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Présentation de la machine à excitation bobinée

Chapitre 5 Machine homopolaire à excitation bobinée

1) Présentation de la machine à excitation bobinée

1-1 Historique

Les travaux réalisés sur la machine à griffes à aimants permanents ont permis de concevoir une nouvelle machine à excitation bobinée, qui reprend le même stator, mais avec un nouveau concept d’excitation bobinée homopolaire au stator.

La machine synchrone homopolaire à excitation bobinée étudiée dans ce chapitre s’inspire de l’alternateur radio de Bethenod-Latour de 1914, qui servait à produire des ondes à hautes fréquences (plusieurs dizaines de kHz). Cet alternateur a équipé par exemple un poste de télégraphie sans fil à Lyon La Doua de 1919 à 1944. La figure ci-dessous présente une vue en coupe de cet alternateur.

Figure 224 Alternateur radio Bethenod-Latour

Le stator de cette machine est constitué d’un stator de machine monophasé classique, avec un bobinage sur dents, qui comporte 2N dents bobinées alternativement (la périodicité du bobinage est donc N). Ce stator pourrait alors sans problème fonctionner associé à un rotor à aimants en surface comportant 2N aimants, constituant alors une machine synchrone monophasé classique. Le rotor de cette machine est lui une pièce massive de fer, comportant N dents à sa périphérie ; le rotor est totalement passif (il ne comporte ni aimants ni bobinage). Le stator comporte une culasse qui vient se refermer sur l’axe de rotation au centre de la machine ; cette culasse entoure le bobinage inducteur, fixe, solidaire du stator. Ce bobinage sera alimenté par un courant continu, comme n’importe quel bobinage inducteur de machine synchrone à excitation bobinée. Le flux inducteur généré par ce bobinage va traverser le rotor par son

Bobinage inducteur (fixe) Arbre tournant Bobinage induit

Rotor

Stator

Rotor Stator Stator

Trajet

du

flux

centre, rejoindre les dents du rotor sur sa périphérie, traverser l’entrefer, rejoindre le stator, puis continuer son trajet dans la culasse stator jusqu’à revenir au centre. Ce trajet de flux embrasse bien la bobine d’excitation, quel que soit la position du rotor. Les dents du rotor sont donc toujours toutes de la même polarité (nord ou sud, selon le sens du courant inducteur) et ne changent jamais ; cette machine est donc dite homopolaire.

Le bobinage monophasé du stator va alors voir un champ alternatif, captant le champ du rotor soit dans un sens soit dans l’autre, selon le sens du bobinage des dents du stator en face des dents du rotor. Cette machine est donc basée sur le principe de la présence ou de l’absence d’un pôle en face des dents stator.

Cette machine avait été inventée initialement parce qu’elle présentait un grand nombre de paires de pôles et pouvait donc facilement atteindre des fréquences élevées, pour un émetteur radio, avec une vitesse de rotation modeste. Elle présente un intérêt aujourd’hui pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’une machine d’assemblage très économique, avec quatre pièces en tout ; le rotor est lui constitué d’une pièce massive de fer, et le bobinage inducteur est un simple tore de réalisation aisée. Les sources principales de chaleur sont au stator (bobinages et fer voyant un champ magnétique alternatif), et sont donc plus faciles à refroidir ; cette machine pourrait donc évoluer a priori plus facilement dans un environnement thermique contraint.

Le concept a été repris par la société Delty, à Toulouse, pour faire un alternateur aéronautique qui a été breveté en 2007 [Sab07]. Cet alternateur est présenté sur la figure ci-dessous, issue d’une présentation du concept mise en ligne par son inventeur Dominique Sabadie.

Nous retrouvons dans cette machine le principe de l’alternateur Bethenod-Latour, avec cette fois un stator lisse avec un bobinage réparti dans plusieurs encoches par pôle. Le bobinage d’excitation reste un bobinage homopolaire toroïdal, solidaire du stator, de réalisation et de refroidissement faciles.

François Bernot, de la société Francecol, a indépendamment repris cette structure et l’a fait évoluer en associant deux stators monophasés connectés en série, rejoints par un anneau de court-circuit magnétique ; le bobinage inducteur est alors placé entre les deux stators. Cette machine, nommée MH2 (pour machine homopolaire n°2), a fait l’objet d’un dépôt de brevet en 2010 [Ber11]. L’étude et l’amélioration de cette machine a été l’objet d’une partie des travaux de cette thèse, qui sont présentés dans les deux chapitres qui suivent.

