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M. Martial Bourquin, rapporteur. – En revanche, les deux grands groupes présents sur un chantier d’hôpital public ont eu une attitude très différente. L’un a travaillé avec des PME exemplaires, tandis que l’autre a eu recours à des sociétés étrangères employant beaucoup de travailleurs détachés. Qu’en est-il pour vous ?

M. François Poupard. – Les travaux publics et le bâtiment sont deux secteurs assez différents. Pour les gros chantiers, très capitalistiques, nous travaillons principalement avec les grands groupes. Le principal problème que pose la sous-traitance est le recours massif à l’intérim ouvrier. Les contrôles sont difficiles, même si nous collaborons avec l’inspection du travail. L’application de la réglementation dépend davantage de la personnalité du chef de chantier que du groupe auquel il appartient.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Un grand nombre de choses se décident au stade de l’appel d’offres et de la fixation des critères de choix.

Plutôt que chercher le prix pour le prix, il convient d’imposer des critères exigeants pour éviter les dérives.

M. François Poupard. – Je n’ai jamais vu de moins-disant dans les grands chantiers. Ce sont des opérations très complexes, avec un cahier des charges détaillé et fort volumineux.

Sur ce type de chantiers, les entreprises prestataires sont généralement certifiées ISO 9000 et en mesure de satisfaire les clauses sociales. Le principal enjeu porte sur le contrôle concret. Le chantier SEA entre Tours et Bordeaux par exemple s’étend sur 350 kilomètres et doit durer trois ans. Une attention soutenue est indispensable, d’autant que les maîtres d’ouvrage ne sont pas outillés pour le contrôle de l’intérim et ses pratiques parfois limites. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec l’inspection du travail.

M. Éric Doligé, président. – Je vous remercie pour cet éclairage sur ce secteur très monopolistique. Les clauses sociales sont devenues banales dans les grands appels d’offres. La difficulté porte généralement sur le contrôle. Néanmoins, on constate souvent à l’arrivée que la barre a été placée plus haut en pratique que dans les clauses de départ. Preuve que ces exigences étaient une bonne idée !

M. François Poupard. – Un dernier mot, sur l’actualité. Vous n’ignorez pas que le Gouvernement a signé un protocole avec les concessionnaires autoroutiers afin de modifier les contrats historiques et de garantir au concédant un meilleur contrôle. La loi Macron prévoit aussi un abaissement du seuil de mise en concurrence, afin que les entreprises non liées aux grands groupes autoroutiers aient accès aux appels d’offres d’entretien et de maintenance. La DGITM vient d’obtenir de haute lutte de ces concessionnaires qu’ils signent les avenants les engageant à appliquer ces dispositions avant même la publication des décrets – sans doute pas avant décembre ou janvier. Nous ne voulions pas qu’ils s’empressent de faire les appels d’offre dans l’intervalle ! C’est chose faite et c’est une bonne nouvelle pour les PME.

IV. RÉUNION DU JEUDI 18 JUIN 2015

A.AUDITION DE MME CATHERINE JACQUOT, PRÉSIDENTE, ET M. DENIS DESSUS, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECTES

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Nous accueillons Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes, ainsi que M. Denis Dessus, vice-président.

Notre mission, qui s’est d’abord centrée sur l’actualité et les directives européennes sur les marchés publics, a transmis une première vague d’observations à M. Macron la semaine dernière, avant la publication de l’ordonnance de transposition prévue mi-juillet. Nous formulerons fin septembre des propositions globales.

Nous ne souhaitons pas réécrire les dispositions législatives régissant la commande publique. Notre approche sur la place de cette dernière dans la société française est davantage politique et économique.

Comment l’améliorer et contribuer à la vie économique de notre pays ? Comment la simplifier, en réduire le coût, en rendre l’accès plus facile aux PME ? Chemin faisant, nous évoquerons d’autres thèmes comme la question des salariés étrangers, les grands chantiers publics et privés, pour déterminer s’il faut faire évoluer le droit positif, par exemple vers davantage de prévention.

Derrière votre ordre, il y a souvent des entreprises de petite taille, mais qui suivent la tendance européenne à des cabinets de plus grande taille.

Nous souhaitons que vous alimentiez notre réflexion en propositions pragmatiques, sans discours de méthode ni idéologie politique, mais au service de l’intérêt général.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Deux points sont primordiaux.

