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Si l’analyse des pratiques éducatives est une démarche utilisée comme outil de formation, elle est également considérée comme un champ de recherche (Barbier, 2000; Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002). Ces recherches poursuivent plusieurs finalités : une visée de recherche-formation, une visée de transformation et d'évolution des pratiques professionnelles, « une visée de production de connaissances sur les pratiques, autrement dit une visée heuristique traditionnelle de la recherche » (Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002, p. 136). C’est cette dernière finalité qui constitue notre projet de chercheuse. La recherche en sciences de l’éducation montre un intérêt croissant pour les pratiques, entendue « comme un terme générique englobant action, activités, travail » (Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002, p. 135). Or, cet intérêt grandissant pour les pratiques éducatives s'accompagne d'une certaine opacité dans l’utilisation de termes, de notions, de concepts et de construits peu stabilisés et parfois aussi peu définis (Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002). Ainsi, les termes d’action, d’activité, de pratique, d’intervention sont parfois utilisés comme synonymes (Ibid.). Parfois, ils semblent faire l’objet d’une distinction sémantique, mais qui n’entraîne pas nécessairement un total consensus.

2.1 Pratique

Comme le note Gagnon (2008), le concept de pratique a été utilisé dans les recherches en sciences de l’éducation, principalement pour traiter et caractériser un acte d’enseignement. Mais il n’y a pas une définition univoque du terme de pratique (Malkoun, 2007). Il semble que cette absence d’une définition stable et consensuelle du terme de pratique se retrouve aussi dans le champ des recherches en travail social. Comme le rappelle Gagnon (2008), certains chercheurs emploient à la fois les termes de pratiques éducatives, de pratiques d’enseignement, de pratiques pédagogiques et de pratiques enseignantes sans faire de distinction concrète entre tous ces termes. Pour Garcia (2011), le terme pratique au singulier peut laisser entendre que la pratique de l’enseignant est uniforme. C’est pourquoi l’auteure lui préfère le pluriel pour rendre compte de la variabilité des caractéristiques des pratiques éducatives (Ibid.). Le pluriel nous semble donc également adapté pour rendre compte de la multidimensionnalité des pratiques.

Le concept de pratiques est essentiellement utilisé dans les recherches sur les pratiques enseignantes. Le premier courant de recherche se développe des années 1930 aux années 1950 aux États-Unis (Gauthier et Martineau, 2002) porte sur l’enseignant (et non sur les pratiques enseignantes). Il cherche à établir le profil du bon enseignant en identifiant les qualités propres d’un "bon enseignant" (Ibid.). Ce premier courant scientifique, basé sur la recherche d’une efficacité de la pratique, visait à recruter les meilleurs enseignants (Bressoux, 2002). Gauthier et Martineau (2002) parlent de recherche pédagogique pour désigner les travaux de recherche étudiant les effets de la pratique de l’enseignant sur l’apprentissage des élèves. Ils distinguent les recherches de type processus-produit mettant en relation les comportements de l’enseignant et la performance des élèves, les recherches de type ethnométhodologique visant à révéler le système de règles, de croyances et de représentations de l’enseignant et, enfin, les recherches de type cognitiviste qui se centrent sur les processus de traitement de l’information par l’enseignant (Ibid.).

Nous explorerons, dans la prochaine section, le construit de pratiques pédagogiques et non verrons pourquoi nous lui préférerons celui de pratiques éducatives.

2.2 Les pratiques pédagogiques

Gauthier et Martineau (2002) définissent la pédagogie comme « un discours et une pratique d’ordre en vue d’assurer l’instruction, l’éducation et la socialisation des élèves dans la classe » (p. 210). Ils distinguent la pédagogie de l’éducation (Ibid.). La pédagogie, à la différence de l’éducation, relève exclusivement, selon ces deux auteurs, du contexte scolaire (qui façonne les attitudes, les représentations et les comportements de l’enseignant), et non de l’environnement familial (Ibid.). Parler de pédagogie, c’est mettre en scène l’enseignant non seulement à travers ses actions, mais aussi révéler et débattre de ses attitudes de ses idées et de ses valeurs (Ibid.).

