4.3 Méthode expérimentale
4.3.2 Incitations et tâches
Les scénarios ont été développés avec l’aide du Centre Régional de la Propriété
Forestière (CRPF) d’Aquitaine. Les membres du CRPF nous ont aidé à choisir la
taille de la surface forestière (en Aquitaine, les propriétés forestières privées couvrent
en moyenne 12 hectares) ; le revenu annuel procuré par le peuplement forestier (entre
3000eet 6000e/an) ; le type d’arbre (les pins maritimes sont l’espèce la plus
répan-due en Aquitaine) ainsi que les montants d’aide publique pouvant être accordés aux
propriétaires forestiers privés aquitains en cas d’incendie.
Fig. 4.1 – Présentation du plan expérimental
RISQUE ou AMBIGUITE Revenu élevé Revenu faible Instruments de politique publique Absence d’aide Aide forfaitaire Aide contingente Subvention à l’assurance Absence d’aide Aide forfaitaire Aide contingente Subvention à l’assurance Instruments de politique publique CAP assurance CAP assurance CAP assurance CAP assurance CAP assurance CAP assurance CAP assurance CAP assurance Choix contrat Choix contrat Choix contrat Choix contrat Choix contrat Choix contrat Choix contrat CAP auto-assurance CAP auto-assurance CAP auto-assurance CAP auto-assurance CAP auto-assurance CAP auto-assurance CAP auto-assurance CAP auto-assrance Sc. 1 Sc. 2 Sc. 3 Sc. 4 Sc. 5 Sc. 6 Sc. 7 Sc. 8 Choix contratL’information relative au programme public
Trois programmes publics de compensation financière ainsi qu’une situation de
référence sans aide publique ont été introduits. Dans le cas d’une “absence d’aide
publique” (AA), le gouvernement n’assiste pas financièrement les propriétaires, ni
avant, ni après un incendie. En d’autres termes, comme dans ce cas, l’assurance
fo-rêt et les activités d’auto-assurance sont volontaires, les propriétaires qui n’ont pas
entrepris de telles actions supportent 100% des pertes. Dans le cas d’une “aide
for-faitaire” (AF), le gouvernement aide financièrement les propriétaires dont la forêt a
été entièrement détruite par l’incendie. Le montant de la compensation publique est
fixé à 1500e. La situation comprenant une “aide conditionnée” (AC) est similaire à
“l’aide forfaitaire” sauf que cette fois, la compensation publique de 1500e est
accor-dée uniquement aux propriétaires forestiers qui ont souscrit une police d’assurance.
Finalement, en présence d’une “subvention à l’assurance” (SA), le gouvernment paie
50% de la prime d’assurance incendie choisie par le propriétaire forestier.
L’information concernant la probabilité d’occurrence du risque d’incendie
(risque vs. ambiguïté)
Dans tous les scénarios, les pertes ont été précisément spécifiées : 3000e dans
les scénarios avec faibles revenus issus du peuplement ou 6000e dans ceux avec
revenus élevés, ce qui correspond respectivement à un revenu de 250e/hectare et
500e/hectare. Nous avons introduit deux types d’informations concernant la
pro-babilité d’occurrence du risque d’incendie. Certains participants ont reçu une
infor-mation précise concernant le risque d’incendie (groupe “Risque”) ; alors que d’autres
ont reçu une information ambiguë concernant le risque d’incendie (groupe
“Ambi-guïté”). Dans le groupe “Risque”, la probabilité annuelle d’incendie était spécifiée
précisément et fixée à 0,2% dans tous les scénarios. L’enquête “Utilisation du
ter-ritoire” (TERUTI) réalisée par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche permet
chaque année de connaître l’occupation de l’ensemble du territoire métropolitain
français et ainsi de recenser les surfaces forestières incendiées. Grâce aux données
de cette base, la probabilité d’occurrence d’un incendie pour la région Aquitaine
pour la période 1981-2003 a été scientifiquement évaluée à 0,2%. Dans ce groupe
les participants pouvaient ainsi lire : “Pour toutes les questions qui vont vous être
posées, vous êtes dans la situation où vous connaissez parfaitement la probabilité que
votre forêt soit détruite par un incendie dans l’année. La probabilité qu’un incendie
détruise totalement votre forêt dans l’année est scientifiquement évaluée à 0,2%”.
