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Etat de la circulation monétaire gauloise à La Tène D2b

Les données postérieures à la guerre des Gaules sont un peu plus abondantes que pour la période précédente ; même si les quantités absolues sont proches et qu’un site comme le Titelberg fournit une masse de données très importante, il faut se rappeler que la période considérée est plus courte. De même, la répartition des données est similaire, avec deux concentrations principales dans le Centre-Est d’une part et dans le sud de la Gaule Belgique de l’autre ; le Belgium est mieux représenté à la fin de la période.

3.2.1 Les alliages

De nombreuses caractéristiques observées avant la guerre des Gaules restent vraies dans les décennies qui suivent. La conquête ne semble pas introduire de changements perceptibles dans la structure des frappes ; les évolutions de La Tène D2b sont dans le prolongement de phénomènes déjà amorcés. Ainsi, les monnaies en argent se retrouvent principalement dans la moitié est de la zone d’étude, dans laquelle l’étalon romain a été définitivement adopté (fig. 3.7). Les monnaies en or restent rares et sont présentes uniquement en Gaule Belgique (Flavier [B-042], Martberg [B-058], Titelberg [B-094]), même si les dépôts de monnaies en or y ont une distribution bien plus réduite qu’à la période précédente (fig. 3.9, à comparer à la fig. 2.18). La partition du territoire étudié en deux zones distinctes reste donc valable ; on peut distinguer grossièrement un Nord-Ouest marqué par l’utilisation de l’or et du bronze frappé, et un grand Centre-Est unifié par l’adoption d’un étalon argent et en partie par un usage prolongé du potin.Le phénomène le plus marquant à La Tène D2b reste en effet l’abandon quasi-total du potin en dehors du Centre-Est410 ; s’il est amorcé dès avant la conquête, on trouve pour la première fois des ensembles, parfois très importants comme au Titelberg, où les bronzes frappés sont majoritaires. Toutes ces tendances s’accentuent à la transition entre La Tène D2b et l’époque augustéenne (fig. 3.8). Si le bronze frappé gagne du terrain dans le Centre-Est, le rapport avec le potin reste au mieux de 1/3 en faveur de ce dernier, alors que la proportion est inverse en Gaule Belgique.

migration des Helvètes, dans une optique un peu différente, voir également Hiernard 1999, qui analyse les liens des Santons avec l’Europe centrale, explication possible de leurs liens avec les Helvètes.

410 Seul l’horizon 1A du pseudo-sanctuaire de Cybèle à Lyon (contexte L-024-29) fait exception, mais les

bronzes frappés sont « extérieurs » : 2 monnaies LT 2677 des Volques Arécomiques et 2 bronzes arvernes du type « EPAD au guerrier » (BN 3907).

3.2.2 L’alternative potin/bronze frappé : quelques raisons possibles

Les raisons de la transition du potin au bronze frappé restent peu claires. Des questions techniques sont peut-être en jeu mais ne nous semblent pas essentielles : il est certes plus facile de produire des potins, mais au vu du degré de sophistication de la métallurgie gauloise, la frappe de bronzes n’était guère complexe. Les bronzes à la gueule de loup du Berry sont d’ailleurs produits dès La Tène C2411. Pour la même raison, il est plus facile de contrefaire les potins que les bronzes frappés. Cependant, dans le Centre-Est, on note de nouveaux types de potin à la fin de La Tène D2b, ce qui montre clairement que le problème n’affectait guère les producteurs. Il faut donc chercher ailleurs les raisons de l’abandon du potin en Gaule Belgique et de son maintien dans le Centre-Est.

Une piste possible se trouve dans la fonction assumée par les potins, dont certains pourraient, selon K. Gruel, être assimilés à des jetons. Le même auteur rappelle également qu’on trouve des potins associés à des monnaies, notamment dans des dépôts, ce qui démontre qu’une partie au moins peut être considérée comme du numéraire. Cependant, les données manquent pour progresser dans cette voie et il nous semble plus prometteur d’explorer une autre. En effet, K. Gruel note que la fiduciarité du potin implique un pouvoir émetteur fort pour en garantir la valeur412. Il est à cet égard intéressant de noter que la Gaule Belgique, particulièrement sa partie occidentale, ne connaît pas le même type d’occupation du territoire que le Centre-Est. Les cités y ont une superficie plus réduite et ont peut-être été moins stables que celles du Centre-Est, notoirement plus grandes413. Par ailleurs, en Belgique, les sanctuaires semblent jouer un rôle plus structurant que les oppida, alors que ces derniers sont clairement la clé de l’organisation territoriale dans l’Est de la Gaule414. De plus, dans la zone d’étude, seul le Centre-Est connaît les potins à circulation suprarégionale, dont certaines classes sont émises après la conquête (potins à la grosse tête, classe GT A 10415 ; probablement aussi certains potins au sanglier du type Scheers 186). Les émissions belges connaissent toujours une circulation plus limitée, les potins restant concentrés sur un site ou dans une région bien localisée ; ce type d’émission se rencontre également dans le Centre Est jusqu’à la fin de La Tène D2b (par ex. les potins LT 4628 autour de Bibracte). Dans ces conditions, le maintien du potin en Gaule orientale pourrait tenir à une