Attali et Bressoux (2002) notent que les dictionnaires contemporains fournissent une définition assez vague du terme pratique. Seuls les ouvrages spécialisés récents mentionnent et analysent des locutions telles que pratiques pédagogiques ou pratiques éducatives. C’est le cas du traité de Pédagogie générale publié par Mialaret (1991). Dans cet ouvrage, les deux termes sont employés surtout au singulier. Mialaret (1991) distingue le savoir pédagogique (l’ensemble de connaissances que doit posséder l’éducateur) de la pratique éducative (l’action éducative c’est-à-dire l’action exercée par les parents ou les maîtres sur les enfants). Si le savoir pédagogique jusqu’au 19e siècle, prenait ses sources soit dans l’expérience de la pratique, soit dans la réflexion philosophique, l’auteur identifie aujourd’hui quatre fondements du savoir pédagogique : la pratique éducative (la pratique elle-même, la pratique observée et la pratique partagée), la réflexion philosophique, la documentation bibliographique et la recherche scientifique (Ibid.). Pour Mialaret (1991), toute pratique apporte des informations et conduit le professionnel à un minimum de réflexion. Car, ce professionnel est conduit à réfléchir et à résoudre des problèmes pratiques. Selon cet auteur, l’expérience est le savoir enrichi par la pratique. L’éducateur comme l’artisan

accumule « un ensemble riche de connaissances, bien assimilées et immédiatement disponibles » (p. 17). Pour Mialaret (1991), les domaines de la recherche en éducation « sont pratiquement en nombre infini » (p. 26). L’auteur les classe selon deux catégories : les savoirs des disciplines de référence (philosophie de l’éducation, histoire de l’éducation, sociologie de l’éducation, ethnologie de l’éducation, démographie de l’éducation, économie de l’éducation, planification de l’éducation, administration de l’éducation, éducation comparée, physiologie de l’éducation, psychologie de l’éducation, psycho-sociologie, sciences de la communication, didactique et théorie des programmes, sciences des méthodes et des techniques de l’éducation) (Ibid.). Seconde catégorie de savoirs, les savoirs issus de problématiques concrètes de l’éducation contemporaine (échec scolaire, enfants porteurs de handicaps, adéquation du système éducatif à la culture de la communauté, orientation scolaire et professionnelle, alphabétisation, carte scolaire, recrutement et formation des enseignants, etc.) (Ibid.).

Pour Attali et Bressoux (2002), les pratiques pédagogiques sont l’ensemble des activités par lesquelles l’enseignant guide et fait travailler ses élèves en leur rendant accessibles les savoirs sur lesquels est fondée la discipline qu’il enseigne. Selon Brougère, Roucous et Chanu (2001), la dimension éducative, dans la prise en charge des jeunes enfants par un assistant maternel, est disséminée dans tous les actes de la vie quotidienne et ne se pose non pas en terme d’éducation formelle, c’est-à-dire en termes de conceptions pédagogiques avec des visées d’acquisitions déterminées et précises, mais davantage en terme d’éducation informelle à savoir des attitudes éducatives avec des conceptions à la fois plus larges et moins finalisées.

Florin (2007) distingue les activités dites pédagogiques (qui sont plus représentées à l’école qu’en crèche) c’est-à-dire les activités graphiques, langagières, logiques, explicatives, les activités favorisant le développement des repères spatio-temporels, les activités dites éducatives c’est-à-dire l’organisation, les soins, les jeux libres, la récréation et les temps d’attente. Florin (2000) note des différences significatives

parmi certaines activités préscolaires ou pédagogiques (graphiques, infra logiques, langage, explications) qui sont plus représentées à l’école et chez les assistants maternels qu’à la crèche.

