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2. Avant la conquête : de La Tène D1a à La Tène D2a (150 à 60/50 av J C.)

2.3 La présence de Rome

2.3.1 La zone du denier : chronologie, nature, raisons

Un des faits les plus marquants dans les décennies précédant la conquête est assurément l’adoption dans le Centre Est d’un système monétaire basé sur l’argent et utilisant une métrologie romaine, avec des frappes d’un poids équivalent à un demi-denier romain ou quinaire, soit 1,8 à 1,9 g195. De plus, l’iconographie employée est souvent inspirée par ces mêmes deniers. Depuis J.-B. Colbert de Beaulieu, on emploie couramment pour désigner ce phénomène (qui constitue le paradigme

capital un compte unique et les intérêts sont mis de côté [Huius omnis pecuniae coniunctim ratio habetur

fructusque servantur] ; le conjoint survivant reçoit l’une et l’autre part, avec les revenus accumulés. » On peut

supposer que la pratique concerne principalement les couches supérieures, disposant de biens suffisants.

192 La majorité est rassemblée dans Perrin, Decourt 2002.

193 Si l’on en croit l’oraison funèbre de L. Metellus prononcé par son fils en 221 : Pline, HN VII, 45. Parmi les

« dix objectifs suprêmes, à la recherche desquels les sages passaient leur vie », on trouve « acquérir une grande fortune sans renoncer à l’honnêteté » : « magnam pecuniam bono modo invenire. » Le terme latin pecunia, s’il peut signifier « richesses » en général, est celui qui correspond le mieux au concept d’argent/Geld.

194 Schiavone 2009, p. 103-112. La notion reprend la distinction entre vie matérielle et vie économique proposée

dans Braudel 1979.

195 Pour un denier à 1/84 de la livre romaine, soit 3,86 g, poids adopté selon M. Crawford à partir de 157/156 av.

des « fédérations monétaires » dont nous venons de traiter) le nom de « zone du denier »196. Ses études ont été précisées et amendées par K. Gruel dans une série de contributions, la modification la plus importante portant sur la chronologie de la mise en place.

2.3.1.1 Les premières frappes de la zone du denier

Pour J. B. Colbert de Beaulieu, il était inconcevable que les Gaulois aient pu adopter une iconographie ou une métrologie romaine avant 121 av. J.-C.197. Les chercheurs étaient d’accord pour faire des monnaies à légende KAΛETE∆OY SVLA (fig. 2.19, n°2-4) les premières frappes de cette zone du denier. Mais pour J.-B. Colbert de Beaulieu, elles ne pouvaient que faire référence au dictateur Sylla, ce qui conduisait à les dater vers 80 av. J.-C. Ainsi, pendant plusieurs décennies, il était admis que la zone du denier ne pouvait être antérieure à 80, éventuellement 100 av. J.-C. Mais les contextes archéologiques ont montré que les monnaies à légende KAΛETE∆OY étaient attestées dès les environs de 120 av. J.-C., soit au début de La Tène D1b : outre le trésor de Lauterach en Autriche, où un denier gaulois de ce type est associé à 24 deniers romains, dont le plus récent date de 117 av. J.-C., on en connaît une dizaine dans des contextes La Tène D1b du Centre Est. Le plus ancien vient de Verdun- sur-le-Doubs (antérieur à 110/100 av. J.-C.) ; nous en répertorions également un à Mirebeau (phase 2), un à l’oppidum de La Pierre d’Appel, un à Bâle, un au Mont-Vully et cinq à Bibracte198.

