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M. Martial Bourquin, rapporteur. – Quand nous avons reçu l’UGAP, ses responsables nous ont fait part d’une progression des PME dans leur chiffre d’affaires. Pouvez-vous en faire autant ? Cet élément sera-t-il l’une de vos préoccupations ?

M. Bruno Carrière. – Nous n’en sommes pas capables faute de système d’information équivalent car nous n’avons que dix ans.

Notre démarche est la suivante : l’acheteur cherche la PME offrant le produit adapté au système hospitalier. Nous participons à des forums, nous rencontrons des PME, nous les accompagnons en « codesignant » les

produits et les services en cas de besoin. Nous avons également le projet de mettre en place des « sentinelles de l’innovation » en développant notre implantation territoriale. L’écart avec l’UGAP s’explique parce qu’il compte 1 000 collaborateurs et nous 70.

Pour revenir à la directive, notre seule interrogation porte sur l’opposabilité de la directive à tout le secteur sanitaire. Dans le secteur sanitaire, tous les acteurs, cliniques privées comme hôpitaux publics, travaillent avec des fonds publics. Nous pensons qu’il y a un facteur d’inégalité dans la concurrence que se livrent ces établissements entre ceux qui sont assujettis à l’obligation du Code des marchés publics et ceux qui ne le sont pas.

Par ailleurs, la directive n’est pas en cause mais seulement la déclinaison de différents textes opposables aux entreprises comme aux autres pouvoirs adjudicateurs. À titre d’exemple, tous les titulaires de marchés publics doivent transmettre une attestation semestrielle sur le travail illégal, ce qui est ingérable. D’ailleurs, personne n’applique cette disposition.

Ensuite, nous avons une visibilité sur l’ensemble du réseau et de tous les acteurs publics qui interviennent dans le champ des hôpitaux. Dans certaines régions, des hôpitaux ont signé une convention tripartite de dématérialisation avec leur trésorier et leur chambre régionale des comptes.

Ils peuvent donc signer des marchés pour l’ensemble du territoire. Or des trésoriers locaux considèrent que ce qui a été dématérialisé à un endroit ne leur est pas opposable et bloquent des règlements, ce qui dépasse l’entendement. Nous consommons du « temps agent » pour faire des photocopies de marchés.

M. Philippe Jahan. – Pour conclure, je parlerai en tant que chef d’établissement. Je dois dégager un million d’euros de recettes par jour alors que les dépenses s’élèvent à un million d’euros également. Je dois également gérer 5 000 bulletins de paie. De plus, l’État perçoit 1,2 % du résultat. Nous avons reçu 1 000 personnes aux urgences ces trois derniers jours !

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Combien d’entrées par an couvre votre service d’urgences ?

M. Philippe Jahan. – Le service accueille 200 à 300 personnes par jour, ce qui représente 90 000 entrées par an. Équilibrer nos comptes est un défi puisque les directeurs généraux qui ne tiennent pas leurs comptes sont remerciés.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Nous vous remercions pour votre contribution.

D.AUDITION DE MM. ALAIN PIQUET, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES MARCHÉS, SÉVERIN ABBATUCCI, DIRECTEUR DES AFFAIRES JURIDIQUES, MME PATRICIA GRELIER-WICKOFF, CHEF DE SERVICE À LA DIRECTION JURIDIQUE ET FISCALE ET M. BENOÎT VANSTAVEL, DIRECTEUR DES RELATIONS INSTITUTIONNELLES DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DU BÂTIMENT

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Nous mesurons les enjeux de la commande publique pour la Fédération française du bâtiment. Notre mission d’information vise à se demander comment il est possible de faire plus simple, moins cher, plus souple et à s’assurer qu’il n’y aura pas de sur-transposition des directives européennes. L’autre préoccupation de notre rapporteur est la suivante. Toutes les hypothèses ont-elles été explorées pour aider les PME ? Qu’en est-il enfin de la montée en puissance des travailleurs détachés que nous constatons ces dernières années dans l’exécution des marchés publics ?

Nous attendons donc de votre fédération que vous nous disiez ce qui permettrait, selon vous, de mieux faire fonctionner la commande publique, dans un contexte difficile marqué par un investissement public qui marque le pas dans les collectivités. Nous sommes à la recherche de bonne pratiques et nous inscrivons dans une démarche très concrète.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Merci d’avoir répondu à notre invitation. Comment ressentez-vous la diminution de la commande publique ? Notre mission porte notamment sur la commande publique et les PME. Les deux directives européennes avec l’allotissement généralisé et la simplification devraient permettre un meilleur accès des PME à la commande publique. Pour vous, quelles sont les bonnes pratiques pour y parvenir ? Quelles sont également les mauvaises pratiques ? Enfin, le recours aux travailleurs détachés est vécu comme un traumatisme par les entreprises du bâtiment. Certes, les contrôles sont plus fréquents et une carte va être mise en place. Toutefois, je ressens le phénomène comme une forme de délocalisation du secteur du bâtiment. Quel est votre avis sur ces questions ?