Si pour Soëtard (2011), la pédagogie est l’accompagnement du processus à travers lequel l’enfant développe sa liberté et « forge des instruments d’action » (p. 10) lui permettant d’aller seul sur son chemin, la pratique pédagogique renvoie pour certains auteurs à la notion d’instruction (Gauthier et Martineau, 2002) et à la notion de savoirs (Attali et Bressoux, 2002). Houssaye (2014), quant à lui, considère que « la pédagogie est trop souvent considérée comme une discipline visant l’application de fins éducatives appropriées […] dans l’enceinte du collège ou du lycée » (p. 5). Nous opterons pour notre part, pour le construit de pratiques éducatives. Concernant les professionnels des crèches, celui-ci nous semble en effet plus adapté. La recherche de Florin (2000) souligne que les activités pédagogiques sont plus nommées, voire représentées à l’école et chez les assistants maternels, qu’à la crèche. Selon Brougère, Roucous et Chanu (2001), la fonction éducative définie et exprimée par les professionnels de la petite enfance n’apparaît pas en termes de pratiques pédagogiques ni en terme d’acquisitions déterminées et précises de savoirs. Les professionnels de l’éducation de la petite enfance, intervenant dans les crèches, semblent donc caractériser leurs pratiques comme éducatives et peu ou pas comme pédagogiques. Cette réalité ne doit pas nous exonérer de mettre à jour les idées pédagogiques constitutives de l’expression des pratiques éducatives.

Nous poursuivrons donc dans la prochaine section la défense du recours au construit de pratiques éducatives en le distinguant de celui d’intervention éducative. De prime abord, il semble que le construit de pratiques éducatives soit surtout employé dans les recherches portant sur les pratiques professionnelles de tout éducateur. Le construit d’intervention éducative semble davantage utilisé par les recherches portant sur l’enseignement, notamment sur les pratiques d’enseignement, mais aussi par des recherches portant sur le travail social et sur le travail socio-éducatif. Afin de mieux

cerner lequel de ces deux construits est plus adapté à notre recherche, il nous semble important de les confronter d’un point de vue théorique, conceptuel et épistémologique. C’est ce que nous ferons dans la prochaine section.

2.3 Pratique enseignante et pratique d’enseignement

Les pratiques enseignantes renvoient et aux pratiques au sein de la classe et aux pratiques hors de la classe c’est-à-dire à toutes les autres situations incluses dans l’activité professionnelle de l’enseignant (Marcel, 2004; Lenoir, 2012). Les pratiques d’enseignement renvoient uniquement aux pratiques professionnelles au sein de la classe mettant en jeu les élèves et l’enseignant (Ibid.). Pour Marcel (2004), les recherches se sont longtemps intéressées à l’enseignant dans la classe. Elles se focalisent aujourd’hui sur l’enseignant en prenant en compte non plus seulement la classe, mais l’établissement (Ibid.). Elles considèrent que l’enseignement est un travail global ne se limitant pas exclusivement à la situation d’enseignement/apprentissage, mais auquel s’ajoutent des pratiques de partenariat, dans et hors la classe et l’établissement avec les différents intervenants ou collectifs (Ibid.).

2.4 Pratiques éducatives et intervention éducative

Maubant (2007) repère trois catégories de recherches portant sur les pratiques enseignantes, c’est-à-dire celles portant sur les pratiques éducatives déclarées, celles portant sur les situations de classe et celles portant sur les pratiques éducatives effectives. Parmi ces dernières, l’auteur distingue trois modèles (Ibid.). Le premier modèle est celui des théories de l’action, qui s’inspire de l’ergonomie et de la psychologie du travail définissant la pratique éducative comme un ensemble de processus de transformation d’une réalité par l’intervention humaine (Ibid.). La visée est formative (Ibid.). Le deuxième modèle est le modèle néocomportementaliste (Ibid.). La visée est prescriptive (Ibid.). Le troisième modèle, s’appuyant sur la

didactique professionnelle, correspond à l’identification des pratiques professionnelles et par là, la mise à jour des compétences, ou des savoirs professionnels, en jeu dans l’action (Ibid.). La visée est compréhensive et trans- formative (Ibid.).

