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1.2. La Théorie de l'Auto-Catégorisation

1.2.2. Présentation de la Théorie de l'Auto-Catégorisation

Issue des travaux menés pendant plusieurs années par John Turner et son équipe, la Théorie de l'Auto-Catégorisation (TAC) permet de comprendre, expliquer et prédire comment les gens pensent, ressentent et agissent selon les circonstances (Turner & Reynolds, 2011). A travers le prisme d'un sens cognitif du Soi, elle explique comment les individus se définissent et définissent les autres en tant qu'entité individuelle ou collective ; en cela, cette théorie se situe au centre de la pensée humaine et de sa conception, en étant impactée par le fait que les êtres humains sont avant tout des animaux sociaux (Turner & Oakes, 1997). Il existe une certaine malléabilité dans la psychologie des individus, au delà d'une structuration purement fixiste du concept de soi, celle-ci étant développée dans la Théorie de l'Auto-Catégorisation (Reynolds & Turner, 2006)

comparaison, c'est à dire du contexte dans lequel la comparaison est effectuée. Cette Théorie de l'Auto-Catégorisation distingue tout d'abord trois niveaux de catégorisation, un niveau superordonné où l'Homme est en face de la Nature, un niveau médian d'identité sociale où la différenciation entre membres de l'endogroupe et membres de l'exogroupe (« Nous » vs « Eux ») est primordiale, et un niveau bas d'identité personnelle, où l'individu est considéré comme unique par rapport aux autres membres de l'endogroupe (« Je » vs « Tu »). Même si ce dernier niveau de catégorisation représente la dimension du Soi la plus souvent étudiée, ces différents niveaux d'abstraction sont équivalents pour la compréhension des mécanismes identitaires (Oakes & Turner, 1990). Plus récemment, la définition du soi personnel s'est enrichie de la notion de comparaisons intrapersonnelles pour un niveau d'auto-catégorisation moins inclusif (Reynolds & Turner, 2006).

La TAC obéit au principe de méta-contraste, la catégorisation s'effectue entre plusieurs stimuli, où les différences intra-catégorielles entre ces stimuli sont minimisées alors que les différences inter-catégorielles entre ces mêmes stimuli sont accentuées. Chaque niveau d'auto-catégorisation peut être activé selon le contexte. Ainsi, chaque individu possède une multitude de concepts de soi et d'identités afférentes. Lorsque la comparaison se fait avec un membre d'un autre groupe, l'identité sociale est activée, tandis que lorsque la comparaison s'effectue avec un membre de son groupe d'appartenance, l'identité personnelle prévaut. Le concept de soi varie alors de contenu selon le niveau d'auto-catégorisation, ces types de jugement de soi dépendant également de la pertinence de la dimension étudiée (Turner, Oakes, Haslam & McGarty, 1994).

Considérée dès le départ comme une théorie des relations intergroupes, la TAC englobe une vision plus large du fonctionnement des individus, tant d'un point de vue cognitif que comportemental. Dans la pensée de Turner (1982), la catégorisation de soi régule les perceptions et les comportements, le concept de soi prend donc la plupart du temps la forme soit d'une identité personnelle, du « Je », soit d'une identité sociale, du « Nous ». En cela, la TAC se distingue de la Théorie de l'Identité Sociale (Tajfel & Turner, 1979 ; 1986) pour laquelle seul l'aspect social,

groupal, est prépondérant ; pour la Théorie de l'Identité Sociale (TIS), chaque individu appartient à un groupe et partage les caractéristiques des autres membres de ce groupe social lorsqu'il s'identifie à celui-ci. Dans la Théorie de l'Auto-Catégorisation existe le concept d'identité personnelle qui correspond à une définition de soi comme un individu unique, différent des autres.

D'autres différences nuancent la Théorie de l'Identité Sociale. La Théorie de l'Auto-Catégorisation prédit notamment qu'une différenciation intergroupe augmente les différences perçues entre les groupes. De plus, pour la TIS, la résultante d'une différenciation entre les groupes amène à une évaluation plus positive de l'endogroupe, ce qui n'est pas le cas pour la TAC. D'une part, les comparaisons dépendent du niveau de catégorisation et peuvent être négatives pour l'endogroupe (cf. Guimond et al., 2006), et d'autre part, toutes les comparaisons ne sont pas intergroupes mais peuvent être temporelles ou intragroupes (cf. Zagefka & Brown, 2006).

D'un point de vue cognitif, le processus mental de catégorisation se développe selon les contextes (Barsalou, 1987 ; voir aussi Bruner, 1957). En amenant les stimuli à la pensée, il permet alors de comprendre et d'expliquer un grand nombre d'émotions, d'attitudes et de comportements des individus (Reynolds, Turner, Branscombe, Mavor, Bizumic & Subasic, 2010). Ces individus se définissent principalement selon deux niveaux d'abstraction menant à des sois différents, un niveau d'identité personnelle (i.e., soi individuel) et un niveau d'identité sociale (i.e., soi collectif).

Le passage d'une identité personnelle vers une identité sociale ou collective a comme résultante un processus d'auto-stéréotypie, ou de dépersonnalisation de soi (Hogg & Turner, 1987 ; Turner, 1982). Les personnes ne se perçoivent plus comme individu unique mais comme membres d'un groupe particulier. Ce changement de catégorie amène alors à considérer l'endogroupe comme homogène et permet d'appliquer à soi les stéréotypes de son propre groupe (Reynolds & Oakes, 2000). Les différences individuelles des membres de l'endogroupe sont alors minimisées, tandis que les différences par rapport aux membres de l'exogroupe sont accentuées. Il y a plus de conformisme aux normes de l'endogroupe et de comportements consistants au(x) stéréotype(s) de cet endogroupe.

Dans la TAC, les catégorisations de soi sont fonctions de la proximité au prototype (e.g., Rosch, 1978), c'est à dire la représentation d'un prototype peu différent ou très différent de soi. Ces catégorisations sont interchangeables selon les contextes (Haslam & Turner, 1995), le changement peut tout autant s'effectuer d'une identité collective vers une identité individuelle. L'individualisation ou individuation qui en résulte permet une définition en tant qu'individu unique qui n'est plus affecté par les évaluations groupales (Ng, 1989).

Le développement théorique de la TAC présente également deux principes cognitifs de méta-contraste liés à la mémoire : de perception sociale et d'encodage d'informations. Premièrement, le principe d'ajustement comparatif (la notion de « comparative fit », Turner, 1985) réfère à la polarisation, où dans un contexte de comparaison, deux stimuli seront catégorisés comme identiques quand la différence perçue entre ces stimuli est moindre par rapport à la différence entre le premier stimulus et un autre stimulus. Ainsi, les catégories sociales sont considérées comme pertinentes lorsque la différence perçue entre deux stimuli est grande, l'auto-catégorisation reposant alors sur de réelles différences groupales. Secondement, l'ajustement normatif (« normative fit ») correspond au degré de consistance des attentes normatives par rapport aux catégories pré-établies (Oakes, 1987). C'est à dire que si, par exemple, il est attendu que les hommes sont indépendants et que les femmes sont dépendantes et qu'une situation donnée montre la congruence de ce modèle-là, l'ajustement normatif est confirmé. Ces ajustements, comparatif et normatif, sont à la base de la résolution du conflit cognitif (Oakes, Turner & Haslam, 1991).

1.2.3. De l'importance des comparaisons intergroupes : la Théorie des relations