analyse de solutions potentielles
L’existence de programme public de compensation influence les décisions des
propriétaires forestiers relatives à la protection de leur peuplement contre les pertes
catastrophiques. En effet, le gouvernement prenant à sa charge une partie de la
perte financière privée, les dépenses socialement optimales en matière d’assurance
et d’auto-assurance sont, de ce fait, réduites. Certains facteurs peuvent exacerber
cette réduction : une hausse de la valeur de son peuplement forestier ou du coût des
activités de prévention et de couverture.
Les analyses de statique comparative menées, dans le chapitre précédent, sur ces
paramètres ont permis d’obtenir des résultats qui sont résumés dans le tableau 3.1.
Tab. 3.1 – Résultats de statique comparative
Auto-assurance Assurance
Valeur du peuplement (R) pas d’effet si CPRA pas d’effet si CRRA
% si IPRA % si IRRA
ambigu si DPRA & si DRRA
Coût des activités (c ou λ) & si CARA ou IARA & si CARA ou IARA
ambigu si DARA ambigu si DARA
Nos résultats, nous permettent d’évaluer quatre instruments de politique
pu-blique qui pourraient améliorer l’efficacité de l’intervention étatique en France :
un contrôle direct des dépenses privées de prévention et de couverture, le
paie-ment d’une taxe par chaque propriétaire forestier, une subvention à l’assurance ou
à l’auto-assurance et enfin un partenariat public/privé.
3.3.1 Contrôle direct des dépenses de prévention et de
cou-verture
Un contrôle direct des dépenses permettrait de baser les compensations publiques
accordées sur les efforts de prévention et de couverture entrepris par les
proprié-taires forestiers. Les propriéproprié-taires qui seraient assurés ou auto-assurés seraient alors
éligibles à la perception d’aide publique alors que les autres propriétaires non. Dans
ce cas, un contrôle des efforts des propriétaires forestiers est nécessaire. Si les
pro-priétaires sont assurés, ce contrôle est simple puisqu’ils possèdent un contrat. Par
exemple, au Danemark, après l’occurrence d’une tempête, les propriétaires forestiers
privés sont compensés financièrement pour les dommages subis, mais uniquement
s’ils sont assurés. Ce sont les compagnies d’assurance qui versent les aides publiques
en même temps que l’indemnité d’assurance. De ce fait, si les propriétaires sont
as-surés et qu’une catastrophe survient, ils recevront une aide publique et une
indem-nité d’assurance simultanément. Si les propriétaires forestiers engagent des activités
d’auto-assurance, ces activités sont facilement observablesex-ante et ex-post. Ainsi,
quand le gouvernement décide d’allouer des compensations, un expert peut évaluer
les dommagesex-post et les efforts de prévention et de couverture entreprisex-ante.
La relation (3.18) montre que c’est en l’absence d’aide publique que le propriétaire
a les incitations les plus élevées à la prévention et à la couverture. Toutefois, lorsque
l’Etat décide d’allouer des aides publiques, alors les incitations des propriétaires à la
prévention et à la couverture sont plus importantes lorsque l’aide est conditionnée
que lorsqu’elle est forfaitaire (cf. propositions 11 et 14). Le système danois semble
donc meilleur que le système français en termes d’incitations à la prévention et à la
couverture. Une solution consisterait donc à le reproduire.
3.3.2 Imposition
L’Etat, afin de fournir des compensations financières post-catastrophes,
pour-raient taxer les propriétaires. Cet argent servirait à constituer un fonds dont
l’ob-jectif serait l’indemnisation des propriétaires en cas de dommages. Des aides
supplé-mentaires de l’Etat pourraient venir, occasionnellement, compléter l’argent distribué
par le fonds. La taxe pourrait concerner le peuplement lui-même : taxe à l’hectare,
taxe à l’espèce dominante... ou le propriétaire, c’est-à-dire que la taxe pourrait être
fonction de ses revenus (issus du peuplement forestier ou non). Une telle taxe
ré-duirait les revenus des propriétaires. Le tableau 3.1 nous indique que l’impact de
cette réduction sur les choix d’assurance et d’auto-assurance du propriétaire dépend
de son comportement face au risque. Par exemple, dans le cas de l’assurance, sous
l’hypothèse d’aversion relative au risque croissante formulée par Arrow (1965, 1971),
la taxe aurait pour effet de réduire la demande d’assurance du propriétaire forestier.
