• Aucun résultat trouvé

2. Avant la conquête : de La Tène D1a à La Tène D2a (150 à 60/50 av J C.)

2.1 Etat de la circulation monétaire gauloise

2.1.1 Les alliages

À La Tène D1, les monnaies à base cuivre dominent (fig. 2.1). Il s’agit exclusivement de potins68, sauf à Feurs [L-018] et à Roanne [L-029] où on note des bronzes frappés, très minoritaires. En Gaule intérieure, l’antériorité des potins sur les bronzes frappés n’est plus à démontrer, puisqu’ils apparaissent dès La Tène C, peut-être même à la fin de La Tène B69. Seul le Berry semble connaître des bronzes frappés dès la transition La Tène C2/D1a70. Les exemplaires de Feurs et Roanne sont par ailleurs très mal conservés, et il n’est pas exclu qu’on ait là des bronzes de Marseille. On note dans toute la zone étudiée la présence régulière de monnaies en argent, voire en or ou en électrum. Mirebeau [B-062] est le seul sanctuaire à livrer 9 monnaies en or ; toutes les autres pièces se rencontrent sur des sites d’habitat : agglomérations ouvertes (Bâle/Gasfabrik [B-010], Verdun-sur-le- Doubs [B-100]), oppida (Bibracte [L-007], Col de Saverne [B-205], Villeneuve-Saint-Germain [B-

68

À l’exception d’un exemplaire à Nitry (contexte L-027-01), mais il faut noter qu’il s’agit du type Scheers 152, qui semble avoir circulé comme un monnayage en or, bien que certains exemplaires soient en cuivre : Scheers 1977, p. 142 ; Doyen 2010, p. 70-75.

69 En France, c’est principalement Guichard et al. 1993 qui a ancré définitivement la datation haute des potins

dans le paysage scientifique, alors que celle-ci était déjà acceptée dans les pays de langue allemande.

101]) et établissement rural (Damary [B-031]). Le Centre-Est semble plus riche en métaux précieux mais ce pourrait être là un effet de la « diagonale du vide » qui traverse la carte. On ne note pas de différences significatives entre les contextes de La Tène D1a et La Tène D1b.

À la transition entre La Tène D1b et La Tène D2a (fig. 2.2), les bronzes frappés indigènes font leur apparition sur deux sites dont ils étaient absents, à Gournay-sur-Aronde [B-046] et à Bibracte [L- 027], avec deux exemplaires de type indéterminé dans un secteur d’habitat71. Leur usage commence donc à s’étendre vers le nord au tout début du Ier s. av. J.-C., de façon encore marginale.

L’accroissement des émissions en bronze frappé constitue la principale nouveauté à La Tène D2a (fig. 2.3). Néanmoins, cette évolution ne touche pas le Centre-Est, où elles restent peu abondantes, alors qu’elles représentent une part non négligeable des faciès de Gaule Belgique. Ce phénomène est reconnu depuis une vingtaine d’années72 mais ces observations confirment qu’il prend place dès La Tène D2a, et pas seulement à La Tène D2b73. On observe à nouveau la partition de la zone d’étude entre le Centre Est, où le potin reste dominant et où l’argent est plus abondant, et les sites belges où le bronze frappé constitue une part conséquente des découvertes.

2.1.2 Les types

2.1.2.1 L’argent

La sériation des sites selon les types en argent présents permet de dégager trois groupes principaux74. À La Tène D1 (fig. 2.4), Roanne a livré des types de la vallée du Rhône. Plus au nord,

71

Contexte L-007-30. L’absence de séries locales en bronze frappé attestées avant La Tène D2b à Bibracte laisse ouverte la possibilité de monnaies extrarégionales, massaliètes ou gauloises.

72

Guichard et al. 1993.

