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Lors des entrevues, les participants ont eu l’opportunité de réfléchir à leur utilisation quotidienne des plateformes sociales en ligne. Ils se sont questionnés sur leurs motivations d’utilisation ainsi que sur les actions qu’ils réalisent sur une base quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. Cette pratique réflexive a permis d’explorer leur point de vue sur leur utilisation, en vue d’obtenir leurs impressions des effets de la vie sociale en ligne sur leur socialisation. Étant un concept complexe, la « socialisation » a été décomposée sous différentes questions explorant les divers aspects de cette notion. Le présent chapitre vise à présenter le contenu des entrevues réalisées auprès des 12 participants.

Les sections qui suivent présentent le contenu sous deux thématiques permettant d’introduire les aspects importants qui ont été abordés. La présentation des motivations qui amènent les jeunes à se connecter témoigne des réflexions des jeunes vis-à-vis leur intérêt à prendre part aux communautés sociales en ligne. La présentation des perceptions des jeunes de leur vie sociale en ligne dresse un portrait global des différents résultats permettant de comprendre la manière dont ils perçoivent leur vie sociale en ligne selon les activités réalisées. Ces deux composantes constituent ainsi le cœur de cette section et permettent de présenter les résultats des entrevues menées auprès des douze participants de l’échantillon.

motivations qui les amènent à venir rencontrer d’autres membres en ligne et à prendre part à des communautés sociales sur une base régulière. C’est ainsi la première question qui leur a été adressée lors de l’entrevue. Cette question a permis de distinguer les différents motifs d’utilisation de nos participants. Ces résultats sont pertinents pour définir les particularités des différents types d’utilisateurs et contribuent à l’analyse des données. Les réponses des participants se présentent sous quatre motifs d’utilisation des plateformes sociales en ligne soit : « parce que tout le monde le fait », parce que c’est pratique et/ou utile, parce que c’est divertissant ou encore pour contrer la solitude.

La notion de conformité justifie sans aucun doute la première motivation présentée, soit « parce que tout le monde le fait ». Celle-ci a été mentionnée par plusieurs répondants. Ces derniers se sont tous exprimés à leur façon, mais, que ce soit « pour faire comme tout le monde » (Participant 4), parce que « tout le monde est là-dessus » (Participant 1 et 12), ou encore « parce que tout le monde en a » (Participant 8), on en arrive à la même conclusion.

Le fait qu’un nombre important des membres de l’entourage se retrouve sur ces sites Web a une influence considérable. La popularité de ces communautés sociales Web a fait en sorte qu’être un membre de ces communautés est maintenant la « norme ». Les jeunes semblent ressentir le besoin de se conformer à celle-ci et de « faire comme tout le monde (Participant 4) ». Tel qu’il a été mentionné par le participant 1, le fait qu’autant de jeunes se retrouvent en ligne ne constitue pas qu’un attrait normatif, mais aussi rend pratique et utile l’utilisation de ces plateformes sociales. Rester en contact avec ses pairs et les rejoindre semble en effet constituer un des avantages majeurs de ces plateformes.

La seconde motivation à prendre part à ces communautés peut être associée à la première puisque le fait que « tout le monde est là-dessus » (participant 1 et 12) rend cet outil intéressant pour communiquer avec les autres. À cet égard, les participants affirment se rendre sur ces sites Web parce que « c’est un bon moyen de communication » (Participant 2). Ils peuvent se retrouver entre amis, avoir des discussions en privé, en groupe ou en public sur les profils des membres, comme en témoignent ces quelques extraits d’entrevue : « Le chat, je l’utilise pas mal beaucoup. Au cégep, j’ai une conversation de cégep et on l’utilise pour savoir où les autres sont, pour pouvoir se retrouver plus rapidement » (Participant 2). Cela permet de « rester connectés avec les autres [et de] parler à mes amis, à mon chum, à

mes parents » (participant 9). Le participant 7 l’utilise « principalement pour rejoindre des amis. En fait, l’utilisation est surtout : « hey on fait telle chose telle date » et suivre des personnes que ça fait longtemps que tu as pas vues ». C’est donc un outil intéressant pour planifier des activités et rejoindre des proches rapidement.

Cet outil de communication constitue aussi un moyen pour garder contact avec ses proches indépendamment du temps et de la distance. C’est-à-dire de « garder contact » avec les « gens qui sont peut-être plus éloignés » (participant 12) et ce, pendant des années. Un des participants affirme avoir « des amis qui sont partis à [ville], en [pays], c’est le fun d’avoir de leurs nouvelles sans leur envoyer de courriel. Tu peux suivre ce qu’ils font et comment ils se développent » (Participant 7). Les membres ont aussi la possibilité de suivre le profil des gens pour s’informer des nouvelles dans la vie des autres membres sans entrer en contact avec ces derniers sur une base régulière : « Je le fais surtout pour m’informer de la vie des gens, moi j’aime ça connaître ce qui se passe dans la vie des autres personnes » (Participant 2). Cela permet également de prendre des nouvelles des autres membres en leur écrivant à l’aide de la messagerie instantanée.