411 Gruel et al. 2009.

412 Gruel (éd.) 1995, p. 137-141. Contrairement à ce qu’en disent Brun, Ruby 2008, p. 127, une telle hypothèse

ne conteste pas la monétarisation précoce de la Gaule ; au contraire, comme le souligne K. Gruel, la nature vraisemblablement fiduciaire des potins et leur possible rôle « paramonétaire » attestent des pratiques complexes. Ces trois auteurs soulignent d’ailleurs tous la nécessité de pouvoirs émetteurs forts que semble impliquer l’existence des potins.

413 César, BG II, 3, 5 (Rèmes et Suessions) ; VI, 3, 4-5 (Parisii et Sénons), pour deux cas possibles de divisions

en deux cités d’un ensemble plus grand.

414 Fichtl 1994, 2004b ; Delestrée 1996a. 415 Genechesi 2012, p. 433.

structuration politique différente dans cette région. Les entités politiques, disposant de l’autorité nécessaire pour appuyer la circulation du potin, auraient été plus nombreuses, avec un pouvoir politique, situé dans les oppida, plus développé et indépendant qu’en Gaule Belgique, où le lien entre pouvoir politique et pouvoir religieux (illustré par l’importance des sanctuaires comme lieux centraux) serait resté plus fort.

Deux autres pistes ont déjà été évoquées par I. Wellington dans sa thèse de doctorat, sans être réellement explorées. D’une part, le remplacement du potin par le bronze frappé en Gaule Belgique pourrait être lié à une raréfaction des sources d’étain disponibles, qui aurait amené les pouvoirs émetteurs à changer d’alliage monétaire416. En Europe de l’Ouest, l’étain est concentré dans trois régions principales : le nord-ouest de la péninsule ibérique, la Cornouaille et la Bretagne actuelle ; on trouve également des gisements mineurs en France dans le Massif central, ainsi que dans le Morvan417. La chronologie des exploitations est malheureusement très mal connue. Une exploitation d’époque romaine est attestée en Bretagne ; ses environs ont livré du mobilier protohistorique. À notre connaissance, il n’existe pas d’études permettant de faire le point sur la circulation de l’étain au deuxième âge du Fer pour la zone d’étude. Un passage de Diodore de Sicile désigne l’Angleterre actuelle comme une source majeure d’étain mais il est difficile de dire s’il décrit une situation contemporaine de la rédaction (vers le changement d’ère) ou s’il s’agit d’un emprunt à Posidonios, devenu anachronique418. Toutefois, la mise en relation entre la production des potins britanniques et celles des potins continentaux pourrait appuyer l’idée d’un changement des routes commerciales419. Dans le sud-est de l’Angleterre, les premiers potins apparaissent à la fin du IIème s. av. J.-C. et sont très proches de potins que l’on trouve autour du bassin parisien (type LT 5284), imités de monnaies massaliètes. Ces potins britanniques ont un alliage comportant 17 à 18 % d’étain en moyenne, ce qui est proche de ce qu’on connaît pour les potins continentaux. Au début du Ier s., dans les années correspondant à La Tène D2a sur le continent, un nouveau type de potins (flat-linear) apparaît dans l’île ; l’alliage utilisé contient plus de 20 % d’étain, avec des pics à 30 %. Au même moment, les bronzes frappés se multiplient en Gaule Belgique, jusqu’à devenir dominants à La Tène D2b, alors que dans le Centre-Est les potins restent dominants. Par ailleurs, on note la production de potins jusqu’à l’époque augustéenne en Touraine420. Une hypothèse possible est donc l’arrêt d’une importation par la Seine, alors que la voie ligérienne resterait active et permettrait l’approvisionnement du centre de la

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Wellington 2005a, p. 107 et 284. Analyses de potins montrant la part importante d’étain : Geiser, Barrandon 1995 (type à la grosse tête) ; Sarthre 2000 (types du Centre-Ouest).

