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CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE

1.3. L’UTILISATION DES TECHNOLOGIES POUR L’APPRENTISSAGE DES LANGUES

1.3.2. Le jeu sérieux comme outil d’apprentissage en langues

1.3.2.1. Présentation du jeu sérieux

Le jeu sérieux se développe de plus en plus dans le domaine de l’éducation et semble présenter des atouts du point de vue pédagogique. Il permet de dépasser l’acquisition de connaissances à partir d’un apprentissage classique formel, via une approche ludique et immersive dans laquelle est plongé l’utilisateur. Mais avant d’aller plus loin, il semble intéressant de voir ce qu’on entend par jeu d’un point de vue plus général, et comment cette notion a évolué.

 Qu’est-ce que le jeu ?

Au départ, chez les pédagogues et philosophes de l’éducation, le jeu avait une certaine importance mais il ne concernait que le domaine de l’enfance comme on le retrouve avec Brougère (2005). Le jeu était alors considéré dans son aspect premier qui est le divertissement c’est-à-dire qu’il offrait la possibilité à l’individu de jouer à volonté avec son propre plaisir. Mais le jeu n’est pas donné : pour jouer, il faut savoir jouer. En effet, Brougère (2005 : 74) affirme que « c’est dans le jeu que l’enfant apprend et apprend à apprendre. C’est un moyen d’essayer et d’explorer, par lequel il ne peut se tromper. ». En ce sens, le jeu doit faire l’objet

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d’un apprentissage étant donné que pour ce même auteur, « l’effet premier du jeu est d’apprendre la culture du jeu. En jouant, on apprend avant tout à jouer ». Dans la littérature, le jeu apparaît donc comme un support d’apprentissage et de développement puisque l’enfant apprend et se développe par le jeu. Mais par la suite, l’accent a été porté sur l’aspect apprentissage mais d’un point de vue culturel dans le sens où le jeu permet un apprentissage intellectuel et culturel. Le jeu est donc vu sous un autre angle et il va être introduit dans l’apprentissage sous diverses formes comme les jeux ludo-éducatifs par exemple. Selon Brougère (2005 : 166), même si tous les jeux n’ont pas de visée éducative, « […] il se trouve qu’en jouant il se peut qu’on apprenne, et qu’en apprenant on se trouve face à des situations qui ressemblent de près ou de loin au jeu ».

 Définition du jeu sérieux :

Le jeu s’est peu à peu étendu et des produits vidéoludiques issus du jeu vidéo ont fait leur apparition, on les appelle les jeux sérieux (ou « Serious Games » en anglais). La notion de jeu sérieux est un terme encore flou voire même inconnu aux yeux de certains c’est pourquoi il est important de tenter de le définir dans un premier temps. Il existe plusieurs définitions de ce terme et parmi celles qui ont été données, nous nous appuierons sur la définition d’Alvarez (2007), qui propose une définition globale du jeu sérieux inspirée des approches de Zyda (2005) et Sawyer, et nous verrons qu’elle peut être complétée par les définitions d’Amato et de Sauvé.

Alvarez (2007) considère que les deux définitions données par Zyda (2005) et Sawyer sont concordantes et propose une définition à son tour en s’inspirant de ces auteurs. Il définit le jeu sérieux comme une : « application informatique, dont l’intention initiale est de combiner à la fois des aspects sérieux (serious) tels, de manière non exhaustive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information, avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (game). Une telle association, qui s’opère par l’implémentation d’un scénario

pédagogique, a donc pour but de s’écarter du simple divertissement. »

A partir de cette définition, on peut observer la présence d’un oxymore dans le terme serious

game puisque l’idée est d’utiliser ce qui génère le divertissement avec le mot game, mais le

contexte s’y oppose avec le terme serious. Afin de compléter la définition d’Alvarez (2007), nous proposons la définition d’Amato (2007) qui est une synthèse de la définition du jeu sérieux. Pour lui, les « serious games peuvent être définis comme étant des jeux vidéo utilitaires, c’est-à-dire productifs, dont la conception vise à opérer une transformation chez

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leurs destinataires allant dans le sens d’une amélioration des compétences (entraînement), de l’adaptation au milieu (traitement des phobies), de la compréhension d’un phénomène (éducation) ou d’une plus grande adhésion au message véhiculé (promotion, publicité, jeux vidéo idéologiques, dits aussi political games. » Le jeu est donc basé sur l’aspect vidéoludique mais il est considéré comme étant « sérieux » dans la mesure où il mobilise des savoirs et des savoir-faire dans le but de développer des compétences. Sauvé (2008) insiste sur la dimension réaliste du jeu à savoir s’il se rapproche de la réalité ou non. Elle définit le jeu sérieux comme « un jeu vidéo (avec un environnement réaliste ou artificiel) auquel les auteurs rattachent une composante pédagogique. L’intégration ou non de la composante réaliste rapproche les jeux sérieux des jeux de simulation […] »

A partir de ces trois définitions, on peut donc retenir que le jeu sérieux est considéré comme un compromis entre le côté ludique issu du jeu et les aspects sérieux tels que l’enseignement, l’apprentissage, la communication, l’information, qui l’éloignent du pur divertissement. De plus, le jeu sérieux peut se distinguer du jeu vidéo par le fait qu’il comporte un « scénario pédagogique ». Nous reviendrons plus en détail sur cette notion dans les parties suivantes.