Ces communautés sociales sont aussi « utiles pour les événements » (Participant 2), ils permettent d’organiser des événements et d’inviter plusieurs membres de notre réseau social en ligne en même temps. C’est un moyen simple et rapide de communication qui offre aussi la possibilité aux membres invités de confirmer leur présence à l’événement. Les travaux d’école en équipe ont aussi été mentionnés comme étant une des activités réalisées en ligne par certains des participants. Lors des entrevues, les membres ont soulevé la facilité que leur procurent les réseaux sociaux en ligne pour réaliser ces travaux d’équipe. Selon eux, il est facile d’ajouter les membres de l’équipe dans son réseau social et de les contacter au besoin, de leur transmettre des informations, de réaliser des conversations de groupe ou encore de se créer un groupe et d’y déposer différents éléments pertinents aux travaux. Puisque « tout le monde l’a, pour les conversations de groupe, c’est pratique » (participant 1). Plusieurs participants se rendent ainsi sur les réseaux sociaux en ligne « pour le côté pratique en premier lieu » (participant 1). Un des participants explique que son intérêt pour les communautés sociales est associé au fait qu’ « il y a tellement beaucoup de choses

Une troisième raison pour laquelle les participants se rendent quotidiennement sur les plateformes sociales en ligne est pour le divertissement qu’il procure. Pour en revenir à l’activité la plus populaire mentionnée dans les questionnaires, plusieurs participants affirment se rendre sur ces sites Web afin d’observer le fil d’actualité que ce soit « pour m’informer de la vie des gens », « regarder les photos », « voir ce que les autres font », « suivre les artistes » ou encore « pour regarder la vie des autres ». D’autres s’intéresseront plus spécifiquement à certains types de publications. Certains iront pour « écouter de la musique», « lire des articles intéressants » et d’autres pour s’« informer de l’actualité ». Un participant décrit l’avantage de Facebook pour ce type d’activité de la façon suivante : « parce que tsé oui la télévision, c’est le fun, mais on dirait que sur Facebook ça vient tout de suite tandis que la télévision, faut que tu attendes que quatre nouvelles passent avant d’entendre celle qui t’intéresse » (Participant 6). Toujours dans la même optique, certains participants prennent plaisir à publier. Les motifs de publication varient d’un participant à l’autre, ils vont « mettre des photos », « commenter » pour partager leur opinion, publier des réalisations artistiques ou encore partager de la musique.

Une dernière motivation à prendre part aux communautés sociales en ligne est pour contrer la solitude. Deux des participants ont partagé le côté positif que représente la possibilité de discuter avec ses proches malgré la distance. Le participant 10 affirme : « Ici quand je suis à Québec, parce que je viens de [ville], je l’utilise pour contrer la solitude » alors que le participant 6 affirme que « c’est bien aussi, j’habite tout seul alors je peux chatter ». Étant donné la facilité à communiquer indépendamment du temps et de l’espace tel que mentionné plus tôt, c’est un moyen efficace d’entretenir des relations et de se sentir moins seul malgré l’absence physique d’autrui.

Activités en ligne

Lors des entrevues, les répondants ont partagé différents points de vue vis-à-vis les bénéfices de leurs activités en ligne, mais aussi vis-à-vis les motifs de réalisation de ces activités. La présentation de ces activités vise à comprendre leurs perceptions et leurs réflexions personnelles de leurs actions en ligne en vue d’en faire l’analyse par rapport aux différents concepts de la socialisation.

Suivre le fil d’actualité

L’activité la plus populaire en ligne serait ainsi l’action de suivre les fils d’actualité ou les profils des membres des communautés sociales en ligne. Il s’agit d’observer et de lire les publications des membres, c’est-à-dire les images, photos, articles, phrases, vidéos et autres qui constituent le fil d’actualité ou le profil des membres. Cette activité se caractérise par une utilisation passive puisqu’aucune interaction avec les autres membres n’est impliquée dans celle-ci ; « C’est plus les regarder qu’entrer en contact avec des personnes » (Participant 3). Cette activité peut inclure la lecture d’articles, l’action de s’informer et d’écouter de la musique en ligne.