417

Penhallurick 1986 ; Merideth 1998, p. 23-33.

418 Diodore, V, 23.

419 Pour les données britanniques : Haselgrove 1995.

420 Type « à la tête diabolique » ; on trouvera la nouvelle chronologie des différentes classes dans Troubady

France actuelle, qui possédait de plus ses propres gisements ; l’utilisation accrue d’étain dans les alliages britanniques pourrait être la cause (demande plus importante de minerai) ou la conséquence (nécessité de trouver un débouché à la production régionale) de ces changements.

D’autre part, les alliages employés avaient nécessairement une influence sur la couleur des pièces produites. Or les analyses ont montré le soin que les Gaulois portaient aux alliages métalliques et l’importance qu’ils donnaient à la couleur : malgré ce que nous percevons comme des dévaluations (par ex. diminution du contenu en or), certaines émissions continuaient vraisemblablement à garder la même couleur. Plutôt que d’interpréter le phénomène comme une simple manipulation à but économique (voire une fraude), on peut donc se demander si le contenu en métal précieux était forcément la caractéristique la plus importante de ces monnaies421. Du point de vue métallurgique, les potins comme les bronzes frappés sont constitués d’un alliage cuivreux communément appelé « bronze » et dont les deux métaux principaux sont le cuivre et l’étain. Etant donnée leur composition, avec une part d’étain souvent proche de 20 %, les potins neufs avaient vraisemblablement une couleur argentée, alors que les alliages cuivreux des bronzes frappés ont une couleur plus chaude, entre le rose-rouge du cuivre non allié et une couleur très proche de l’or lorsque la part d’étain est de 15 %422. Il est donc intéressant de noter que les bronzes frappés s’imposent d’abord dans une région où se maintient un étalon or jusqu’aux lendemains de la guerre des Gaules, alors que le Centre-Est passe très tôt à un étalon argent et garde l’usage du potin. Malheureusement, il n’existe pour l’instant que très peu d’analyses disponibles sur les bronzes frappés, qui en outre ne concernent pas notre zone d’étude423 ; il est donc difficile d’avoir des certitudes sur la couleur des bronzes frappés, qui nous parviennent généralement patinés. Cependant, d’après les analyses de C.-O. Sarthre sur des monnaies du Centre-Ouest, la différence ne semble pas avoir été « clairement visible » entre les bronzes (à 10/15 % d’étain) et les laitons (alliage cuivre/zinc) dont la couleur est souvent dorée424.

421

Creighton 2000, p. 37-40.

422 Pernot 1994, p. 151 (voir aussi la contribution du même auteur dans Meyer-Roudet (éd.) 1999, p. 33). Les

potins du Rhin moyen (territoire des Trévires) pourraient avoir eu une couleur dorée : Wellington 2005a, note 32, p. 78.

423 La thèse de C.-O. Sarthre couvrait le territoire picton, celle de S. Nieto-Pelletier le territoire arverne. Cette

dernière mène par ailleurs, en collaboration avec J.-M. Doyen, un programme d’analyses sur les monnaies attribuées aux Rèmes, toujours en cours au moment de la rédaction.

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Sarthre 2000. Les analyses montrent que le laiton apparaît en Europe de l’Ouest vers 60 av. J.-C. : Istenič, Šmit 2007 (qui contestent l’interprétation de trois objets en laiton provenant peut-être de niveaux datés 100-50 av. J.-C. au Titelberg avancée dans Hamilton 1996, à notre sens à juste titre). Les premières monnaies gauloises attestées sont contemporaines du siège d’Alésia (Nieto 2004 : monnaies au nom de Vercingétorix et Cas) et l’usage ne semble se répandre que dans les décennies qui suivent. Sur le zinc et le laiton en général : Craddock (éd.) 1998, en particulier les articles par P. Craddock et J. Bayley.

Les trois hypothèses présentées ici ne sont pas mutuellement exclusives et ont pu se combiner différemment selon les régions ou les pouvoirs émetteurs (avec d’autres raisons qui nous sont inconnues). Il est malaisé de déterminer quel a été le facteur premier, « logiquement » comme chronologiquement – à supposer qu’une hiérarchisation soit possible entre les raisons politiques, économiques et culturelles. Il semble en tout cas difficile de déceler ici une quelconque influence romaine.

