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CHAPITRE I : Introduction

CHAPITRE 2 : Revue de littérature

2.2 Facteurs de risque de l’infection au VIH en Afrique subsaharienne

2.2.3 Présence d’infections sexuellement transmissibles

Les évidences de l’importance des IST dans l’incidence du VIH sont multiples et datent de plusieurs années. En 1999, Fleming et Wasserheit effectuaient une revue systématique de ces évidences. Les IST sont susceptibles d’accroître d’un facteur oscillant entre 2 et 23,5, le risque d’acquisition du VIH. La plupart des mesures d’association rapportées se situent entre 2 et 5 (Fleming and Wasserheit, 1999). Dans quatre populations d’Afrique de l’Est et d’Afrique de l’Ouest, plus de 50% des infections incidentes par le VIH seraient attribuables aux IST (White, Orroth et al., 2008).

La plausibilité biologique de l’association a été démontrée : Les IST ulcératives (comme l’herpès et la syphilis) et non ulcératives (comme la gonorrhée, la chlamydiose) accroissent la susceptibilité au VIH en attirant sur le site de l’infection des cellules immunitaires pouvant être infectées par le virus et en altérant la barrière mucosale; elles augmentent également l’infectiosité du virus en facilitant sa dissémination dans l’organisme (Fleming and Wasserheit, 1999). Ainsi, des IST non ulcératives comme la gonorrhée et la chlamydiose sont associées à une haute charge virale du VIH chez les hommes et chez les femmes et donc à une plus grande possibilité de transmission de l’infection (Atkins, Carlin et al., 1996; Ghys, Fransen et al., 1997).

Contrairement à d’autres IST, l’infection au virus herpès simplex de type 2 (VHS-2) est une maladie chronique avec des épisodes récurrents d’ulcère génital dont la sévérité décline avec le temps chez la plupart des patients. Ceci pourrait expliquer les évidences contradictoires sur le rôle de ce virus dans l’acquisition du VIH (Fleming and Wasserheit,

1999). Une étude populationnelle menée en Ouganda a montré que les personnes souffrant d’épisodes d’herpès génital symptomatiques sont près de quatre fois plus à risque d’infection au VIH (Mermin, Musinguzi et al., 2008). Par ailleurs, certaines études ont suggéré que les infections incidentes du VHS-2 sont des facteurs de risque de l’infection au VIH plus importants que les infections prévalentes (Ramjee, Williams et al., 2005; Freeman, Weiss et al., 2006). Le traitement suppressif du VHS-2 par l’Acyclovir n’a pas d’effet sur l’incidence du VIH chez les personnes infectées par le VHS-2 mais permet de réduire la charge virale du VIH dans le plasma et dans les voies génitales des patients coinfectés par le VIH et le VHS-2 (Delany-Moretlwe, Lingappa et al., 2009; Zuckerman, Lucchetti et al., 2009). À mesure que l’épidémie de VIH se propage, la fraction de transmission du VIH attribuable au VHS-2 augmente tandis que celle attribuable aux IST curables tend à diminuer. Cela est dû à la prévalence moindre des IST curables dans la population générale comparativement à celle du VHS-2 mais aussi à l’augmentation des ulcérations favorisant la transmission chez les individus coinfectés VIH/VHS-2 (White, Orroth et al., 2008).

L’interaction entre l’infection au VIH et l’infection au VPH est également reconnue. L’infection au VPH constitue une des IST les plus fréquentes au monde et l’agent étiologique des condylomes génitaux et du cancer cervical (Trottier and Franco, 2006). Il s’agit d’une des plus fortes associations qui existent entre un facteur de risque et un cancer. Le cancer du col utérin est le premier cancer affectant les femmes dans les pays en développement et la première cause de mort par cancer en Afrique subsaharienne (Cothran and White, 2002; Yang, Bray et al., 2004). Dans une étude menée en 2001 au Mali, l’ADN du VPH était retrouvé dans près de 97% des cancers du col de l’utérus (Bayo, Bosch et al., 2002).

Il existe plus de 200 sous-types de VPH, dont une cinquantaine qui infectent le tractus génital (Heley, 2003). La plupart des sous-types de HPV sont bénins et classifiés types à

faible risque. Ces sous-types ont moins tendance à persister dans l’organisme et à induire un cancer, leur infection étant généralement transitoire tandis que les sous-types à haut risque possèdent cette capacité à persister dans l’organisme hôte et à induire des lésions potentiellement cancéreuses (Molijn, Kleter et al., 2005; Trottier and Franco, 2006). Parmi les sous-types à haut risque, on retrouve HPV 16, 18, 31, 33, 45 et 52. Le VPH-16 constitue le type le plus associé au cancer. La persistance de l’infection à ce type serait la plus longue des types à haut risque (plus d’un an) (Trottier and Franco, 2006).

La prévalence générale du VPH en Guinée serait de 50,8% et de 32,1% pour les types à haut risque dont 7,2% pour le VPH-16 (Keita, Clifford et al., 2009). Des études dans d’autres pays africains ont démontré une prévalence du VPH-16 d’environ 6% dans des populations de femmes fréquentant les services prénataux ou des services de planification familiale (Castellsague, Menendez et al., 2001; Mayaud, Weiss et al., 2003). Cette prévalence est beaucoup plus élevée chez les femmes TS comme cela a été montré dans d’autres régions du monde (11% au Mexique, 32% en Corée du Sud, 23% au Kenya) (Juarez-Figueroa, Wheeler et al., 2001; Choi, Kim et al., 2003; Luchters, Vanden Broeck et al., 2010). En effet, les principaux facteurs de risque décrits pour l’infection au VPH sont le jeune âge, les relations sexuelles précoces et le nombre élevé de partenaires sexuels (Baseman and Koutsky, 2005; del Amo, Gonzalez et al., 2005).

L’association entre le VIH et le VPH a été maintes fois démontrée. L’infection au VPH est plus fréquente, plus persistante et plus susceptible de conduire à des lésions précancéreuses et au cancer chez les femmes séropositives au VIH que chez les séronégatives (Hawes, Critchlow et al., 2003; Baay, Kjetland et al., 2004; Chen, Wu et al., 2005). De plus, certains sous-types semblent plus fréquents chez les séropositifs que chez les séronégatifs (Baay, Kjetland et al., 2004). Notons qu’une multi-infection impliquant différents sous-types de HPV est possible surtout chez les séropositifs car il n’y a pas de protection immunitaire croisée après infection par un type particulier.

Cette association était également retrouvée chez des femmes exerçant le travail du sexe. Ainsi, une étude menée à Nairobi a démontré une prévalence de 37% du VPH chez les femmes TS séropositives au VIH comparativement à 24% chez les séronégatives (Kreiss, Kiviat et al., 1992). Une étude plus récente menée dans le même pays rapportait des prévalences encore plus élevées : 73% des femmes TS séropositives au VIH étaient infectées par des types de VPH à haut risque de conduire au cancer cervical contre 45% des femmes TS séronégatives (Luchters, Vanden Broeck et al., 2010).

En conclusion, l’on peut dire que les IST jouent un rôle central dans l’acquisition et la transmission de l’infection au VIH. Le rôle de facteurs socioculturels et structurels a également été mis en lumière.