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Denis Dessus – C’est un phénomène logique : 90% des PPP sont remportés par trois entreprises, trois groupes bancaires, quelques avocats et

quatre ou cinq cabinets d’architectes. Les contrats de conception-réalisation et les nouveaux contrats globaux de performance font intervenir les mêmes interlocuteurs. Au maximum, nous comptons huit à dix candidats ! Il n’y a pas pire situation pour une entreprise que d’être sous-traitant d’un grand groupe...

Nous sommes aussi des contribuables qui ne souhaitent pas surpayer un service public. Et, comme notre profession monopoliste est présente dans toutes les procédures – allotissement, PPP… - nous pouvons comparer : une procédure allotie coûte 100, et nécessite de gérer la complexité avec quinze ou vingt entreprises et des marchés attribués à l’euro près. A produit égal, un marché de conception-réalisation, solution de facilité pour l’architecte et le maître d’ouvrage, coûte 120 à 130 et, le maître d’ouvrage devenant acheteur public, il y a perte de compétence. Enfin, le PPP par lequel, sous prétexte de simplification, on se passe la corde au cou pour vingt ans, coûte 200, s’accompagne de tous les inconvénients dénoncés par vos rapports et, surtout, il bloque l’accès de 1,1 million d’artisans et de PME à la commande publique. En période de crise, que vaut-il mieux ? Je suis certes un peu manichéen….

M. Éric Doligé. – Vous êtes trop tranché. Libéral par nature, je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. Plutôt qu’un ordre, j’ai l’impression d’entendre un syndicat nous faire la leçon. Nous sommes maîtres d’ouvrage avec une certaine expérience, vous maîtres d’œuvre. J’ai réalisé cinquante collèges, une vingtaine de centres de secours et j’ai assuré de nombreuses maîtrises d’ouvrage. Le PPP représente 5 à 10% des contrats : pourquoi l’accuser de bloquer l’accès aux PME, d’interdire tout geste architectural et de coûter plus cher ? Sortez et allez voir les maîtres d’ouvrages ! J’ai retrouvé en PPP les architectes locaux qui avaient auparavant travaillé chez moi sur un collège en loi MOP. Inversement, je connais des professionnels qui suivent mal leur chantier… 60% des marchés sous PPP sont faits avec des

PME qui n’auraient pas soumissionné à des appels d’offres. Ouvrez-vous l’esprit et, si vous voulez défendre votre profession, soyez plus modéré.

Nous sommes capables de faire la part des choses et de réaliser des économies.

M. Didier Mandelli. – Je partage pleinement les propos de mon collègue. Vous dénonciez un manque de culture architecturale, mais dans ma commune de 8 500 habitants, un professeur d’arts plastiques n’a trouvé aucun architecte acceptant de venir une fois par mois pendant une heure parler devant les collégiens ! Vous avez une vision idyllique et corporatiste.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Selon vous, les PME seraient systématiquement en sous-traitance dans les contrats globaux. Actuellement, elles bénéficient d’un peu plus de 20% des 80 milliards d’euros de marchés publics, alors qu’elles représentent 40% du PIB marchand. Comment les porter à 40%, et pas seulement en sous-traitance avec des prix très bas imposés, à moins qu’elles ne soient en groupement ? Chez moi, un groupement de 30 PME répond à des PPP.

Mme Catherine Jacquot – Nous évoquions des tendances générales, mais il y a toujours des exceptions comme les groupements de PME. Nous n’avons pas de position corporatiste. Les architectes sont présents dans les PPP et les contrats globaux, ils y sont même souvent mieux payés pour moins de responsabilités !

M. Éric Doligé. – C’est ce que je voulais vous faire dire.

Mme Catherine Jacquot – Pour maintenir une bonne qualité, la maîtrise d’œuvre doit rester indépendante, que ce soit dans les PPP ou les contrats globaux.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Considérez-vous les travailleurs détachés comme un problème ou quelque chose de normal et quelles précautions prévoir ?

Mme Catherine Jacquot – C’est d’abord l’affaire des entreprises.

Maintenir la qualification générale des ouvriers est très important.

M. Denis Dessus – Le sourçage, évoqué dans votre questionnaire, concerne surtout les marchés de fourniture, de même que les groupements de commandes, peu adaptés aux marchés du bâtiment. Nous y avions été confrontés quand les bailleurs sociaux avaient tenté de grouper les achats de chauffe-eaux ; de même, le recours aux centrales d’achat dans le secteur hospitalier a des effets destructeurs sur les fournisseurs indépendants sans gain de prix. Nous avons mis en place des modes opératoires pour améliorer les contrats globaux, formulé des propositions pour la conception-réalisation… Je suis pourtant obligé d’être un peu manichéen sur l’accès des PME.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Nous avons compris vos préoccupations. Merci.

B.AUDITION DE M. FRANÇOIS MOUTOT, DIRECTEUR GÉNÉRAL, ET MME VÉRONIQUE MATTEOLI, DIRECTRICE ADJOINTE DES RELATIONS INSTITUTIONNELLES DE L’ASSEMBLÉE PERMANENTE DES CHAMBRES DE MÉTIERS ET DE L'ARTISANAT

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Nous recevons M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, accompagné de Véronique Matteoli, directrice adjointe des relations institutionnelles de cet organisme.

Notre mission d’information cherche à évaluer, de manière pragmatique, les moyens de favoriser l’accès des TPE et PME à la commande publique. Quelles sont vos idées pour rendre la commande publique moins chère et plus simple ? A-t-on oublié quelque chose ? Quelle est votre approche de la question des travailleurs détachés : vrai problème ou fantasme ?

