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le président. Personne ne demande

Dans le document JOURNAL OFFICIEL DU 6 AOÛT 1947 (Page 73-76)

CONSEIL DE.LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 5 AOUT 1947 1517 d'engagement entre le montant de ce cré

M. le président. Personne ne demande

la parole ?...

Nous abordons l'examen des chapitres.

Monnaies et médailles. . DÉPENSES

4" partie. — Personnel.

« Chap. 100. — Personnel commissionné,

8.028.00T Ira nés. » — (Adopté.)

« Chap. 101. -- Indemnités au personnel

comniissionné,' 1.767.000 francs. » — ' {Adopté.)

« Chap. 102. — Indemnités de résidence, 18.002.000 francs. » — (Adopté.)

' « Chap. 103. — Supplément familial de traitement, 1.020.000 francs. » — (Adopté.)

• « Chap. 101. — Salaires, 68 militons 101.000 francs. » — (Adopté.)

• 5e partie. — Matériel, fonctionnement

des services et travaux d'entretien.

• « Chap. 300. — Remboursement de frais,

195.000 francs. » — (Adopté.)

■ « Chap. SOI. — Entretien des bureaux ' "et du matériel. 4.275.000 francs. »

(Adopté.)

' « Chap. 302. — Impressions h comman*

■der à l'Imprimerie nationale, 200.000 francs. » — (Adopté.)

« Chap. 303. — Affranchissements, ta­

xes, abonnements et communications té­

léphonique* et entretien du matériel télé­

phonique, 500.000 francs. » — (Adopté.)

- « Chap. 304. — Entretien des ateliers et

du matériel d'exploitation,, 53 millions

■700.000 francs. » — (Adopté.)

-• « Chap. 305. — Matériel automobile,

4 m'I''ons de francs. » — (Adopté.)

■ « Chap. 300. — Matériel neuf et instal­

lations nouvelles, 22 millions de francs. »

•— (Adopté.)

« Chap. 307. — Fabrication des mon­

naies, 4SI. 283. 000 francs. » — (Adopté.)

« Chap. 308. — Fabrication des

médail-•les, 27.362.000- franc®. '•» — (Adopté )

«, Chap. 309. — Fabrications annexes (es­

-t-amp'lles pour briquets, poinçons, -etc.),

• 150.000 francs. » — Adopté.) . 7" partie. — Charges sociales.

■ « Chap. 400. — Allocations familiales, 10 millions de francs. » — (Adopté.)

« Chap. 401. — Assistance aux ouvriers atteints de maladies-ou victimes d'acci­

dents ■ du travail, 1.255.000" francs. » —

— (Adopté.)

- « Chap. 402. — Prestations en espèces assurées par i'Etat au titre du régime de sécurité sociale. » — (Mémoire.)

9° partie. — Dépenses diverses.

a Chap. 600. — Secours, 200.000 francs. »

— (Adopté.)

■ « Chap. 6002. — Gratifications aux ou­

vriers ayant apporté des perfectionne­

ments v techniques à l'outillage, 100.000 francs. » — (Adopté.)

. « Chap. 60t. — Retraits des monnaies françaises démonétisées, 250 millions de francs.» — (Adopté.) , - .

« Chap. 602. — Application au fonds d'entretien de la- circulation monétaire. »

— (Mémoire.)

« Chap. 603. — Dépenses des exercices périmes non frappes de déchéance. » —

^Mémoire.)

« Chap. 604. — Dépenses des exercices clos. » — (Mémoire.)

« Chap. 605. — Revalorisation du fonds de roulement. » — (Mémoire.)

« Chap. 600. — Application au Trésor de l'excédent des recettes sur les dépenses, 4.239.302.000 francs. » — (Adopté.)

Le budget annexe des monnaies et mé­

daille est terminé.

Anciens combattants et victimes de la guerre.

