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CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE

1.3. L’UTILISATION DES TECHNOLOGIES POUR L’APPRENTISSAGE DES LANGUES

1.3.2. Le jeu sérieux comme outil d’apprentissage en langues

1.3.2.2. Le jeu sérieux et l’apprentissage

Maintenant que nous avons présenté plus en détail le jeu sérieux, nous allons voir quel est le lien qu’il entretient avec l’apprentissage. En d’autres termes, on peut se demander si le jeu sérieux est un outil intéressant qui peut favoriser l’apprentissage de manière générale. Pour tenter de déterminer cela, nous verrons tout d’abord les compétences qui peuvent être développées avec l’utilisation du jeu sérieux dans le domaine de l’éducation. Et enfin, nous

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présenterons des recherches qui ont été effectuées sur l’utilisation du jeu sérieux pour l’apprentissage des langues étrangères.

 Les compétences développées :

Les principales compétences développées par le jeu sérieux concernent la mise en place de stratégies cognitives (raisonnement par induction et déduction), la prise de décisions, l’acquisition de connaissances ainsi que le développement de la motivation. Les deux premières compétences se réfèrent à la résolution de problèmes.

L’utilisation du jeu sérieux implique d’apprendre à maîtriser des structures et des systèmes qui sont propres au jeu. En effet, Frété (2002 : 87) explique qu’il s’agit de « passer d’une compréhension et d’une gestion d’éléments statiques à celle de systèmes dynamiques, le système étant le type de structure le plus complexe et le plus difficile à comprendre et à maîtriser, dans la mesure où il met en présence des éléments en grand nombre et diverses interactions entre ces éléments, chacun ayant un rôle différent. » Le fait de maîtriser ces structures et ces systèmes peut mener à la découverte de lois par induction c’est-à-dire que l’apprenant est amené à faire des inférences en manipulant l’information. La maîtrise de ces systèmes complexes est nécessaire pour les tâches de résolution de problèmes car elle incite l’apprenant à être actif du point de vue métacognitif pour qu’il trouve des solutions.

Le raisonnement inductif et déductif est une stratégie cognitive qui est utilisée de façon régulière dans les jeux sérieux comme dans les jeux vidéo. Cette stratégie permet à l’apprenant-joueur de progresser dans le jeu et le pousse à chercher à comprendre la logique du système car les règles du jeu ne sont pas toujours énoncées dès le départ. On l’a vu dans notre expérience avec le jeu Limbo, ce dernier ne présente pas les missions dès le départ, il faut tout d’abord que l’apprenant-joueur dialogue avec les personnages et découvre ainsi l’objectif à atteindre. Cela incite donc les apprenants à explorer et chercher par eux-mêmes ce qu’il faut faire. Le raisonnement par induction permet, selon Frété (2002 : 88), de « construire et élaborer une cohésion au fur et à mesure de la progression dans l’interface graphique. » Concrètement, il se réalise souvent par un processus d’essais et d’erreurs, de tâtonnements successifs. Selon Veillon (2001), cette capacité à raisonner par induction est utile et correspond à un besoin ressenti par les jeunes.

Par ailleurs, le jeu sérieux permet de développer des attitudes chez l’apprenant comme la coopération et la prise de décisions. Lorsqu’ils sont face à un jeu sérieux (quel que soit le type de jeu), les apprenants sont amenés à prendre des décisions pour tenter de résoudre les

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problèmes présentés dans le jeu. Parfois, il arrive également que le contexte du scénario lui- même amène l’apprenant à décider. Prenons l’exemple du jeu The Sims, qui est relativement connu de nos jours. Dans ce jeu, le joueur doit créer ses personnages, décider de leurs conditions de vie, leur donner des idées et diriger leur façon de s’organiser. Cela reflète d’une certaine façon ce qu’on est amené à faire dans la vie réelle. Pour réussir dans ce jeu, il faut que le joueur ait recours à son bon sens. La prise de décision est également présente lorsque les joueurs sont placés en équipe pour effectuer le jeu. C’est le cas pour notre expérience effectuée avec Limbo puisque les apprenants qui ont joué étaient en binôme pour faire le jeu.

A travers une étude à laquelle j’ai participé dans le cadre de mon mémoire de Master 1 en sciences de l’éducation, menée par Ney et al. (2010), il apparaît que le jeu sérieux développe également les compétences et la perception des apprenants. Cette étude concerne l’utilisation d’un jeu sérieux (défini plus précisément comme pervasif) dans un cours de biostatistique auprès d’étudiants de 2ème

année de médecine. L’intérêt de cette étude n’est pas de montrer l’impact positif du jeu sur les apprenants mais plutôt d’analyser les effets positifs, négatifs ou nuls d’un jeu et surtout de les relier aux conditions du jeu. La motivation est également un facteur relativement développé avec l’utilisation du jeu sérieux. On peut citer à ce sujet une recherche de Fenouillet (2009) qui montre l’impact positif du jeu sérieux sur la motivation des apprenants.

