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Les sources n’ont pas laissé la trace d’une organisation provinciale immédiatement postérieure à la guerre des Gaules. Le déclenchement de la guerre civile n’y est certainement pas étranger435. On ne connaît pas de proconsul de Comata pendant quatre ans, entre César et Hirtius (à l’exception du successeur désigné de César en 49, L. Domitius Ahenobarbus, qui ne prit jamais son poste)436. L’attention pour les Gaules n’en fut pas moins constante, en raison notamment de la réserve de soldats auxiliaires qu’elles constituaient et qui fut largement employée par les différents imperatores. Jusqu’à la réorganisation formelle de l’époque augustéenne, Rome exploita donc ces nouveaux territoires de manière plus souple, en laissant vraisemblablement une large autonomie aux communautés locales, comme il était habituel pendant la République437.

3.3.1 Les contributions des provinciaux

La fiscalité dans les provinces à l’époque républicaine est un sujet central mais pour lequel les différences entre territoires sont énormes438. Sur la situation en Gaule entre la conquête césarienne et le premier cens augustéen439, on dispose pour ainsi dire d’une mention unique : Suétone nous apprend

435 Comme le dit explicitement Dion Cassius, LIII, 22, 5.

436 Si on accepte la position de T. Broughton, selon qui D. Iunius Brutus Albinus n’avait pas ce titre. On trouvera

la liste des magistrats dans Wightman 1974, p. 474-475, tab. 1 et 2.

437 Richardson 1994, qui offre une présentation synthétique de l’administration de l’empire républicain que nous

suivrons ici ; voir aussi Lintott 1993. Dans les publications plus récentes : Ferrary 2008 (entre autres travaux de cet auteur), Hurlet (dir.) 2009, ainsi que Barrandon, Kirbhiler (dir.) 2010 et 2011.

438

Outre Lintott 1993, p. 70-96 et Richardson 1994, p. 585-589, Ñaco del Hoyo 2003 constitue probablement la discussion la plus récente et approfondie du sujet (avec historiographie et bibliographie jusqu’en 2002), notamment dans les premiers chapitres. Ses positions pour l’Hispanie ont notamment été réaffirmées dans Ñaco del Hoyo 2005 et 2010. Pour la Gaule, voir en particulier les travaux de J. France (1993, 2000, 2001b, 2001c, 2007b, 2009c).

que César demanda à la Gaule un tribut annuel de 40 millions de sesterces440. Tout ce qu’on peut écrire sur le sujet reste donc très largement hypothétique et son appréciation dépend entièrement de la vraisemblance qu’on accordera ou pas à la reconstruction proposée. Le mot employé par Suétone est

stipendium, terme normal pour désigner le tribut ou l’indemnité demandé au vaincu à l’issue d’un

conflit441. Néanmoins, le caractère apparemment permanent de la mesure est une réalité que

stipendium n’exprime pas dans les sources républicaines mais seulement dans les sources impériales,

ce qui interdit un commentaire trop détaillé442. Les sources dont on dispose pour le reste de l’empire montrent que les communautés locales récoltaient la somme due pour le tribut et que Rome la récupérait auprès d’elles ; il est donc vraisemblable qu’il en était de même en Gaule à La Tène D2b. Si on songe à Dumnorix, il n’est pas impossible que le paiement du stipendium ait été confié à des aristocrates ; en l’absence de personnel romain spécialisé, on peut supposer que les modalités pratiques étaient laissées à chacune des cités concernées.

Aussi cruciale que soit la question des moyens de paiement, il est encore plus difficile d’avoir des certitudes et rien ne permet de dire si l’établissement de ces nouvelles taxes a entraîné une hausse du taux de monétarisation. Des paiements en espèces sont vraisemblablement attestés sous Auguste443. La situation antérieure pose un certain nombre de questions. Les monnaies romaines semblent avoir été peu répandues en Gaule à cette époque ; en cas de paiement en numéraire, on a donc probablement eu recours à des monnaies gauloises – ce qui ne devait pas constituer de problème, en particulier si l’alliage était de bonne qualité444. Mais rien n’indique que le paiement en pièces de monnaies ait été la norme445 et il nous semble difficile de le déduire du fait que Suétone exprime le stipendium en sesterces. On pourrait en effet très bien imaginer un mécanisme inverse à celui de l’aestimatio décrit

440

Suétone, César, 25, 2 : « Omnem Galliam […] praeter socias ac bene meritas ciuitates in prouinciae formam

redegit, eique quadringenties in singulos annos stipendii nomine inposuit » (« Toute la Gaule […] fut, à

l’exception des cités alliées et de celles qui avaient bien mérité de Rome, réduite par lui à l’état de province et il lui imposa un tribut annuel de quarante millions de sesterces »). Repris par Eutrope, VI, 17, 3 : « Galliae autem

tributi nomine annuum imperavit stipendium quadringenties » (« Quant aux Gaules, il leur imposa à titre de

tribut annuel une somme de quarante millions de sesterces »).