2.4.1 Les différentes approches théoriques

Trois approches théoriques peuvent être identifiées dans les recherches portant sur les pratiques enseignantes. La première de ces approches est l’approche processus- produit (Bru, Pastré et Vinatier, 2007; Bressoux, 1994). Elle s’inscrit dans une épistémologie béhavioriste (Malkoun, 2007). La seconde est l’approche visant à souligner les liens entre conception et action. Elle est portée par l’épistémologie cognitiviste (Bru, Pastré et Vinatier, 2007; Malkoun, 2007). La troisième est l’approche situationniste (Bru, Pastré et Vinatier, 2007; Malkoun, 2007). Les recherches portant sur les pratiques d’enseignement seraient donc passées du paradigme du processus-produit à celui de l’interaction enseignement-apprentissage en situation (Malkoun, 2007). Nous explorerons maintenant en détail ces trois approches théoriques, ce qui nous permettra de situer le construit d’intervention éducative.

Première approche théorique : les recherches de type processus-produit, autrement dit les recherches sur l’effet-maître

Bressoux (1994) note que les recherches sur l’effet maître se sont surtout développées dans le monde anglo-saxon. En France, la recherche en sciences de l’éducation a été particulièrement marquée par les travaux sociologiques notamment ceux de Bourdieu et Passeron attribuant à l’origine sociale un rôle prépondérant dans la réussite scolaire (Ibid.). Cette prégnance de la sociologie bourdieusienne a entraîné un moindre intérêt pour l’étude de ce qui se passe en classe, dans la mesure où la réussite scolaire se jouerait ailleurs qu’à l’école (Ibid.). Or dans les pays anglo-saxons, l’école s’impose

de façon beaucoup plus évidente comme unité d’analyse pertinente (Ibid.). Ainsi, les écoles construisent en partie leur programme d’enseignement (Ibid.). Elles définissent leurs propres objectifs et peuvent elles-mêmes, sous l’autorité du directeur, recruter leurs enseignants, ou s’en séparer (Ibid.). En France, les programmes sont nationaux. La décision d’affectation des enseignants relève de l’État. Les règles et les normes de fonctionnement des établissements relèvent en grande partie de référentiels nationaux, même si l’on encourage les établissements à davantage d’autonomie. En France, si l’effet maître est supérieur à celui de l’effet établissement (Cusset, 2011), il représente 10 % à 15 % des écarts de résultats constatés entre élèves (Ibid.).

Les premières recherches sur les pratiques enseignantes sont repérables en Amérique du Nord dès les années 50 (Altet, Bru et Blanchard-Laville, 2012). Elles s’inscrivent dans un paradigme behavioriste symbolisée par une relation dialogique entre processus et produit (Ibid.). Les comportements observables des enseignants (autrement dit leurs processus d’action) sont mesurés au regard des comportements et des performances des élèves (les produits) (Bru, 2002). Il s’agit de déterminer l’efficacité de la pratique avec pour visée la mise à jour de prescriptions (Altet, 2002; 2006). Ce type de recherche reste encore très présent aujourd’hui en Amérique du Nord et la recherche des best practices, fondée sur la révélation de données probantes demeure une finalité des programmes de subvention des recherches en sciences de l’éducation. Mais ce type de recherche tend à adopter de plus en plus une orientation cogniviste où l’on cherchera à déceler ce qui peut dans l’action révéler des modes opératoires. En saisissant les processus de conception de l’action, on cherche à pouvoir les transformer et in fine à modifier l’action.