M. le président. Nous passons au budget des anciens combattants et victimes de la guerre.

M. Alain Poher, rapporteur général. Je demande la parole. i

M. le président. La parole est à M. le iapporteur général.

M. lerapporteur général. Il est bientôt huit heures. Je me permets d'inviter ceux de mes collègues qui ont l'intention de (prendre la, parole de suivre dans une cer­

taine mesure l'exemple de noire ami Hoc quard. Il faut , en terminer avant midi et .il y a, je crois, ine douzaine d'orateurs

-inscrits. Que chacun veuille bien faire un effort. 1

M. Charles Brune. Il faudrait penser au personnel!

M. le président. Avant d'ouvrir la dis­

cussion, je dois faire connaître que j'ai reçu de M. le président du conseil un dé crêt désignant en qualité de commissaires du Gouvernement pour assister M. le mi­

nistre des anciens combattants et victimes de la guerre :

M. Robert Mitterrand, directeur du ca­

binet; ■

M. Nicolay, chargé de mission au cabi­

net, .auditeur au conseil d'État;

M. Couty,. directeur de l'administration

générale; ' "

M. Deiahûche, directeur de l'office na­

tional des anciens combattants et victimes

de la guerre; .

-M. -Mattei, directeur du contentieux et des services médicaux; ■

M. Perries, directeur des pensions;

M. Rouaix, inspecteur général, directeur

■de l'état civil et des recherches, par in­

térim;

M. Dairic, sous-directeur des services

financiers. "

Acte est donné de cette communication.

Je dois informer le Conseil de la Répu­

blique que la conférence des présidents dans la séance du 31 juillet a fixé comme suit les temps de parole attribués aux /différents, groupes, pour la; discussion gé­

nérale du budget des anciens combattants : Groupe communiste et apparentés, 25 mi­

nutes.

Groupe socialiste S. F. I. O., 20 minutes.

Groupe du rassemblement des gauches républicaines, 15 minutes.

Groupe du mouvement républicain popu­ laire, 25 minutés.- ■ .

Groupe du parti républicain de la li­ berté. 10 minutes.

Groupe des républicains indépendants et apparentés, .5 minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Toussaint Merle, rapporteur.

M. Toussaint Merle, rapporteur. Mesda­

mes, messieurs, les crédits demandés par le Gouvernement pour le budget du mi­ nistère des • anciens combattants s'éle­

vaient, à l'origine, à 18 milliards 696 mil­

lions 597.000 francs.

Trois lettres rectificatives ont porté ces crédits à 20 milliards 121-037.000 francs.

L'Assemblée nationale les a ramenés à 19 milliards 963.779.000 francs. ,

Votre commission des finances vous pro­

pose 19. milliards 959.865.000 francs, soit

une différence de 3.914.000 francs.

En 1946, les crédits ouverts au budget des- anciens combattants et victimes de la guerre s'élevaient à 16 milliards 778.332.000 francs. Mais les crédits supplémentaires accordés au cours de l'exercice 1946 attei­

gnaient 4 milliards 799.514.000 francs, soit

au total: 21 milliards 578.179.000 francs.

Ce qui donne, entre les crédits accordés en 1946 et ceux que vous propose votre commission des finances, une différence de 1 milliard 618.314.000 francs.

Une constatation s'impose- à-"l'étude du budget des anciens combattants et vic­ times de la guerre: 14 milliards 454.903.000 francs, c'est-à-dire les trois quarts des dé­

penses intéressant les anciens combattants et leurs famillps. Elles constituent des dé­

penses incompressibles. Par une lettre rec­

tificative du 21 juin, le Gouvernement a demandé > 1.384 millions ■ d'augmentation pour les allocations provisoires d'attente, pour les allocations spéciales supplémen­ taires aux grands -invalides et grands mu­

tilés de guerre, pour les indemnités tem­ poraires aux tuberculeux pensionnés à 100 p. 100. Mais aucune augmentation n'a été demandée, en ce qui concerne la re­

traite du combattant.