73 Comme l’avait montré C. Haselgrove (1999, p. 146-148). Nos cartes de répartition invitent toutefois à nuancer

l’affirmation selon laquelle « the first struck bronzes to circulate in Belgic Gaul belong to precisely those part of

the Western zone where potin coinage is either scarce or altogether absent » (ibid.) : des sites comme Acy-

Romance, Villeneuve-Saint-Germain et Epiais-Rhus ont tous livré des potins stratifiés antérieurement à La Tène D2a, tout en étant relativement riches en bronzes frappés.

74

Sur la sériation, voir par ex. Djindjian 1991, p. 167-200. Comme le remarque cet auteur, cette technique a principalement été utilisée à des fins chronologiques. Elle nous semble appropriée dans le cas étudié pour faire apparaître des groupes spatiaux. D’une part, les contextes étudiés sont chronologiquement homogènes (La Tène D1, La Tène D2, etc.) et, sans sous-estimer les évolutions possibles au cours d’une même période, on peut estimer que le facteur temporel ne jouera pas un rôle important dans la classification. D’autre part, les monnaies, notamment gauloises, se prêtent bien à cette méthode ; l’aire de circulation d’un type est souvent limitée, mais recoupe fréquemment celle d’un ou plusieurs autres types. Les sériations présentées ici ont été réalisées à partir

seul Villeneuve-Saint-Germain a livré des monnaies en argent de type Scheers 50, qui semblent frappées sur place. Le Centre-Est, étendu vers le nord-est de la France, se présente comme une zone assez homogène, où dominent les types KAΛETE∆OY et dérivés (notamment LT 5138-5252). On reconnaît la zone du denier identifiée par J.-B. Colbert de Beaulieu et dont les travaux postérieurs ont confirmé la réalité75.

À La Tène D2a comme à La Tène D2b, on observe une tendance à la multiplication des types mais les résultats sont proches de ceux de La Tène D1 (fig. 2.5). Le Centre Est continue à former une zone cohérente où les types « anciens » (KAΛETE∆OY, LT 5138-5252) dominent. Plutôt que de résidualité, il faut à notre sens y voir des frappes importantes étalées dans le temps ; de plus, il est difficile de sérier chronologiquement les différentes classes de ces monnaies (lorsqu’il est possible de les distinguer). D’autres séries très importantes prennent néanmoins le relais : les deniers à légende Q.

DOCI SAM F (LT 5405-5411) dès La Tène D2a (malgré la présence des tria nomina qui a souvent

conduit à dater le type plus tardivement76), puis ceux à légende TOGIRIX (LT 5550) à La Tène D2b. La frange méridionale du Centre-Est reste tournée vers la vallée du Rhône et le centre de la France (présence de types arvernes et d’oboles rhodaniennes).

Toujours aligné sur un étalon romain, on observe un morcellement aux marges du Centre-Est. Le territoire de la Suisse actuelle correspond à la zone de diffusion de deux séries, les quinaires au rameau (Büschelquinare) et les deniers à légende NINNO (avec diverses variantes de légende). Quant au territoire trévire, il se caractérise par la présence de Scheers 55, à côté de séries gauloises exogènes, bien présentes sur le Titelberg. Les découvertes en Belgique occidentale restent très rares, puisque seul Epiais-Rhus a livré une monnaie, du type Scheers 52. Contrairement au Centre-Est, l’étalon pondéral employé pour ce type et d’autres séries picardes n’est pas aligné sur le quinaire romain77.

2.1.2.2 Les monnaies en alliage cuivreux

Entre La Tène D1a et La Tène D2a, les tentatives de sériation sur les bronzes frappés produisent des résultats illisibles, qu’il nous a semblé inutile de présenter ici. En effet, la

de tableaux en présence/absence sur le logiciel PAST (Hammer et al. 2001; Hammer 2012, en particulier p. 88), avant d’être vérifiées et reclassées manuellement par rapport aux tableaux d’effectifs.

75

Voir infra.

