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Partie première – Les principes directeurs des sûretés mobilières confontés à la liberté contractuelle

50.Introduction de la première partie. – En nous intéressant du contenu du droit des sûretés, tout en ayant en tête des idées sur sa définition, la question de savoir ce que c’est une bonne sûreté91 ou une sûreté idéale92 ? L’un des outils utilisés pour

répondre à cette question, selon M. BORGA, est la notion de l’efficacité93 d’une

sûreté réelle. Si l’efficacité n’est pas la seule donnée à prendre en considération pour juger de la qualité d’une sûreté, elle reste un élément indispensable94. Comme un

auteur a pu le souligner, alors même que l’efficacité n’est pas une notion juridique, « elle demeure pourtant essentielle au Droit car elle fait appel à ses finalités, aux

91 P. Ancel, « Nouvelles sûretés pour créanciers échaudés », Rapport, in 16e entretiens de Nanterre des

17 et 18 mars 1989, JCP E, 1989, Cah. Dr. entr., suppl., n° 5, p. 3, soulignant qu’ « une bonne sûreté n’est pas seulement une sûreté bonne pour le créancier, qui lui assure une sûreté efficace. Elle doit aussi être une sûreté équilibre, ne gênant pas de manière excessive les intérêts du débiteur ne ceux des tiers ».

92L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, La publicité foncière, LGDJ, 7e éd. 2013, n° 8, p. 7 : selon les auteurs, une sûreté idéale « devrait être :d’une constitution simple et peu onéreuse, pour ne pas

augmenter le coût du crédit ; adaptée à la dette qu’elle garantit – ni trop ni pas assez – afin d’éviter l’abus de sûreté qui gaspille le crédit du débiteur ; efficace, c’est-à-dire donner au créancier la certitude d’être payé à l’échéance, si le débiteur ne s’exécute pas ; d’une réalisation simple, afin d’éviter les lenteurs et les frais inutiles » ; S. Piedelièvre, Droit des sûretés, Cours magistral, Ellipse,

2008, n° 9 : « Idéalement, elle (sûreté) devrait être efficace, rapide et simple ».

93 N. Borga, L’ordre public et les sûretés conventionnelles, Contribution à l’étude de la diversité des sûretés, 2009, Dalloz, préf. S. Porchy-Simon, p. 33 et s., n° 26.

94 P. Ancel, « Nouvelles sûretés pour créanciers échaudés », Rapport, in 16e entretiens de Nanterre des 17 et 18 mars 1989, JCP éd. E, 1989, Cah. Dr. entr., suppl., n° 5, p. 3, soulignant qu’ « une bonne

sûreté n’est pas seulement une sûreté bonne pour le créancier, qui lui assure une sûreté efficace. Elle doit aussi être une sûreté équilibre, ne gênant pas de manière excessive les intérêts du débiteur ne ceux des tiers ». V. également : L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, La publicité foncière, LGDJ, 7e éd. 2013, n° 8, p. 7 : selon les auteurs, une sûreté idéale « devrait être :d’une constitution simple et peu onéreuse,

pour ne pas augmenter le coût du crédit ; adaptée à la dette qu’elle garantit – ni trop ni pas assez – afin d’éviter l’abus de sûreté qui gaspille le crédit du débiteur ; efficace, c’est-à-dire donner au créancier la certitude d’être payé à l’échéance, si le débiteur ne s’exécute pas ; d’une réalisation simple, afin d’éviter les lenteurs et les frais inutiles ».

41 objectifs poursuivis »95. L’objectif premier est d’assurer la satisfaction du créancier dans le recouvrement de sa créance. Au sens commun, une sûreté conventionnelle suppose donc, pour être efficace, de produire « l’effet qu’on en attend »96. L’efficacité

est alors une notion neutre et n’est pas affectée d’une connotation économique qui conduirait à l’entendre comme « la capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum d’effets, de dépenses »97. En ce sens, l’efficacité fait l’objet de critique

par l’approche utilitariste du droit qu’elle véhicule et son incapacité à saisir les valeurs morales98. C’est toutefois plus d’efficience que d’efficacité dont il s’agit99. Si le droit des sûretés est supposé favoriser le crédit, le versant économique de l’efficacité n’est pas le plus adéquat lorsqu’il s’agit d’apprécier l’influence des normes impératives sur les sûretés traditionnelles. Ainsi, son sens le plus commun sera retenu, renvoyant à une adéquation entre une finalité poursuivie et un effet obtenu. Cet effet attendu de la sûreté peut être envisagé de manière subjective ou objective100.

95 C. Ouerdane-Aubert de Vincelles, Altération du consentement et efficacité des sanctions contractuelles, Dalloz, 2002, Nouv. Bibl. de Thèses, vol. 19, préf. Y. Lequette, n° 3. V. également : M.

Bourassin, L’efficacité des garanties personnelles, LGDJ, 2006, Bibl. dr. privé, T. 456, préf. M.-N. Jobard-Bachelier et V. Brémond, n° 4, qui souligne que « l’évaluation du droit à travers le prisme de

l’efficacité est abandonnée aux sociologues et surtout aux économistes. L’efficacité est tenue à l’écart de la sphère juridique, car elle est suspectée d’être incompatible, non seulement avec les modes d’appréciation traditionnels du droit, mais aussi avec des valeurs juridiques fondamentales. L’efficacité, comme instrument d’évaluation des mécanismes juridiques et des règles de droit, est donc considérée comme dangereuse ».