441 Plus que Boren 1983, voir Ñaco del Hoyo 2003, p. 28-56 et France 2006. 442

Ibid., p. 50 ; France 2001c, p. 362-364.

443

France 2001c, p. 372-373, à propos de Dion Cassius, LIV, 21.

444

Les analyses métalliques de deniers gaulois de La Tène D1 et D2a montrent un taux d’argent rarement inférieur à 90 % : Gruel, Barrandon 2000. Cicéron, Ad Atticum II, 6, 3, montre que le Trésor stockait et utilisait du numéraire non romain (dans ce cas des cistophores asiatiques).

445 France 2007, p. 180-181, insiste sur la variété des situations provinciales, à la suite notamment de Duncan-

par Cicéron en Sicile446 : au lieu de recevoir du blé réquisitionné, les communautés concernées versaient une somme d’argent jugée équivalente, sur la base d’une estimation forfaitaire. Bien que nous n’en connaissions pas d’attestation, rien n’empêchait de percevoir en nature une somme exprimée en termes monétaires, toujours sur la base d’estimations. On sait que sous Auguste, Drusus imposa un tribut en nature aux Frisons qui devaient fournir des peaux tannées447. Faut-il vraiment y voir un cas exceptionnel ? Recevoir des taxes en nature n’était pas forcément un inconvénient, notamment pour les fournitures à l’armée (à qui les Frisons livraient leurs peaux directement).

En effet, le stipendium n’était qu’une des contributions demandées aux communautés locales. Rome pouvait exiger d’elles, de façon extraordinaire ou ordinaire, beaucoup d’autres services (par ex. loger le gouverneur avec sa troupe448) ou biens (le plus recherché étant le frumentum)449. L’entretien des troupes légionnaires stationnées en Gaule fut à n’en pas douter une lourde charge450. Mais dans le contexte des guerres civiles, la fourniture de troupes auxiliaires représentait certainement une contribution majeure. Il s’agissait, sous la République, d’une pratique normale envers les peuples soumis à Rome, qu’il s’agisse des socii italiens ou des externae nationes dont les troupes recevaient l’appellation d’auxilia externa (puis simplement d’auxilia après la guerre sociale)451. Tant les premiers que les secondes devaient en outre prendre en charge l’entretien complet de leurs troupes, y compris la solde452. Ces mobilisations étaient toujours temporaires, au gré des besoins romains : la Guerre des

Gaules et le corpus cicéronien nous en font connaître de nombreux exemples453. Qui était concerné ? Après la conquête césarienne, virtuellement toutes les communautés gauloises. Toutefois, comme l’a

446 Cicéron, 2ème Verrine III, 188-226. À rapprocher de Tacite, Agricola, 19, 4-5. Pour la situation hispanique, voir Cadiou 2008, p. 601-609.

447 Tacite, Annales IV, 73. 448

Bérenger 2011b.

449

Lintott 1993, p. 92-95 ; Richardson 1994, p. 588-589. Voir également la liste dressée par Herz 1992 pour le début de l’Empire.

450 Voir infra pour la présence légionnaire sur le sol gaulois.

451 Sur les auxiliaires d’époque républicaine, voir en dernier lieu les travaux de J. Prag (2007, 2010, 2011), ainsi

que Hamdoune 1999 pour l’Afrique et Cadiou 2008 pour l’Hispanie.

452 Pour les socii, voir Nicolet 1978. Le texte central pour les externae nationes est Cicéron, 2ème Verrine V, 60. Sur le sujet, nous nous permettons de renvoyer à notre contribution à paraître dans les actes de la table-ronde « De l’or pour les braves. Soldes, armées et circulation monétaire dans le monde romain », tenue à Paris les 12 et 13 septembre 2013, intitulée « Auxiliaria stipendia merere. La solde des auxiliaires de la fin de la guerre sociale à la fin du Ier s. ap. J.-C. » On y trouvera en particulier une analyse détaillée des sources littéraires disponibles.