Ainsi que l'a dit M. Aubry, rapporteur spécial à l'Assemblée nationale, ainsi que l'ont dit les représentants des différents groupes à l'Assemblée nationale, il aurait été souhaitable qu'un large débat .s'ouvrit sur l'ensemble des problèmes des anciens combattants et victimes de la guerre avant la discussion budgétaire. Le débat a eu lieu, cependant, lors de la discussion gé­

nérale du budget et à propos de nom­

breux articles ;. l'unanimité s'est faite pour dire que, dans co budget, ne se trou­ vent pas toutes les satisfactions attendues par les victimes de la guerre.

Il n'y figure rien pour la revalorisation de la retraite des anciens combattants qui ne peut être considérée comme une ré­

compense, mais bien comme une répara­ tion pour ceux que la guerre a usés pré­

maturément.

Lés pensions d'invalidité sont portées au coefficient 4,5, les anciens combattants, demandaient le coefficient 5,8. ,

Les allocations aux grands invalides sont portées au coefficient 6,5, les anciens combattants demandaient le coefficient 8.

Les pensions des veuves de guerre sent augmentées de 30 p. 100, ce qui est loin d'atteindre un taux leur permettant de vi­

vre 'décemment. :

Sans vouloir ouvrir un large débat, la commission des finances a pensé qu'il était nécessaire, 'au cours de la discussion bud­ gétaire, de marquer, une fois de plus, que les anciens combattants sont des créan­

ciers privilégiés de la nation; de demander au Gouvernement de faire l'impossible pour entendre la voix des anciens combat­

tants, ceux de 1914-1918, ceux de 1939-1945" qui ont lutté pour que vive la France, qui ont souffert pour que vive la Républi­

que»

• La commission des finances de l'Assem-(hlée nationale avait proposé des réduc­

tions nombreuses concernant les autres.

1542 CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 5 AOUT 1947

. chapitres du budget. L'Assemblée natio­

nale a rétabli la plupart des crédits, les uns en totalité, les autres en partie.

Nous vous demandons de suivre l'Assem­

blée nationale. 11 est certain que les effec­

tifs pourraient être utilisés plus rationnel­

lement. Il est certain que les emplois

d'auxiliaires pourraient être revus. Il est certain qu'il peut paraître anormal de voir'

des postes de directeur confiés à des agents ' temporaires. Mais l'effort de tout ce per­ sonnel n'est pas à mettre en doute. Si l'on songe que la direction des pensions a un retard de 152.000 dossiers, que celle de l'état civil doit délivrer plus de, 500.000 mentions « Mort pour la France », que celle du contentieux a 150.000 dossiers en ' instance, réduire les crédits se traduirait, en définitive, par la paralysie effective des

• services des victimes de la guerre. A pro­

pos des chapitres 102, 101 et 303, la com­

mission des finances demande au Gouver­

nement, tout en acceptant les crédits

pro-i>os ces, mdie idonnn deersévtieudaeux pr doespo rseitihonshdee

a commission des études et des recherches afin d'accélérer l'instruction des - dossiers de pensions, ce qui permettra de satisfaire les intéressés qui attendent de longs mois, ce qui permettra d'utiliser plus rationnel- .

lement le personnel du ministère.

En ce qui concerne le chapitre 118, la commission vous propose une réduction . indicative afin d'obtenir quelques rensei­

gnements sur la nature et l'importance des - travaux à la tâche et à domicile dont il est

Question.

Enfin, la commission des finances estime, au chapitre 306, que le nombre des voitu-' res de l'administration centrale est exa­

géré. Elle vous propose une réduction très sensible qui se chiffre à 1.950.000 francs, sur un crédit demandé de 8.435.000 francs.

Elle souhaite aussi, monsieur le ministre, que vous lui donniez quelques explications sur l'utilisation des vingt voitures affec­

tées aux services extérieurs.

