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Après avoir abordé le niveau macro nous permettant d’identifier les liens entre les conceptions éducatives, les idées pédagogiques et l’histoire des politiques essentiellement nationales concernant les institutions éducatives dédiées à la petite enfance, nous nous pencherons, cette fois, sur l’organisation contemporaine de ces institutions éducatives de la petite enfance à la lumière des textes politiques et législatifs. Nous verrons notamment que les institutions de la petite enfance sont divisées de la même manière en France et en Italie cherchant à combiner des écoles maternelles pour les enfants plus grands et des crèches pour les enfants plus jeunes. Nous traiterons dans un premier temps de l’école maternelle en France, puis de

l’école de l’enfance en Italie. Nous étudierons ensuite les crèches, d’abord en France, puis en Italie.

4.1 Deux ministères distincts

La responsabilité de l’éducation préscolaire pour les enfants de trois à six ans incombe, en France, au ministère de l’Éducation et en Italie, au ministère de l’Instruction, de l’université et de la recherche. Alors que le ministère des Affaires sociales et de la santé a la responsabilité des lieux d’accueil de la petite enfance en France pour les enfants de la naissance à trois ans, en Italie, ce sont les régions, depuis 1971, qui ont la responsabilité des lieux d’accueil de la petite enfance (OCDE, 2001). Si, comme le notait l’OCDE en 2001 une proposition de loi visant à confier au ministère de l’Instruction, de l’université et de la recherche la responsabilité pleine et entière de la tranche d’âge des enfants de zéro à six ans était encore à l’étude jusqu’alors au parlement italien, elle est, à l’heure où nous écrivons ces lignes, en cours d’examen au Sénat. Sous le numéro 1260, la future Loi est intitulée : "Dispositions en matière de système intégratif d’éducation et instruction de la naissance à six ans et du droit des petites filles et des petits garçons aux mêmes opportunités d’apprentissage" (Disposizioni in materia di sistema integrato di educazione e istruzione dalla nascita fino ai sei anni e del diritto delle bambine e dei bambini alle pari opportunità di apprendimento).

4.2 Organisation de l’école maternelle en France

En France, l’école maternelle est publique, laïque, gratuite et fonctionne selon le même rythme que l’école élémentaire (Plaisance et Rayna, 2004). La semaine est fixée à 24 heures (Ministère de l’Éducation nationale, s.d.). Les enfants sont regroupés par tranche d’âge, appelée section : petits, grands et moyens. Ce sont des classes de 25 enfants en moyenne (Plaisance et Rayna, 2004) dont la responsabilité incombe à un enseignant, secondé par un agent territorial spécialisé des écoles

maternelles (ATSEM). Les responsabilités administratives des écoles maternelles sont partagées entre le ministère de l’Éducation nationale et les municipalités. L’État gère la formation, les salaires des enseignants. Il est garant et responsable des programmes nationaux et de la pédagogie. Les communes, quant à elles, gèrent les bâtiments, le matériel et les salaires des ATSEM (Plaisance et Rayna, 2004). Depuis la Loi d’orientation de 1989, l’école primaire française est constituée de l’école maternelle et de l’école élémentaire (Ibid.). L’école maternelle accueille les enfants avant l’âge de la scolarité obligatoire (six ans) et ce, dès l’âge de deux ans « bien que les communes n’aient aucune obligation stricte en ce sens » (Thévenon, 2011, p. 681). L’école maternelle n’est pas obligatoire. Si tous les enfants à partir de trois ans la fréquentent (Plaisance et Rayna, 2004), l’accès à l’école maternelle pour les enfants de deux ans s’est réduit considérablement de 2000 à 2010. En effet, le taux d’enfants de deux ans scolarisés à l’école maternelle est passé de 35 % à 13,6 % (Thévenon, 2011), pour atteindre 11 % en 2012-2013 (Institut national de la statistique et des études économiques, s.d.). Cette baisse est due au faible nombre de places mises à disposition (Thévenon, 2011). En effet, si l’Éducation nationale a l’ « obligation de scolariser tous les enfants à partir de trois ans dont les parents en font la demande » (Vanovermeir, 2012, p. 19), en revanche elle « n’est soumise à aucune obligation quant à la scolarisation » (Ibid.) des enfants « qui n’ont pas encore atteint l’âge de trois ans » (Ibid.).

« L’Éducation nationale ne fixe pas un nombre de "places" offertes aux enfants de deux ans, puisque ces derniers occupent les places qui restent inoccupées, une fois que tous les enfants de plus de trois ans sont scolarisés. Dans son rapport de 2008, le Sénat indique même que l’entrée à l’école maternelle des jeunes enfants est une faculté offerte aux familles et aux enfants, qui relève plus d’une variable d’ajustement que d’une action concertée et anticipée » (Vanovermeir, 2012, p. 19).