Nous sommes prêts à vous écouter sans a priori. Les projets d’ordonnances sont déjà bien avancés pour la partie marchés publics, mais il est encore temps d’infléchir la partie concessions.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Malgré l’importance de l’artisanat dans l’économie française, il nous semble que le poids des PME et TPE dans les 80 milliards d’euros que représentent les marchés publics reste insuffisant. Une ordonnance de transposition sur les marchés publics destinée à y remédier est attendue au mois de juillet. Quel est votre avis sur le texte, et plus largement sur la place des PME dans la commande publique ? Que pensez-vous des travailleurs détachés et les petites entreprises du bâtiment ne subissent-elles pas un véritable séisme ?

M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres de métier et de l’artisanat. – La part des PME et de l’artisanat dans la commande publique est d’environ 27 ou 28 %. D’une part, cela nous semble plus faible que nous ne le souhaiterions ; d’autre part nous ne voulons pas défendre le principe d’un quota pour les PME, de crainte qu’il soit fixé en dessous de ce seuil.

Nous sommes particulièrement inquiets des évolutions en cours. La réforme territoriale systématise la remontée de la commande publique aux groupements de communes, ce qui se traduit par des marchés plus importants, en contradiction avec l’objectif affiché de conserver les petites entreprises dans la commande publique. Je ne suis pas en position de juger, d’autant que je suis également maire. Mais il faut faire attention.

L’alternative au regroupement est l’obligation d’allotissement, qui semble transcrite de manière très relative dans le projet d’ordonnance. Les exceptions se multiplient au point de devenir la règle et de rendre l’allotissement secondaire, alors que nous y sommes très favorables.

Le recours préférentiel aux PME pour la sous-traitance, autre manière de régler le problème, était prévu par les articles 48 et 53-IV du code des marchés publics, mais ces dispositions ne figurent plus dans le projet d’ordonnance. Nous estimons que la sous-traitance doit être clarifiée et la participation des PME incluse dans les critères de choix.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Comment l’écrire, le libre accès aux marchés ayant été élevé en 2001 au rang de principe de valeur constitutionnelle et compte tenu de l’OMC et de la jurisprudence européenne ?

M. François Moutot. – La clause préférentielle est, je le reconnais, difficile à écrire. Une ouverture juridique consiste à autoriser la préférence aux entreprises de proximité lorsque les offres sont quasiment égales.

M. François Bonhomme. – Tout est dans le « quasiment » !

M. François Moutot. – Pour améliorer les rapports entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, qui en France sont calamiteux, nous sommes extrêmement favorables au principe du paiement direct et systématique aux PME.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – C’est déjà prévu par le code des marchés publics. En cas de manquement, les collectivités publiques ont l’obligation de mettre en demeure les entreprises contractantes de faire agréer leurs sous-traitants.

M. François Moutot. – C’est un problème de formation des donneurs d’ordre.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Les dispositions existent déjà !

M. François Moutot. – Cela ne se vérifie pas toujours dans la pratique. Autre proposition, celle d’accorder la clause sociale aux entreprises qui emploient des apprentis. Les gouvernements successifs n’ont-ils pas présenté l’apprentissage comme une cause nationale ?

M. Philippe Bonnecarrère, président. – En quoi seriez-vous avantagés ? Il suffira aux trois grands groupes du secteur de se présenter avec des cohortes d’apprentis.

M. François Moutot. – Pas si l’exigence porte sur une proportion par rapport à l’effectif total de la société… Les grandes entreprises ont déjà la clause sociale, nous ne l’avons pas ! Certains donneurs d’ordre ont introduit la proximité dans les clauses environnementales, à travers le critère de la consommation de carburant par déplacement. Cela nous favoriserait, sans poser de problème juridique.

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Le projet d’ordonnance pourrait aller dans ce sens, parce que les États membres ont une certaine latitude dans ce domaine.

M. Philippe Bonnecarrère, président. – Si le critère du bilan carbone est retenu, les grandes entreprises seront là aussi avantagées, car les petites n’en établissent pas.

M. François Moutot. – Nous mettons en avant le critère du déplacement.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – Des collectivités le retiennent déjà.

M. François Moutot. – Certes, mais je serais rassuré si le critère était explicitement mentionné.

Nous sommes préoccupés par les délais de paiement. Le système d’avances existant est insuffisant, d’autant que les fonds de trésorerie des petites entreprises ont diminué. De plus, le solde des subventions n’est versé aux donneurs d’ordre qu’après l’achèvement des travaux, alors même que ceux-ci ont trois semaines pour payer leurs factures. C’est contradictoire. La Caisse des dépôts a récemment mis en place un dispositif d’avances aux collectivités, mais ce n’est guère plus qu’une rustine pour les communes. Les défauts de paiement atteignent 0,3%. Comment payer les gars à la fin du mois ?

M. Jackie Pierre. – En somme, elles ne sont réglées que si elles sont en règle !

M. Martial Bourquin, rapporteur. – Le problème réside dans le non-respect du délai des 45 jours, qui amène les entreprises au bord de la faillite, comme je l’ai constaté hier encore sur un chantier. Le fonds européen de développement régional (Feder) paie sur factures. Parfois, les communes accordent des prêts relais à leurs fournisseurs.

M. François Bonhomme. – Les délais de paiement se sont quand