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Le caractère accessoire inhérent aux sûretés réelles mobilières

Sous-partie 1 – Les principes fondamentaux du droit des sûretés mobilières

Chapitre 1 Le caractère accessoire inhérent aux sûretés réelles mobilières

68.Les sûretés réelles mobilières ont pu être définies comme : « tout procédé

spécifique, employant la propriété ou un autre droit réel, portant sur un ou plusieurs biens, corporels ou incorporels, du débiteur ou d’un tiers, mis en œuvre par un créancier et lui octroyant un droit préférentiel ou exclusif pour obtenir directement ou indirectement l’exécution d’une obligation, ou un droit d’opposition lui permettant de parer à l’inexécution ». Il convient de constater que cette définition fonctionnelle

correspond bien à la notion de l’accessoire de la créance parce qu’une sûreté mobilière ne se confond pas avec la créance elle-même126, et qu’elle remplit la fonction de se prémunir contre la défaillance du débiteur. Il est alors logique d’appliquer la règle de l’accessoire aux sûretés réelles mobilières.

Ayant été considérée comme un accessoire d’une créance, une sûreté mobilière est strictement née pour l’exécution, d’au moins, d’une créance. Il est alors logique de penser qu’une sûreté mobilière ne saurait naître indépendamment de toute créance (Section 1). Par ailleurs, l’adage d’accessorium sequitur princiaple s’applique notamment dans la transmission (Section 2). En outre, selon la définition de l’accesoire de la créance, une sûreté mobilière ne saurait être mise en place qu’en cas de défaillance du débiteur (Section 3), d’où,l’importance d’aborder le point conernant l’extinction de la sûreté mobilière (4)

126 Un accessoire de la créance est d’abord un droit supplémentaire de la créance, dont, il est obligé que cet accessoire ne se confond pas avec la créance elle-même ; V. en ce sens : C. Juillet, Les accessoires

de la créance, préf. C. Larroumet, t. 37, Collection des thèses, Defrénois 2009, n° 20, p. 15 :

« L’accessoire de la créance est nécessairement un élément distinct de la créance, et à laquelle il est

simplement rajouté » ; C. Houin-Bressand, Les contre-garanties, Dalloz, 2006, préf. H. Synvet, n° 186 : « En tant qu’accessoires, les sûretés se caratérisent d’abord par un certain détachement. Pour être liées à la créance garantie, elles nécessitent, en effet, par définition, de pouvoir en être préalablement séparées » ; P. Crocq, Propriété et garantie, préf. M. Gobert, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, tome

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Section 1 – Le caractère de l’accessoire au moment de la constitution d’une sûreté mobilière

69.La présentation du principe de l’accessoire en droit français au moment de la constitution d’une sûreté réelle (§1) précédera l’exigence du respect de ce principe en droit chinois au moment de la constitution des sûretés réelles mobilières (§2).

§1 – La naissance de la sûreté mobilière en France : un droit au service exclusif de la créance garantie

70.Nullité d’une sûreté réelle indépendante. – Si la définition de la sûreté réelle mobilière permet de nous démontrer qu’une sûreté mobilière est établie au service de la créance principale, logiquement, nous pouvons déduire qu’une sûreté mobilière indépendante est nulle. Une telle cause de nullité n’est pas expressément prévue par les textes légaux français, mais au travers des dispositions légales, nous pouvons, de toute façon, constater une telle exigence de l’existence de la créance garantie (le principal). L’article 2333, alinéa 2, du Code civil dispose que : « Les créances

garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables ». Selon le président du groupe de travail de l’avant-projet de la

réforme de 2006, une telle disposition a pour objet d’extension de l’assiette du gage sans pourtant abandonner le principe de spécialité des créances garanties127. C’est dire aussi que l’exigence d’une créance garantie dans la constitution d’une sûreté mobilière est toujours la même. Cette idée est confirmée par les législateurs de 2006 dans l’article 2336 du même Code : « Le gage est parfait par l’établissement d’un

écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité de biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Il est alors compréhensible qu’un gage

n’est pas parfait si la dette garantie n’est pas désignée, or nous concevons mal qu’un

127 Rapport GRIMALDI du 28 mars 2005, p. 11 : « Le principe de la spécialité du gage quant aux créances garanties et aux bien grevés a été conservé ». V. aussi infra n° 239 et s.

52 accessoire de la créance peut exister sans une créance. C’est exactement la même chose pour le nantissement de meubles incorporels128.

71.Service exclusif. – M. Cabrillac allant encore plus loin, écrivait que « L’accessoire

doit avoir été conçu, par la loi ou par les parties, pour le service exclusif d’une créance »129. C’est-à-dire que, en tant qu’un accessoire de la créance, une sûreté réelle doit non seulement être établie au service d’une créance, mais elle doit rendre service exclusif à cette créance. Pour cet auteur, une sûreté réelle doit être, alors, née concomitamment avec la créance garantie ou postérieurement130.