76

Voir par ex. Dayet 1964 ; RIG IV, p. 359. À notre connaissance, C. Haselgrove est le premier à en avoir démontré la datation à La Tène D2a sur des bases archéologiques : Haselgrove 1999, p. 144-145 (mais Wightman 1985, p. 21, écrivait déjà « one of the probable pre-conquest silver types »). Encore récemment, Gruel, Popovitch 2007, p. 170 ne renonce pas totalement à l’ancienne datation. Sur cette série, voir également

infra.

représentation assez faible des bronzes frappés dans les contextes archéologiques de cette époque, combinée à des aires de diffusion restreintes, donne une image artificiellement morcelée de la situation. Il est plus judicieux de s’attarder sur les potins, dont l’analyse donne un résultat légèrement différent à la sériation des monnaies en argent78. À La Tène D1, la zone du denier correspond principalement à la zone de circulation du potin à la grosse tête, mais également à celle du potin au sanglier Scheers 186 ; la diffusion des deux types se recoupe marginalement (fig. 2.6)79. Au nord- ouest, les types utilisés sont différents : potin au personnage courant (Scheers 191) pour la vallée de l’Aisne, potin Scheers 203 pour la Seine moyenne. Ici encore, la distribution des deux types se superpose partiellement. À nouveau, Villeneuve-Saint-Germain se distingue par des productions qui lui sont propres.

À La Tène D2, la situation est tout à fait analogue (fig. 2.7). Le Centre-Est continue d’utiliser les mêmes deux types principaux. Le paysage de la Belgique, territoire trévire compris, est morcelé et les types ont parfois une circulation très locale. On observe, d’est en ouest :

• Rhin moyen/Trévires : Scheers 199 à 202.

• Champagne/Rèmes : Scheers 192.

• Vallée de l’Aisne/Suessions : Scheers 196 et 197 (produits à Villeneuve-Saint- Germain).

• Seine moyenne : potins MA (LT 5284) à Epiais-Rhus80, potins Scheers 206 à Bennecourt.

2.1.3 Régionalisation de la circulation et pénétration des monnaies

méditerranéennes

Comme le montrent les analyses précédentes, on observe une partition claire entre la Gaule Belgique d’une part et le Centre-Est de l’autre. On ne s’étonnera donc pas que la circulation monétaire ait été très régionalisée entre La Tène D1a et La Tène D2a (fig. 2.8) 81. On note une faible

78 La carte obtenue avec les seules trouvailles en contexte se superpose très bien à celle publiée dans Gruel,

Popovitch 2007, p. 46.

79 Voir la carte de répartition dans Fichtl 2004b, p. 84. Pour les potins Scheers 186, on trouvera une carte de

répartition plus récente dans Féliu 2008, fig. 23 p. 55.

80

Ce type caractérise la circulation ancienne en Île-de-France, et il n’est pas exclu que la datation du contexte de découverte soit trop basse.

81 Pour ce travail, les types étudiés ont été classés d’après leur zone d’émission. Ces dernières ont été

volontairement définies de manière large, afin d’éviter la reprise d’attributions plus précises mais potentiellement fausses, et pour permettre une vision plus synthétique du phénomène. Nous avons repris les « zones d’appartenance monétaires » définies par J. Genechesi dans sa thèse de doctorat (Genechesi 2012, fig.

interpénétration entre les deux zones citées, observable surtout en Belgique orientale, c’est-à-dire dans une région progressivement intégrée à la zone du denier, comme l’a montrée la sériation sur les types en argent (fig. 2.4 et 2.5). On observe une perméabilité beaucoup plus grande au numéraire « étranger », limitée au territoire des Ségusiaves (Feurs [L-018], Lyon [L-024], Roanne [L-029]). Il s’agit exclusivement de monnaies massaliètes, principalement des oboles (17 ex.), ainsi que quelques rares bronzes (3 ex.). L’influence de la vallée du Rhône est ici très claire, et les sites ségusiaves sont à la jonction de la zone monétaire du Centre-Est et de la zone rhodanienne82. L’importance de cette région, à la confluence du Rhône et de la Saône, et au départ de la Loire, est soulignée par la découverte récente d’un possible emporion à Lyon, rue du Souvenir83. Toutes ces pièces massaliètes proviennent de contextes La Tène D1 (fig. 2.9).

