identifiés. Une fouille de sauvetage est alors entreprise. Sur le niveau de kaolin de base, les trois niveaux de till typiques de la Silésie sont identifiés. Le till du Nidanien (Cromérien) assez érodé est composé de roches cristallines, de carbonates et de lignites. Le till du Sanian, bien conservé, contient plus de roches sédimentaires et des matériaux scandinaves en grande quantité. Enfin, le till de l’Odérian qui est moins bien conservé et sur lequel reposent les sédiments lœssiques de la glaciation Vistulienne (Éémien). Le niveau archéologique du site de Rusko 42 se trouve entre le till de l’Oderian et celui du Sanian, dans un niveau de sable. Il est donc interprété comme un dépôt alluvial datant de l’interglaciaire moyen ou Mazovien. Le site de Rusko 33 se trouve dans la même position stratigraphique que Rusko 42 et est donc interprété comme contemporain. La position stratigraphique des restes archéologiques est bien documentée, mais repose uniquement sur la reconnaissance des niveaux de till et sur leur interprétation vis-à-vis de la chronologie de référence (Figure 40).

Concernant le matériel lithique que nous avons étudié le même problème méthodologique se pose que pour l’assemblage de Trzebnica. Au sein de la collection une partie semble hétérogène car elle présente une patine différente (Figure 43). Dans le reste de l’ensemble lithique, les éclats spontanés sont nombreux. Les pièces non patinées et lisibles se divisent en deux catégories, les éclats principalement issus de la chaîne opératoire de façonnage et de retouche et les outils. Les nucléus sont quasi absents. Nous avons donc choisi de ne pas intégrer l’assemblage au corpus, même si le matériel sera lui aussi comparé aux résultats des autres collections dans la conclusion de l’étude (Figure 42).

Figure 42 : Critères de sélection des assemblages ; Rusko 33 et 42, Pologne

non non Rusko 33 Rusko 42 Pologne Pologne 0,4 Ma 0,4 Ma 350 2.700 oui oui - - ++ ++ Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

Figure 43 : Rusko 42, Pologne ; 1 à 3- outils confectionnés sur éclats ; 4 à 7- petits éclats de façonnage

B. 4. ROUMANIE

Dans un article sur le premier peuplement de la Roumanie, A. Dobos passe en revue tous les sites attribués au Paléolithique inférieur (Dobos, 2008). Il montre que la plupart des sites ne bénéficient pas de contextes chronostratigraphiques fiables comme Tetoiu, Guran Dobrogei, Slatina, etc. (Radulescu & Samson, 1991 ; Radulescu et al., 1998) et que certains assemblages ne peuvent être attribués avec certitude à des artefacts. « Les quelques 1100 pièces découvertes dans des contextes perturbés peuvent être divisées en deux catégories principale – celles dont le caractère anthropique est douteux et les autres qui sont des artefacts mais qui ne doivent pas être utilisées comme marqueur chrono-culturel. Les chercheurs doivent être prudents quant à leur interprétation. D’un autre côté la présence de ces pièces indique que le Paléolithique inférieur doit exister en Roumanie, mais qu’il n’a pas encore été découvert. 26

» (Dobos, 2008, p. 230). Les occupations actuellement connues comprises dans des contextes fiables appartiennent principalement au Paléolithique moyen (Tuffreau et al., 2009a ; 200b ; Cârciumaru et al., 2000)

26

Citation originale : « The ca. 1,100 pieces found in disturbed context can be divided into two major categories— some whose artifactual

character is doubtful, because they are very rudimentary, and others, which are true artifacts but should not be used as chrono-cultural markers. Scholars must be cautious when interpreting them. On the other hand, the presence of these pieces indicates that Lower Palaeolithic sites may exist in Romania, but have yet to be discovered » (Dobos, 2008, p. 230).

B. 4. 1. Dealul Guran

Le site de Dealul Guran a été découvert récemment dans le sud-est de la Roumanie (Iovita et al., 2012) (Figure 19). Il s’agit d’un abri sous roche effondré, rempli successivement par des argiles et des niveaux de lœss en position secondaire. Deux paléosols ont été identifiés, le plus ancien ayant été daté par OSL aux environs de 0,4 Ma. Le matériel lithique découvert dans ce paléosol représente un assemblage de 561 pièces (Iovita et al., 2012). L’étude du matériel est encore en cours, mais l’assemblage est décrit comme appartenant au mode 1, comprenant des nucléus et des éclats de petite dimension (Figure 44). Sur les planches de matériel, on peut voir deux pièces présentant des encoches sur un support épais (Figure 45).

Figure 44 : Critères de sélection des assemblages ; Dealul Guran, Roumanie

Figure 45 : Dealul Guran, Roumanie ; pièces denticulées sur supports épais (d’après Iovita et al., 2012)

B. 5. SYNTHESE

Au terme de cette présentation, il apparaît que les indices de la présence humaine en Europe centrale vers 0,5 Ma se multiplient, mais que seuls quelques ensembles lithiques peuvent être analysés dans le but de comprendre les dynamiques culturelles.

Les problèmes liés aux contextes chronostratigraphiques sont importants, mais notre souci a aussi été de prendre en compte dans le choix du corpus, des caractères intrinsèques à l’assemblage, comme le nombre de pièces et la cohérence de la chaîne opératoire. Ces éléments

Dealul Guran Roumanie 0,4 Ma 561 ++ ++ non demandée non

Fiabilité estimée : ++ très bonne + bonne -moyenne --faible LÉGENDE

Pris en compte dans le corpus Nom du site Pays Date Nombre de pièces Fiabilité du matériel Fiabilité du contexte Autorisation d’étude

pourraient nuire à l’interprétation de l’assemblage, puisqu’ils biaisent sa représentativité. Ainsi, seuls les assemblages de Korolevo complexe VI et de Kärlich-Seeufer seront-ils pris en compte dans le corpus d’étude. Mais dans la conclusion, nous comparerons les résultats obtenus avec les données des autres assemblages à partir des sources bibliographiques.

C. Conclusion

En l’état actuel des données, un certain nombre de constats peuvent être faits concernant les premiers peuplements en Europe centrale.

Premièrement, les sites avant 0,5 Ma sont extrêmement rares. Le site de Kozarnica représente quasiment le seul, mais il est très isolé géographiquement et chronologiquement.

Deuxièmement, c’est seulement à partir de 0,5 Ma que d’autres sites apparaissent (Korolevo VI, Kärlich-Seeufer, Rusko et Trzebnica). Toutefois, la quantité de sites reste extrêmement limitée surtout comparée à l’Europe occidentale. Différents indices d’un peuplement autour de 0,5 Ma sont présents, mais leur valeur informative est très faible (peu de matériel, contexte douteux, etc.).

Troisièmement, il n’est pas possible au regard des données bibliographiques de caractériser les industries lithiques. Mise à part la qualification d’Oldowayen ou de mode 1, l’interprétation des assemblages se limite à une description des catégories techniques (éclat, nucléus) sans qu’il soit possible d’établir les objectifs de la chaîne opératoire, ni son déroulement. Cependant, il est possible d’affirmer qu’il n’y a pas de biface et que les éclats retouchés sont très rares.

Il convient donc à présent de passer à l’étude des deux collections sélectionnées, Korolevo VI et Kärlich-Seeufer pour tenter de comprendre quels sont les systèmes techniques présents au Paléolithique inférieur en Europe centrale (Figure 46).

Chapitre VI :