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4. L'Hormone de Mélano-Concentration (MCH) : lien moléculaire entre sommeil et

4.1. Présentation du système à MCH

La MCH a été pour la première fois isolée dans la glande pituitaire du saumon (Kawauchi et al., 1983). Chez les poissons, la MCH, un peptide cyclique de 17 acides aminés, est sécrétée en réponse à un stress ou des stimuli environnementaux. Elle permet l'éclaircissement de la peau en stimulant l'agrégation de mélanosomes, des granules de pigmentation, dans certaines cellules des écailles. Bien que cette fonction, très spécialisée, soit propre aux poissons et batraciens, l'identification, chez plusieurs espèces de poissons, d'un rôle neuromodulateur de l'axe hypothalamo-pituitaire par la MCH a suggéré un rôle plus large et complexe de ce peptide (Pissios et al., 2006). On a donc cherché à mettre en évidence la présence de MCH dans d'autres espèces de vertébrés. Elle est alors découverte chez de nombreuses espèces de mammifères tels que les rongeurs et l'homme. Chez les mammifères, la MCH est un peptide cyclique de 19 acides aminés qui présente cependant une homologie assez forte avec la forme identifiée chez les poissons.

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Le peptide MCH dérive d'une hormone précurseur, le pre-proMCH (ppMCH). Cette dernière présente différents sites de clivage potentiels permettant la génération de trois différents peptides, la MCH, le NEI glutamic acid-isoleucine) et le NGE

(neuropeptide-glycine-glutamic acid) (Croizier et al., 2013). Deux autres peptides sont aussi formés à partir

du gène codant pour la MCH : le peptide MGOP (MCH gene overprinted peptide) obtenu par épissage alternatif et le peptide AROM (antisense RNA overlapping MCH gene) obtenu par transcription antisens. Les fonctions de ces différents peptides sont encore mal connues (Boutin et al., 2002 ; Pissios et al., 2006).

Il existe deux types de récepteurs à la MCH, les récepteurs MCH-R1 et MCH-R2. En revanche, seul le premier est présent chez les rongeurs. La MCH se lie au MCH-R1 avec une très forte affinité. Il s'agit d'un récepteur métabotropique couplé aux protéines G (Chambers et al., 1999 ; Saito et al., 2000). Son activation permet la phosphorylation d’enzymes appartenant à de multiples voies de signalisation intracellulaire telles que les voies des MAP-Kinases, des protéines kinases A (PKA) et C (PKC) (Hawes et al., 2000).

4.1.2. Les neurones à MCH

Chez les rongeurs, les neurones à MCH sont localisés intégralement dans deux régions : l'hypothalamus latéral et la zona incerta. La distribution des péricaryons change selon l'axe rostro-caudal avec une majorité des neurones à MCH situé dans la partie médiane de la zona incerta au niveau rostral puis, au-delà du noyau paraventriculaire postérieur de l'hypothalamus, ces derniers deviennent de plus en plus latéraux dans la zona incerta et se retrouvent principalement dans l'hypothalamus latéral (Bittencourt, 2011 ; Croizier et al., 2013) (Fig. 17).

La population des neurones à MCH n'est pas homogène : il existe plusieurs sous-populations caractérisées notamment pas la présence ou l'absence d'expression du peptide CART (cocaine

and ampethamine regulated transcript) conjointement avec le récepteur à la neurokinine

tachyninergique 3 (NK3) (Croizier et al., 2013). Chez la souris, le modèle utilisé dans nos différentes études, 45% des neurones à MCH expriment CART (Croizier et al., 2010 ; Hanriot et al., 2007). Les neurones à MCH, dans des proportions plus ou moins variables, expriment aussi d'autres neuropeptides que la MCH tels que la nesfatin1 ou la substance P (Croizier et al., 2013 ; Fort et al., 2008). Enfin, il est maintenant admis que la plupart des neurones à MCH sont GABAergiques (Sapin et al., 2010).