 L’utilisation du jeu sérieux pour l’apprentissage des langues étrangères :

Jusque-là, nous avons évoqué le lien entre le jeu sérieux et l’apprentissage dans le domaine de l’éducation en général mais il serait intéressant également de voir comment cet outil est utilisé pour l’apprentissage et l’acquisition des langues étrangères et en quoi est-ce qu’il peut faciliter l’apprentissage de langues étrangères.

Le jeu sérieux, et plus généralement le jeu pris dans sa globalité c’est-à-dire en tant que composant ludique, permet le développement de stratégies à la fois cognitives, métacognitives, de communication et de mémorisation. C’est ce que nous dévoile la recherche de Sanchez Benitez (2008) dans ce domaine. L’auteure montre en effet que le jeu présente des atouts pour le développement de stratégies de la part des apprenants dans le domaine des langues et plus particulièrement chez les apprenants de FLE, qui est le public dont nous fait part cette auteure. Les stratégies cognitives qui sont développées dans le jeu sont : la formulation d’hypothèses, la déduction, l’inférence des règles (de grammaire par exemple). Ces stratégies peuvent se développer à condition qu’il s’agisse de jeux où l’apprenant est

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amené à découvrir, deviner, résoudre un problème, déchiffrer quelque chose ou trouver un mot caché. Le jeu permet également de développer des stratégies de mémorisation qui incluent entre autres la répétition et l’élaboration verbale ; des stratégies affectives, qui garantissent la motivation, la confiance en soi, la réduction de l’anxiété et des peurs ; des stratégies sociales comme la coopération, la demande d’aide et d’explications, aident l’apprenant à interagir dans un contexte réel. Dans les jeux, il est vrai que les apprenants éprouvent le besoin de communiquer entre eux, de collaborer, de clarifier les doutes qu’ils ont, de comprendre l’autre. Du point de vue métacognitif, l’autoévaluation est une stratégie importante puisqu’elle indique le degré de concentration de l’apprenant dans son processus d’apprentissage et la notion qu’il a sur ses progrès. Et enfin, l’auteure ajoute que les jeux incitent également les apprenants à pratiquer la langue dans une situation réelle, de forme naturelle et spontanée. Dans beaucoup de jeux, il se trouve que l’interaction entre les apprenants est la clé pour réussir le jeu.

Dans le domaine de l’apprentissage et l’acquisition de l’anglais par des Japonais, Peterson (2011) a effectué une étude sur l’utilisation des jeux de rôle en ligne massivement multi- joueurs par des étudiants Japonais. Il a montré que ces jeux étaient relativement utiles et intéressants pour interagir et pratiquer une langue étrangère et que l’expérience du joueur en jeux vidéo semble avoir une certaine influence sur l’apprentissage de la langue. On peut citer également l’étude de Charlot (2010) qui porte sur l’utilisation d’un jeu vidéo en classe auprès d’adolescents. Cette étude montre que le jeu vidéo a un impact sur la motivation et les compétences de compréhension des apprenants.

Dans ce chapitre, nous avons étudié trois notions importantes dans notre travail : l’intercompréhension (IC), les stratégies d’intercompréhension ainsi que l’utilisation des technologies dans le domaine de l’apprentissage des langues et plus particulièrement celle du jeu sérieux. Comme nous l’avons développé en introduction, il n’existe pas à l’heure actuelle de recherches sur l’utilisation du jeu sérieux dans le domaine de l’intercompréhension, c’est pourquoi nous avons été amenée à évoquer les théories qui rejoignent cette thématique et à établir un lien entre les deux. Pour parler de stratégies d’intercompréhension, nous avons fait le lien entre les stratégies d’apprentissage utilisées en langues secondes et les stratégies utilisées dans le processus de compréhension en langues voisines. De même pour l’utilisation des technologies, il nous a semblé important d’évoquer tout d’abord les technologies pour l’apprentissage des langues en général pour ensuite nous focaliser sur le jeu sérieux (pour l’éducation et l’apprentissage des langues étrangères). Et pour l’analyse du jeu Limbo dans le

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cadre de l’IC, nous avons pris appui sur les recherches qui ont été menées dans le domaine du jeu sérieux en langues étrangères.

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