Pour plusieurs participants, cette activité est réalisée par simple besoin de divertissement. Cette motivation qui les incite à se connecter, les amène à observer quotidiennement les actualités publiées par les autres membres. Tel que mentionné par le participant 8 :

J’y vais plusieurs fois par jour, mais je ne me sens pas accro. C’est rien que pour regarder et je regarde les vidéos drôles. C’est pas vraiment pour aller chercher quelque chose que je l’utilise. C’est plus une distraction qu’un outil pratique. Je l’utilise plus pour me divertir.

Cette activité divertissante semble être réalisée d’autant plus souvent pour les participants ayant un téléphone intelligent sur lesquels ils sont connectés à internet puisque pour chaque moment d’attente, ces derniers expriment se rendre en ligne et observer les nouveautés des pages Web des communautés en ligne. Le participant 7 affirme d’ailleurs que c’est ce qu’il aurait fait : « Si j’étais arrivé d’avance, je me serais assis là, j’aurais regardé les nouvelles ou mon fil d’actualité. Tout le monde le fait. C’est un moyen de passer le temps ».

Cette activité est aussi réalisée par les participants dans le but de s’informer. Ces derniers lors de leurs temps libres et toujours en vue de répondre à un besoin de divertissement, se rendent sur les réseaux sociaux afin de s’informer des actualités qui ont suscité l’intérêt des autres membres ou encore qui ont été publiées par des journaux ou organismes présents en ligne. Le participant 2 « l’utilise aussi pour [s’] informer de l’actualité ». Plus spécifiquement, celui-ci précise que ces sources d’informations seront pour sa part

trucs sur des critiques ou de l’info sur des partis, je me questionne sur quel parti m’interpelle le plus; conservateur, libéral. Ça me permet de m’identifier » (Participant 2). Le participant 7 l’utilise pour s’informer sur « les nouvelles, ou toutes des petites informations à droite et à gauche » alors que deux autres participants l’utilisent pour leur part pour « suivre TVA nouvelle, checker les nouvelles » (Participant 8) et se « garder une optique sur l’actualité » (Participant 11). Voici un extrait d’entrevue qui démontre plus spécifiquement l’usage que les participants font des plateformes sociales en ligne lorsqu’ils suivent le fil d’actualité à titre de divertissement :

Pas beaucoup, mais quand même un peu dans le sens que la partie information et mes opinions, je vais peut-être plus aller le chercher sur ce que je vais voir et sur les réseaux sociaux. Parce que je ne suis pas nécessairement la [personne] qui va aller chercher des journaux pour m’informer alors je vais plus aller chercher mes informations sur les réseaux sociaux, Twitter. Quelque chose qui a été retwitté et qui a fait réagir ou sur Facebook, des articles qui ont été publiés. Facebook, quand il y a des articles qui sont publiés par plusieurs personnes, je vais cliquer sur l’article et lire. Je vais me forger mon opinion, mais c’est quand même quelque chose que je vais être allé chercher sur les réseaux sociaux. Sinon je ne sais pas si j’irais puiser sur les journaux pour m’informer et me forger mes opinions à partir de ça. (Participant 12)

Le contenu des publications en ligne est riche en diversité. Leurs observations leur permettent de s’inspirer, de s’influencer mutuellement et de se comparer. Les participants ont mentionné différents types d’inspirations que leur procurent les publications en ligne. Un des plus populaires est le voyage. Les images de voyage publiées par les membres du réseau social en ligne des participants les amènent à se questionner sur leurs intérêts à réaliser de telles activités tels que le partage le participant 9 : « des fois, je vais voir des photos de voyage, ça va me donner le goût de le faire ».

Le contenu partagé par les membres est aussi à l’origine de différentes ambitions chez les jeunes. Pour le participant 9, il s’agit d’ambitions professionnelles :

Je regarde un peu le profil des personnes, leur profession et je me dis, moi aussi je pourrais devenir comme ça. Je m’en base pour essayer de trouver qui je suis. J’ai des amis plus extravagants et d’autres plus réservés et j’essaie de trouver un juste milieu. Je vais essayer des nouvelles activités à cause de ça ou m’intéresser à de nouvelles professions.

Le contenu présent en ligne inspire aussi les membres au niveau de la mode : « Pour mon style vestimentaire, je vais chercher des idées sur internet. Quand il y a des trucs que je trouve beaux, que je vois passer, je vais essayer de trouver des trucs qui vont ressembler à ça.» (Participant 8); « Les petits bouts que je prends, c’est plus cheveux, maquillage, habillement » (Participant 9). Pour certains jeunes, leur apparence physique sera ainsi teintée des images publiées par les autres membres.

