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3 Pratiques de gestion de la biomasse aux seins des exploitations familiales mixtes d’agriculture-

3.1 Pratiques de gestion des effluents d’élevages et impacts sur les pertes d’azote

La qualité des effluents d’élevage (i.e. teneur en N, P, K, ratio C/N) est très variable et résulte des pratiques de conduite des animaux (dont les conditions de logement), d’alimentation des animaux, de stockage des effluents d’élevage, et des pratiques d’épandage (Fernandes et al., 1997 ; Lekasi et al., 2003, Rufino et al., 2006 ; Snijders et al., 2009). Dans les zones tempérées les teneurs en N des effluents d’élevage sont souvent plus élevées que dans les tropiques en lien avec une alimentation souvent plus riche en protéines, des conditions plus favorables à la collecte et au stockage des effluents (e.g. températures ambiantes plus faibles) (Snijders et al., 2009).

3.1.1 Alimentation et mode de conduite

Les différences de digestibilité et de teneur en protéines de la ration des animaux peuvent entraîner des variations importantes des teneurs de N dans les fèces et les urines (Snijders et al., 2009). Par exemple, la pratique de complémentation des animaux avec des aliments concentrés permet d’accroître la teneur en P des fumiers (Lekasi et al., 2003). La teneur en N excrétée dans l'urine des bovins augmente avec la teneur en protéines des aliments (Rotz et al., 2005). La composition des

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effluents d’élevage peut donc varier d’une saison à l’autre en raison des variations de la disponibilité des aliments et de leur qualité (Snijders et al., 2009).

Le mode de conduite des animaux (pâtures vs stabulations permanentes) et le temps passé dans le logement sont aussi des facteurs de variation de la qualité des effluents d’élevage (Beauvais, 2010 ; Lekasi et al., 2003 ; Rufino et al., 2006 ; Snijders et al., 2009). En effet, les teneurs en N et en P des fumiers des systèmes en stabulation permanente (qui passent le plus de temps à l’étable) tendent à être supérieures à celles des fumiers issus de systèmes pratiquant le pâturage ou la divagation des animaux (Beauvais, 2010 ; Lekasi et al., 2003).

Les conditions de logement des animaux sont aussi apparues comme un facteur influençant la qualité des effluents d’élevage (Lekasi et al., 2003 ; Rufino et al., 2006 ; Snijders et al., 2009). En effet, Rotz (2004) montre que le pourcentage de N perdu dans les bâtiments d’élevage (Figure 4) dépend du type d’élevage (bovin, porcin, volaille) et du type de logement (e.g. volière, stabulation en cage, stabulation entravée, stabulation libre). La présence d’un toit dans le bâtiment d'élevage et d’un sol dallé ou bétonné (avec canaux de drainage des urines) limiteraient les pertes en éléments nutritifs, respectivement, par volatilisation et par lixiviation. Les systèmes d’élevage ayant des bâtiments avec toit présentent des teneurs en P dans effluents d’élevage supérieures à ceux avec des bâtiments à ciel-ouvert (Lekasi et al., 2003). Les effets de la présence d’un toit sur les pertes de N sont probablement à mettre en relation avec des facteurs environnementaux, tels la température ambiante, le rayonnement solaire et les précipitations (Rotz, 2004). L’utilisation d’une litière dans le bâtiment d'élevage permettrait d’absorber les urines (riches en N) et ainsi diminuer les pertes de N par volatilisation (Rufino et al., 2006). La nature et l’épaisseur de la litière sont aussi à prendre en considération ; les apports de matériels végétaux à faible teneur en N et rapport C/N élevé, comme les pailles, peuvent conduire à une diminution (par « dilution ») des teneurs en N et une augmentation du rapport C/N des fumiers (Lekasi et al., 2003). Enfin une collecte fréquente des litières usagées ou des excrétas permet de diminuer les pertes d’azote (Rufino et al., 2006).

3.1.2 Stockage des effluents d’élevage

La nature des effluents d’élevage mélangés (e.g. bovin, porc, volaille) et des différents matériaux rajoutés (e.g. cendres, refus alimentaires, pailles, déchets ménagers) pendant le stockage conditionneront la qualité finale du fumier (Rufino et al., 2006). La teneur en matière sèche des effluents est un facteur majeur conditionnant les pertes de N pendant le stockage (Rotz, 2004). Selon l’IPPC (2006), le pourcentage de pertes de N par émissions gazeuses pendant le stockage est fonction du type d’animaux d’élevage (porc, vache laitière, autre bovin, volaille) et du mode de stockage (e.g. liquide, solide, bassin anaérobie couvert). Lors du stockage, les ajouts d’urine aux fèces ou au mélange fèces-refus augmente les pertes de N (Snijders et al., 2009). Au contraire, le conditionnement en tas dense ou la couverture du tas d’effluents créent des conditions en anaérobie ce qui permet de limiter les pertes de N par émissions gazeuses (Rufino et al., 2006 ; Rufino et al., 2007). De plus, l’ajout de matériaux végétaux à rapport C/N élevé (≥ 25), telles des pailles, favorise l’immobilisation du N minéral par les microorganismes (Rufino et al., 2006). Le retournement du tas d’effluents pendant le stockage, en stimulant les activités de décomposition en aérobie, entraîne des pertes de N (Rufino et al., 2006). Cependant, Lekasi et al. (2003) ont mis en évidence des teneurs en N plus importantes et des rapports C/N plus faibles pour les fumiers des exploitations pratiquant le retournement du fumier pendant le stockage. La durée du stockage affecte aussi sur les teneurs de N ; en général, plus la durée du stockage est longue, moins les fumiers contiennent de N (Rufino et al., 2007). Des facteurs environnementaux, tels la température ambiante, la vitesse du vent, le

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rayonnement solaire sont aussi à prendre en compte car peuvent influencer les taux de pertes, en particulier par émissions gazeuses (Rotz, 2004)

3.1.3 Application des effluents aux parcelles

Lors de l’application des effluents d’élevage, les pertes en éléments nutritifs, et en particulier le N, peuvent être causées par émissions gazeuses (volatilisation, dénitrification), lixiviation et/ou érosion. Les pertes de N par dénitrification et lixiviation sont liées à l’activité des microorganismes du sol, et en particulier aux processus de nitrification et de dénitrification (Rotz, 2004 ; Figure 6).