K. Gruel propose une datation proche du prototype romain de 151 av. J.-C. pour les frappes gauloises à légende KAΛETE∆OY SVLA, qui sont considérées unanimement comme les premières émissions de la série. J.-B. Colbert de Beaulieu en dénombrait 14 exemplaires en 1965, pour trois coins de droit et trois coins de revers tous liés entre eux, ce qui démontre que la frappe fut brève et porta sur des quantités limitées199. Aucune n’a pour l’instant été retrouvée en contexte. Bien que ces frappes fussent attribuées traditionnellement aux Lingons200, K. Gruel y voit des frappes

196

Principales références sur la zone du denier : Colbert de Beaulieu 1965, 1966 et 1973, p. 271-278 ; Gruel 1989, p. 41-43 (encore marqué par les théories colbertiennes) ; Gruel, Barrandon 2000 ; Gruel 2005a, 2006 ; Gruel, Popovitch 2007, p. 38-42 et 104. L’article de Y. Le Bohec (2010) sur les deniers KAΛETEDOY SVLA ignore les contextes archéologiques et une partie des publications récentes.

197 Entre autres exemples, Colbert de Beaulieu 1973, p. 273 : « Cependant, le choix d’un denier romain comme

modèle ne peut avoir précédé la conquête. » L’affirmation n’est jamais argumentée mais présentée comme allant de soi.

198

Contextes B-100-02, B-062-01, B-051-02, B-010-02, B-065-01, L-007-30, L-007-41 et L-007-44.

199

Colbert de Beaulieu 1965, p. 180.

200 J.-B. Colbert de Beaulieu arrivait à cette conclusion en se basant sur la carte de distribution qu’il avait

compilée : Colbert de Beaulieu 1965, 1966. Mais cette carte, qui mêle trésors et découvertes isolées, prend en compte la totalité des variantes, alors qu’il est clair que toutes ne sont pas contemporaines, puisque les frappes semblent s’étaler sur un siècle et non pas sur 30 ans comme on le croyait. On remarquera à cet égard que les

commémoratives de l’alliance entre Eduens et Romains, conclue à la même période : elle est en effet mentionnée dans une chronique qui s’arrête en 144 av. J.-C.201. Un argument fort est l’utilisation d’un même minerai argentifère pour ces monnaies et pour les deniers à la lyre (LT 4858-4867), dont la distribution spatiale est centrée sur le territoire éduen202.

Les émissions postérieures de deniers KAΛETE∆OY, très abondantes, se caractérisent par l’abandon de SVLA dans la légende, puis la contraction progressive de KAΛETE∆OY par l’emploi de monogrammes divers. La chronologie des différentes classes est malheureusement mal connue. Le problème est compliqué par l’utilisation de plusieurs typologies, dont il est difficile de faire une concordance exacte203. On a donc du mal à savoir avec certitude si les monnaies trouvées dans les contextes La Tène D1b appartiennent à des émissions précoces ou déjà avancées, comme le suppose C. Haselgrove à propos de l’exemplaire de Lauterach204. La chronologie relative des émissions en métaux précieux du Centre-Est plaide toutefois pour un début des frappes de KAΛETE∆OY au cours de La Tène D1a. Comme nous l’avons noté plus haut, les analyses métalliques menées par K. Gruel et J.- N. Barrandon ont en effet montré que les deniers à légende KAΛETE∆OY SVLA et les deniers à la lyre ont employé le même minerai argentifère. Or plusieurs indices permettent de proposer une antériorité des deniers à la lyre sur les KAΛETE∆OY SVLA, bien que comme pour ces derniers, le contexte le plus ancien soit daté à la transition La Tène D1a/D1b205. D’une part, les KAΛETE∆OY SVLA sont frappés sur un étalon de 1,8 à 1,9 g, qui correspond à la moitié d’un denier romain de 3,86 g, alors que les deniers à la lyre ont un poids moyen de 2,05 g, qui renvoie à un denier romain plus lourd, antérieur selon M. Crawford à 157-156 av. J.-C.206 Mais l’argument n’est pas décisif, car d’autres régions connaissent des émissions « lourdes » jusqu’à la conquête césarienne (par ex. l’Auvergne ou l’ouest de

contextes antérieurs à La Tène D2a ne se trouvent pas en territoire lingon, mais chez les Eduens, Helvètes et Séquanes.

