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Le gisement de Kärlich-Seeufer, Allemagne

2 3 CONCLUSION ET IMPLICATIONS

B. L'étude du matériel

Le matériel lithique du site de Kärlich-Seeufer a déjà bénéficié d’une étude technologique publiée dans la monographie (Gaudzinski, 1996). Nous avons donc utilisé certains éléments comme les dessins et les décomptes de matière première par exemple. Les catégories choisies pour l’analyse technologique étant légèrement différentes, nous ne les avons pas reprises. L’assemblage est constitué de 146 pièces, principalement des éclats, des nucléus mais on trouve aussi une dizaine de pièces façonnées dont trois « bifaces » (Figure 123).

Figure 123 : Kärlich-Seeufer ; décompte du matériel lithique par grandes catégories

B. 1. METHODOLOGIE

B. 1. 1. Approche technologique

L’objectif de l’étude de ce matériel est d’identifier les chaînes opératoires et les objectifs de la production afin de pouvoir comparer les résultats avec ceux des autres sites étudiés.

Dans le cas de ce matériel, nous avons choisi de procéder dans un premier temps à l’analyse de la chaîne opératoire de débitage.

Pour cela, nous avons étudié les nucléus en analysant pour chacune des pièces :

-les caractéristiques du support (morphologie des surfaces naturelles, dimensions, matière première) ;

-l’ordre et la direction des enlèvements sur la surface de débitage ; -la morphologie et la dimension des négatifs sur la surface de débitage ;

-le rôle de chaque enlèvement dans l’exploitation (mise en place des convexités, mise en place de la surface de plan de frappe, production, accident de taille).

Puis nous avons étudié les produits issus du débitage en notant pour chacune des pièces : -la morphologie de la face supérieure (surfaces naturelles et/ou négatifs d’enlèvements) ; -la direction et l’ordre des enlèvements sur la face supérieure ;

-les caractères morphologiques et dimensionnels des produits.

Catégories Nucléus Éclats Pièces façonnées Total

nombre de pièces 8 106 12

Autre (débris, cassons, etc.)

Cette étape de l’étude a donc pour but de reconstituer la ou les chaînes opératoires de débitage à travers les nucléus et les produits pour tenter de comprendre les moyens et les objectifs de la production.

B. 1. 2. Approche techno-fonctionnelle

Dans un deuxième temps, nous avons mené une étude sur les objectifs fonctionnels de l’assemblage, à travers l’analyse des supports bruts et retouchés.

Afin de mettre en évidence des objectifs fonctionnels à travers l’analyse des caractères sur les supports bruts, nous avons analysé :

-les tranchants bruts en notant les angles, la délinéation en vue frontale et sagittale et la morphologie des surfaces créant le plan de coupe ;

-les caractères morpho-métriques des supports, dimension, morphologie, présence de dos. Dans les cas des pièces présentant une transformation du support par la retouche, nous avons noté : à travers l’analyse de l’ordre et de la morphologie de la retouche, les modifications apportées au support brut.

Toutes les informations doivent permettre d’identifier les unités techno-fonctionnelles préhensives et transformatives récurrentes sur les supports bruts et retouchés. Dans un second temps, il est nécessaire à travers l’identification de couples d’UTF T et P de mettre en évidence des groupes d’outils.

B.2. CHAINE OPERATOIRE DE DEBITAGE

B. 2. 1. Les matières premières

La matière première utilisée à Kärlich-Seeufer est peu variée. On trouve principalement du quartzite (dévonien et tertiaire) et du quartz, mais aussi quelques chailles (Figure 123). Presque toutes ces matières premières sont disponibles à proximité du site, notamment dans le Brockentuff à l’exception d’un quartzite tertiaire, représenté par une seule pièce, identifié dans le lit du Rhin à 4 km (Gaudzinski, 1996). Après l’observation des surfaces naturelles sur les supports, les nucléus et les pièces façonnées, il apparaît que les caractéristiques des blocs diffèrent selon les matières premières. Le quartz est présent sous la forme de petits galets oblongs d’une dizaine de centimètres, alors que les quartzites disponibles sont des blocs anguleux de taille plus importante (probablement jusqu’à 40 cm). Pour les chailles, il est difficile de connaître la morphologie des blocs étant donné qu’elles ne sont représentées que par éclats ne présentant par de surfaces naturelles.

Figure 124 : Kärlich-Seeufer ; décompte des pièces selon les matières premières

B. 2. 2. Les nucléus

Figure 125 : Kärlich-Seeufer ; nucléus, modalités d’initialisation

• Initialisation par sélection

Figure 126 : Kärlich-Seeufer ; initialisation par sélection

Les huit nucléus présents dans le corpus sont principalement en quartzite et en quartz. Il est possible d’obtenir des informations sur les caractères des supports puisque le débitage ne concerne généralement pas la totalité du bloc. Dans le cas des nucléus en quartzite, les supports sélectionnés pour le débitage sont des blocs de taille moyenne relativement épais qui peuvent être des blocs quadrangulaires ou des galets. Concernant le quartz, la matière première est disponible sous la forme de galets de petite dimension. Les blocs sont sélectionnés en fonction des critères qui concernent un sous-ensemble du bloc (Figure 125). Le volume utile au débitage doit présenter une surface comprenant des convexités latérales et distales, opposée à une surface de plan de frappe plane (Figure 126). Lorsque certains de ces critères ne sont pas présents, ils vont être mis en place par aménagement.