La scolarisation des enfants de deux ans a progressé pour la première fois en 2013 après plus de dix ans de forte baisse (direction de l’évaluation, de la prospective, et de la performance, 2014). Cette hausse est due surtout à la « forte augmentation de la

scolarisation dans les zones d’éducation prioritaire29 : + 15,3 % contre + 3,7 % hors éducation prioritaire » (direction de l’évaluation, de la prospective, et de la performance, 2014, p. 2). Le taux de scolarisation dans l’éducation prioritaire atteint « 20,7 %, l’objectif gouvernemental étant d’atteindre 30 % » (Ibid.), alors que le taux de scolarisation des enfants de deux ans hors éducation prioritaire est de 9,9 % (direction de l’évaluation, de la prospective, et de la performance, 2014). Si une corrélation positive a été observée entre l’entrée précoce en maternelle et « les chances d’accéder au CE2 sans redoubler » (Caille, 2001, p. 7), « la différence de réussite entre les enfants scolarisés à deux ans et leurs camarades entrés à l’école maternelle à trois ans est faible » (Ibid.). La scolarisation à deux ans semble donc avoir peu d’effet sur la réduction de l’échec scolaire.

4.2.1 Programmes, finalités et objectifs des politiques de l’éducation de la petite enfance

L’école maternelle dispose d’un programme, fortement orienté sur les apprentissages (Plaisance et Rayna, 2004). Les apprentissages sont structurés en plusieurs domaines : « S'approprier le langage, découvrir l'écrit » (ministère de l’Éducation nationale, s.d.), « devenir élève » (Ibid.), « agir et s’exprimer avec son corps » (Ibid.), « découvrir le monde » (Ibid.), « percevoir, sentir, imaginer, créer » (Ibid.). Brougère (2010), en comparant l’école maternelle allemande à l’école maternelle française, note que cette dernière est fondée sur le modèle scolaire. La notion d’encadrement y est essentielle (Ibid.). Elle sous-tend l’idée de transmettre aux jeunes enfants les règles et consignes dont l’acquisition est nécessaire pour réussir à l’école élémentaire. Cette prégnance du modèle scolaire voire de la forme scolaire (Vincent, 2008) sur la conception politique et institutionnelle de l’école maternelle française fait que l’administration scolaire semble parfois peu adhérer à certaines pédagogies spécifiques de la petite enfance. Selon Garnier (2009), alors que l’école maternelle, a été fondée sur trois

29 Constatant des inégalités socio-économiques sur le territoire, l’éducation prioritaire renvoie à une politique d’égalité des chances qui a pour principal objectif la réduction des écarts de réussite avec le reste du territoire (ministère de l’Éducation nationale, s.d.).

logiques : protéger, éduquer et préparer les jeunes enfants à l’école primaire, ces logiques sont aujourd’hui profondément remises en cause. En effet, l’école maternelle française semble fortement scolarisée dans sa mission et dans ses configurations pédagogiques. À titre d’illustration, les objectifs et le curriculum sont orientés vers les apprentissages cognitifs et langagiers (Ibid.). La forme scolaire affectant l’École maternelle française se caractérise par une relation pédagogique se faisant l’écho d’une lecture socialisatrice des rapports sociaux, par des formes d’apprentissages décontextualisés visant des savoirs objectivés et codifiés, soutenant une conception d’un rapport scriptural-scolaire au langage et au monde (Ibid.). Dans ce sens, la scolarisation de l’École maternelle peut s’analyser comme une transformation de ses missions fondatrices par la mise en place d’un curriculum valorisant les apprentissages cognitifs et langagiers (Ibid.). La scolarisation institutionnalisée de l’école maternelle a d’abord été une prise de distance par rapport aux structures de garde (Ibid.). La création des jardins d’enfants pour les enfants de deux et trois ans a renforcé cette mise à distance d’une école maternelle en charge de la scolarité des jeunes enfants (Ibid.). En France, les parents des enfants de deux et trois ans ont donc le choix : soit une structure visant l’éducation et le soin (les jardins d’enfants), soit une institution visant la scolarisation (l’école maternelle).