La participante 6 partage pour sa part des inspirations qui illustrent le travail réflexif que peut amener cette activité chez les jeunes :

des fois, il y a des gens qui mettent des citations, tsé ça va me rejoindre. Je me dis ah oui tsé j’aimerais ça penser comme ça. […]Ou des artistes qui ont l’air d’avoir la joie de vivre. Je trouve que ça aide à faire ah bin ça se serait le fun. Je vais pas me dire ah je veux être exactement comme ça, mais je vais m’en inspirer.

Cette dernière citation démontre aussi comment les observations réalisées en ligne semblent conduire les jeunes à se comparer. La comparaison est d’ailleurs un comportement exprimé par plusieurs jeunes de l’étude. Ils affirment comparer leur comportement, leurs actions, leur physique, etc. Cette pratique tel que l’affirme le participant 1 témoigne aussi d’un travail réflexif des jeunes lors de leurs activités en ligne :

quand tu vois comment les autres agissent, tu sais comment toi tu es différent de ça et tu peux comparer disons le comportement des autres. Ça t’apprend à réfléchir sur toi et à te poser des questions que tu ne te serais pas nécessairement posées. […] je vais souvent observer ce que les autres font, ça me donne une image de ce que les autres font et ça va m’amener et réfléchir à une direction de comment moi je veux être.

Les particularités des plateformes sociales en ligne suscitent pour certains jeunes des comportements que ces derniers ont déjà dans la vie comme l’affirme le participant 8 :

je le fais déjà pas mal dans la vraie vie, je vais me comparer beaucoup aux autres. C’est mauvais. Avec ça, ça me le permet de le faire encore plus parce que je peux aller sur les profils de tout le monde et je peux regarder encore plus et analyser ce que eux y font par rapport à ce que moi je fais. Ça dans la comparaison, je l’utilise beaucoup. C’est mauvais, mais…

Pour d’autres, ces particularités entraînent des comportements qu’ils considèrent propres à la vie en ligne :

La pression sociale est peut-être plus grande en ligne. En raison de la comparaison, genre regarder le [chum/blonde] de mon ex. J’ai passé 2 heures et je suis ressorti super complexé. Sans Facebook, ça ne se serait jamais passé et je n’aurais pas été stressé à voir mon ex avec son [chum/blonde] dans un show. Ça ne m’aurait pas dérangé, mais là, j’étais super complexé et je me suis dit à un moment : c’est quoi j’étais pas assez bien? Je suis con là, je le réalise aujourd’hui. (Participant 10)

Bien que réalisé sur une base volontaire, ce comportement semble susciter des émotions contradictoires chez les participants qui se remettent alors en question. Avec comme référence leur propre identité, on constate que ces derniers analysent leurs caractéristiques personnelles afin de définir qui est le meilleur entre eux et la personne à qui ils se réfèrent. Le participant 9 illustre très bien les pensées que peut entraîner ce comportement social : « En ligne, des fois je me compare beaucoup aux autres. Des fois je me dis ah mettons telle personne fait ça, moi je le fais pas alors je suis mieux, mais hors ligne, je me compare aussi aux autres ». Cela reflète aussi très bien « l’esprit de compétition » mentionné précédemment par le participant 4. D’un autre point de vue, la comparaison peut se révéler être un comportement enrichissant au niveau des apprentissages culturels qu’elle peut engendrer. C’est d’ailleurs ce qui a été partagé par le participant 7 :

Ah oui, en fait, souvent des fois, dans plusieurs groupes que je vais suivre, ils vont parler de courants de pensée et je me dis c’est pas fou. Je ne parle pas de trucs extrêmes. Mais ça me permet de voir d’autres façons de voir. Ça fait réfléchir. Ok, je vois ça d’une telle façon, mais crime il y a d’autres façons de le voir et un côté positif de Facebook, c’est que ça permet de créer une certaine ouverture. Parce que Ok en Tunisie, ça pense comme ça. D’apprendre à s’ouvrir sur les autres, on est tellement rendu connecté avec partout que dire que la pensée occidentale est telle, c’est plus tellement vrai. On est influencé par les produits chinois, par la mode italienne, c’est toutes des affaires qui vont venir nous influencer à droite pis à gauche. Justement grandir pour 1, se faire une personnalité, 2 développer des goûts et 3 développer une certaine façon de penser. Par exemple, on est exposé à des débats que ok, on pense comme ça ici, mais pas là-bas. Ça va nous permettre de, sans être d’accord avec eux, il y a des choses que je suis d’accord et d’autres que non. Et ça nous fait grandir. Et c’est moins long que lire des livres de bibliothèque, l’information vient en quelque sorte à toi.

Cet extrait permet de démontrer la perception des participants de ce comportement qui est vécu différemment par chacun d’entre eux. Le contenu présent ne semble pas être