En résumé, voire commission des finan­

ces, tout en vous demandant d'approuver les crédits qu'elle vous propose:

. 1° Insiste sur la réforme devant conduire à la liquidatoin rapide des pensions, car, à chaque dossier, une famille attend sou­

vent son pain quotidien;

■ 2° Regrette que satisfaction n'ait pu en­

core être accordée aux anciens combat­

tants et victimes de la guerre, car elle ne pense pas que les demandes de ces Fran­

çais et Françaises soient de nature à ' compromettre les finances de notre pays.

(Applaudissements.)'

M. le président. La parole est à M. Jean

Jullien.

M. Jean Jullien. M. le ministre, mesda­

mes, messieurs, la question d'un budget concernant les anciens combattants ou les victimes de la guerre doit être abordée o dirai presque avec vénération, car il s'agit de toucher là un des -points les plus dou­

loureux qui, actuellement, se présentent à ceux §ui ont à administrer les finances de

la nation.

Il ne faudrait pas que toutes paroles que

l'on disait de 1914 à 1918, lorsque les hom­

mes étaient dans les tranchées, en l'air ou sur mer, n'aient été que des effets oratoi­

res et que, lorsque quelqu'un nous appe­

lait « créanciers privilégiés », ou lorsque Clemenceau disait : « Ils ont des droits sur nous », nous soyons obligés de reconnaître qu'il s'agissait uniquement d'obtenir un succès quelconque de tribune, d'éliminer une difficulté et tout simplement d'encou-jager les gens à continuer à faire une tâche

qui n'était pas précisément gaie, agréable ni confortable, en se disant, une fois le danger passé, « adieu le saint ».

On pourrait croire quelquefois que nous nous trouvons actuellement devant cette mentalité-là; car lorsqu'on examine l'en­

semble du budget France, actuellement on s'aperçoit que les créanciers privilégiés toucheront exactement 3 p. 100 des finan­

ces totales mises à la disposition du Gou­

vernement.

En 1938, 3e chiffre était de 14 p. 100;

c'était déjà une somme assez importante, maintenant nous en sommes à 3 p. 100.

Espère-t-on qu'ils auront (bientôt disparu par usure, soit pour avoir trop fait la guerre, soit pour avoir trop souffert de la disparition des maris et des pères et voir ainsi se terminer la question des victimes de la guerre?

- A ce moment-là, il est certain que même avec un budget de zéro p. 100 on aurait rempli entièrement les conditions qui avaient été primitivement élaborées pour les « créanciers privilégiés ».

Dans ce budget des anciens combattants et victimes de la guerre, il y a trois caté­

gories qui doivent être examinées: tout d'abord celle des pensions.

Pour les pensions des mutilés les chiffres qui ont été donnés font ressortir les aug­

mentations variant suivant la catégorie de 4,72 à 6,5.

Ceci n'a pas la prétention de dresser les mutilés contre les travailleurs, mais les pensions du travail sont au coefficient 8,07.

U ne s'agit pas de dire: « Dans ces con­

ditions, nous allons baisser les pensions des travailleurs »; mais on consrate que lorsqu'il s'agit d'une mutilation qui a rap­

porté de l'argent à quelqu'un on trouve l'argent pour payer la pension et que lors­

qu'il s'agit d'une mutilation, qui a rap­

porté de l'argent à tout le monde, à ce moment-là on ne trouve plus assez d'ar­

gent pour en donner.

Par conséquent, se sacrifier pour le pays est une chose qui vaut beaucoup moirs cher que se sacrifier pour faire gagner de l'argent, à une machine, à une industrie ou à une régie gouvernementale.

Il me semble qu'il y a là un premier point sur lequel un gouvernement doit se pencher avec beaucoup de sollicitude.