201

Roman 1991, p. 38. D’autres chercheurs retiennent la date de 138 av. J.-C. pour la fin de la Chronique d’Apollodore. En 121 av. J.-C., dans Tite-Live, Periochae, 61, 3, les Eduens sont qualifiés de « sociorum populi

Romani ».

202 Gruel, Barrandon 2000.

203 Allen 1976 (trésor d’Houssen) ; Deyber, Scheers 1993 (trésor de Robache) ; Nick 2006. Cette dernière semble

être la plus complète mais nécessite l’examen direct de la pièce ou d’un cliché précis, ce qui n’est pas toujours possible.

204

Haselgrove 1999, p. 143 et note 149. La datation du site de La Tène qui, selon C. Haselgrove, a livré plusieurs KAΛETE∆OY des « early and middle stages of the series » (ibid.), reste problématique bien qu’apparemment centrée sur la fin du IIIème et le début du IIème s. av. J.-C. : voir entre autres les différentes contributions réunies dans Barral et al. (dir.) 2007, p. 343-389. La reprise de la typochronologie de cette série mériterait une étude à elle seule.

205 Dans la phase 2 de Verdun-sur-le-Doubs : contexte B-100-02. 206 Crawford 1974, p. 594-595.

la Gaule). Plus importants sont les liens typologiques clairs entre les deniers à la lyre et les monnaies en or du type Chenôves dont une des classes se caractérise également par la présence d’une lyre au revers et d’une hampe sortant du poitrail du cheval207. On peut donc à bon droit considérer les deniers à la lyre comme contemporains ou immédiatement postérieurs aux monnaies de type Chenôves. Or un quart de statère de ce type a été retrouvé à Feurs dans un contexte daté de La Tène C2/D1a208. Sur la base de ces quelques éléments, on peut penser qu’à La Tène C2, on trouvait dans cette région du Centre-Est un système monétaire sur étalon statère (monnaies de type Chenôves : fig. 2.19, n°1 et 2), bimétallique soit dès l’origine, soit dans un second temps seulement (deniers à la lyre : fig. 2.19, n°3), dès La Tène C2 ou seulement à La Tène D1a. Durant cette dernière période, on abandonna l’étalon statère et les frappes d’or, pour adopter avec les deniers à légende KAΛETE∆OY SVLA (fig. 2.19, n°5) un étalon en argent correspondant à un quinaire romain, à partir d’un prototype romain (fig. 2.19, n°8) dont elle reprend la tête et le cheval à droite. Les monnaies à légende KAΛETE∆OY SVLA sont très rares ; sur les pièces qui suivent, qui restent peu abondantes, la légende s’abrège en KAΛETE∆OY et les motifs de droit et de revers s’inversent (fig. 2.19, n°6). Les frappes de KAΛETE∆OY continuent ensuite, probablement jusqu’à La Tène D2, avec une légende dégradée utilisant des monogrammes (fig. 2.19, n°7). La phase 2 de Verdun-sur-le-Doubs, antérieure à 110/100 av. J.-C. livre déjà des monnaies à monogrammes209. Par ailleurs, les deniers LT 5138 (fig. 2.19, n°4), également attestés dans le Centre-Est à partir de La Tène D1b, sont frappés sur un étalon quinaire et reprennent l’iconographie de la deuxième génération de KAΛETE∆OY ou des frappes postérieures (fig. 2.19, n°6 et 7), avec tête et cheval à gauche. Mais ils reprennent également le motif de la hampe sortant du poitrail du cheval, présent sur les deniers à la lyre dont ils prennent vraisemblablement la suite. On peut donc penser que les deniers à la lyre ont rapidement disparu de la circulation, après une brève phase de coexistence210. Beaucoup moins courants que les KAΛETE∆OY, ces pièces sont d’ailleurs absentes des grands dépôts d’argent de La Tène D1 et D2211. Pour toutes ces raisons, nous acceptons donc la chronologie haute proposée par K. Gruel pour les KAΛETE∆OY SVLA, à La Tène D1a, même si les preuves manquent encore pour en placer formellement le début de la production vers 150 av. J.-C.