3.2.3 Un brassage de la circulation ?

On a déjà montré au chapitre précédent que les zones monétaires définies par les principaux types restent largement inchangées entre La Tène D2a et La Tène D2b, avec une circulation plus intégrée dans le Centre-Est (malgré la présence de types locaux, plusieurs émissions suprarégionales renforcent l’unité de la zone) et plus morcelée en Gaule Belgique (fig. 2.4 à 2.7). L’adoption progressive d’un étalon argent basé sur le quinaire ne gomme que partiellement les différences, qui restent bien visibles. Les nouvelles émissions d’argent sont moins nombreuses après la conquête, alors que La Tène D2a s’était caractérisée par une floraison de types. La deuxième moitié du Ier s. av. J.-C. est surtout dominée par les deniers du Centre-Est à légende TOGIRIX (LT 5550), extrêmement abondants, alors que les monnaies plus anciennes continuent à circuler. En Gaule Belgique, on note plusieurs séries nouvelles, dont la circulation est plus restreinte et qui apparaissent pour la plupart à la fin de La Tène D2b (série à l’astre, Scheers 25, dans le Belgium ; série à légende CRICIRV, Scheers 27, dans le Soissonais ; Scheers 41, 42, 43 en Gaule Belgique).

En dehors du Centre-Est, les émissions de potin disparaissent. Les grandes émissions suprarégionales continuent (potin à la grosse tête, potin Scheers 186), à côté de séries souvent très localisées (LT 5538 et 5629 sur le Rhin supérieur, LT 4623 et 5083 en Bourgogne). Au contraire, le nombre d’émissions de bronze frappé explose, particulièrement en Gaule Belgique où nous recensons au moins une quarantaine de types nouveaux après la guerre des Gaules, à la circulation généralement restreinte. Comme l’ont montré plusieurs articles, les décennies postérieures à la conquête sont caractérisées par une régionalisation de la circulation monétaire, alors que pour J.-B. Colbert de Beaulieu, on assistait au contraire à un brassage complet des espèces425. Il est possible, en élargissant la zone considérée à l’ensemble de la Gaule septentrionale, de concilier les deux positions. Le Belgium constitue un cas particulier de morcellement des émissions mais le reste de la Gaule se caractérise également par une part très forte des émissions locales dans le stock monétaire. Il s’agit du reste d’une tendance amorcée dès La Tène D1 et surtout La Tène D2a, liée à l’augmentation du nombre d’émissions. Dans le même temps, il est vrai que la part de monnaies gauloises exogènes augmente sur

les différents sites à La Tène D2b et à la transition avec la période augustéenne, dans des proportions variables (fig. 3.10 et 3.11, à comparer à fig. 2.8). Ainsi, ces monnaies exogènes sont la trace de mouvements de personnes plutôt que d’un décloisonnement général de la circulation monétaire postérieure à la conquête.

Comme on le voit, tous les sites ne reçoivent pas de monnaies exogènes et les monnaies produites localement, ou du moins régionalement, sont toujours majoritaires. Il est intéressant de noter que les sites qui livrent des monnaies extra-régionales sont également ceux qui concentrent les monnaies romaines, que ce soit à La Tène D2b (fig. 3.12) ou à la transition avec l’époque augustéenne (fig. 3.13). À des degrés divers, les principaux sites concernés sont Pommiers [B-076], Bibracte [L- 007], le Titelberg [B-094], La Chaussée-Tirancourt [B-050], Bois-l’Abbé [B-016] et Estrées-Saint- Denis [B-040]426. Comme on le voit, il s’agit dans la plupart des cas d’oppida ou de sanctuaires importants et la présence de monnaies exogènes n’y est pas fortuite ; comme nous le verrons plus loin, le parallèle avec les monnaies du siège d’Alésia constitue une piste probante.

3.2.4 Les autorités émettrices

Comme à La Tène D1 et La Tène D2a, les légendes monétaires connues pour La Tène D2b documentent essentiellement des noms d’individus, sans mention de titre officiel : on peut citer pour notre zone d’étude C. Iuli Teledhi en Gaule Belgique, Atesos et Atisios Remos (la même personne ?)

chez les Rèmes, Atpili f. Orcetirix et (Q. Iulius) Togirix dans le Centre-Est, Arda chez les Trévires, et à la fin de La Tène D2b ou au début de l’époque augustéenne, Eccaios, Roveca et Venextos en région parisienne, Ateula/Ulatos, Caledu, Matugenos, Sutic(c)os en Gaule Belgique, Kraccus chez les Rèmes, Turonos Cantorix sur le Rhin supérieur, Criciru dans le Soissonnais427.