• Initialisation par aménagement

L’initialisation par aménagement concerne six pièces (Figure 125) et consiste à mettre en place les convexités latérales (Figure 127).

Matières premières Quartzite Quartz Quartzite tertiaire Total

nombre de pièces 78 38 3

Autre (chaille, radiolarite)

27 146 Modalités d’initialisation 8 Total Nombre de pièces Initialisation exclusivement par sélection

Intialisation par sélection et par aménagement

6 2

Figure 127 : Kärlich-Seeufer ; initialisation par aménagement

Ouverture du plan de frappe

Des négatifs d’enlèvement sont réalisés à partir des surfaces naturelles sur les nucléus. Ils présentent les caractères suivants :

-antériorité dans la hiérarchie des enlèvements ;

-angle de débitage parallèle à la surface de plan de frappe ;

-surface de plan de frappe créée, puis exploitée pour le débitage des éclats suivants.

Les éclats obtenus lors de l’ouverture du plan de frappe doivent présenter les caractéristiques suivantes :

-face supérieure corticale, ou partiellement corticale lorsque la surface de plan de frappe est mise en place après une première phase de débitage ;

-talon cortical ;

-angle entre talon et face inférieure orthogonale ; -dimension moyenne.

Mise en place des convexités

La mise en place des convexités n’est pas toujours présente sur les nucléus (Figure 125). Dans ce cas, la phase d’initialisation se fait par sélection du boc. Si elle existe, elle s’organise en complément des convexités déjà présentes sur le support. Les négatifs d’enlèvements témoignant de cette phase présentent les caractères suivants :

-négatifs antérieurs aux derniers négatifs dans la chronologie des enlèvements ;

-mettent en place des convexités latérales et distales en complément de celles déjà présentes naturellement ;

-sont débités à partir d’une surface de plan de frappe naturelle ou d’un enlèvement d’ouverture de plan de frappe.

Les éclats issus de cette phase de la chaîne opératoire doivent donc présenter les caractéristiques suivantes :

-une face supérieure présentant une surface convexe totalement ou partiellement naturelle ; -une dimension relativement importante ;

-un talon naturel ou lisse ;

-une face inférieure légèrement concave, puisque mettant en place une surface convexe. • Production

Cette seconde étape dans le débitage peut se dérouler directement sur une portion du nucléus présentant naturellement les critères de convexités ou faire suite à l’étape d’initialisation. Le débitage s’organise en courtes séries d’éclats qui exploitent les nervures des enlèvements précédents (Figure 128).

Première étape : Éclats allongés/éclats convergents

Figure 128 : Kärlich-Seeufer ; production d’éclats allongés intercalés avec un éclat convergent

Généralement, une première série d’éclats allongés est réalisée au centre du nucléus, sur la surface convexe du support, les nervures créées par ces négatifs sont exploitées pour le débitage d’éclats convergents (Figure 130, Figure 131, Figure 132, Figure 133).

Les négatifs témoignant de cette phase de la chaîne opératoire de débitage présentent les caractères suivants :

-négatifs les plus récents dans la hiérarchie des enlèvements de la phase concernée ; -dimensions importantes ;

-morphologie allongée et convergente ;

-angle de débitage subparallèle à la surface de débitage.

Les éclats issus de cette phase doivent donc présenter les caractères suivants :

-face supérieure convexe à plane présentant un ou plusieurs négatifs d’enlèvements témoignant de la mise en place des convexités préalables ;

-des dimensions importantes ;

-une face inférieure convexe à plane. Deuxième étape : Éclats larges

Figure 129 : Kärlich-Seeufer ; production d’éclats larges

Après la consommation des convexités, le débitage se poursuit sur les bords de la portion du bloc pour l’obtention de petits éclats larges (Figure 129).

Les négatifs témoignant de cette phase de la chaîne opératoire de débitage présentent les caractères suivants (Figure 130, Figure 131, Figure 132, Figure 133):

-négatifs les plus récents dans la hiérarchie des enlèvements que les négatifs allongés ; -dimension moyenne à faible ;

-morphologie quadrangulaire, plus large que long ;

-angle de débitage très sécant par rapport à la surface de débitage.

Les éclats issus de cette phase doivent donc présenter les caractères suivants :

-face supérieure convexe à plane présentant un ou plusieurs enlèvements parallèles ou subparallèles ;

-dimension moyenne à faible ;

-morphologie quadrangulaire plus large que longue ; -face inférieure convexe ;

-un angle entre talon et surface de débitage très ouvert. Troisième étape : abandon après accident

Les nucléus abandonnés présentent souvent une dernière phase de débitage d’éclats périphériques qui rebroussent en raison de l’épuisement des convexités (Figure 130, Figure 131, Figure 132, Figure 133).