Cette scolarisation progressive et intensive de l’école maternelle est la conséquence de deux ambitions : la première d’entre elles apparaît dans les années 1970. Elle vise à réduire les inégalités sociales par une politique volontariste de démocratisation de la fréquentation de l’école maternelle (Ibid.). Cette politique s’intensifiera dès 1981, avec le souci d’une préscolarisation visant à prévenir l’échec scolaire notamment dans les zones d’éducation prioritaire (Garnier, 2010). La seconde ambition est la recherche d’une performance des élèves en lecture au regard des résultats des classements internationaux (Garnier, 2009). En effet, face aux moins bons résultats obtenus en lecture par les jeunes français, les textes ministériels de 2008 cherchent à promouvoir, dès l’école maternelle, l’acquisition des compétences et connaissances langagières et donc les apprentissages fondamentaux, dont la lecture et l’écriture

(Ibid.). « Lors de l'entrée en sixième : le pourcentage d'élèves en difficulté de lecture dans le secteur de l'éducation prioritaire est passé de 20,9 % en 1997 à 31,3 % en 2007 » (Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013).

4.3 L’organisation de l’école maternelle en Italie

C’est la Loi n°444 du 18 mars 1968 qui instituera l’école maternelle publique prise en charge par l’État italien (Ferrari, 1999). Soulignons que « les forces catholiques se sont farouchement opposées à l’institution de l’école publique » (Catarsi, 2004, p. 9). C’est en 1991 que l’expression "école de l’enfance" (scuola dell’infanzia) remplace celle d’"école maternelle" (Ferrari, 1999). Selon Catarsi (2004), « les municipalités "démocratiques" de l’Émilie Romagne, en particulier, ont précédé l’intervention de l’État » (p. 8) en instaurant au cours des années 60 des écoles maternelles municipales, et donc publiques.

Même si l’école de l’enfance n’est pas obligatoire, elle est fréquentée par une grande majorité d’enfants. Elle accueille en effet près de 90 % des enfants de trois à six ans (Ferrari, 1999; Musatti, 2004). L'horaire de fonctionnement des écoles de l’enfance est de 40 heures par semaine, avec possibilité d’étendre l’horaire à 50 heures. Les familles peuvent demander que l’enfant soit présent à temps partiel, le matin par exemple pour un total de 25 heures par semaine (DPR 89/2009). Les écoles de l’enfance sont quasiment toutes publiques, les municipalités sont profondément engagées dans le préscolaire (Musatti, 2004). Elles prennent « en charge les bâtiments, le matériel et la maintenance, les repas et les transports » (Musatti, 2004, p. 2). L’école de l’enfance est gratuite (Musatti, 2004). Les classes sont composées de 18 à 26 enfants (DPR 81/2009). Chacune d’entre elles dispose d’un ou deux enseignants. Un enseignant de soutien est présent en plus dans la classe lorsqu’il y a au moins deux enfants porteurs de handicaps. Les enfants sont accueillis à l’école de l’enfance avant l’âge de trois ans (Legge n°53/2003). Depuis 2007, des petites sections appelées sezioni primavera (sections printemps) ont été mises en place dans

certaines écoles pour accueillir les enfants de deux ans à trois ans. Le nombre d’enfants dans ces classes ne doit pas dépasser 15.

4.3.1 Programmes, finalités et objectifs des politiques de l’éducation de la petite enfance

Si les programmes pour l'école maternelle italienne ont été fortement marqués de 1939 à 1943 par le régime fasciste30, dès la chute du régime mussolinien, c’est la vocation maternelle de la "première" école qui sera mise en avant, insistant ainsi sur « la valeur de spontanéité de chaque action de l'enfant » (Ferrari, 1999, p. 121).

Aujourd’hui, en Italie, l’école de l’enfance concourt à l’éducation et au développement affectif, psychomoteur, cognitif, moral, religieux, social. Elle est chargée de promouvoir les potentialités de relations, d’autonomie, de créativité et d’apprentissage (Legge n°53/2003). Tout en respectant la responsabilité première des parents, elle doit assurer une égalité des opportunités éducatives et contribuer à la formation complète des enfants (Ibid.). Le curriculum (curricolo) du ministère de l’Instruction, de l’université et de la recherche (Ministero dell'Istruzione, dell'università e della ricerca, 2012) est basé sur la "centralité" de la personne. Il se réfère non seulement aux activités didactiques31, mais privilégie aussi une organisation éducative équilibrée favorisant tout autant les activités de soins (care), les activités de relations éducatives et les activités d’apprentissage. Les rituels (routine) (l’accueil, le repas, le sommeil, les soins du corps) rythment les moments de la journée (Ibid.). Les apprentissages sont divisés en champs d’expérience avec pour chacun d’entre eux, une finalité et plusieurs objectifs : le soi et l’autre (Il sé e l’altro), le corps et le mouvement (Il corpo e il movimento), les images, sons et couleurs

30 Encourageant l’apprentissage des « habitudes d'ordre et de discipline joyeuse et consciente » (Ferrari, 1999, p. 120) et prévoyant l'éducation physique, religieuse, l'éducation politique et le respect de la hiérarchie fasciste (Ferrari, 1999).

