Nous utilisons les résultats théoriques des deux chapitres précédents pour
formu-ler des prédictions concernant l’effet de programme public et de l’ambiguïté sur les
décisions d’assurance et d’auto-assurance des propriétaires forestiers. Toutefois, une
simplification s’impose afin de pouvoir tester empiriquement les résultats de notre
modèle. Dans le modèle théorique, nous considérons un continuum d’états de la
na-ture alors que notre protocole expérimental intègre uniquement deux états : un état
de perte totale et un état d’absence de perte (cas de référence). Cette simplification
n’a qu’une seule justification : l’impossibilité de mettre en place un test empirique
considérant un continuum d’états du monde. Il aurait été cependant possible d’en
considérer plusieurs avec une catastrophe endommageant 25% de la forêt ensuite
50%...mais nous craignions que les participants aient des difficultés à se représenter
les différents états du monde. De plus, cela aurait complexifié considérablement à
la fois le protocole expérimental mais aussi les analyses statistiques. En outre, le
fait de considérer deux états de la nature ne limite en rien l’intérêt du modèle et
le test empirique y étant associé. Cette simplification a une conséquence directe :
dans le modèle théorique, nous considérons une perte proportionnelle à la richesse
du propriétaire forestier. Dans ce chapitre, nous considérons que l’aléa se produit
avec une certaine probabilité et que dans ce cas, la perte est totale. Donc, nous nous
plaçons dans le cas où = 1, c’est-à-dire que le peuplement est entièrement détruit
et donc L(1)R = R. Lorsque l’aléa se produit, le propriétaire perd l’intégralité de
sa richesse. Dans le cas où l’aléa ne se produit pas = 0, alors la perte est nulle et
donc L(0)R= 0. D’un point de vue empirique, nous ne traitons donc que ces deux
cas extrêmes (= 0 et = 1) pour les raisons évoquées ci-dessus.
Dans notre modèle théorique, le paramètre d’assurance est α∈[0,1] avecα= 0
une absence d’assurance et α= 1 la pleine assurance. Nous montrons que lorsque la
prime d’assurance est actuarielle, alors un individu riscophobe opte pour la pleine
as-surance (Théorème de Mossin). Dans notre analyse expérimentale, nous considérons
un taux de chargement nul et donc une assurance complète. Dans ce contexte, nous
interrogeons les sujets sur le montant maximal de la prime d’assurance qu’ils seraient
prêts à payer pour être intégralement couverts en cas de sinistre. Par exemple, le
chapitre 3 prouve que les propriétaires ont une demande d’assurance plus importante
en l’absence de programme d’aide que lorsqu’une aide forfaitaire est accordée (sous
les hypothèses DARA, CARA et potentiellement IARA). Cela signifie que, pour un
niveau identique d’assurance (assurance complète), le consentement à payer d’un
individu en l’absence de programme public devrait être plus élevé qu’en présence
d’une aide forfaitaire (cf. prédiction 1 ci-dessous). La demande d’assurance de la
partie théorique est donc appréhendée par le consentement à payer pour l’assurance
dans la partie empirique. Notre raisonnement est similaire pour les autres
prédic-tions. Nous les détaillons ci-dessous dans un cadre d’assurance mais elles s’appliquent
également à l’auto-assurance.
Prédiction 1 :
Le consentement à payer du propriétaire forestier pour l’assurance est plus élevé en
l’absence d’aide publique que lorsqu’une aide forfaitaire lui est accordée
2.
Prédiction 2 :
Le consentement à payer du propriétaire forestier pour l’assurance est plus élevé
lorsqu’une aide conditionnée lui est accordée que lorsqu’il reçoit une aide forfaitaire.
Prédiction 3 :
Cette prédiction est issue de l’analyse que nous effectuons à la fin du chapitre 3
concernant la subvention à l’assurance.
2
Rappelons que ce résultat est vrai sous une hypothèse d’aversion absolue au risque
décrois-sante avec la richesse (DARA) mais également sous CARA. Sous une hypothèse IARA le résultat
est ambigu. Toutefois, l’hypothèse communément admise est DARA d’où la formulation de cette
prédiction.
Lorsque le propriétaire est caractérisé par une aversion absolue au risque constante
(CARA) ou croissante (IARA) avec la richesse alors son consentement à payer pour
l’assurance est plus élevé lorsqu’il bénéficie d’une subvention à l’assurance que
lors-qu’il ne perçoit pas d’aide. S’il est caractérisé par une aversion absolue au risque
décroissante avec la richesse (DARA), alors son comportement est indéterminé : son
consentement à payer avec subvention peut être supérieur ou inférieur à celui en
l’absence d’aide.
Prédiction 4 :
Le consentement à payer du propriétaire forestier pour l’assurance lorsqu’il y a
am-biguïté sur la probabilité d’occurrence du sinistre est plus élevé qu’en l’absence
d’ambiguïté sur cette probabilité.
Nous notonsAAl’absence d’aide,AF l’aide forfaitaire etAC l’aide conditionnée.
Le consentement à payer lorsqu’il y a ambiguïté est indicé Aet en situation risquée
R. Les prédictions théoriques, qui restent valides dans un cadre d’auto-assurance,
sont synthétisées au sein du tableau suivant :
Tab. 4.1 – Prédictions théoriques
Assurance (a)* Auto-assurance (b)*
Préd. 1 CAP
{AA}>CAP
{AF}CAP
{AA}>CAP
{AF}Préd. 2 CAP
{AC}>CAP
{AF}CAP
{AC}> CAP
{AF}Préd. 3 CARA et IARA :CAP
{SA}>CAP
{AA}CARA et IARA :CAP
{SA}>CAP
{AA}DARA :CAP
{SA}> ou <CAP
{AA}DARA : CAP
{SA}> ou < CAP
{AA}Préd. 4 CAP
A> CAP
RCAP
A> CAP
R*Quand nous nous référerons aux prédictions relatives à l’assurance,
nous utiliserons la lettre a et nous utiliserons b pour les prédictions concernant l’auto-assurance.
L’objectif de ce chapitre est donc de tester expérimentalement ces prédictions
théoriques.
Dans le document
Risques naturels, prévention et couverture : une application au secteur forestier
(Page 133-137)