Votre ordre est très mobilisé pour préserver l’obligation de concours au-dessus des seuils européens des marchés formalisés. Pouvez-vous nous rappeler le nombre annuel de concours de maîtrise d’œuvre, ainsi que les avantages et les inconvénients de la procédure existante ? L’esthétique, de même que les grands problèmes comme les économies d’énergie, la vie en société ou les espaces publics, sont importants lorsqu’on évoque le réaménagement des villes, bourgs-centres et villages.

Quelle est la place du concours dans la commande publique ? Cette procédure est-elle plus onéreuse et plus complexe qu’un appel d’offres classique et comment l’améliorer ? Les PME ont-elles une place suffisante dans la commande publique ? Comment la conforter ? Pouvez-vous également nous présenter votre ordre?

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Souhaitez-vous nous alerter sur certains aspects du projet d’ordonnance « marchés » qui concernent votre profession ?

Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes – Notre ordre est au cœur de l’actualité législative. Les trente mille architectes inscrits au tableau de l’ordre sont issus de structures très variées : 50% des agences sont unipersonnelles, répondant souvent à des commandes particulières ou à de très petits projets ; d’autres, comptant plusieurs centaines de personnes, sont présentes à l’international et répondent à des projets de grande envergure. Nous disposons du monopole au-delà d’un certain seuil, mais en-deçà, 64% des architectes travaillent pour des particuliers maîtres d’ouvrage occasionnels.

Si ce maillage territorial précieux nous associe à des politiques publiques très variées comme la rénovation énergétique pour tout le secteur résidentiel, il est utile que les architectes se regroupent en réseaux ou en associations pour ne pas rester isolés, et nous leur proposons des modèles juridiques à cette fin. Des sociétés se développent ainsi fortement.

Représentant un tiers de l’activité des architectes, la commande publique reste exemplaire et constitue une référence pour la commande privée, en même temps qu’un vecteur majeur de la qualité architecturale.

Notre ordre bénéficie d’une délégation de service public et travaille dans l’intérêt public de l’architecture. Clef de voûte de notre activité, la commande publique doit rester vertueuse pour garantir cette qualité architecturale, grâce à l’indépendance de la maîtrise d’œuvre et à la mise en concurrence des acteurs, facteurs de transparence et de démocratie.

Le concours, quoique ne représentant que 5 à 10% de la commande publique en raison des seuils européens, montre la voie à toutes les autres formes de contrats comme les procédures adaptées. Dans un concours, c’est le mieux-disant pour un coût d’objectif donné qui est sélectionné par un jury.

Nous sommes la seule profession à demander ouvertement cette mise en concurrence. L’Union européenne considère le concours comme une procédure parmi d’autres, elle n’a jamais demandé à la France de supprimer cette obligation à concourir. La procédure du mieux-disant est la condition de la qualité architecturale, à la différence de contrats globaux ou d’appels d’offres où le seul critère est le prix – honoraires les plus bas ou projet le moins cher.

Même s’il est conscient des impératifs financiers, notre ordre est réticent aux contrats globaux – partenariats public-privé (PPP), contrats de performance –, que le projet d’ordonnance sort curieusement du champ de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique (MOP). Un contrat global associe une entreprise générale dès le début de la conception d’un projet. Il est essentiel de bien séparer la maîtrise d’œuvre pour éviter les conflits d’intérêt : une entreprise du bâtiment a des objectifs principalement

économiques, elle recherche la marge maximale dans un coût donné, et ne répond pas d’abord à des objectifs de qualité architecturale.

Au contraire, en procédure loi MOP traditionnelle, le projet répond à un coût d’objectifs, puis l’appel d’offres met en concurrence le plus d’entreprises possible pour obtenir le meilleur coût. Voilà la règle la plus simple et la plus efficace pour la qualité architecturale comme pour les finances publiques. À terme, les contrats globaux réduisent la concurrence entre entreprises : les entreprises générales sont quasi décisionnaires.

Nous souhaitons renforcer l’accès des PME, actuellement insuffisant, à la commande publique. Dans les contrats globaux, les entreprises générales les font travailler seulement comme sous-traitantes à la différence des procédures de MOP.

M. Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l’ordre des