61 Bien que les neurones à MCH soient localisés dans une région restreinte, ils envoient des projections dans toutes les aires cérébrales à l'exception du cervelet. L'étude des fibres immunoréactives aux anticorps dirigés contre un neuromodulateur est un excellent outil pour extrapoler les différentes fonctions d'une substance neuroactive à partir de l'identification des structures efférentes. Notons cependant que les différentes études sur les fibres à MCH ont été principalement menées chez le rat même s'il est assez largement reconnu que la distribution des projections de tels systèmes est similaire chez les rongeurs. Il existe deux grandes catégories de projections qui dépendent de la nature de la sous-population de neurones MCH considérée. Les neurones CART/NK3 envoient leurs axones en majorité dans les aires corticales et hippocampiques tandis que les autres projettent principalement vers la moelle épinière. Les axones MCH/CART se partagent en projections descendantes dirigées vers des structures du tronc cérébral tel le noyau paragigantocellulaire ou le LC et en projections ascendantes dirigées soit vers les zones corticales (cortex préfrontal, amygdale, ...) via le septum médian, soit vers la formation hippocampique (Bittencourt, 2011 ; Croizier et al., 2013). Les fibres MCH sont particulièrement denses dans la formation hippocampique, l'amygdale et l'hypothalamus (hypothalamus latéral, noyaux arqués et corps mamillaires). Il est intéressant de noter que la répartition anatomique du MCH-R1 coïncide étroitement avec la distribution de fibres à MCH suggérant bien un rôle physiologique de ces différentes projections (Bittencourt, 2011).

Figure 17. Localisation des neurones à MCH par immunohistochimie du peptide. Les somas des cellules produisant la MCH sont situés dans l'hypothalamus latéral et la Zona Incerta. Résultats obtenus au laboratoire par Lucienne Léger. LH : aire hypothalamique latérale, opt : tractus optique, ic

: capsule interne, DM : noyau hypothalamique dorso-médian, VM: noyau hypothalamique ventro-médian, fx : fornix, 3V : troisième ventricule, mt : faisceau mammillothalamique)

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Les neurones à MCH reçoivent aussi de nombreuses afférences et leur activité est finement modulée. Ils se comportent comme des senseurs de glucose. Une augmentation des concentrations de glucose, de manière physiologique, provoque en effet une excitation des neurones à MCH, i.e. une excitation et une augmentation de la résistance membranaire (Burdakov et al., 2005). Les neurones à MCH sont aussi régulés par plusieurs peptides hypothalamiques, ce qui rend bien compte de la complexité de cette structure. D'abord, les neurones à MCH sont excités par l'hypocrétine/orexine, un peptide produit par les neurones à hypocrétine/orexine, une population de neurones qu'on pense avoir un rôle antagoniste à celui des neurones à MCH. D'autre part, les neurones à MCH possèdent aussi le récepteur MCH-R1 au même titre que les neurones à hypocrétine/orexine et son activation inhibe les deux populations de neurones ce qui suppose une régulation fine et conjointe par rétrocontrôle négatif et positif de ces deux systèmes. Plusieurs populations de neurones situées dans les noyaux arqués, que nous ne détaillerons pas dans ce manuscrit, innervent l'hypothalamus latéral et régulent les neurones à MCH. Ils ont été impliqués principalement dans la régulation de la prise alimentaire. Certaines hormones périphériques, telles la leptine et la ghreline, impliquées aussi dans la régulation de la satiété et de la prise alimentaire ont un effet sur les neurones à MCH. Enfin, la noradrénaline la sérotonine et l'acétylcholine, trois neuromodulateurs impliqués dans la régulation des états de vigilance, sont libérés dans l'hypothalamus latéral via des afférences extra-hypothalamiques provenant notamment du LC, du NRD et des noyaux du LDT/PPT respectivement (Bayer et al., 1999 ; Mochizuki et Scammell, 2003). Les trois semblent inhiber l'activité des neurones à MCH (Guyon et al., 2009). Il est intéressant de noter que l'amygdale et l'hippocampe projettent aussi vers l'hypothalamus latéral même si, à l'heure actuelle, on ne sait pas s’il existe des connexions corticales monosynaptiques avec les neurones à MCH (Cenquizca et Swanson, 2006).