1-2 Présentation du concept

L’élément de base de la machine MH2 est le stator monophasé à griffes en poudre de fer étudié dans les chapitres précédents. Ce stator est toujours constitué de deux pièces en SMC portant chacune les dents dans une direction opposée, enserrant le bobinage monophasé annulaire. Deux stators à griffes monophasés sont alors alignés selon un même axe de rotation ; un anneau de court-circuit magnétique relie les deux culasses de stator. Le bobinage inducteur, annulaire également, est positionné entre les deux stators sous l’anneau de court-circuit magnétique. Pour éviter les confusions, ce stator monophasé à griffes sera par la suite nommé « élément statorique à griffes », et le stator désignera l’ensemble de la partie fixe magnétiquement active de la machine MH2, constituée de deux éléments statoriques à griffes, un anneau de court-circuit magnétique et un bobinage inducteur. La figure ci-dessous présente le stator de la machine MH2 en vue éclatée.

Figure 226 Vue éclatée du stator de la machine à excitation bobinée MH2

L’assemblage du stator est très simple, avec seulement huit pièces distinctes (dont trois par élément statorique à griffes), en plus de la carcasse amagnétique (non représentée) qui accueille l’ensemble. Anneau de court-circuit magnétique Bobinage inducteur Élément statorique à

griffes Élément statorique

Le rotor de la machine MH2 est constitué d’une pièce cylindrique de fer dans laquelle sont taillées des dents. Il y a deux fois plus de dents sur les stators monophasés à griffes que de dents sur le rotor. La figure ci-dessous présente le rotor, avec un trou central permettant le passage de l’arbre.

Figure 227 Rotor de la machine à excitation bobinée MH2

La longueur du rotor est la même que la longueur totale du stator. Ce rotor peut se fabriquer de manière très économique par extrusion d’acier massif. Constitué d’une seule pièce magnétiquement active, il ne nécessite aucun assemblage si l’arbre est usiné dans la même pièce que le rotor. La mise en commun du stator et du rotor forme les parties magnétiquement actives, présentées en vue éclatée sur la figure ci-dessous.

Figure 228 Vue éclatée des parties actives de la machine à excitation bobinée MH2

Nous voyons de nouveau la simplicité de la machine, avec seulement neuf pièces actives, et des bobinages annulaires très simples à réaliser.

Le fonctionnement de cette machine est inhabituel par rapport aux machines conventionnelles, nous allons donc le détailler de manière imagée afin d’aider à sa compréhension. Lorsque le bobinage inducteur est alimenté par un courant continu, le flux généré va circuler dans les dents d’un des éléments stator à griffes, traverser l’entrefer pour rejoindre les dents du rotor, circuler dans la direction de l’axe de

Anneau de court-circuit magnétique Bobinage inducteur Élément statorique à

griffes Élément statorique à griffes

rotation dans le rotor pour rejoindre l’aplomb du second rotor, traverser l’entrefer pour rejoindre les dents du second élément statorique à griffes. Le flux inducteur va ensuite remonter par la culasse verticale pour rejoindre la culasse du second élément statorique, traverser l’anneau de court-circuit magnétique pour arriver dans la culasse du premier élément statorique, et enfin descendre par la culasse verticale au niveau des dents du premier élément statorique à griffes. Ce trajet de flux complet est présenté sur la figure ci-dessous dans une vue en coupe de la machine complète. Le fer des éléments statoriques à griffes y est représenté en jaune, le bobinage induit en orange, le bobinage inducteur en rouge, l’anneau de court-circuit magnétique en vert, le rotor en bleu et le chemin emprunté par le flux inducteur est figuré par une flèche magenta. I I

S

N S

N

Magnétisation du rotor

Figure 229 Trajet du flux inducteur

Le rotor est magnétisé par un flux inducteur transverse, qui pénètre sous l’élément statorique à griffes de droite et ressort sous l’élément statorique à griffes de gauche. Quelle que soit sa position, le rotor est toujours magnétisé dans le même sens, nord à gauche et sud à droite. La figure ci-dessous représente la magnétisation du rotor induite par le flux inducteur.

Figure 230 Magnétisation du rotor induite par le flux inducteur

La magnétisation du rotor ne change jamais de sens, et l’élément statorique de gauche voit toujours en face de lui un pôle nord, et l’élément statorique de droite voit toujours un pôle sud ; la machine MH2 est donc dite homopolaire.