Deuxième approche théorique : les recherches d’inspiration cognitiviste L’enseignant, dans cette approche, est considéré comme un décideur-concepteur qui planifie ses actes (Altet, Bru et Blanchard-Laville, 2012). De telles recherches cherchent à mettre à jour les modes opératoires de la pensée des enseignants

(Altet, 2002), en se centrant sur leurs planifications et leurs prises de décisions (Ibid.). La didactique professionnelle relève selon nous de cette perspective.

Troisième approche théorique : les recherches de type systémique

Si ces deux premières approches restent à visée prescriptive, car elles visent à modifier la pratique à partir d’une perspective explicative, elles tendent à vouloir rationaliser un acte humain dont on sait qu’il est profondément complexe (Clanet, 2012). Certaines de ces recherches vont privilégier une méthodologie quantitative (Dupin de Saint-André, Montésinos-Gelet et Morin, 2010) afin de dresser un tableau exhaustif des processus de conceptualisation de l’action. C’est pourquoi une troisième approche semble se développer aujourd’hui avec des recherches visant à décrire, analyser et comprendre l’activité en situation (Altet, 2002). Ces recherches recourent au paradigme interactionniste. Selon Talbot (2012), les travaux actuels de recherche sur les pratiques enseignantes considèrent que les niveaux de performances des élèves ne dépendent pas exclusivement de leurs caractéristiques socio-familiales ni de leurs caractéristiques psychologiques. Ces recherches « tentent d’articuler les différents contextes afin d’ouvrir la boîte noire que peut constituer l’École » (p. 2). Elles prennent en considération plusieurs types de variables concernant à la fois, l'enseignant, l'apprenant et la situation (Altet, 2002) et plusieurs types de processus (activité, apprentissage, transmission, accompagnement). Elles se situent dans une approche plurielle et pluridisciplinaire du processus enseignement-apprentissage, en s’efforçant de mettre à jour l'articulation entre les multiples dimensions épistémique, didactique, pédagogique, psychologique et sociale de la pratique enseignante, dans la continuité des recherches d’Ardoino sur la multiréférentialité (Ibid.). La démarche de l’analyse plurielle, ayant comme objet la complexité de la pratique enseignante, croise, en les reliant, les différentes approches disciplinaires (les didactiques centrées sur la gestion des contenus, la pédagogie, la psychologie et la sociologie) (Ibid.).

Le construit d’intervention éducative : cadre théorique et conceptuel

S’appuyant sur une épistémologie dialectique d’inspiration hégélienne, puisant très explicitement dans les travaux de Not (1979, 1984, 1987 dans Lenoir, 2012), Lenoir recourt au construit d’intervention éducative (Lenoir, 2012). Le construit d’intervention éducative vise la modélisation de la pratique d’enseignement (Lenoir, Larose, Deaudelin, Kalubi et Roy, 2002). Il est défini comme

« l'ensemble des actions finalisées posées par des personnes mandatées, motivées et légitimées […] en vue de poursuivre dans un contexte institutionnellement spécifique […] les objectifs éducatifs socialement déterminés, en mettant en place les conditions les plus adéquates possibles pour favoriser la mise en œuvre par les élèves de processus d'apprentissage appropriés » (Lenoir et al., 2002, p. 13).

L’intervention éducative est complexe. Elle est caractérisée par l’association établie entre les dimensions didactiques, les dimensions psychopédagogiques, les dimensions organisationnelles, les dimensions institutionnelles et sociales (Lenoir et al., 2002). Les dimensions imbriquées (dimensions contextuelles, épistémologiques, curriculaires, didactiques, historiques, psychopédagogiques, organisationnelles, socioaffectives, morales et éthiques) sont autant d’éléments qui composent, influencent et déterminent l’intervention éducative (Lenoir, 2012).

« L'intervention exprime aussi, selon l'axe du sens pratique, le vécu de la pratique telle qu'il est appréhendé par l'enseignant, dans le faire quotidien lui-même, dans ses exigences, ses contraintes, son contexte, ses normes et règles énoncées et perçues, etc., c'est-à-dire dans son habitus professionnel » (Lenoir, 2012, p. 247).