453 Par ex., César, BG IV, 6, 5 ; ibid., V, 5, 3 et 58, 1. Nous n’avons pas connaissance d’envoi volontaire de

troupes : ibid., II, 24, 4, n’implique pas que les Trévires aient envoyé de leur plein gré des cavaliers. Pernet 2010, p. 262-264 pour un dépouillement des mentions d’auxiliaires (dont les levées de troupes) dans la Guerre des

montré R. Wolters, on ne connaît pas de livraisons de troupes de la part des peuples fédérés454. Mais ces derniers étaient peu nombreux. Le fameux passage de César dans la Guerre civile, qui décrit le paiement d’une unité allobroge sur des fonds romains, n’implique pas que ce fût alors la seule procédure en vigueur455. Au contraire, ce n’est qu’à partir d’Auguste que semble créé le système d’unités auxiliaires professionnelles et permanentes. Encore souffre-t-il de nombreuses exceptions au moins jusqu’au milieu du Ier s. ap. J.-C. Les principales sont d’ailleurs situées dans le domaine gaulois et germanique. Ainsi, Tacite nous dit des Ubiens qu’ils ont, « ayant jadis passé le fleuve […], après essai de leur fidélité, été installés sur la rive même du Rhin, pour la défendre, non pour y être surveillés456. » On situe l’épisode dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. et on l’attribue généralement à un des deux séjours d’Agrippa en Gaule. Le même auteur nous rapporte le cas célèbre des Bataves et des Mattiaques, qui « conservent l’honneur et le privilège d’une antique alliance : ils ne subissent pas la honte des tributs et le publicain ne les pressure pas ; exempts de charges et de contributions et réservés seulement pour servir aux combats, comme des traits et des boucliers, on les garde en vue des guerres457. » Plusieurs chercheurs font précisément remonter « l’antique alliance » des Bataves à l’époque césarienne458. Que ces cas aient été dignes de mention pour Tacite, à un moment où les troupes auxiliaires étaient devenues définitivement professionnelles, n’implique pas qu’ils aient été étranges près d’un siècle et demi plus tôt. Ils ne faisaient que remplacer une des contributions attendues (le tributum) par l’extension d’une autre contribution, rendue permanente : la fourniture de troupes auxiliaires que les communautés continuaient sans aucun doute à entretenir (ce qui justifiait aussi l’absence de tributum). La plupart des cités voyaient peser sur elles à la fois le tributum, fixe et annuel, et la fourniture et l’entretien de troupes, certes temporaires, mais utilisés de manière récurrente par les généraux romains à partir de la guerre des Gaules.

454 Wolters 1990, p. 111-116.

455 César, BC III, 59, 3-4 : « Mais, tout fiers de la bienveillance de César, gonflés d’une vanité absurde et bien

dignes de barbares, [les deux frères allobroges Roucillus et Ecus] regardaient de haut leurs camarades, s’appropriaient indûment la solde des cavaliers et détournaient tout le butin pour l’envoyer chez eux. Les cavaliers, outrés de cette façon d’agir, vinrent tous trouver César, et se plaignirent ouvertement à lui de l’injustice de leurs procédés ; ils ajoutèrent aux autres griefs que ces individus faussaient les situations d’effectifs qu’ils présentaient, pour pouvoir opérer des détournements sur la solde. »

456 Tacite, Germanie, 28, 5.

457 Ibid., 29, 2. Voir également id., Histoires IV, 12, 2.

3.3.2 Le poids des élites

Les sources disponibles sur l’organisation politique des cités gauloises entre la guerre des Gaules et la réorganisation augustéenne sont quasiment inexistantes459. R. Wolters propose pour ces territoires une organisation proche de celles des Etats-clients460. Néanmoins, il ne s’agit pas des « royaumes amis et alliés461 » tels qu’on les connaît ailleurs : la Gaule était bien une province, dirigée par un proconsul et soumise à un tribut462. Mais en l’absence d’une administration provinciale attestée, on peut supposer à bon droit que, pendant une trentaine d’années, la Gaule continua à être administrée essentiellement à travers les procédures indigènes et les aristocraties locales. La documentation disponible laisse en effet penser que le pouvoir de ces derniers resta important après la conquête.

