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3. Un modèle cellulaire de la mémoire : plasticité synaptique dans l'hippocampe

3.3. Plasticité synaptique à court terme

Une propriété essentielle des synapses est leur capacité à garder une trace des évènements passés qui ont modifié leur activité. C'est le rôle de la plasticité synaptique. Or, la LTP et la LTD ne sont pas les seuls phénomènes par lesquels l’activité induite par l’expérience est capable de modifier les propriétés des circuits neuronaux. Il existe, en effet, de nombreuses

53 formes de plasticité différentes agissant à des échelles de temps et d'espace différentes et au sein des mêmes réseaux (Fioravante et Regehr, 2011 ; Zucker et Regehr, 2002). La plasticité à court terme, qui dure uniquement de quelques millisecondes à quelques minutes, est un phénomène limité à la synapse. Elle serait ainsi le support des fonctions de transfert des informations synaptiques à la base du codage neuronal (Abbott et Regehr, 2004). Nous présenterons, dans cette section, les principales formes de plasticité à court terme permettant la potentialisation ou la dépression transitoire de la réponse synaptique au niveau des synapses SC-CA1. Elles sont pré-synaptiques, c'est-à-dire qu'elles résultent de la modulation de la libération de glutamate induite par l'activité de l'élément pré-synaptique.

3.3.1. Mécanismes de potentialisation à court terme de la transmission excitatrice

Un des mécanismes de potentialisation à court terme les plus connu est la facilitation induite par stimulations pairées (PPF pour paired-pulse facilitation) (Fig. 15B). Expérimentalement, lorsque deux stimulations sont délivrées dans un bref intervalle de temps (classiquement entre 20 et 500 ms), on observe une augmentation de la réponse synaptique induite par le second stimulus par rapport à celle induite par le premier stimulus (Fioravante et Regehr, 2011 ; Katz et Miledi, 1968 ; Zucker et Regehr, 2002). Un des principaux mécanismes avancé pour expliquer ce phénomène repose sur la théorie du calcium résiduel. La libération de neurotransmetteur est un mécanisme probabiliste. A chaque instant, tous les sites de libération ont une chance de libérer ou non le contenu d'une vésicule de neurotransmetteur (Stevens, 1993). Cette probabilité p de libération de neurotransmetteur, faible, est variable en fonction des projections synaptiques et atteint une probabilité de 50% (i.e. 50% d'échec) dans les synapses SC-CA1 (Allen et Stevens, 1994 ; Katz, 1969). L'entrée de calcium dans le bouton synaptique suite à la stimulation des collatérales de Schaffer, permet l'activation de protéines favorisant l'exocytose des vésicules de glutamate (Cesca et al., 2010 ; Jahn et Fasshauer, 2012). Puis le calcium résiduel accumulé dans le bouton synaptique lors du passage du PA est progressivement pompé hors du cytosol. Cependant, si on applique une stimulation suffisamment proche dans le temps, il restera encore du calcium résiduel dans le bouton synaptique qui s'ajoutera alors au flux de calcium entrant. Cette concentration de calcium plus élevée conduit à l'augmentation de la probabilité p de libération de glutamate (i.e. une diminution du taux d'échec) à l'origine de la diminution du taux d'échec et donc de la facilitation la réponse synaptique (Fioravante et Regehr, 2011 ; Zucker et Regehr, 2002).

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La potentialisation post-tétanique (PTP pour post-tetanic potentiation) est, elle, observée après une stimulation à haute fréquence (Fig. 15C). Elle peut durer de quelques dizaines de secondes à quelques minutes selon le protocole utilisé. Elle correspond à une augmentation de courte durée de l'efficacité synaptique déclenchée par deux mécanismes principaux (Fioravante et Regehr, 2011 ; Magleby et Zengel, 1982 ; Zucker et Regehr, 2002). D'un côté, il y a augmentation de la probabilité p de libération de glutamate provoquée soit par le calcium résiduel qui irait activer des protéines intervenant dans l'exocytose des vésicules synaptiques (Brager et al., 2003), soit par l'activation de nouveaux canaux calciques (Mochida et al., 2008). De l'autre côté, il y a une augmentation du stock de vésicules de glutamate prêt à être libéré (RRP pour ready releasable pool) qui correspond aux vésicules synaptiques liés à la membrane (Lee et al., 2008). Le passage des vésicules synaptiques du stock de réserve au RRP pourrait être en partie assurée par la phosphorylation de synapsines (Chi et al., 2003 ; Giachello et al., 2010).

Figure 15. Mécanismes pré-synaptiques de la plasticité synaptique à court terme. Schémas illustrant et résumant les principaux mécanismes proposés pour expliquer A. la dépression synaptique, B. la facilitation induite par stimulations pairées et

C. la potentialisation post-tétanique (PTP).

RRP: ready releasable pool ou stock de vésicules prêtes à être libérées (D'après Fioravante et Regehr, 2011).

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3.3.2. Mécanismes de dépression à court terme de la transmission excitatrice.

Une stimulation répétée à basse fréquence peut induire une diminution transitoire de la force synaptique allant de quelques secondes à quelques minutes. C'est la dépression synaptique (Betz, 1970 ; Fioravante et Regehr, 2011 ; Zucker et Regehr, 2002) (Fig. 15A). La stimulation répétée conduit à un épuisement du stock RRP responsable en partie de diminution de libération de glutamate (Wang et Manis, 2008). La fusion des vésicules synaptiques au site de libération entraîne son inactivation pendant quelques secondes, le temps de recycler les protéines de membrane vésiculaires subsistantes (Neher et Sakaba, 2008). L'inactivation progressive des sites de libération pendant le protocole d'induction participerait à la dépression synaptique (Hosoi et al., 2009). Enfin, cette dernière met aussi en jeu une diminution de la probabilité p de libération de glutamate via l'inhibition de canaux calciques (Xu et Wu, 2005).

3.3.3. Fonctions possibles

Un rôle essentiel de la plasticité synaptique à court terme serait de moduler la fonction de transfert des informations des synapses en agissant comme un filtre physiologique (Abbott et Regehr, 2004). Ainsi, les synapses présentant une faible probabilité initiale p de libération de neurotransmetteurs fonctionnent comme des filtres passe-haut, puisqu’elles vont faciliter la transmission de bouffées de potentiels d’action de haute fréquence, alors que les bouffées de basse fréquence seront transmises avec une efficacité moindre. A l'inverse, les synapses présentant une probabilité de libération élevée vont agir comme des filtres passe-bas (Fig.

16). Les caractéristiques de filtrage des synapses peuvent ainsi être régulés

bidirectionnellement par la modulation de la probabilité de libération p de neurotransmetteurs. L'hippocampe étant un "hub" qui centralise et traite de multiples informations, de telles capacités de filtrage pourraient faciliter le codage neuronal impliqué dans les processus de mémorisation. Néanmoins, ceci ne reste qu’une hypothèse et il est important de noter ici que le (ou les) rôle de la plasticité synaptique à court terme est beaucoup moins connu que celui attribué à la LTP ou à la LTD. Comme vous le verrez dans les pages qui suivent, nous avons essayé de comprendre ce rôle grâce notamment à l’utilisation de modèles de souris transgéniques.

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3.4. Neuromodulation de la plasticité synaptique hippocampique et consolidation