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Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l’ordre des architectes, en charge de la commande publique – Le concours est essentiel

pour la recherche et le développement de la construction en France. Pour les agences qui exportent – j’en fais partie – il est un vecteur d’excellence et de pénétration des marchés internationaux par nos entreprises.

Au premier abord, le concours coûte plus cher qu’une procédure classique parce qu’on achète un projet au lieu de choisir un prestataire. Si la procédure est plus complexe qu’un appel d’offres, elle assure un gain de temps pour la suite car une esquisse ou un avant-projet est déjà réalisé. C’est ce qu’a toujours compris le législateur : un marché public répondant à de forts enjeux doit suivre une procédure spécifique. L’architecture publique française fait l’envie du monde entier et elle s’est améliorée grâce au concours d’architecture.

L’on a besoin de procédures qualitatives en-dessous des seuils. La vision simplificatrice de Bercy n’est pas adaptée à la complexité de marchés très spécifiques : la simplification consiste à dire quelle est la bonne procédure pour atteindre le meilleur résultat. Nous voulons que l’ensemble de la commande publique soit qualitatif.

Le code des marchés publics pourrait être amélioré : si l’article 1 évoque les principes fondamentaux issus des directives successives, l’objet des marchés publics est d’abord d’obtenir un meilleur service public. Si on l’écrivait, l’on pourrait élaguer le code !

Des marchés complexes mélangeant couteaux et fourchettes, comme les contrats globaux ou de conception-réalisation, privilégient trois grands groupes et des grosses PME au détriment des petites entreprises. Alors que la directive inscrit l’allotissement comme principe, ce qui est repris dans l’étude d’impact, l’ordonnance rédigée par Bercy fait l’inverse : on allotit si on ne fait pas de contrats globaux…

Pour avoir des PME dans la commande publique, il faut appliquer la loi MOP. Selon l’Agence Qualité Construction, des études poussées en amont

réduisent la sinistrabilité et augmentent la qualité du projet tout en favorisant l’accès des artisans et des PME.

Le projet d’ordonnance transmis au Conseil d’État ne suit pas bien le cadre de la loi d’habilitation de décembre 2014 qui demandait de circonscrire les contrats globaux, de fixer un seuil plancher sans toucher à la législation existante. Et voilà qu’on supprime le seuil plancher, qui évitait de favoriser les grands groupes, et qu’on ignore le rapport Sueur-Portelli sur les contrats de partenariat public-privé (PPP), qui proposait de supprimer le critère d’efficacité économique pour ne garder que celui de la complexité, ainsi que les rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances : le contrat global de performance s’affranchit des règles de la loi MOP et ouvre davantage le champ des marchés globaux. Enfin, nous voudrions que tout ce qui est inférieur au seuil reste soumis à des règles éthiques : il ne suffit pas de renvoyer à l’article 1 du code des marchés publics.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Vous avez insisté sur le modèle français de commande publique qui susciterait l’admiration générale. Je me méfie des phrases toutes faites : lors de nos déplacements, nous constatons que cette admiration n’est pas toujours partagée. Comment expliquez-vous que les règles du concours soient perçues comme des garanties de la qualité architecturale ? La vraie bonne solution, c’est celle que les autres suivent…

Mme Catherine Jacquot – Chaque pays a sa culture, et l’architecture reste éminemment culturelle. Au sein du Conseil des architectes d’Europe et de l’Union internationale des architectes, l’on nous envie le concours avec son jury composé de maîtres d’œuvre, d’élus, d’usagers, parce que ce modèle équitable et démocratique garantit un choix de qualité. En outre, les quatre candidats retenus sont rémunérés puisqu’ils commencent déjà à exécuter la mission, jusqu’au stade d’un quasi-permis de construire. Cette rémunération, spécificité française, est infime : 13,2 millions d’euros en 2014 sur l’ensemble du territoire.

En Suisse, aucun citoyen n’envisagerait l’extension de sa maison sans faire appel à un architecte, ce qui lui donne droit à une prime d’assurance beaucoup moins élevée. Autres systèmes, autres garanties de qualité. En Espagne, au contraire, la profession d’architecte est totalement réglementée. Tout transite par l’ordre, y compris les honoraires. La France est dans une position équilibrée.