Il ne faudrait pas que les mutilés, ne vou­

lant pas faire grève» ne - puissent pas obtenir les résultats et les avantages de ceux qui la font, parce qu'à ce moment, la France ne sera plus gouvernée. - Elle sera simplement conduite vers une catas­

trophe quelconque par des gens qui au­

raient constamment peur.

Or, nous avons l'impression, jusqu'à présent, que ceci n'a pas été du tout l'opi­

nion de notre ministre des ^anciens combattants, combattant lui-même, par conséquent connaissant la question à fond, et ceci n'est pas toujours fréquent. Mais il semble que ce n'est pas parce' que l'on n'a pas peur de la grève, c'est peut-être parce qu on ne s'est p'ts penché avec assez d'attention sur le problème. La discussion du budget doit nous permettre de le faire.

Par conséquent, du côté des mutilés, il y a une infériorité manifeste de ce qui est accordé à tous ceux qui se sont sacri­

fiés pour le pays, par rapport à ceux qui se sont sacrifiés aux intérêts matériels des uns ou des autres.

Quant aux veuves de guerre, je connais 4a situation, ayant eu moi-même une mère qui était veuve de guerre. Je regrette qu'après la guerre de 1939-1915, on ait à

constater les mêmes erreurs commises

après la guerre de 1914-1918.

Je me souviens de la pension de cette veuve de guerre ayant mis deux ans et

demi à être réglée; et encore c'est parce qu'au bout de ce temps je m'en suis mêlé moi-même, que la liquidation a pu

être faite.

A l'âge de vingt-deux ans, on est assez solide pour se promener dans les couloirs des ministères jusqu'à ce que l'on ait obtenu satisfaction. Alors les veuves de guerre qui ont des petits enfants de trois ou quatre ans ont autre chose à faire que de se promener dans les mini-Vres pour essayer de faire sortir la liquidation de leur pension; il ne leur reste qu'une so­

lution: celle d'attendre.

Je ne dis pas qu'il y a des fautes, jà suis en train de faire ressortir les difficul­

tés que peut-être, tout à l'heure, vous me direz ne pas connaître. II faut les résou­

dre, parce que les questions qui concer­

nent les pensions doivent avoir dans nos préoccupations, une priorité absolue.

Les liquidations des pensions des veu­

ves de guerre sont lentes; les liquidations des pensions des mutilés sont aussi len­

tes. J'ai été, il y a deux mois, sollicita par un brave Marocain, sergent de l'ar­

mée française habitant Marrakech, mutilé

100 p. 100, qui, depuis deux ans, n'a pas

encore obtenu la détermination de sa pen­

sion.

Vous ne _ pouvez pas vous rendrS

compte de l'impression lamentable qu'une chose comme celic-lù produit sur nos protégés.

Voilà des -hommes qui, en 1952, se sont rendus à notre appel avec une générosité incomparable. Ce sont des hommes qui ont participé à la (bataille d'Italie et à la bataille d'Alsace. Ce sent des hommes avec lesquels l'armée française a eu fi­ gure de grande armée car, dirigée par les cadres français, qu'ils ont suivi aveuglé­

ment, avec une intelligence remarquable, ces hommes-là ont été des artisans en grande partie de notre victoire ou, du

moins, de part de_ la victoire que nous

avons dans la victoire des alliés. (Applau­

dissements. )

' Ce n'est pas normal, et si je pouvais adresser une supplique particulière, je vous dirais que j'attache plus d'impor­

tance à voir liquider en premier lieu, les pensions, non pas spécialement de ines Marocains, mais de tous ceux qui, venus de nos territoires d'outre-mer, ont eu la générosité de payer la civilisation quo nous leur avons donnée par le sacrifice d'une partie de leur vie. [Applaudisse­

ments.) * - .

Il faut absolument que, regardant, de près ces hommes pleins de confiance en nous, et qui, comme me le disait un Ma­

rocain un jour, nous prenant pour leur grand frère qui les conduit sur le chemin de la civilisation, ces hommes pleins da confiance en nous ne soient pas... n'aient pas l'impression d'être négligés. Excusez-moi d'avoir dit « ne soient pas », car je suis sûr que ce n'est pas volontairement qu'ils sont négligés.