Les négatifs témoignant de cette phase de la chaîne opératoire de débitage présentent les caractères suivants :

-dimensions moyennes à faibles ;

-rebroussé et sur le quartz, négatifs en écaille qui indique que l’éclat s’est brisé lors du débitage.

Les éclats issus de cette phase doivent donc présenter les caractères suivants :

-face supérieure convexe à plane présentant un ou plusieurs enlèvements parallèles ou subparallèles ;

-dimension très faible ;

-présentant des accidents de rebroussés en partie distale ;

-probablement présents sous la forme de fragments, cassons, sirets, etc.

Figure 133 : Kärlich-Seeufer ; nucléus en quartz (dessins modifié d'après Gaudzinski, 1996)

B. 2. 3. Les produits

Figure 134 : Kärlich-Seeufer ; décompte des éclats par catégories technologiques

• Initialisation

Éclats corticaux : ouverture

Une première catégorie d’éclats peut être rattachée au début de la chaîne opératoire de débitage (Figure 134). Il s’agit des éclats corticaux qui présentent les caractéristiques suivantes :

-face supérieure portant une surface corticale totale convexe ; -talon cortical ;

-face inférieure plane ;

Total 106 Éclats corticaux

Catégories d’éclats Éclats à dos Éclats allongés Éclats convergents Éclats larges 32

-dimension moyenne, mais épaisseur conséquente ; -angle fermé entre talon et face supérieure.

Ces éclats sont peu nombreux et témoignent de l’ouverture des blocs. Si cette catégorie a été difficile à appréhender à travers l’étude des nucléus dont l’exploitation est trop avancée, elle nous confirme que la phase de sélection des supports à débiter est déterminée en partie par la recherche de surfaces convexes permettant l’ouverture des blocs.

Éclats partiellement corticaux à dos

Ces éclats sont très bien représentés au sein de l’assemblage (29 pièces, Figure 134). Ils interviennent dans les premières phases de la chaîne opératoire après la phase d’ouverture (Figure 135). L’angle de débitage fermé, la présence de talon et de dos cortical nous indiquent qu’ils pourraient correspondre à la phase de mise en place du plan de frappe. Ils présentent les caractères suivants :

-dimension importante ;

-face supérieure corticale ou partiellement corticale ; -talon cortical ou lisse ;

-face inférieure plane ;

-présence assez fréquente de dos ; -morphologie quadrangulaire.

Figure 135 : Kärlich-Seeufer ; éclats semi-corticaux en quartzite ; 1, 2- éclats semi-corticaux à dos ; 3- éclat semi- cortical (dessins d'après Gaudzinski, 1996)

• Production

Comme nous l’avons vu dans l’analyse des nucléus, la phase de débitage se base sur l’exploitation des critères de convexités latérales ainsi que des nervure-guide. Cette structure du débitage permet d’obtenir différents types d’éclats qui ont pu être divisés en trois catégories. Les éclats allongés

Ils sont plutôt obtenus au début de la chaîne opératoire de débitage, lorsque les convexités latérales le permettent (17 pièces, Figure 134, Figure 136). Ils se caractérisent par :

-une morphologie légèrement allongée ;

-une face supérieure présentant une nervure-guide ; -un talon et une section triangulaires.

Les éclats convergents

Ils sont plutôt obtenus au milieu de la phase de débitage, lorsque les convexités latérales deviennent moins prononcées, et exploitent une nervure guide (15 pièces, Figure 134, Figure 137). Ils se caractérisent par :

-une morphologie convergente ; -une faible épaisseur ;

-un talon et une section triangulaires.

Figure 137 : Kärlich-Seeufer ; éclats convergents ; 1- en quartz ; 2 à 6- en quartzite (dessins d'après Gaudzinski, 1996)

Les petits éclats larges

Ils sont obtenus plutôt vers la fin du débitage, lorsque les convexités latérales et distales sont presque épuisées (32 pièces, Figure 134, Figure 138). Ces éclats se caractérisent par :

-une morphologie quadrangulaire plus large que longue ; -un talon et une section quadrangulaire ;

-un talon très épais témoignant d’une percussion très interne ; -de nombreux accidents de rebroussé ;

Figure 138 : Kärlich-Seeufer ; petits éclats larges en quartzite ; 1- remontage entre trois éclats ; 2- petit éclat ; 3 à 5- petits éclats « retouchés » (dessins d'après Gaudzinski, 1996)

B. 3. CONCLUSION DE L’ETUDE TECHNOLOGIQUE

L’ensemble lithique de Kärlich-Seeufer se caractérise par la production de trois catégories principales d’éclats sur les nucléus en quartz et quartzite (Figure 141). La phase d’initialisation par sélection est très importante et peut s’accompagner d’une phase d’initialisation par aménagement. La production démarre avec le débitage de grands éclats, puis par celle de produits plus allongés convergents. La dernière phase se caractérise par le débitage de petits éclats dont les derniers sont fréquemment rebroussés.