Nous souhaiterions une plus large diffusion de la culture architecturale. Des groupes de travail ont formulé des propositions dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’architecture que le ministère de la culture met en place. Or, de nombreux Français sortent du lycée sans avoir entendu parler d’architecture alors qu’elle fait partie de leur cadre de vie, du développement durable et du développement de la ville, où vit 80% de la population. Comment expliquer ce manque d’information ? Oui, des

procédures vertueuses de marché public doivent garantir la qualité de l’architecture.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Parfois le concours ne se retourne-t-il pas contre la profession en privilégiant les grands cabinets connus ? En tant que praticiens, nous recevons jusqu’à 150 dossiers par concours, dont une trentaine de cabinets nationaux voire internationaux. Au fur et à mesure, le déroulé du concours favorise les cabinets avec des références malgré la volonté initiale de retenir un jeune cabinet. Pour les concours d’une certaine importance, le maître d’ouvrage privilégiera des équipes parfaitement structurées ou la notoriété.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – La commande publique resterait une référence mais vous dénoncez la complexité de la procédure des marchés publics. N’est-ce pas antinomique ? Selon vous, le concours est un excellent accès à la commande internationale, mais nous sommes là pour garantir l’accès des PME à la commande publique et rendre les procédures moins contraignantes pour les élus locaux que nous sommes. Comment conserver ce modèle qui induit un surcoût ? Pouvez-vous nous donner quelques pistes pratiques ?

M. Denis Dessus – Le code des marchés publics est un facteur de démarche qualité. Il ne faut pas oublier sa finalité, le service public. Dire que l’Union européenne n’impose pas le concours est une argutie : la directive décrit des procédures. Affirmant que le concours en est une excellente pour passer les marchés publics de maîtrise d’œuvre, elle recommande son extension à d’autres marchés de prestations intellectuelles. Jamais l’Europe n’a émis la moindre critique sur le concours obligatoire français. Voilà une procédure exemplaire, parce qu’ouverte. Si l’Union peut avoir à redire sur certains points de l’ordonnance, le concours reste une procédure de libre-accès.

Un concours, un appel d’offres comme une procédure négociée rassemblent de 120 à 200 candidats : la procédure du concours n’est pas responsable de la crise économique. C’est la compétence du maître d’ouvrage qui importe pour fixer les critères spécifiques à son projet.

Une grande agence n’est pas le meilleur choix pour la rénovation d’une petite commune rurale. Le remboursement de l’avion d’un architecte mondialement connu coûterait plus cher que le marché ! On choisira une jeune équipe pour une opération emblématique et une équipe plus expérimentée pour une grosse restructuration d’hôpital avec des blocs opératoires. À chaque projet correspond un profil de maîtrise d’œuvre.

Je n’ai pas dit que le concours coûtait plus cher, mais qu’il était plus complexe qu’un appel d’offres. Une petite collectivité lance un ou deux marchés de maîtrise d’œuvre par mandat. Elle en récupère le coût car elle achète un projet au lieu de choisir un prestataire. Ce n’est pas un marché de fournitures : des gens vont vivre ou travailler dans l’équipement. Il est de

votre responsabilité d’élus de consacrer du temps au marché de travaux d’une structure bâtie pour soixante ans et qui concernera tant la collectivité que le mode de vie de ses administrés.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Sur le concours, les choses vont dans le bon sens.

M. Denis Dessus – Elles ont évolué.

Mme Catherine Jacquot – Nous avons reçu des assurances.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Il correspond bien à la tradition française : construire l’habitat et l’espace public est un métier, même quand il s’agit d’un centre-bourg. Vous mettez en garde contre les contrats globaux qui limiteraient l’indépendance du maître d’œuvre. Quel accès les PME ont-elles à la commande publique ? Les contrats globaux le limitent-ils ?

M. Denis Dessus – C’est un phénomène logique : 90% des PPP sont