Lorsqu’un courant alternatif en phase avec la rotation du rotor traverse un élément statorique à griffes, chaque dent de celui-ci se polarise alternativement nord ou sud, toutes les dents orientées dans le même sens étant polarisées de la même manière. La figure ci-dessous présente la polarisation d’un élément statorique à griffes sous l’effet du courant parcourant son bobinage.

N N N N N N S S S S S S S S S S S S S S N N N N N N N N

I

Figure 231 Polarisation d’un élément statorique à griffes sous l’effet du courant

Les bobinages des deux éléments statoriques à griffes sont reliés en série, connectés en sens inverse. Lorsque toutes les dents orientées vers la droite de l’élément statorique de gauche portent un pôle nord, toutes les dents orientées vers la droite de l’élément statorique de droite portent un pôle sud. Elles seront également chacune en face d’une dent rotor portant une polarité opposée ; les forces créées par les interactions des dents rotor et stator seront donc les mêmes du côté gauche et du côté droit de la machine MH2. Le pilotage du courant induit, traversant les éléments statoriques à griffes, assuré par un onduleur, permet alors de choisir le couple généré par la machine, qui peut alors être utilisée soit comme un moteur soit comme un alternateur. Il s’agit d’une machine synchrone à excitation bobinée, le courant continu d’excitation traversant l’inducteur pouvant être piloté également, par exemple pour réguler la tension produite par l’alternateur.

Une autre manière de comprendre la machine est d’observer le flux inducteur capté par les bobinages induits. Dans la Figure 229, les dents du rotor sont alignées avec les dents du stator orientées vers la gauche. Le flux inducteur emprunte donc uniquement les dents situées vers la droite, il embrasse donc le bobinage induit de l’élément statorique à griffes de droite, mais pas celui de l’élément statorique à griffes de gauche. Le bobinage induit de droite verra donc le flux inducteur complet φf, alors que celui de gauche verra un flux nul. Lorsque le rotor aura parcouru 180° (angle électrique), c’est-à-dire lorsque les dents du rotor seront alignées avec les dents du stator tournées vers la droite, le bobinage induit de droite verra un flux nul, et le bobinage induit de gauche verra le flux inducteur complet φf. En connectant ces enroulements en sens inverse, en série, le bobinage total verra 0+φf dans la première configuration, et -φf+0 dans la seconde. La figure ci-dessous présente la circulation du flux inducteur dans les deux positions de conjonction entre les dents du rotor et les dents du stator : dents du rotor alignées avec les dents du stator tournées vers la gauche à gauche, et dents du rotor alignées avec les dents du stator tournées vers la droite à droite. Ces deux vues en coupe sont prises sous deux angles différents (séparés de

T%°

F¤k¥?) +) +)F¡ž ?¤¡¤?, correspondant à un angle électrique de 180°). Le sens de connexion des bobinages induits, à l’intérieur des éléments statoriques à griffes, est représenté en bleu marine.

I I Flux inducteur I I

θ=0° θ=180°

φ=0 φ= fφ φ=- fφ φ=- fφ φ=0 φ= fφ Flux capté par l’induit Flux inducteur Bobinage inducteur Bobinage inducteur Bobinage induit 1 Bobinage induit 2 Bobinage induit 1 Bobinage induit 2 φ=0 φ=0

Figure 232 Flux inducteur capté par l’induit selon la position Vues en coupe dans le plan axial

Nous voyons que le flux total embrassé par le bobinage de l’induit va évoluer entre + φf et - φf, créant une force électromotrice monophasée synchrone avec le déplacement, dont l’amplitude sera proportionnelle au courant continu parcourant le bobinage inducteur. C’est exactement le comportement rencontré dans une machine synchrone à rotor bobiné. Le désavantage principal de cette structure est que le flux est capté par la moitié du circuit magnétique à la fois seulement, l’autre moitié étant inopérante (les dents stators qui ne sont pas alignées avec les dents rotor). Les performances seront donc les mêmes que celle d’une machine à griffes à rotor bobiné, qui aurait la même force électromotrice dans le volume d’un seul élément statorique à griffes. Par ailleurs, du volume supplémentaire est également perdu par l’espace occupé par le bobinage inducteur, réduisant d’autant plus la densité de puissance de la machine. Ces désavantages ne font pas de cette machine un bon candidat pour des machines embarquées à forte densité de puissance, mais elles peuvent être utilisées comme machines très économiques dans des applications à bas coût, ou encore dans des environnements thermiquement fortement contraints.