31 Traduction libre "attività didattiche" (Ministero dell'Istruzione, dell'università e della ricerca, 2012, p. 17).

(Immagini, suoni colori), les discours et les mots (I discorsi e le parole), la connaissance du monde (La conoscenza del mondo) (Ibid.).

4.4 Organisation des crèches en France

En France, le terme "crèche" n’apparaît plus dans les textes réglementaires qui utilisent dorénavant l’appellation "établissement d'accueil de jeunes enfants" (Cyrulnik et Rameau, 2012). S’il y a encore quelques années, la crèche collective désignait le lieu où les enfants étaient accueillis pendant le temps de travail de leurs parents, du lundi au vendredi, de 7h30 jusqu’à 19 h (alors que la halte-garderie était la structure accueillant les enfants pendant une, deux, trois ou quatre demi-journées par semaine, de 9h à 12h ou de 14h à 17h), les crèches aujourd’hui sont de plus en plus des institutions appelées "multi-accueils" proposant différents services d’accueils qui prennent en charge les enfants de manière régulière ou occasionnelle. Elles regroupent aujourd’hui les services proposés jusqu’alors par les halte-garderies. Cette nouvelle réalité permet aux municipalités d’augmenter leur taux d’occupation des institutions dédiées à la petite enfance et ainsi de ne pas perdre les subventions de la Caisse d’Allocation Familiales (CAF).

Dans les textes officiels, les Établissements d’Accueil du Jeune enfant (EAJE) regroupent les crèches collectives (ou accueil collectif régulier) pour les enfants jusqu’à trois ans, les haltes garderies, l’accueil collectif occasionnel ou ponctuel pour les enfants jusqu’à six ans, les multi-accueil, mais aussi les services d'accueil familial ou crèches familiales où des assistants-es maternels-lles accueillent des enfants à leur domicile, les crèches parentales et les jardins d’enfants qui accueillent de façon régulière des enfants âgés de trois à six ans.

Le terme employé actuellement par le ministère français du Travail est « établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans » (Décret n°2010-613 du 7 juin 2010). En 2007, le guide pratique Accueil de la petite

enfance réalisé par le ministère de la Santé et de la solidarité, précise que « près des trois quarts des équipements dédiés à la petite enfance sont des "multi accueils", associant le plus souvent accueil régulier et accueil occasionnel » (ministère de la Santé et de la solidarité, 2007, p. 8). Le guide ajoute que les « établissements ou services "multi-accueil" associent différentes formules d’accueil : accueil à temps partiel, accueil ponctuel ou en urgence, ou crèche/halte-garderie et crèches familiales » (Ibid.) et qu’on les retrouve aussi « sous la dénomination"de maisons de la petite enfance" » (Ibid.). Les services d’accueil familial peuvent regrouper « des structures passerelles avec l’école maternelle, des lieux d’accueil parents-enfants, un accueil périscolaire, des relais assistants maternels, des services de garde à domicile ou encore des lieux d’éveil » (Ibid.). Pour notre part, nous continuerons d’employer le terme crèche qui nous semble plus explicite. Nous verrons dans les prochaines pages que les ambiguïtés sémantiques concernant l’appellation des crèches en France se prolongent dans leurs définitions présentes dans les textes réglementaires.

4.4.1 Des textes réglementaires et des finalités flous

Les missions de la crèche sont définies par le Décret n°2010-613 du 7 juin 2010 (art. 2) :

« Les établissements et les services d’accueil non permanent d’enfants veillent à la santé, à la sécurité, au bien-être et au développement des enfants qui leur sont confiés. Dans le respect de l’autorité parentale, ils contribuent à leur éducation. Ils concourent à l’intégration des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique qu’ils accueillent. Ils apportent leur aide aux parents pour favoriser la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie familiale ».

4.4.2 Programmes éducatifs en France

L’enquête de la direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) concluait en 2010 que la mission sanitaire des crèches devait être limitée, car les enfants accueillis sont déclarés en bonne santé (Micheau, Molière

et Ohnheiser, 2010). Cette même enquête concluait que « la fonction éducative » (p. 8) des crèches était « modeste » (Ibid.). Cette finalité éducative était « en partie intégrée dans les activités quotidiennes » (Ibid.). Selon les auteurs de l’enquête, les discours officiels sur les missions des crèches insistent sur la dimension éducative (Micheau, Molière et Ohnheiser, 2010). Mais les études des instituts d’évaluation montrent « un écart entre le discours et les pratiques » (p. 8).

