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3. Un modèle cellulaire de la mémoire : plasticité synaptique dans l'hippocampe

3.4. Neuromodulation de la plasticité synaptique hippocampique et consolidation

L'alternance des états de vigilance est sous le contrôle de plusieurs systèmes neuromodulateurs dont l'activité est, pour la plupart, régulée de manière différentielle au cours des différents états de sommeil. Ainsi la libération d'acétylcholine (ACh) est minimale pendant le SL mais elle atteint lors du SP des niveaux comparables, voire même plus élevés, à ceux observés pendant l'éveil. Au contraire, la libération de noradrénaline (NA) et de sérotonine (5-HT) diminue pendant le SL avant d'atteindre son minimum au cours du SP (Hasselmo, 2006, 1999). Or, il se trouve que la plupart de ces neuromodulateurs ont été impliqués dans les processus de consolidation mnésique et de plasticité synaptique. Ils pourraient donc participer aux mécanismes moléculaires de la facilitation de la mémoire par le sommeil, et plus particulièrement le SP.

3.4.1. La plasticité à long terme est modulée par le SP

Une privation de sommeil totale diminue la rétention d'un conditionnement contextuel à la peur et altère la LTP dans l'hippocampe de souris (Vecsey et al., 2009). Ce déficit est associé à une diminution de l'activation de la voie de signalisation cellulaire dépendant de la PKA, impliquée dans les mécanismes de maintenance de la LTP, et une augmentation de certaines phosphatases. Or, le traitement des souris privées de sommeil avec un inhibiteur de phosphatases, le rolipram, immédiatement et 2h30 après l'acquisition restaure les niveaux de performances des animaux au rappel (Vecsey et al., 2009). Ces travaux suggèrent que le sommeil serait une période privilégiée pour la mise en place des mécanismes de maintien de

Figure 16. La plasticité synaptique à court terme pourrait agir comme un filtre physiologique. A. Potentiels post-synaptiques évoqués en réponse à des stimulations irrégulières enregistrés au niveau des fibres grimpantes (FG), des fibres parallèles (FP) du cervelet, et des collatérales de Schaffer (SC). B. Ces trois exemples illustrent les caractéristiques de filtres physiologiques possibles de la transmission synaptique: passe-bas (FG), passe-haut (FP) et passe-bande (SC), qui dépendent de la probabilité de libération de neurotransmetteurs p (D’après Abbott et Regehr, 2004).

57 la LTP et de consolidation synaptique. De la même manière, il a été montré qu’une privation sélective de SP diminue la LTP et l'activation de la voie ERK/MAPK dans l'hippocampe dorsal in vitro (Ravassard et al., 2009). De même, l'induction de LTP dans l'hippocampe, comme l'exposition de rongeurs à un nouvel environnement, induit l'expression au cours des phases de SP qui suivent ces deux protocoles, de zif268, un gène d'expression précoce impliqué dans la phase tardive de la LTP, dans l'hippocampe et certaines aires corticales (Ribeiro et al., 1999, 2002). En revanche, cette activation de zif-268 ne se produit pas chez les animaux qui, durant les mêmes périodes, n’ont effectué que de l’éveil ou du SL, suggérant que des mécanismes de consolidation synaptique auraient lieu dans l'hippocampe spécifiquement pendant le SP en accord avec le modèle de la consolidation systémique active pendant le sommeil. L'ensemble de ces travaux a conduit Ribeiro à postuler qu'il y aurait une sorte de "replay" moléculaire pendant le SP des évènements moléculaires recrutés au moment de l'encodage de l'information pendant l'éveil (Ribeiro et Nicolelis, 2004).

3.4.2. Acétylcholine, plasticité synaptique, sommeil et mémoire

L’activité cholinergique pendant le SP est élevée, et ceci est particulièrement vrai pour l'hippocampe (Kametani et Kawamura, 1991 ; Marrosu et al., 1995) où elle module les ondes thêta (Siok et al., 2006). D'autre part, la libération phasique d'ACh dans l'hippocampe par les fibres du septum médian est synchronisée avec le rythme thêta (Zhang et al., 2010). Or, l'application d'une stimulation dans le creux du thêta permet l'induction de LTD et une stimulation délivrée au pic du thêta permet l'induction de LTP (Huerta et Lisman, 1995). L'acétylcholine pourrait donc favoriser l’induction de plasticité synaptique bidirectionnelle dans l’hippocampe via les ondes thêta (Huerta et Lisman, 1995). Le rythme thêta a aussi été impliqué dans les processus de réactivations cellulaires (voir plus haut) pendant le SP qui participeraient aux mécanismes de consolidation mnésique. De plus, la suppression de certaines ondes propres aux SP, les ondes pontiques (ondes P), pendant le sommeil suivant directement l'acquisition d'une tâche de mémoire dépendante de l'hippocampe, empêche l'augmentation induite par l'apprentissage de l'expression de molécules impliquées dans le maintien de la LTP (ex : BDNF, CREB phosphorylée,..) dans l'hippocampe dorsal, et ce, sans altérer la structure du sommeil (Datta et al., 2008). A l’inverse, l'augmentation de ces ondes P par stimulation cholinergique de leur générateur conduit à une augmentation similaire des mêmes molécules (Datta et al., 2008). L'ACh pourrait donc réguler cette consolidation synaptique dépendante du SP en induisant les ondes P. Notons aussi que les ondes-P apparaissent de manière synchrone avec l'augmentation de la puissance du thêta