L'impression est très mauvaise, car les

tribus auxquelles ils appartiennent nous jugent d'après 'la manière dont nous ré­

compensons nos serviteurs.

La notion de justice et d'équité est uns notion de tous les peuples simples, -que l'homme porte en lui-même, quel que soit son degré de civilisation, c'est cette no­

tion de justice qui est la première. Elle réclame que tout sacrifice soit immédia-tement payé.

Par conséquent, je vous signale l'effet lamentable de ces retards, d'abord pour nos propres combattants, . mais encore plus pour ces populations qui -se sont ac­

crochées à notre armée en 1942 et qui ont fait le travail aue vous connaissez.

CONSEIL DE LA REPUBLIQUE — SEANCE DU 5 AOUT 1947 . Quant à l'importance des pensions,

après avoir donné ces coefficient, nous pouvons prendre les chiffres en eux-mê­

mes en ce qui concerne les veuves.

Nous en sommes actuellement -entre 12.000 et 15.000 francs par an. Je ne sais pas comment une veuve de guerre pour­ rait arriver à vivre avec une pension comme celle-là.

Vous, allez les forcer à travailler. Alors, vous en arriverez à ceci, c'est que les en­

fants de ceux de nos camarades qui sont tombés à côté de nous, auront une édu­

cation négligée, une éducation sans mère, parce que la mère, ne pouvant tout de même pas se livrer à « autre chose », sera obligée de se mettre au travail. Par conséquent, ces enfants, parce que leurs pères se sont sacrifiés pour noire pays, seront réduits à une éducation diminuée.

Je sais bien qu'il y a des majorations

pour enfants. Peut-Cire faudrait-il qu'on ne les supprime pas au moment où la femme en se mettant à travailler obtient des allocations familiales. Des mesures furent prises, mais elles ne sont pas en­

core appliquées. Dans ces conditions, il ne faut pas que nous créions une généra-lion de gens qui. forcément, voyant qu'ils

ont payé le sacrifice de leurs " pères au

pays deviendront des aigris ou des ' ré­

voltés, ou même ce qui serait pire, des découragés du service de la nation. .

Un autre point sur lequel il faut insis­

ter est que toutes les fondions, quelles qu'elles soient, ont été revalorisées: la fonction publique, le travail privé ; je ne .parle pas des revalorisations malhonnêtes .car ceux qui font du marché noir .o\t (bé­

néficié de revalorisation extrêmement Marges.

On n'a revalorisé que très faiblement les pensions; on n'a pas revalorisé du tout la retraite du combattant.

Eh bien, il he faudrait pas qu'il y ait

" deux poids et deux mesures. N'employons pas de grands mots, ou plutôt de mots qui seraient déformés facilement. Disons sim-' plement aue le combattant a livré une marchandise, il l'a livrée d'avance. Le 'mutilé a livré sa chair, le mort a livré son existence, le combattant a livré un mo­

ment de sa vie. Et, quand il faut payer, vous prétendez que cette marchandise vaut .moins cher.

Voici le raisonnement qu'il faut faire:

nous ne pouvons pas dire qu'avec de l'ar­

gent nous consolerons les peines, les dou­

leurs et les chagrins. Ce serait une igno­

minie de dire que l'on va payer à une mère la peine d'avoir perdu son enfant.

Mais, restant sur le terrain purement ma­ tériel, disons que le combattant a livré une marchandise et qu'au moment de la payer on. marchande. C'est absolument inadmissible.