Comme le rappelle Rayna (2004), alors que les écoles maternelles suivent des programmes nationaux, la crèche n’a pas de curriculum national. Le projet d'établissement, composé de trois volets (social, éducatif, pédagogique), rendu obligatoire par le Décret 2000, est propre à chaque crèche. Il doit être mis à jour tous les quatre ans. Pour Moussouni (2009), le Décret 2000, en imposant la réalisation d’un projet éducatif et social, reconnaît officiellement les « structures collectives de la petite enfance comme lieux d’éducation et lieux sociaux » (p. 36). Bouve (2001) considère au contraire que la définition politique et administrative de la crèche n’en fait pas une institution éducative. Car le Décret 2000 mentionne uniquement les objectifs suivants : santé, sécurité et bien-être (Ibid.). Pour Moussoni (2009), le fait que le Code de la santé publique soit le support de la réglementation organisant l’accueil collectif des jeunes enfants ne signifie pas qu’il s’agit exclusivement « de structures sanitaires » (p. 35). Le Décret 2007 en ouvrant les fonctions de direction des crèches aux éducateurs de jeunes enfants, « rend plus visible encore la fonction éducative des services d’accueil » (Ibid.). Moussoni (2009) reconnaît néanmoins que la formulation des missions des crèches peut sembler floue. Mais, pour lui, l’absence d’une définition claire des missions éducatives des crèches offre aux professionnels, « la liberté de choix des moyens pour remplir ces missions » (p. 36). Ainsi, selon lui, la notion de développement évoqué dans les textes réglementaires « ne doit pas être entendue uniquement dans un sens physiologique, mais renvoyer plus largement à toutes les autres dimensions (intellectuelle, émotionnelle, sociale, culturelle) » (Ibid.). La notion de sécurité doit être entendue non seulement comme « sécurité physique, mais également comme sécurité psychique » (Ibid.). Moussouni (2009) nous fait

remarquer que si « la préoccupation strictement sanitaire dans la prise en charge de l’enfant » (p. 36) dans les crèches tend « à reculer sous l’effet de l’évolution générale du niveau de santé » (Ibid.), il est néanmoins demandé aux crèches « de mieux s’ouvrir aux enfants handicapés ou atteints de maladies chroniques » (Ibid.), ce qui entraîne selon l’auteur « des interrogations sur un nouvel équilibre entre préoccupations sanitaires et préoccupations éducatives » (Ibid.). Pour l’Observatoire national de la petite enfance (2012), les finalités de l’école maternelle et des établissements éducatifs de la petite enfance sont distinctes : « la première vise à fournir un apprentissage à tous les enfants, alors que les seconds répondent à une finalité principale de conciliation entre le travail et la famille pour les parents » (p. 57).

4.5 Les crèches en Italie

La crèche en Italie prend le nom d’"asilo nido". "Asilo" signifiant "asile", dans le sens de "refuge" et "nido" signifie "nid", dans le sens de "cocon" (Brune et Mairesse, 2009). Aux côtés des crèches qui accueillent les enfants régulièrement du lundi au vendredi selon différents créneaux horaires, d’autres services existent. D’une part, les services collectifs comme les "micro crèches d’entreprises" ("nidi aziendali") ou encore "les microcrèches" ("micronidi"). D’autre part, les services appelés" intégratifs pour la première enfance" ("Servizi integrativi per la prima infanzia") qui proposent un accueil familial comme les "crèches familiales" ("nidifamiglia") ou encore les "Tagesmutter", terme allemand signifiant "mamans de jour". Ce sont des professionnels dont les fonctions sont similaires aux assistants maternels en France.

4.5.1 Régionalisation de l’éducation de la petite enfance en Italie Si comme nous l’avons vu dans la section précédente, en 1971, la Loi institue des crèches d’un "nouveau type" en les invitant à susbtituer une fonction sociale à une fonction sanitaire (Trevisan, 2003; Musatti, 2004), cette même loi confie la responsabilité des crèches aux Régions (OCDE, 2001; Musatti, 2004). L’autonomie

législative dans le domaine de l’éducation de la petite enfance, laissée aux Régions dès 1971, répondait à un souci louable d’ancrer les crèches dans la réalité locale. Cependant, cela a, semble-t-il, créé une situation de grande hétérogénéité et disparité régionale dans l’organisation des services éducatifs de la petite enfance (Terlizzi, 2005). Cela a eu des conséquences significatives sur l’expansion du réseau des crèches(Musatti, 2004).

Si, à travers leurs lois régionales, certaines régions comme l’Émilie Romagne, la