72.Créance existante et individualisée. – Ainsi, M. Juillet a pu bel et bien dégagé les conditions de formation de l’accessoire de la créance : il faut que la créance soit « existante et individualisée »131. Parce que, d’abord, la notion d’accessoire est fondamentalement une notion relative, et un élément n’est jamais accessoire en soi mais toujours accessoire par rapport à un autre élément132. Concernant l’exigence d’une créance principale individualisée, cet auteur a argumenté : « il n’est pas

possible de concevoir qu’un rapport s’établisse entre deux droits si l’un, censé être le principal, est inconnu »133. Il convient donc de retenir, sur le plan des principes, que l’accessoire a besoin d’une créance individualisée pour exister en tant que tel. De la même façon, la validité d’une sûreté mobilière nécessite la détermination de la créance garantie. Il arrive que la nécessité d’une créance individualisée se confonde

128 C. civ., art. 2356 : « A peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit. Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l’acte ».

129 M. Cabrillac, « Les accessoires de la créance », in Mélanges A. Weill, 1983, Dalloz-Litec, p. 107 et s., spéc., n° 20, p. 115.

130 M. Cabrillac, « Les accessoires de la créance », in Mélanges A. Weill, 1983, Dalloz-Litec, p. 107 et s., spéc., n° 19, p. 115

131 C. Juillet, Les accessoires de la créance, préf. C. Larroumet, t. 37, Collection des thèses, Defrénois 2009, n° 386 et s., p. 231 et s.

132 C. Juillet, Les accessoires de la créance, préf. C. Larroumet, t. 37, Collection des thèses, Defrénois 2009, n° 387, p. 232.

133 C. Juillet, Les accessoires de la créance, préf. C. Larroumet, t. 37, Collection des thèses, Defrénois 2009, n° 389, p. 233.

53 avec le principe de spécialité, mais les deux exigences n’ont pas un même fondement134.

73.Alors, la logique se comprend facilement. En Chine, au travers des dispositions légales, nous pouvons aussi constater ce lien extrême étroit entre la « créance

principale »135 et la sûreté réelle.

§2 – La naissance de la sûreté mobilière en Chine : par un contrat accessoire du contrat principal

74.Les dispositions légales. – En Chine, la sûreté mobilière conventionnelle est obligatoirement un contrat accessoire du contrat qui fait naître de la créance garantie136. Et dans le cas d’une sûreté mobilière, il en résulte une obligation de mentionner la créance garantie137. Dès lors, le caractère de l’accessoire est l’un des caractères les plus importants des sûretés réelles comme en témoigne la fonction d’une sûreté réelle dont l’existence dépend de la relation qui existe entre les obligations qui découlent de la créance principale. Sans une telle relation entre le créancier et le débiteur, une sûreté réelle ne saurait exécutée, et est, donc, sans valeur138.

75.En annonçantque le contrat constituant la sûreté réelle est un contrat accessoire du contrat principal qui fait naître la créance garantie, la loi chinoise n’a jamais directement indiqué que ce contrat accessoire doit être né concomitamment ou après la naissance du contrat principal. C’est la phrase suivante – « La nullité du contrat

134 V. en ce sens : P. Crocq, « Le principe de spécialité des sûretés réelles : chronique d’un déclin annoncé », Dr. & Patri. Avril 2001, p. 60 : « ce serait oublier, d’une part, que la question de la

spécialité se pose lors de la constitution de la sûreté alors que la question du caractère accessoire concerne bien d’avantage la réalisation de celle-ci et, d’autres part, et surtout, que notre droit connaît (…) le cautionnement omnibus, donné pour toutes dettes présentes et à venir (…). Or, le cautionnement omnibus (…) [est un] droit accessoire. Ce simple constat permet d’affirmer que le principe de spécialité n’est pas (…) un principe lié au caractère accessoire ».

135 C’est l’expression couramment utilisée par les législateurs du 2007 qui signifie exactement la même chose que « créance garantie » en France.

136 Art. 172, al. 1er, de la LDR.

137 Art. 185 de la LDR pour les hypothèques ; Art. 210 de la LDR pour les gages.

138 WU Qian (dir.), Property Law of the People’s Republic of China, Commentary & Application, Law Press, China, p. 467.

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principal rend nul le contrat de sûreté, sauf les dispositions légales contraires »139 – qui nous fait déduire logiquement une telle exigence. Mais, il arrive que la sûreté réelle mobilière conventionnelle soit régulièrement signée par les parties, mais que le contrat de crédit n’est pas encore conclu. Le contrat principal n’est pas valide, tant pour les parties que pour les tiers. Est-ce que dans cette hypothèse nous pouvons dire que la sûreté réelle conventionnelle est nulle ou suspendue du point de vue de ses effets? Sans aller trop loin, nous pouvons, au moins, logiquement dire que la validité de cette convention n’est pas exempte de vice, à cause d’absence d’objet.

76.Nous voyons, au moins théoriquement, que la naissance de la sûreté réelle conventionnelle portant sur les biens mobiliers est étroitement dépendante à la naissance de la créance garantie. La théorie est la même en droit français et en droit chinois. En effet, à cause de cette dépendance et aussi du caractère exclusif du lien entre la sûreté réelle et la créance garantie, cette première est étroitement attachée à la seconde en cas de transmission de cette dernière.

Section 2 – La maxime accessorium sequitur princiaple au moment de la