M. Alain Piquet, Président de la commission des marchés à la Fédération française du bâtiment. – Merci, Messieurs les sénateurs. Pour apprécier l’impact du contexte économique, rappelons ces quelques chiffres : la commande publique représente 20 % de notre activité qui s’élève à 124 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Elle fait travailler 220 000 salariés pour un total de 1 100 000 personnes. La commande privée ne suppléant pas à la commande publique, l’impact du ralentissement de l’investissement est important.

En 2014, la commande publique sur le volet collectivités locales-investissement a baissé de 7 % et même de 10,8 % si l’on ajoute le volet entretien-maintenance. En 2015, nous anticipons une baisse de 5 % de

l’investissement. L’année dernière, le bâtiment a perdu 30 000 salariés et, globalement, depuis le début de la crise, 100 000 personnes.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Nous partageons cet avis.

M. Alain Piquet. – Nous avons aujourd’hui le sentiment que le législateur s’est saisi de la question. Une chaîne de causalité existe en effet entre l’offre anormalement basse (OAB) par rapport aux coûts de production et les travailleurs détachés. Or le projet d’ordonnance « marchés » prend en compte l’OAB à deux niveaux, celui du marché proprement dit dans l’article 51 et surtout dans le contrat du sous-traitant dans l’article 60. Pour nous, il est primordial que vous stipuliez que le maître d’ouvrage a l’obligation de détecter et de rejeter l’OAB à ces deux niveaux. C’est une excellente initiative.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – L’Europe a renoncé à définir l’OAB par une formule mathématique. Cette rédaction vous convient-elle ?

M. Alain Piquet. – Le pourcentage ne peut pas être fixé indépendamment du contexte économique et géographique. Sur ce volet, il est important que la maîtrise d’ouvrage demande à l’entreprise en quoi ce prix est anormalement bas à partir du détail des éléments. La pratique voulait qu’elle se contente de la conformité de l’offre.

Quant aux travailleurs détachés, nous constatons une réelle prise de conscience de cet enjeu aujourd’hui grâce à la loi Savary et aux décrets qui ne sont pourtant applicables que depuis le 1er avril de cette année. Nous tenons à la carte d’identification professionnelle et à l’obligation d’analyse des OAB, mais, à côté de ce volet législatif, il est indispensable de veiller à son application via un contrôle avec l’appui des douanes.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – M. Bourquin se pose régulièrement la question de la pénalisation du maître d’ouvrage qui est envisagée par le Premier ministre. Cette responsabilisation est-elle une bonne idée ? Est-ce la seule bonne idée ? Quel est votre sentiment sur ce point ?

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Nous savons qu’il est massivement fait appel aux travailleurs détachés aux troisième et quatrième niveaux de sous-traitance. Il est donc prévu de mettre aussi en cause la responsabilité du maître d’ouvrage sur le nombre de travailleurs détachés déterminant une offre anormalement basse.

M. Séverin Abbatucci, directeur des affaires juridiques et fiscales à la Fédération française du bâtiment. – Nous pensons que le maître d’ouvrage a une responsabilité indirecte car il profite du caractère anormalement bas des offres faites par les sous-traitants. Il fait figure de

« receleur » de la fraude aux règles sociales du détachement, selon l’expression de notre président, Jacques Chanut. La durée maximale du travail et le niveau de salaire définis par le cadre français ne sont pas

respectés par certains employeurs étrangers. C’est pourquoi il faut remonter la responsabilité au niveau du maître d’ouvrage en bout de chaîne.

Pour prévenir les infractions, les entreprises étrangères devront fournir aux donneurs d’ordre une copie de la déclaration de détachement qu’elles devaient déjà remettre en théorie aux agents de contrôle. Quant au donneur d’ordre, il aura l’obligation de le signaler aux agents s’il ne l’obtient pas. Nous pensons que cette obligation aura un impact positif.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Selon vous, l’obligation pour les donneurs d’ordre d’obtenir copie de cette déclaration de détachement voire de saisir les autorités de contrôle dans le cas contraire suffirait pour garantir le dispositif, mais il serait excessif de responsabiliser au sens pénal le maître d’ouvrage dans un cadre déjà contraignant pour lui.

M. Alain Piquet. – Quand vous parlez de la maîtrise d’ouvrage, il est important de l’imaginer dans toutes ses composantes. La commande publique ne représente que 20 % de notre activité.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Le donneur d’ordre public va comprendre ces nouveaux outils, mais comment imaginez-vous la situation pour le maître d’ouvrage privé ?

M. Séverin Abbatucci. – À mon avis, nous aurons peu de cas de responsabilité pénale. Ne pas récupérer les documents que j’énumérais est constitutif d’une faute pour le donneur d’ordre. Il sera complice de l’infraction de l’entreprise étrangère s’il la laisse travailler sans avoir obtenu la preuve qu’elle est en règle. Il encourra des sanctions au plan civil et une condamnation au plan pénal. Aucun texte supplémentaire n’est nécessaire.

M. Rachel Mazuir. – 25 000 euros pour Bouygues sur le chantier de l’EPR de Flamanville.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Un procès s’est tenu il y a quelques jours au sujet de quarante personnes détachées qui n’étaient pas déclarées dans les règles. Ces sanctions font-elles peur à une grande entreprise ? La sanction ne devrait-elle pas être plus importante en pourcentage de chiffre d’affaires ?

M. Séverin Abbatucci. – La sanction pour défaut de déclaration du