3.3.2.1 Des prérogatives intactes

Selon toute probabilité, la mobilisation des troupes auxiliaires s’effectuait à travers les aristocrates. Deux passages de César attestent l’importance des relations personnelles. En 54, au moment de passer en Bretagne, il rassemble « la cavalerie de toute la Gaule […] forte de quatre mille chevaux, avec les chefs de toutes les nations », mais il ajoute immédiatement « [qu’il] avait résolu de n’en laisser en Gaule qu’un petit nombre, ceux dont il était sûr, et d’emmener les autres comme otages, parce qu’il craignait un soulèvement de la Gaule en son absence » ; en 49, il recrute « 3000 cavaliers […] provenant de la Gaule […] : tout ce qu’il y avait de plus brave dans toutes les cités avait été recruté individuellement »463. Suite aux propositions de C. Goudineau, on accepte maintenant que dans le second passage, « individuellement/nominatim » implique que César a recruté nominalement ces troupes, c’est-à-dire qu’il avait tissé des liens avec la majeure partie de l’aristocratie gauloise, qu’il connaissait personnellement464. Dans ces conditions, on peut supposer qu’il prend soin, lorsqu’il recrute 3000 cavaliers pour combattre les pompéiens en Hispanie, de laisser en Gaule ses plus fidèles soutiens et de s’adjoindre ceux dont l’attachement paraissait moins fort. On peut citer en outre deux

459 Lamoine 2009.

460 Wolters 1990, p. 77-108.

461 Expression qui rend mieux la réalité antique que « royaumes-clients » : Braund 1984 ; Suspène 2009b,

notamment note 1, p. 50.

462

Sur les royaumes alliés et amis, voir la bibliographie de la note précédente. Dans la situation gauloise, un point commun avec les rois amis et alliés reste cependant les rapports personnels entre les dirigeants gaulois et leurs patrons romains.

463 César, BG V, 5, 3-4 : « equitatus totius Galliae […] numero milium quattuor principesque ex omnibus

civitatibus » ; id., BC I, 39, 2 : « equitum III milia […] ex Gallia […], nominatim ex omnibus civitatibus nobilissimo et fortissimo evocato ».

lettres de L. Munatius Plancus, qui laissent apparaître en 43 av. J.-C. leur implication dans les opérations : en mars, il écrit au Sénat qu’il a avec lui « une province on ne peut mieux disposée par l’accord unanime de toutes les cités, qui rivalisent de bons offices avec acharnement, des forces de cavalerie et de troupes auxiliaires aussi importantes que ces populations sont capables d’en mettre sur pied pour la défense de leur propre salut et de leur propre liberté465 » ; en mai, il dit dans sa lettre à Cicéron qu’il ne peut rencontrer l’ennemi avec « une armée profondément loyale, des troupes auxiliaires très nombreuses, les premiers personnages de la Gaule, la province toute entière466. » Le premier passage montre que la procédure de recrutement est la même que durant la conquête, le second indique que les élites gauloises participent aux opérations, probablement à la tête des différents contingents467. Le commandement de troupes indigènes par les élites locales doit être vu comme une pratique normale468. D’une part, la fourniture de troupes militaires était une clause habituelle des traités entre Rome et les peuples conquis et les troupes d’un peuple donné étaient menées par des officiers issus du même peuple. D’autre part, le commandement militaire semble avoir été un des attributs du pouvoir en Gaule et il aurait été difficile d’en priver les élites sans saper leur autorité469. Durant la guerre des Gaules, on note d’ailleurs plusieurs cas de grande autonomie militaire chez les auxiliaires de César, une situation qui concerne principalement les troupes éduennes. Ainsi, en 57 av. J.-C., lors de la campagne contre les Bellovaques, César confie à Diviciacos et aux troupes éduennes le

465 Cicéron, Ad familiares X, 8, 6. 466 Cicéron, Ad familiares X, 21, 5.

467 Deux séries monétaires du sud-ouest attestent des liens personnels de Plancus avec l’aristocratie gauloise :

elles documentent un certain L. Munatius Attalus, à placer vraisemblablement chez les Rutènes (RIG IV, n°191 et 209 ; Feugère, Py 2011b).