 Ses fonctions principales et domaines d’application :

Le jeu sérieux a trois fonctions principales d’après Clavel (2011 : 20-21) :

- « transmettre un message (éducatif, informatif, militant, etc.) ; - Entraîner et développer des savoir-faire (physiques ou cognitifs) ;

- Favoriser l’échange de données (entre les joueurs ou entre le diffuseur du jeu et les joueurs) ».

Il est présent dans des domaines divers tels que le secteur de l’éducation, la santé, la communication, la simulation, la défense, la formation, l’ergonomie, la sécurité civile. D’autres domaines s’intéressent également au jeu sérieux comme c’est le cas de l’art, la politique, la religion et l’industrie. Les domaines qui nous intéressent ici concernent le secteur de l’éducation et plus précisément le domaine de la didactique des langues. En langues, nous verrons, à travers des recherches effectuées sur l’utilisation du jeu sérieux pour l’apprentissage des langues étrangères, qu’on le retrouve surtout avec l’anglais. En ce qui

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concerne les autres langues comme les langues romanes, il commence à émerger de plus en plus dans le domaine du FLE (Français Langue Etrangère) et de la langue espagnole.

 Ses composantes :

Comme nous l’avons évoqué précédemment, ce qui peut différencier le jeu sérieux du jeu vidéo c’est qu’il est composé d’un « scénario pédagogique ». Alvarez (2007 : 15) part des propos de Tricot avec qui il s’est entretenu pour la réalisation de sa thèse, pour donner une définition du « scénario pédagogique » appliquée au jeu sérieux : « fonction dédiée à un objectif pédagogique, dont la propriété est de susciter l’envie d’apprendre et dont la réalisation dépend d’un jeu vidéo avec lequel elle puisse s’intégrer. » Pour résumer, on peut dire que le « scénario pédagogique » consiste à mettre en œuvre des actions pour pouvoir réaliser une fonction qui présente un objectif. Par exemple, si l’objectif est la compréhension d’une langue ou de plusieurs, alors il sera nécessaire de créer des actions qui mèneront à cet objectif comme la présence de tâches linguistiques axées sur le vocabulaire ou la grammaire par exemple.

Par ailleurs, Muratet (2011 : 22) nous présente les composantes importantes du jeu sérieux qui sont en réalité propres au jeu vidéo, pour un meilleur apprentissage en prenant appui sur Johnson et al. :

- « le gameplay est l’une des principales caractéristiques d’un jeu réussi. Johnson et al. définissent le gameplay comme toutes les activités et stratégies employées par les concepteurs de jeux pour obtenir et garder le joueur engagé et motivé durant tout le jeu ;

- Un feedback (retour d’information) doit être généré par le jeu suite aux actions du joueur pour lui permettre de chercher à améliorer ses performances. Ces retours sont très importants pour les jeux sérieux, car ils indiquent au joueur s’il réussit ou non ; - Une interface simple, bien définie, qui supporte les interactions entre le joueur et le jeu

(l’affordance) est gage de qualité. Ces ajouts d’informations […] sont nécessaires pour maintenir une interaction fluide entre le joueur et le jeu ;

- Les difficultés à surmonter doivent être adaptées à l’expérience du joueur. S’il y a un trop grand décalage entre les capacités du joueur et la difficulté demandée, le jeu perdra de son intérêt […] ;

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- Dans les jeux sérieux modernes, l’utilisation du scénario est fondamentale pour maintenir l’intérêt du joueur et l’encourager à s’identifier au personnage ;

- Enfin, un bon jeu doit être ludique. Cet aspect permet de maintenir l’intérêt et une attitude positive du joueur. »

Le jeu sérieux possède également une autre particularité qui peut le rendre intéressant dans une perspective d’apprentissage des langues qui est la multicanalité (une des caractéristiques principales du multimédia). Louveau & Mangenot (2006 : 12) définissent ce concept comme le « fait que coexistent sur un même support différents canaux de communication (texte, son, image fixe et animée). » Le fait qu’il y ait donc plusieurs canaux crée une redondance de l’information, ce qui peut procurer au joueur-apprenant de langue étrangère la possibilité de comprendre le contenu de cette information pour continuer d’avancer dans le jeu. En effet, la présence du canal écrit et du canal oral donne une information plus complexe. L’image (animée ou fixe) a également un rôle important étant donné qu’elle complète l’information reçue par les canaux écrits et oraux et peut permettre ainsi de guider l’apprenant-joueur à relever les défis du jeu. Pour illustrer ce point, on peut prendre l’exemple du jeu Limbo, que nous avons utilisé pour mener notre expérience. Dans ce jeu, les apprenants sont confrontés à des canaux écrits dans les dialogues des personnages du jeu et certains outils de l’interface (le traducteur et le téléphone), des canaux oraux (la musique du jeu et les dialogues des personnages du jeu). A cela s’ajoute l’image fixe et animée qui est présente dans tout le jeu, même dans certains outils de l’interface (la mallette et les drapeaux des missions). La combinaison de ces trois canaux rend le jeu plus interactif et intéressant, et la présence de l’image peut aider très souvent à comprendre l’information qui était présente à l’écrit et à l’oral mais qui n’a pas été comprise. Cette multicanalité incite de ce fait l’apprenant à être attentif et actif face au jeu.