Si on intègre les monnaies romaines à l’analyse, on s’aperçoit qu’elles n’apparaissent en contexte qu’à la fin de La Tène D1b ou à la transition La Tène D1b/D2a (fig. 2.9 et 2.10). Il s’agit d’un denier daté de 101 av. J.-C. à Bibracte [L-007], dans une couche du secteur PCo 1 datée entre 120 et 80 av. J.-C., et d’un quinaire de 99 av. J.-C. dans la fosse A du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde [B-046]84. Il faut y ajouter un troisième contexte possible, sur l’établissement rural de Bazoches-en- Vesles, dans la vallée de l’Aisne85. L’occupation y est datée entre 150 et 110/110 av. J.-C. mais le fossé d’enclos a livré un denier romain de 90 av. J.-C. La publication ne précise pas sa position stratigraphique et il est impossible, en l’état, d’être assuré de la fiabilité du contexte (d’autant que le site connaît une occupation gallo-romaine). Comme on le voit, ces deux ou trois pièces ont été perdues ou déposées peu de temps après leur émission, ce qui indique une diffusion rapide depuis Rome. Les contextes ne sont pas indifférents. L’oppidum de Bibracte était le chef-lieu de la cité des Eduens, le site de Bazoches-en-Vesles un établissement à fort statut86. Le quinaire de Gournay-sur-Aronde a été déposé volontairement, puisque la fosse A est la fosse centrale du temple. Il y était associé à un bronze frappé de type Scheers 163 ; la couche immédiatement supérieure a livré 7 potins Scheers 192. Sans que leur position stratigraphique soit en doute, les monnaies viennent donc toutes du comblement supérieur de la fosse, qui semble avoir servi de pourrissoir pour les offrandes carnées87. On pourrait interpréter les dépôts monétaires de Gournay comme des dépôts d’abandon. Le choix d’une monnaie

6), tout en en regroupant certaines sur nos propres cartes pour une meilleure lisibilité, et en introduisant quelques modifications mineures (la zone Nord-Est a ainsi été étendue jusqu’à la rive gauche du Rhin).

82 Carrara, Genechesi 2009 ; Genechesi 2012. 83

CAG 69/2, p. 765-767 (avec bibliographie antérieure). Contexte L-024-27.

84

Contextes L-007-031 et B-046-02. Ce dernier contexte, daté initialement de l’époque césarienne, a vu sa datation remonter au début du Ier s. av. J.-C. : Brunaux 1987, révisé dans Brunaux, Méniel 1997, p. 72-82 et 216- 219.

85 Contexte B-104-02. 86 Gransar, Pommepuy 2005.

romaine pour une telle pratique n’est pas anodin, d’autant plus que les importations sont absentes du site ; peut-être l’iconographie du type, assez classique, a-t-elle joué un rôle88. À côté de ces premières attestations de monnaies républicaines, on note également une obole massaliète à Epiais-Rhus [L-016] dans une fosse datée 120-80 av. J.-C.89 Ceci pourrait indiquer une diffusion de ces monnaies méditerranéennes depuis la vallée du Rhône ; mais les exemplaires sont trop peu nombreux pour qu’on puisse conclure avec certitude.

La situation à La Tène D2a est très largement dans la continuité des décennies précédentes (fig. 2.11). Les monnaies massaliètes ne sont plus attestées, même chez les Ségusiaves, et semblent remplacées par les monnaies romaines républicaines, que l’on retrouve à Lyon [L-024], Roanne [L- 029] et Bibracte [L-007]. On peut supposer que la disparition des monnaies massaliètes est une conséquence de la conquête de la Transalpine ; mais le Rhône continue à jouer un rôle dans la diffusion du numéraire méditerranéen. Lyon et Bibracte livrent chacune un denier, datés respectivement de 86 et de 77 av. J.-C. : comme à La Tène D1, ces monnaies circulent donc en Gaule peu de temps après leur émission90. Mais la plupart des monnaies républicaines sont en bronze, ce qui constitue une innovation importante. En effet, si les deniers s’insèrent facilement dans la circulation indigène91, les as républicains (car il s’agit majoritairement d’as) sont très différents des potins et des bronzes gaulois, tant par le diamètre que par le poids.