96 Le Robert, Dictionnaire de la langue française, v° « efficace », qui vient du latin « efficax ». V. encore : Dictionnaire de la langue française Littré, v° « efficace », « Qui produit son effet » ;

Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, dir. A.-J. Arnaud, LGDJ, 1993, v°

« efficacité », où cette notion est définie comme un « mode d’appréciation des conséquences des

normes juridiques er de leur adéquation aux fins qu’elles visent ». 97 Le Robert, dictionnaire de langue française, v° « efficacité », 2e sens.

98 Voir notamment : F. Rangeon, « Réflexion sur l’efficacité du droit », in Les usages sociaux du droit, PUF, 1989, p. 126, et s. p. 132, pour qui l’efficacité conduit à « une conception taylorienne de

l’application du droit selon laquelle il y aurait une manière et une seule de rendre le droit efficace ». V.

également : M. Bourassin, L’efficacité des garanties personnelles, LGDJ, 2006, Bibl. dr. privé, T. 456, préf. M.-N. Jobard-Bachelier et V. Brémond, n° 42 et s.

99 Voir d’ailleurs, Le Robert, Dictionnaire de langue française, v° « efficacité », 2e sens, qui le rapproche de l’anglais efficiency. Sur ce point, V. également : M. Bourassin, L’efficacité des garanties

personnelles, LGDJ, 2006, Bibl. dr. privé, T. 456, préf. M.-N. Jobard-Bachelier et V. Brémond, n° 6, in fine.

100 Sur cette distinction, V. M. Bourassin, L’efficacité des garanties personnelles, LGDJ, 2006, Bibl. dr. privé, T. 456, préf. M.-N. Jobard-Bachelier et V. Brémond, n° 8 et s.

42 51.Des principes directeurs… – L’efficacité est non seulement un outil pour mesurer si une sûreté est idéale, mais aussi un outil de sanction en cas de violation de l’ordre public101 ou des principes directeurs qui s’imposent de manière générale aux titulaires

et aux constituants de la sûreté.

52.Ainsi, par définition, les sûretés réelles mobilières sont caractérisées par l’application stricte du principe accessorium sequitur principale. Cela s’explique par l’objectif même de la constitution d’une sûreté réelle. Aussi, le créancier est protégé, suivant l’idée générale de la sécurité, par le principe de l’indivisibilité au cours de l’exécution du contrat principal et au moment de l’exécution de la sûreté. Malgré une divergence doctrinale sur l’expansion du principe de la proportionnalité102 au droit des

sûretés réelles, nous pouvons constater une exigence croissante de proportionnalité dans ce domaine.

53…face à la liberté contractuelle. – En appliquant systématiquement tous ces principes, les sûretés réelles seront, théoriquement, simples et efficaces. Mais, ces buts ne sont pas achevés à cause de l’intervention de la volonté individuelle des parties contractantes.

54.Depuis 1995, la question a été posée sur le pouvoir des volontés individuelles en matière de sûretés réelles103. La réponse a été donnée par M. DUPICHOT avec un ouvrage très riche104 « Le pouvoir de la volonté en droit des sûretés » : une croissance d’influence de la volonté individuelle dans les sûretés réelles doit être constatée. Si la formation et l’exécution des sûretés réelles juridiques ou judiciaires sont strictement encadrées par les législateurs et les juges, les sûretés réelles conventionnelles sont, d’un point de vue, le résultat de la volonté des parties

101 N. Borga, L’ordre public et les sûretés conventionnelles, Contribution à l’étude de la diversité des sûretés, 2009, Dalloz, préf. S. Porchy-Simon, p. 33 et s., n° 26 et s.

102 En effet, la proportionnalité n’est pas unanimement reconnu comme un principe en matière du droit des sûretés réelles, mais cette appellation a été déjà utilisée dans la doctrine : D. Legeais, « Le principe de proportionnalité entre l’engage des garants et ses ressources », SJEA, n° 44, 30 Octobre 1997, 1007. 103 Ph. Simler, « Rapport de synthèse générale », Journées Porto, Les garanties de financement.

104 Ph. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, éd. Panthéon Assas 2005. Les idées ou des propositions dans cet ouvrage ne font qu’être confirmées par la réforme de 2006.

43 contractantes. Selon M. DUPICHOT, la « contractualisation du droit des sûretés

réelles »105 a pu être constatée au travers de l’évolution de ce droit. La contractualisation des sûretés réelles signifie une croissance d’influence de volontés individuelles sur la formation, la transmission et l’exécution de sûreté réelle conventionnelle. Si une contractualisation des sûretés réelles nommées ne suffit pas à témoigner l’existence d’un principe général de la liberté contractuelle en matière de droit des sûretés réelles mobilières qui fait partie du droit des sûretés réelles, la création des nouvelles garanties réelles avec l’assistance du contrat va pouvoir renforcer le statut de la liberté contractuelle dans le domaine.

Malgré la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du principe de la liberté contractuelle par le conseil constitutionnelle, ce principe ne donne pas aux praticiens une liberté absolue.

55.Il convient, donc, d‘étudier les principes fondamentaux des sûretés réelles portant sur les meubles (Sous-partie 1), aménagés par la volonté individuelle (Sous-partie 2).

105 Ph. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, éd. Panthéon Assas 2005, n° 552 : le droit des sûretés réelles nommées fait l’objet d’une surprenante « contractualisation ». Pour expliquer cette expression, l’auteur, dans le même paragraphe, a donné une définition de la contractualisation : « on y recourra pour désigner l’évolution d’une institution ou d’une branche du

droit, marqué par une intensification de son caractère contractuel » en citant une référence du

Vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant portant sur le vocable « contractuel » : « Plus

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Sous-partie 1 – Les principes fondamentaux du droit