La retraite du\combattant, qui est liée à la carte du combattant, n'a pas été revalo­ risée. Il est possible que le problème, tech­ niquement, présente de grosses difficultés, mais il y a un point auquel mes camarades sont extrêmement sensibles, c'est la ques­

tion de la carte du combattant. Ce n'est pas tant pour la raison de la retraite qu'elle les intéresse, mais parce aue ceux qui ont par­

ticipé à la guerre attachent beaucoup d'im­ portance à l'honneur qu'ils- ressentent d'avoir dans leur poche une carte de com­

battant.

On ne peut pas résoudre le problème, parait-il, .parce qu'il est difficile de dé­

terminer quelles sont les catégories auxquelles on pourrait l'attribuer. Il en est certaines dont le cas n'est pas douteux, Biais tellement clair qu'aucune discussion

n'est nécessaire. Pourquoi dire à ceux-là d'attendre jusqu'à ce que l'on ait fini de liquider les cas douteux.

Je vous rappellerai qu'après la guerre de 1918 on a déterminé progressivement

— pendant près de deux ans, nous avons suivi cette progression — les différentes unités auxquelles la carte serait attribuée.

Elles l'ont obtenue les unes après les au­

tres.

Pourquoi ne pas adopter la même mé­

thode? Pourquoi ne pas prendre une déci­

sion maintenant pour ceux que tout le monde reconnaît comme ayant indiscuta­

blement mérité la carte de combattant et lie pas la leur attribuer?

Elle a, entre autres, une très grande va­

leur auprès de ces troupes autochtones d'outre-mer qui sont venues nous rejoindre au moment de la bataille. C'est là encore une question de prestige qui est capitale pour l'autorité française.

J'en arrive à la question des emplois ré­

servés. Je reprendrai un exemple qui a été donné à l'Assemblée nationale. Les textes sur les emplois réservés sont de nouveau' en vigueur, mais ni la Société nationale des chemins de fer français, ni les Char­ bonnages de Franco n'ont réservé d'em­

plois pour le* catégories de combattants qui avaient été prévues autrefois.

Il me semble que l'État patron devrait commencer par exécuter les ordres que donne l'État, tout court. Par conséquent, il y a là un point tout à fait curieux, et qui nécessiterait une solution; car la Société nationale des chemins de fer français et les Charbonnages de France représentent une énorme activité, un personnel extrê­

mement nombreux et, par conséquent, des possibilités d'emplois réservés consi­

dérables.

-Je sais bien la réponse que vous allez me faire. Vous allez me dire : la France se trouve actuellement à court d'argent et, par conséquent, parler de ces augmenta­

tions de pensions et de retraites, c'est prê­

cher dans le désert.

De l'argent? On peut en trouver, et d'une façon très simple. -Nous avons actuellement des usines nationalisées qui perdent consi­

dérablement d'argent. Supprimez donc leur déficit; et vous aurez alors. de l'argent; et si elles se mettent à faire des bénéfices comme faisaient autrefois les trusts qui les possédaient, la meilleure situation qu'on pourra avoir sera d'être rentier en tant que retraité de la guerre. ( Applaudis­

sement sa droite et sur quelques bancs.) (M. - Gaston Monnerville remplace M. Robert Serot au fauteuil de la prési­

dence.)

PRÉSIDENCE DE M. GASTON MONNERVILLE

M. le président. La parole est à M. Ro­

tinat. "

,M. Rotinat. Mesdames, messieurs, au cours d'une discussion récente, notre As­

semblée, à la presque unanimité, a mar­

qué sa volonté de voir revaloriser la re­

traite du combattant. Nous avions, à cette occasion, déploré l'absence de M. le minis­

tre des anciens combattants. Puisque nous avons la bonne fortune de le voir aujour-d'hui à son banc, il nous permettra de lui

présenter quelques observations sur la ges­

tion de son département, bien que, obligés de nous plier aux méthodes pitoyables qu'on nous impose pour ces discussions budgétaires, méthodes que nous déplorons tous et qui discréditent chaque jour un

peu plus notre régime parlementaire, nous

soyons tenus d'abréger au maximum ces observations. (Applaudissements sur quel­

ques bancs à gauche.)