207 Classe I de Scheers 1980 ; type « à la lyre » de Fischer 1982.

208 Contexte L-018-01. Vaginay, Guichard 1988, monnaie n°2. La monnaie est très usée mais l’identification est

vraisemblable ; il s’agit peut-être d’un ex. de la classe IIIb ou IIIc de Scheers 1980.

209

Contexte B-100-02.

210

On trouve ensemble les deniers KAΛETE∆OY et à la lyre dans plusieurs contextes de La Tène D1 (Verdun- sur-le-Doubs : B-100-02 ; Bibracte : L-007-41 et -44). Dans les trouvailles du siège d’Alésia, on note un seul denier à la lyre pour 19 KAΛETE∆OY et d’innombrables deniers d’autres types (contextes L-001-01 à -11).

211 Dans la zone d’étude, nous n’en avons trouvé qu’une attestation dans le trésor de Robache à Saint-Dié (dépôt

2.3.1.2 Les relations diplomatiques entre Rome et l’est de la Gaule

Comme nous l’avons vu, les premières monnaies en contexte de la zone du denier apparaissent vers 120, mais les premières frappes doivent être datées entre 150 et 120 av. J.-C. et peuvent être mises en relation avec l’alliance entre Rome et les Eduens. Elles sont donc antérieures d’une génération à la conquête de la Transalpine, qui reste considérée encore aujourd’hui comme une date pivot dans les relations entre Rome et les Gaulois, la véritable première étape de la conquête achevée par César. Mais un faisceau convergent d’indices atteste clairement qu’entre la prise du Capitole par Brennus et la déduction de Narbonne, Rome et les Gaulois ont entretenu des contacts suivis.

On le sait, la guerre de 125-121 av. J.-C. ne constitue pas la première intervention romaine à l’ouest des Alpes. Dès 218, Rome envoie des ambassadeurs en Gaule du sud pour demander aux indigènes d’empêcher la progression des Carthaginois212. Peu de temps après, le père de Scipion l’Africain débarque près de Marseille213 ; il ne reste que peu de temps dans la région, après avoir été pris de vitesse par Hannibal qui traverse les Alpes. En 207, Hasdrubal entraîne avec lui « les Arvernes et […] les autres peuples gaulois et alpins214. » En 189, le préteur L. Baebius Dives, agressé par des Ligures, se réfugie à Marseille pour y mourir ; Rome apprend l’événement par une ambassade des Marseillais215. En 181, une nouvelle ambassade se plaint de la piraterie ; comme le fléau concerne toute la côte tyrrhénienne et une partie de la côte adriatique, on confie une flotte de deux fois dix vaisseaux à des duumvirs stationnés en Campanie, dont le premier a mission de surveiller les rivages jusqu’à Marseille (il ne s’agit donc pas d’une opération terrestre)216. En 154, à la suite d’une ambassade malheureuse chez les Ligures qui attaquaient les possessions massaliètes, le consul Q. Opimius passe les Alpes avec une armée, sans toutefois s’avancer beaucoup à l’intérieur des terres217. Il est possible que Rome ait borné la voie côtière dès cette époque218. L’alliance entre les Eduens et Rome est contemporaine219 et semble avoir motivé en partie la campagne contre les Allobroges de 122 av. J.-C.220 Deux mentions de la fin du IIème s. sont plus difficiles à interpréter : d’une part, un roi

212 Tite Live, XXI, 19-20. 213 Ibid., XXI, 26, 3. 214 Ibid., XXVII, 39, 6. 215 Ibid., XXXVII, 57, 1-2. 216 Ibid., XL, 18, 4 et 8 217 Polybe, XXXIII, 8-10. 218 Roman 1991. 219 Voir note 201.