Figure 6 : Cycle de l’azote dans les systèmes agricoles (d’après McKague et al., 2005)

Les facteurs agissant sur les activités biologiques et chimiques, et sur l’érosion des sols influenceront donc les pertes de N. Les pratiques d’application des effluents d’élevage sur les parcelles (surface vs incorporation), le type d’effluent (i.e. teneur en N, rapport C/N, teneur en matière sèche), la quantité utilisée, le moment de l’application (e.g. saison, moment de la journée, synchronisation avec le besoin des cultures) et les facteurs environnementaux (e.g. température, précipitations, vent, pH du sol, structure du sol) agissent sur les taux de pertes de N après l’application des effluents (Meisinger et Jokela, 2000). La majorité des pertes de N ont lieux durant les premières heures après l’application (Meisinger et Jokela, 2000). Le pourcentage de pertes de N lors de l’application des effluents d’élevage diffèrent selon s’ils sont déposés lors des pâtures, pulvérisés en surface, incorporés au sol, injectés dans le sol en profondeur (Rotz, 2004).

L’incorporation des effluents d’élevage dans le sol permet de diminuer les pertes de N par volatilisation (sous forme d’ammoniac, NH3) par rapport à une application en surface. Cette diminution est d’autant plus importante que le délai avant incorporation (i.e. temps passé par les effluents en surface avant leur incorporation au sol) est réduit. De plus, la profondeur d’incorporation agit aussi sur les pertes de N ; ces pertes diminuent avec des profondeurs croissantes

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(Smith et al., 2009). Par ailleurs, la volatilisation de N est fortement dépendante du pH du sol ; elle est réduite dans des sols à pH acide (Smith et al., 2009, Sommer et al., 2004). Les facteurs théoriques déterminant les pertes de N par volatilisation après épandage des effluents d’élevage ont été résumés par Sommer et Hutchings (2001) (Figure 7).

Figure 7 : Facteurs agissant sur la volatilisation de l’azote (NH3) après application des effluents d’élevage sur les parcelles (d’après Sommer et Hutchings, 2001)

La lixiviation de N (sous forme de nitrate, NO3-) est directement contrôlée par les écoulements d'eau et les teneurs en nitrate (résiduel) du sol, qui dépendent eux de nombreux facteurs tels les conditions climatiques (e.g. précipitations, température), les propriétés du sol (e.g. texture du sol, porosité) et de les pratiques de gestion du sol (e.g. labour, irrigation, la fertilisation minérale ou organique, rotation des cultures) (Li et al., 2006). La synchronisation des applications de fertilisants avec les besoins des cultures est importante car cela permet de réduire les nitrates résiduels dans le sol et donc les risques de lixiviation. Ainsi, les pertes de N par lixiviation sont en général relativement faibles lorsque les effluents d’élevages sont épandus sur une culture en croissance. L’application des effluents d’élevage sur des terres nues peut entraîner des pertes de N par lixiviation importantes (Rotz, 2004).

3.1.4 Efficiences azotées à chaque étape du transfert de N

Le calcul des efficiences (i.e. rapport des sorties en éléments nutritifs sur les entrées) pour les quatre étapes majeures dans le transfert de N (Figure 5) permet de quantifier ces pertes en N et de comparer les exploitations entre elles. En lien avec les facteurs agissant sur les pertes de N décrits précédemment, les efficiences azotées varient fortement au sein des exploitations

Introduction générale

élevage d’Afrique (Rufino et al., 2006) : (1) l’efficience au niveau de l’animal, définie par le rapport entre la quantité d’éléments nutritifs présente dans les excrétas sur celle présente dans les aliments ingérés, peut varier entre 46 et 121% ; (2) l’efficience au niveau des bâtiments d’élevage (ou collecte des effluents), qui quantifie les pertes d’éléments nutritifs qui s’opèrent entre l’excrétion par l’animal et la collecte des effluents par l’exploitant, oscille entre 6 et 99% ; (3) l’efficience au niveau du stockage des effluents (tas de fumier), définie par le rapport entre la quantité d’éléments nutritifs présente dans le fumier à la fin du stockage et celle présente en début de stockage, varie de 30 à 87% ; (4) l’efficience au niveau sol-plante, définie comme la capacité du sol à minéraliser les matières organiques apportées et de la plante à convertir le N disponible (i.e. N apporté moins les pertes de N après application) en biomasse végétale, varie de 3 à 76%.

A cause des nombreuses pertes de N observées à chaque étape du cycle de transfert de N (Figure 5), la restitution au sol de matières organiques par des apports directs de biomasses végétales (i.e. sans passage par l’animal) a été décrite comme plus efficiente par rapport à des apports de fumier (Rufino et al., 2006).

3.2 Pratiques de gestion des parcelles ou gestion des apports de biomasses au sol et