L’intervention éducative inclut l'ensemble des actions de planification (phase préactive) d'actualisation en classe (phase interactive) et d'évaluation de l'actualisation (phase postactive) (Lenoir, 2009).

Employée non seulement pour les enseignants, mais aussi pour diverses catégories de professionnels s’adressant à autrui tels que les travailleurs sociaux, les professionnels de santé, les animateurs ou encore les formateurs d’adultes, l’intervention désigne à la fois l’action et la fonction sociale des intervenants. Ces deux dimensions de l’intervention attestent également de l’effort de rationalisation39 des métiers destinés à autrui, par la convocation de savoirs professionnels requis pour agir avec efficacité (Terrisse, Larose et Couturier, 2003). L’intervention éducative est une action méthodique centrée sur le travail de médiation pratique réalisée par l’enseignant entre d’une part, des opérations d’enseignement et, d’autre part des processus et des finalités (Couturier, Larose et Bédard, 2009). Pour Couturier (2001), plus qu'action, l'intervention est proaction incluant un surcroît d'intentionnalité renvoyant à la fois à une légitimité forte et à une mobilisation méthodique (mobilisation de soi et mobilisation technique efficace dont les effets sont concrets et mesurables). Le professionnel agit ponctuellement sur l’usager, avec des objectifs de changements, socialement légitimés, dans le cadre d'une relation asymétrique, déléguée, consciente, volontaire, finalisée et qui se décompose en actes (Ibid.).

Le construit d’intervention éducative porte aussi sur l’action des sujets apprenants. À cet égard, il est indissociable de celui de médiation (Lenoir, 2009). La médiation est d’abord cognitive. Elle lie le sujet apprenant à l’objet du savoir. La médiation est aussi pédagogico-didactique. Elle lie l’enseignant à la médiation cognitive (Araújo- Oliveira, 2010). Pour Lenoir (2012), l’intervention éducative est « dialectique en ce sens qu'elle instaure un dialogue, une confrontation discursive de points de vue distincts qui impliquent des élèves, des savoirs et un ou des enseignants » (p. 251).

39 Rationalisation qui prend souvent la forme de protocoles d’actions témoignant un effort de rationalisation qui oppose l’intervention à l’aide et au care (Couturier, 2001).

Le construit de pratiques éducatives d’un point de vue théorique et conceptuel Deux approches théoriques de la pratique éducative peuvent être repérées dans la littérature scientifique (Philippot, 2008). La première d’entre elles domine les recherches jusque dans les années 1990 (Ibid.). La pratique éducative est considérée au regard de la dyade "théorie/pratique". Dans cette perspective, la théorie est définie comme devant précéder, voire régler la pratique (Ibid.). La deuxième approche se développe depuis une dizaine d’années. La pratique éducative est définie par l’activité (Ibid.). Dans cette perspective, « deux approches se sont distinguées : celles généralement qualifiées d’approches situées40 et celles développées par l’analyse du travail » (Philippot, 2008, p. 54) recourant principalement à la psychologie du travail et l’ergonomie (Philippot, 2008).

Selon Malkoun (2007, p. 12), en France, les travaux des chercheurs en sciences de l’éducation ont été amplement influencés par l’œuvre de Bourdieu (1980, dans Malkoun, 2007). « Dans l’ouvrage, le sens pratique, Bourdieu traite de la question des pratiques dans une approche sociologique » (Malkoun, 2007, p. 12). Altet (2003) note que plusieurs équipes du Réseau Observation des Pratiques Enseignantes (OPEN) s’appuient sur cet ouvrage et considèrent notamment que la pratique des enseignants est, finalisée par une visée d’apprentissage des élèves et de socialisation, traduite dans et par des techniques au travers de gestes professionnels, interactive,