220 Tite-Live, Periochae, 61, 3 : « Si [le proconsul Cn. Domitius] leur avait fait la guerre, c’est parce qu’ils

avaient recueilli Toutomotulus, roi des Salluviens, en fuite, et lui avaient apporté toute l’aide qu’ils pouvaient ; parce qu’ils avaient aussi ravagé le territoire des Eduens, alliés du peuple romain. »

gaulois séjourne à Rome et voit son pouvoir consolidé par les Romains à son retour221. D’autre part, Dion Cassius écrit qu’en 106, Toulouse était liée à Rome par un traité, sans la qualifier ni d’amie, ni d’alliée du peuple romain222. Enfin une lettre de Cicéron à Atticus datée de 60 av. J.-C. atteste l’intérêt de l’élite romaine pour les événements gaulois223. Ainsi, Rome était militairement et diplomatiquement présente non seulement en Gaule méridionale, mais aussi en Gaule centrale, deux à trois générations au moins avant la conquête de la Transalpine224. La création de la zone du denier n’est pas un événement isolé mais s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par l’implication grandissante de Rome en Gaule.

Dans le débat sur les amitiés romaines dans le Centre-Est, les sources concentrent notre attention sur les Eduens, au détriment des autres peuples. La rivalité entre les Eduens et les Séquanes documentée par la Guerre des Gaules a également contribué à faire apparaître les premiers comme une relation isolée au milieu de voisins hostiles – et donc hostiles à Rome. Mais les amitiés de Rome n’étaient pas exclusives et rien n’obligeait ses relations à être en bons termes entre elles ; qu’on se rappelle le titre d’ami du peuple romain donné à Arioviste. Certains chercheurs ont postulé un traité entre Rome et les Helvètes dès la fin du IIème s., suite à leur participation à la guerre des Cimbres, mais le sujet reste controversé225. L’offre de négociation de Divico en 58 av. J.-C., qui propose, en échange de la paix avec les Romains, de s’installer à l’endroit choisi par César, nous semble s’inscrire dans une

221

Diodore, XXXIV-XXXV, 36. Le Gaulois mentionné est donné comme roi d’Iontora, ville inconnue par ailleurs que Roman 1992, à la suite de C. Jullian, corrige arbitrairement en Lectoure. L’anthroponyme, Contoniatos, sonne indubitablement gaulois. Dans l’édition Loeb de 1966, F. R. Walton propose de l’identifier à Congonnetiacos, fils de Bituit roi des Arvernes, mentionné par Tite-Live, Periochae LXI, 7.

222 Dion Cassius, XXVII, 90.

223 Cicéron, Ad Atticum I, 19, 2. On remarque que Cicéron prend la peine de qualifier les Eduens de fratres

nostri.

224

Deux textes de Tite-Live, XXIX, 22, 54 et 55, 1-3, bien que parlant de Galli Transalpini, ne renvoient pas forcément à la Gaule telle que nous l’entendons ici. Ainsi, on admet généralement que Tite-Live, XXIX, 22, 54 et 55, 1-3, concerne des Taurisques, établis dans la Carinthie moderne : Sartori 1960 ; Adam 1989 ; Fichtl 2004b, p. 100-102. Il reste intéressant de noter que les contacts suivent les codes de la diplomatie : introduction d’une délégation de Gaulois au sénat par le préteur C. Valerius, envoi d’ambassadeurs de l’autre côté des Alpes, respect des biens gaulois. La résolution du conflit se situe en 183 av. J.-C. De même, en 169, dans Tite-Live, XLIV, 14, 1-2, ce sont probablement des peuples de la même région (contra Hostein 2012, p. 351, pour qui la présence d’un Belenos sur des monnaies de Gaule centrale pourrait indiquer l’origine du Belenos mentionné par Tite-Live. Mais l’argument onomastique n’est pas probant : on trouve par ex. le nom Eccaios sur des frappes de la région parisienne comme sur des monnaies du Norique, ainsi que sur une inscription gallo-grecque de Provence : RIG II, n°152 ; Lejeune 1983).