Enfin, le territoire des Trévires, très septentrional par rapport aux autres points de découverte attestés, a livré un nombre remarquablement élevé de monnaies romaines, qui pose la question de la voie empruntée pour la diffusion de ces monnaies. La fosse 7 du secteur d’habitat central de l’oppidum du Titelberg a livré un dépôt de 8 as républicains, dont 4 moitiés92. La même fosse contenait deux monnaies gauloises, un bronze frappé indéterminé et un denier LT 9025 à légende SOLIMA. La céramique est malheureusement très peu abondante et fait peser un doute sur la datation de cette fosse. Néanmoins, aussi étonnante et sujette à caution qu’elle soit, cette découverte ne semble pas isolée. D’une part, les fouilles récentes du Titelberg ont livré un secteur occupé par des militaires romains

88 Le quinaire est du type RRC 331/1 ; il porte au droit la tête barbue de Jupiter et au revers une Victoire

couronnant un trophée.

89 Contexte L-016-02. L’obole est du type OBM-9c, que les découvertes méridionales semblent placer au IIème s.

av. J.-C. : Feugère, Py 2011a, p. 43-44.

90

Contextes L-024-16 (Lyon : dans un remblai de destruction sur le site du Musée Gadagne) et L-007-17 (Bibracte : dans une fosse de la demeure PC 1, horizon 2).

91 D’une part grâce à la valeur intrinsèque du métal (bien que l’exemplaire lyonnais soit fourré), d’autre part

grâce à l’alignement métrologique des deniers gaulois sur l’étalon romain dans une grande partie de la Gaule (voir infra).

après la guerre des Gaules, mais qui pourrait avoir été auparavant une sorte d’emporion93. D’autre part, D. Wigg-Wolf, dans le mobilier de fouilles du Martberg en cours de publication, a identifié un as d’étalon sextantaire, frappé entre 91 et 89 av. J.-C., dans un contexte contemporain ou de peu postérieur à la frappe94. De plus, une découverte ancienne de Mayence s’inscrit dans le même horizon chronologique : à la Emeranstrasse fut mise au jour, antérieurement à 1921, une petite bourse en cuir contenant 12 deniers, dont le plus récent est daté de 78 av. J.-C.95 L’analyse du dépôt par K. Lockyear a montré une composition similaire aux dépôts contemporains et permis d’établir une date de déposition proche de 78 av. J.-C., antérieure à la guerre des Gaules96.

Le couloir rhodanien n’est pas la seule solution possible ; tout en restant plus marginale, une diffusion par la voie alpine ne nous semble pas exclue97. En effet, le dépôt trouvé à Lauterach en Autriche, à la pointe du lac de Constance (à proximité d’une autoroute moderne) atteste du transit de monnaies romaines par les Alpes. On y trouve deux fibules en argent et de 26 monnaies, 2 monnaies à la croix d’Allemagne du sud (type LT 9288), 1 denier à légende KAΛETE∆OY et 24 deniers romains dont le dernier est daté de 117 av. J.-C.98. Sa composition est proche des dépôts italiens contemporains99. D’autre part, plusieurs monnaies romaines, toutes datées du IIème s., proviennent de l’oppidum de Manching, dont l’occupation principale date de La Tène D1 ; la situation est similaire à Altenburg-Rheinau100. On peut se demander si ces monnaies sont arrivées par les Alpes ou depuis le Centre-Est de la Gaule, dont les monnaies sont particulièrement nombreuses à Manching101. Par ailleurs, des contacts diplomatiques sont attestés entre Rome et Arioviste, à qui César fit accorder le titre de « roi et ami du peuple Romain » en 59 av. J.-C.102 : César rappelle à propos de M. Metius, qu’il envoie vers Arioviste, que les deux étaient liés par des liens d’hospitalité103. On peut supposer que ce

93

Metzler, Gaeng 2009, p. 519-522.