468

Toutefois leur place précise dans la hiérarchie est difficile à déterminer. Rappelons que nombre de postes étaient occupés par des Romains. Sans prétention à l’exhaustivité : César, BG I, 52, 7 : P. Crassus commande la cavalerie (« equitatui » : le terme peut désigner la cavalerie auxiliaire, comme le montre ibid., III, 20, 2) ; ibid., V, 17, 2 : toute la cavalerie sous le commandement de C. Trebonius ; ibid., VI, 29, 4 : L. Minucius Basilus commande toute la cavalerie. Plus ambigu : ibid., III, 26, 1 : Crassus réunit les « praefectos equitum » : le titre est parfois appliqué à des indigènes – ibid., VII, 66, 3 (Vercingétorix convoque ses « praefectis equitum ») et VIII, 12, 4 (Vertiscos, qui combat pour les Romains) – mais on peut supposer qu’une partie au moins des personnes convoquées par Crassus sont des citoyens romains (d’autant plus que César indique juste avant que Crassus se défiait des auxiliaires « comme combattants » : ibid., III, 25, 1). Notons également le cas de C. Volusenus Quadratus, qui revient dans la Guerre des Gaules comme dans la Guerre civile et plusieurs fois en tant que prafectus equitum (César, BG VI, 41, 2 ; ibid., VIII, 48, 1 ; id., BC III, 60, 4). C’est vraisemblablement lui qui commande aux deux frères allobroges Roucillus et Egus, qui détournent une partie de la solde de leurs cavaliers et finissent par passer dans le camp pompéien après avoir tenté de l’assassiner : Yoshimura 1961, p. 473-474.

soin de prendre l’ennemi à revers470. Selon toute vraisemblance, Diviciacos s’occupe seul du commandement des troupes, sans être assisté d’un officier romain471. Une fois la bataille de l’Aisne gagnée et la mission terminée, il revient auprès de César après avoir renvoyé lui-même ses troupes en pays éduen472. Déjà, l’année précédente, Diviciacos avait été chargé d’établir l’itinéraire pour aller de Besançon jusqu’à Arioviste473. Ceci signifie, nous semble-t-il, qu’il faisait partie du cercle des proches de César ; sans être nécessairement associé aux décisions, il en était en tout cas informé rapidement. Après s’en être servi comme ambassadeur en Bretagne, César fit également suffisamment confiance à l’Atrébate Commios pour le laisser garder le territoire des Ménapes à la tête de cavaliers474. À la fin du conflit, au moment de la grande révolte de 52, on trouve un nouvel exemple de troupes éduennes agissant seules. À la demande des Bituriges Cubes, encore fidèles à Rome et attaqués par les Rutènes rebelles, les Eduens leur envoient un contingent qui reviendra finalement sans avoir rempli sa mission, précipitant les Bituriges dans le camp adverse475. César note à cette occasion que les Eduens agissent « sur l’avis des légats que César avait laissé à l’armée »476. Ceci semble indiquer que malgré l’absence de légions sur le territoire éduen à l’hiver 53/52, le général romain y avait laissé des officiers – à moins qu’il ne s’agisse des légats stationnés chez les Lingons et Sénons voisins477. Quoi qu’il en soit, et bien qu’à leur retour elles semblent rendre compte de la mission aux légats, les troupes éduennes envoyées aux Bituriges ne sont accompagnées d’aucun officier ou soldat romain, ce qui explique le doute qui plane sur les raisons réelles de leur conduite478. Dans les deux cas cités, les Eduens agissent seuls, sans contrôle direct d’officiers romains. Un dernier épisode, toujours en 52 av. J.-C., témoigne d’une certaine autonomie militaire chez les Helviens et les Allobroges. Bien qu’on se trouve ici sur le territoire de la Provincia, il faut rappeler que la dernière révolte des Helviens date de la fin des années

470

César, BG II, 5, 2-3.

471 Ibid., II, 10, 5.

472 Ibid., II, 14, 1. Le texte latin dit : « […] Diviciacus (nam post discessum Belgarum dimissis Haeduorum

copiis ad eum reverterat) […]. » En faisant usage de l’ablatif absolu, César ne dit pas explicitement que c’est

Diviciacos qui a renvoyé les troupes éduennes. Mais la phrase implique que les troupes ont été renvoyées avant que le druide ne revienne vers César ; en l’absence vraisemblable d’officier romain, c’est donc Diviciacos qui a dû se charger de l’opération (même interprétation chez Lieberg 1998, p. 149).

473

César, BG I, 41, 4.

474

Ibid., VI, 6, 4.

475 Ibid., VII, V, 3.

476 Ibid. : « de consilio legatorum quos Caesar ad exercitum reliquerat ». 477 Ibid., VI, 44, 3.

80 av. J.-C.479 et que les Allobroges se sont rebellés dix ans seulement avant Alésia480. Pourtant, les Helviens se battent « spontanément » contre les Arvernes et les Gabales481, tandis que les Allobroges « organisent avec soin et diligence la défense de leurs frontières482 » ; dans les deux cas, César met l’accent sur l’initiative des peuples locaux et les vingt-deux cohortes de Transalpins commandées par L. César ne semblent pas intervenir directement. La situation de crise explique peut-être l’absence de militaires romains. Il est toutefois clair que certains peuples gardaient une autonomie militaire

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