225 Frei-Stolba 1976 et, 1999, p. 30-31 (avec bibliographie). À cause de la date de rédaction, en 56 av. J.-C., la

mention d’un foedus entre Rome et les Helvètes dans le Pro Balbo de Cicéron (14, 32) ne permet pas de trancher.

tradition diplomatique bien établie, plutôt que de dépendre du seul rapport de force du moment226. On mentionnera également l’importante famille des Camilli attestée à Avenches227. Tous portent le prénom Caius ; la branche principale porte le gentilice Iulius, mais d’autres membres ont comme gentilice Flavius et Valerius. Or on connaît un C. Valerius Flaccus, proconsul de Transalpine de 85 à 81 av. J.-C. Faut-il supposer que la citoyenneté romaine a été accordée aux Valerii Camilli dès cette époque ? Ou bien les différentes branches ont-elles adopté différents gentilices pour se distinguer – puisque contrairement à ce qu’on observe ailleurs, le cognomen se transmet de génération en génération228 ? On notera que les Iulii Camilli comme les Valerii Camilli sont inscrits dans la même tribu, Fabia, qui est celle des Julio-Claudiens229. Mais on ne connaît pas la tribu des Valerii pour la période républicaine230.

Même si les sources ne le mentionnent pas explicitement, les Trévires semblent également avoir un lien privilégié avec Rome. La monnaie Scheers 56a porte la tête de Rome au droit ; son prototype, bien identifié, est daté de 136 av. J.-C.231 Les découvertes de monnaies romaines sont particulièrement nombreuses sur ce territoire232. Enfin, ce peuple apparaît comme favorable à César au début de la guerre des Gaules, puisqu’il semble l’informer spontanément des mouvements suèves en 58 av. J.-C.233, qu’il lui fournit de la cavalerie en 57 au plus tard234 et que, lorsque les premiers troubles éclatent sur son territoire en 54, un des chefs trévires promet à César de ne pas trahir l’amitié du peuple romain235. La conjonction de ses éléments nous incite à croire que Rome entretenait depuis longtemps déjà des contacts avec les Trévires.

On sait avec certitude que les Séquanes, ou du moins des individus séquanes, ont aidé les Romains lors de la guerre des Cimbres et des Teutons, par une phrase de la Vie de Marius de Plutarque, indiquant qu’après la défaite des Teutons près d’Aix-en-Provence, leurs rois, « alors qu’ils fuyaient à travers les Alpes, […] avaient été pris par des Séquanes.236 » Par ailleurs, un extrait du livre

226

César, BG I, 13, 5. Pour des cas similaires de négociations territoriales avec Rome : Fichtl 2004b ; Bourdin 2012.

227 Stemma et bibliographie dans Kaenel, Martin-Kilcher 2002.

228 Puisque contrairement à ce que pensait E. Badian, les pérégrins devenus citoyens ne prenaient pas

automatiquement le nomen de leur bienfaiteur : Pina Polo 2011, à partir de l’exemple des Cornelii Balbi de Gadès. 229 Frei-Stolba 1999, p. 79. 230 RE « Valerius », col. 2296, l. 9-15. 231 Type RRC 239/2. 232 Voir infra. 233 César, BG I, 37. 234 Ibid., II, 24.

235 Ibid., V, 3, 3 : « neque ab amicitia populi Romani defecturos ». 236 Plutarque, Marius, 25, 7.

I de la Guerre des Gaules mentionne « Casticos, fils de Catamantaloédis, Séquane, dont le père avait longtemps été roi dans son pays et avait reçu du Sénat romain le titre d’ami237. » Comme la chronologie concorde, on a supposé à bon droit que Catamantaloédis avait été récompensé de sa

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