Comme on l’a vu, la circulation apparaît plus régionalisée après la conquête qu’avant ; se multiplient notamment les frappes à circulation très restreinte, parfois concentrées autour d’un unique site. De telles productions sont bien attestées dans le Belgium : la distribution de plusieurs séries autour de certains sanctuaires a amené L.-P. Delestrée et I. Wellington à localiser les ateliers dans les sanctuaires mêmes (en proposant, par ex., que les bronzes Scheers 111 aient été frappés sur le sanctuaire de Digeon, où ils sont connus à près de 3000 exemplaires)428. Il n’est pas impossible que

426

Comme à la période précédente, le faciès des sites ségusiaves (Feurs, Roanne, Lyon) doit s’expliquer principalement par leur position géographique, au débouché de la vallée du Rhône.

427

Références au RIG IV dans l’ordre alphabétique : Arda, n°36-43 ; Atesos, n°53 ; Ateula/Ulatos, n°54 ; Atisios

Remos, n°56 ; Atpilli f. Orcetirix, n°57 ; Caledu, n°88, 89 et 257 ; C. Iuli Teledhi, n°80 ; Kraccus, n°124 ; Criciru, n°125-127 ; Eccaios, n°152 ; Matugenos, n°206 ; Q. Iulius Togirix, n°229 ; Roveca, n°238-244 ; Sutic(c)os, n°271-275 ; Turonos Cantorix, n°291 ; Venextos, n°299.

certaines frappes belges aient été émises spécifiquement pour des pratiques de déposition : la situation n’est d’ailleurs pas particulière à cette région, et on la retrouve par ex. à Corent en Auvergne avant la conquête429. Mais il nous semble inopportun de généraliser la situation à la majorité des émissions de cette région, comme le fait I. Wellington (voir infra). Quelle qu’ait été la fonction de ces pièces, il reste indéniable que leur zone de circulation ne correspond pas à un territoire civique. La situation se retrouve hors de Gaule Belgique : les potins à légende SELISV (LT 4628) sont massivement concentrés sur Bibracte. Les monnaies à légende TVRONOS CANTORIX sont courantes entre Bâle et Besançon mais, alors que la chronologie est identique, les potins (LT 7011) semblent mieux représentés sur le premier site et les bronzes frappés (LT 7005) sur le second, tandis que la situation à Mandeure, situé à mi-chemin, est plus équilibrée. À l’inverse, on continue de trouver des émissions à circulation large, particulièrement en argent (le denier LT 5550 à légende TOGIRIX étant le plus courant de tous), et dont on peine parfois à déterminer la zone d’émission (Scheers 41 et 42, en particulier).

Dans le même temps toutefois, apparaissent les premières mentions ethniques dans les légendes monétaires. Alors qu’en Gaule intérieure, ces dernières apparaissent dès La Tène D1430 et se multiplient à La Tène D2a, les émetteurs ne précisent jamais leur cité d’origine. Dans le demi-siècle qui suit, on trouve 28 mentions d’ethnique sur des légendes monétaires pour l’ensemble de la Gaule (hors Narbonnaise), dont la moitié au moins est datée de La Tène D2b (fig. 3.14). À de rares exceptions près, ces mentions ne font pas référence à la cité comme autorité émettrice (6 cas assurés et un possible pour quatre civitates) mais indiquent vraisemblablement l’origine des émetteurs (11 cas assurés et dix possibles pour 12 civitates), ce qui fournit un nouvel argument contre le caractère civique des émissions. L’ethnique ne correspond pas nécessairement à la zone d’émission (par ex., les monnaies à légende TVRONOS/CANTORIX qui circulent principalement autour de Bâle et, peut-être, les deniers SANTONOS et ARIVOS/SANTONOS dont la zone d’émission précise n’est pas localisée). La situation géographique ne semble pas être un facteur important, même si on remarque que les cités concernées forment des groupes d’au moins deux entités, ce qui pourrait être un signe d’émulation régionale (fig. 3.15).

Les cas où l’ethnique désigne sans ambiguïté la civitas comme puissance émettrice concernent les Lexoviens et les Aulerques Eburovices et ne semblent pas antérieurs à l’époque augustéenne précoce ; la proximité tant géographique que numismatique entre les deux peuples n’est certainement pas un hasard431. Plus à l’Est, on trouve plusieurs cas plus précoces mais moins nets : les

429 Séries « cheval-cheval » et « au renard » (K. Gruel, comm. pers.).

430 On ne compte pas ici les légendes copiées servilement sur les premières frappes imitées de Philippe II de

Macédoine.

légendes MEDIO/MEDIOMA (RIG IV, n°207) pour les Médiomatriques et REMO/REMO (RIG IV,

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