94

D. Wigg-Wolf (comm. pers.). Ces monnaies sont peu abondantes, et généralement absentes des découvertes de monnaies républicaines plus tardives, ce qui renforce l’idée d’une diffusion contemporaine de la frappe. Pour un premier aperçu des fouilles en question : Nickel 2012.

95 Dépôt MNZ-01. 96 Annexe 1.

97 Une partie des importations méditerranéennes du premier âge du Fer a transité par les Alpes : Adam 2006. 98 Overbeck 1982, p. 85-86. La monnaie terminale est du type RRC 284/2.

99

Haselgrove 1999, p. 143, n. 149.

100

Manching : Kellner, Overbeck 1990, monnaies n° 122-125 et 796-798. La monnaie la plus récente est du type

RRC 278/2. Altenburg-Rheinau : Nick 2011, 2012 (avec bibliographie antérieure).

101 Gruel 2009. Les monnaies gauloises et romaines sont du même horizon chronologique. 102 César, BG I, 35, 2 et 43, 4.

103 César, BG I, 47, 4. Ce personnage n’est pas connu par ailleurs ; on l’identifie généralement au monétaire de

citoyen romain servit d’ambassadeur aux alentours de 60 av. J.-C. et qu’il se rendit chez les Suèves ; le passage par les Alpes semble le plus rapide pour un tel voyage. Ainsi, même si le couloir rhodanien reste le passage privilégié des importations vers la Gaule, il ne faut pas exclure un transit plus oriental.

Le bronze républicain de Bibracte, une semi-once datée par M. Crawford entre 269 et 266 av. J.-C., mérite un commentaire plus développé104. Comme le denier mentionné plus haut, il vient de la résidence aristocratique du secteur PC 1, d’une couche d’occupation de la période 2 dont il est difficile de dire, à partir de la publication originale, si elle était située à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment105. La monnaie détonne par son ancienneté, près de deux siècles au moment de sa déposition archéologique. De plus, cette dénomination a été abandonnée à Rome lors du passage au système du denier, aux environs de la Deuxième guerre punique106. Des monnaies aussi, voire plus anciennes se rencontrent occasionnellement, le plus souvent sans contexte archéologique107. En Gaule méridionale, un nombre non négligeable de ces monnaies sont dans des contextes contemporains ou de peu postérieurs à leur émission108, attestant de la réalité des contacts, sans qu’il soit forcément possible de les caractériser (échanges commerciaux suivis ? « importations accidentelles109 » ?). Mais les monnaies romaines aussi anciennes, antérieures à la réforme du denier, semblent très rares110. De plus, le contexte de découverte de Bibracte (une couche d’occupation dans une demeure de l’élite, sur un site inoccupé avant La Tène D1b, dans une zone apparemment pauvre en monnaies étrangères contemporaines) incite à se pencher plus en détail sur la semi-once. L. Popovitch propose d’y voir la trace d’un contact direct avec Rome, peut-être lié au traité unissant les deux peuples111. On remarquera en outre l’iconographie particulière de cette monnaie, qui porte un gland sur chaque face ; il s’agit du

« Mettius » 2 ; Crawford 1974, p. 487-495 (types RRC 480/2, 3 et 23). Pour T. P. Wiseman, il pourrait même être devenu sénateur ; le cognomen est répandu en Cisalpine (Wiseman 1971, p. 241).

104

Type RRC 21/7. La monnaie est illustrée dans Gruel, Popovitch 2007, p. 237 et 357.

Documents relatifs