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hippocampique (Karashima et al., 2007). D'autre part, le blocage des récepteurs cholinergiques muscariniques à l'ACh par injection de scopolamine pendant le SP altère la mémoire de rats entraînés dans une tâche de mémoire spatiale (Legault et al., 2004) et l'ACh augmente la synthèse protéique dans CA1(Lana et al., 2013). Ainsi, l'ACh pourrait avoir un rôle indirect sur la plasticité synaptique hippocampique et la mémoire en régulant le rythme thêta et les ondes P pendant le SP.

3.4.3. Adénosine, plasticité synaptique, sommeil et mémoire

Les deux principaux récepteurs à l'adénosine, les récepteur A1 (A1R) et A2A (A2AR) sont métabotropiques et sont tous deux exprimés dans l'hippocampe (Dunwiddie et Masino, 2001). Une source majeure d'adénosine dans le cerveau est constituée par les astrocytes ; l'adénosine est alors obtenue par hydrolysations successives de l'ATP par des ecto-nucléotidases, enzymes présentes dans l'espace extracellulaire (Dias et al., 2013 ; Dunwiddie et Masino, 2001). L’adénosine est le deuxième produit de dégradation de l’ATP et de l’AMPc, son accumulation dans le système nerveux central, reflète donc une forte activité cérébrale. Le blocage génétique de la gliotransmission chez la souris diminue la pression de sommeil due à une privation (temps de sommeil diminué, diminution de la durée des épisodes de SL,...) (Halassa et al., 2009). L'adénosine, et principalement celle libérée par les astrocytes, joue alors le rôle d'un senseur énergétique et d'indicateur de pression de sommeil participant ainsi à l'homéostasie du sommeil. Il pourrait promouvoir ainsi l'entrée en sommeil. On a, en effet, vu précédemment que l’adénosine participe à l’inhibition des centres de l’éveil responsables du déclenchement du sommeil. De plus, l’adénosine, via ses A1R, est responsable d’une large inhibition pré-synaptique de la transmission synaptique excitatrice. Dans l'hippocampe, l'adénosine peut ainsi diminuer la LTP via l'activation des A1R tandis que sa liaison au A2AR conduit à l'augmentation de la LTP dans les fibres moussues de l'hippocampe (Costenla et al., 2010 ; Rebola et al., 2008). Comme les A2AR ont un seuil plus élevé que les A1R, il a été proposé, qu'à l'état basal, l'adénosine extracellulaire libérée par les astrocytes assurerait une inhibition diffuse de la transmission synaptique tandis qu'une stimulation de haute fréquence permettrait le recrutement des A2AR et donc une facilitation de la LTP (Cunha, 2001). Ainsi l'adénosine au delà de son rôle dans la régulation homéostatique du sommeil, permettrait une régulation bidirectionnelle de la plasticité synaptique dans l'hippocampe.

La plasticité synaptique hippocampique est à la base des processus de consolidation synaptiques des mémoires déclarative qui prennent place préférentiellement pendant le

59 sommeil. SL et SP sont caractérisés par des milieux neurochimiques contrôlés dont les principaux neuromodulateurs interviennent dans la régulation des mécanismes de plasticité. De nombreuses neurohormones impliquées dans de grandes fonctions physiologiques, comme le stress (glucocorticoïdes) ou encore la régulation du rythme circadien (mélatonine), participent à la régulation du cycle veille-sommeil. Or, de plus en plus d'études montrent que ces neurohormones joueraient aussi un rôle important dans la modulation de la plasticité et de la mémoire pendant le sommeil (Rasch et Born, 2013). Dans cette thèse nous essayerons de caractériser le rôle des neurones à MCH ainsi que celui du peptide MCH.

4. L'Hormone de Mélano-Concentration (MCH) : lien moléculaire