Je veux d'abord protester contre cette tendance trop répandue de frapper ce mi­

nistère de je ne sais quel état d'infériorité.

Ce serait une erreur de croire, mes chers ' collègues, que c'est un petit ministère sans

importance. Il est important par l'ampleur et par la complexité des problèmes mêmes

qui relèvent de son activité, et il est grand par le rôle moral qu'il peut et doit jouer.

Pour le diriger dans cette voie, monsieur

le ministre, vous avez toute l'autorité que confèrent le talent et l'état de vos services,

et vous aurez aussi, j'en suis sûr, la con­

fiance de notre Assemblée.

Votre première tâche, selon moi, serait de chercher à unifier ce vaste mouvement

«. combattant », si divers, certes, mais si riche de bonne volonté, et si riche de vo­

lonté toujours au service de la patrie.

Il y a là un capital moral précieux qu'il

faut savoir préserver de tous germes de division ou de discorde, de décourage­

ment ou d'amertume.

L'organisation générale actuelle du mou­

vement « combattant » ne répond pas

à celte nécessité de l'unité combattante.

L Union française des anciens combattant»

est une formule périmée, vous l'avez constituée avec des cadres de vieilles-asso­

ciations. Elle n'est pas vraiment représen­

tative des masses combattantes.

La formule qu'il faudrait s'efforcer de

faire prévaloir serait, avec votre concours et sur votre initiative, de grouper nar communes toutes les victimes de la guerre

— et tous ceux qui ont combattu sont

des victimes de la guerre — sans distinc­

tion d'origine, sans distinction de bles­

sure, sans distinction d'opinion, bien en- '

tendu, confondues dans un même esprit

de fraternité. Ces associations communales

constitueraient des associations départe­

mentales qui, selon leurs effectifs, se­

raient groupées en une grande confédéra­

tion nationale. Ce serait là une organisai tion démocratique puissante ; vous y pose­

riez des conseils autorisés et vous v trou­

veriez un appui moral incomparable.

J'entends bien que, pour arriver à cette

-organisation, il faudrait qu'aient été pu­

bliées les modalités d'attribution de la

carle de combattant. On en a parlé tout

à l'heure avant moi. Vous avez dit excel­

lemment à l'Assemblée nationale rue

c'était là une tâche délicate. Ce n'est pas moi, qui ai été mêlé de très près aux

travaux d'où est sortie la carte du com­

battant, qui vous ferai le reproche d'aller

trop lentement dans ce domaine. Tout à l'heure, je vous demanderai de revaloriser

la retraite du combattant, mais- je vous demande tout de suite de ne pas dévalo­

riser la carte du combattant; c'est un brevet de patriotisme qui doit garder -in­

tacte tonte sa valeur.

Je rejoins les collègues qui m'ont pré­

cédé pour dire que, s'il faut encore, pro­

bablement, de longs mois avant que puis­

sent paraître les modalités de l'attribu­

tion de cette carte du combattant, il y a des ayants droit dont'la qualité de com­

battant n'est pas contestable et auxquels, ipso facto, on peut délivrer la carte de combattant. Peut-être serait-il bon de le

faire. Vous nous Je direz tout à l'heure.

Vous vous êtes déclaré, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, le tuteur moral des victimes de la guerre. C'est

vrai, mais vous n'êtes pas seulement leur

tuteur moral; vous êtes aussi charge de leur apporter l'aide nécessaire, l'aide naturelle que la nation doit à ceux qui se

sont sacrifiés pour sa sauvegarde.

Vous entendez bien que c'est sur cette

partie de votre gestion que nous ne

sommes pas d'accord, non pas tant à cause

de la modicité des crédits dont, vous dis­

posez, et que nous déplorons avec vous.

Dans le document JOURNAL OFFICIEL DU 6 AOÛT 1947 (Page 73-76)