Dans le modèle avec auto-assurance, sous l’hypothèse d’aversion partielle au risque
croissante, la taxe générerait une réduction de la prévention. En conséquence, il
sem-blerait qu’une telle taxe ait des effets néfastes sur la prévention et la couverture des
propriétaires. Les propriétaires pourraient avoir le sentiment de payer une
couver-ture en payant la taxe et cela ne les inciterait pas à mettre en oeuvre des activités
d’auto-assurance ou à s’assurer.
3.3.3 Subvention
La raison souvent avancée par les propriétaires forestiers afin de justifier le fait
qu’ils ne s’assurent pas est le coût élevé de la couverture. Ils justifient de la même
façon, le fait de ne pas mettre en oeuvre d’activités de prévention. En effet, la
pro-duction de bois est particulière dans le sens où le processus de croissance est long.
Ainsi, les propriétaires forestiers paient pour préparer le terrain, pour planter, pour
entretenir... et cela pendant plusieurs décennies avant de pouvoir bénéficier
finan-cièrement de leur travail. Par conséquent, lorsqu’il s’agit d’accroître les dépenses au
cours du processus de production, en souscrivant une assurance ou en instaurant
des pratiques d’auto-assurance, les propriétaires sont réticents. Une solution
consis-terait à subventionner la prime d’assurance des propriétaires ou encore à accorder
des subventions pour l’instauration de mesures de prévention. L’Allemagne a adopté
cette solution pour l’assurance du risque d’incendie. Les Länder (équivalent de nos
régions françaises) paient50% de la prime d’assurance incendie des propriétaires
fo-restiers privés. Cette subvention encourage les propriétaires à s’assurer, si bien que
50% de la surface forestière du pays est assurée contre l’incendie alors que moins de
2%des propriétaires forestiers privés possède une assurance tempête. Une telle
solu-tion pourrait également être appliquée à l’auto-assurance en foncsolu-tion, par exemple,
du nombre annuel d’interventions effectuées par le propriétaire sur son peuplement.
Cela nécessiterait un contrôle qui pourrait passer par le Plan Simple de Gestion.
Une subvention permettrait donc de réduire le coût de la prévention ou de la
cou-verture supporté par le propriétaire forestier. Comme l’indique le tableau 3.1, une
réduction du coût générerait une hausse de l’auto-assurance et de l’assurance si le
propriétaire est caractérisé par une aversion absolue au risque constante (CARA)
ou croissante (IARA) avec la richesse. Dans ce cas, l’effet d’une subvention serait
bénéfique. Nous remarquons que ce résultat en implique un autre : la subvention
(ré-duction des coûts) générerait une hausse de la demande d’assurance et de couverture
donc cela implique une demande d’assurance et de prévention plus élevée avec
sub-vention qu’en l’absence d’aide publique. Cependant, sous l’hypothèse couramment
admise d’aversion absolue au risque décroissante avec la richesse (DARA), l’effet de
la subvention peut être néfaste. Dans ce cas, une réduction du coût peut accroître
ou réduire la prévention et la couverture du propriétaire. Le résultat dépend de
l’importance des deux effets présents : effet substitution pur et effet richesse. L’effet
substitution a un impact négatif sur la prévention et la couverture du propriétaire
alors que l’effet richesse est positif.
3.3.4 Partenariat public/privé
Le coût de l’assurance est souvent avancé comme étant un frein pour les
pro-priétaires forestiers privés. L’Etat pourrait donc intervenir pour réduire ce coût en
se plaçant comme le réassureur des compagnies d’assurance forêt françaises. Les
po-lices d’assurance seraient gérées par les assureurs privés qui définiraient les montants
de couverture en fonction de leur surplus financier, leur portefeuille actuel, et leur
capacité à diversifier les risques. Le mécanisme de transfert des risques du secteur
privé, qui correspondrait à la réassurance du gouvernement, pourrait réduire les
primes d’assurance initiales ou accroître la capacité de couverture de la compagnie
d’assurance. Les différents niveaux de ce système de couverture seraient gérés par le
secteur privé. Le rôle du gouvernement consisterait à lisser dans le temps le travail
des institutions de marché. Cependant, comme nous venons de l’indiquer ci-dessus,
une réduction du taux de chargement de l’assurance n’est pas synonyme
d’accrois-sement de la demande d’assurance. L’aversion au risque caractérisant le propriétaire
joue un rôle important.
Dans le document
Risques naturels, prévention et couverture : une application au secteur forestier
(Page 124-129)