qui vont vous être posées, vous êtes dans la situation où vous ne connaissez pas
pré-cisément la probabilité que votre forêt soit détruite par un incendie dans l’année. Les
différentes valeurs données par les experts pour la probabilité qu’un incendie détruise
totalement votre forêt dans l’année sont (0,05%, 0,15%, 0,25%, 0,35%)”. Notons que
même dans le groupe “Ambiguïté”, les sujets ont certaines informations concernant
la probabilité annuelle de dommage. Les quatre probabilités fournies aux
partici-pants ont été choisies arbitrairement. Nous souhaitions toutefois conserver un écart
identique entre chacune des probabilités et surtout une moyenne de 0,2% afin de
pouvoir comparer les contextes ambigu et risqué. Cette façon de prendre en compte
l’ambiguïté
3a été proposée initialement pas Gardenförs et Sahlin (1982) puis reprise
par Viscusi et Chesson (1999) et Cabantous (2007). Cette méthodologie nous a paru
la plus adaptée car elle représentait bien la réalité. En effet, les propriétaires peuvent
chercher à obtenir des informations sur l’occurrence du risque d’incendie en
s’adres-sant à différentes associations, de sorte que différentes probabilités de réalisation du
risque d’incendie leur seront fournies.
Le tableau 4.2 représente un scénario dans le cas d’une aide publique forfaitaire
et d’un revenu de production élevé. La première tâche pour les participants était
d’indiquer leur consentement à payer maximum pour l’assurance afin d’être couvert
intégralement contre les pertes en cas d’incendie (contrat de pleine assurance). Dans
un deuxième temps, ils devaient choisir un contrat d’assurance parmi cinq qui leur
étaient proposés. Parmi ces cinq contrats, apparaissait un contrat de pleine
assu-rance (contrat A) qui, par définition couvrait intégralement le propriétaire en cas
d’incendie. Le propriétaire possédant 12 hectares et un revenu de 6000e,
l’indem-3
Il existe d’autres façons de mettre en place l’ambiguïté, voir notamment Einhorn et Hogarth
(1985, 1986) ou Hogarth et Kunreuther (1989). Il est également possible de se référer à Di Mauro et
Maffioletti (1996) qui analysent si la définition de l’ambiguïté utilisée a un effet sur le comportement
d’aversion à l’ambiguïté des sujets.
nité d’assurance est donc de 500e/hectare en cas de dommage. N’ayant pas réussi
à obtenir l’information concernant le taux de chargement à appliquer à la prime
d’assurance, nous avons choisi de ne pas l’intégrer dans le calcul. Par conséquent,
la prime d’assurance correspond à la prime pure, c’est-à-dire à l’espérance de perte.
L’espérance de perte correspond au montant potentiel du dommage multiplié par la
probabilité d’occurrence de celui-ci, à savoir 3000e × 0,2% = 6e dans le cas d’un
revenu de production faible et 6000e × 0,2% = 12e dans le cas d’un revenu élevé.
De ce fait, dans notre cas de revenu élevé, l’espérance de perte globale est de 12e
et comme il y a 12 hectares alors cela fait 1e/hectare. De la même façon, dans une
situation de faible revenu, l’espérance de perte est de 0,5e/hectare. Ensuite, nous
proposions aux participants trois contrats d’assurance partielle (contrat B, C, et D)
et finalement, afin de leur permettre de ne pas s’assurer, nous leur proposions le
contrat E. La troisième tâche des sujets consistait, considérant qu’ils avaient choisi
un contrat d’assurance dans la question précédente, à indiquer leur consentement
à payer maximum pour investir dans des activités de gestion forestière (actions
d’auto-assurance).
Tab. 4.2 – Présentation d’un scénario basique : le cas d’une aide forfaitaire lorsque
le revenu est élevé (6000e)
Contexte général L’expérience à laquelle vous allez participer est destinée à l’étude de la prise de
décision d’assurance. Elle vise à analyser votre demande d’assurance face à un
risque d’incendie encouru par votre forêt. Vous allez répondre à plusieurs
questions. Pour chaque question, vous possédez une forêt de pins maritimes de
12 hectares en région Aquitaine. Cette forêt vous procure un revenu annuel
dont le montant variera selon les différents cas de figure qui seront décrits.
Votre forêt est exposée à un risque d’incendie. Si cet incendie se produit, votre
forêt est entièrement et définitivement détruite. Vous ne retirerez donc aucun
revenu de votre activité forestière durant cette année. Vous pouvez, une fois
l’incendie maîtrisé, reconstruire votre forêt l’année suivante moyennant des
coûts très élevés.
Information
concernant la
probabilité
Groupe Risque:
Pour toutes les questions qui vont
vous être posées, vous êtes dans la
situation où vous connaissez
parfaitement la probabilité que votre
forêt soit détruite par un incendie dans
l’année. La probabilité qu'un incendie
détruise totalement votre forêt dans
l'année est scientifiquement évaluée à
0,2%.
Groupe Ambiguïté
Pour toutes les questions qui vont
vous être posées, vous êtes dans la
situation où vous ne connaissez pas
précisément la probabilité que votre
forêt soit détruite par un incendie dans
l’année. Les différentes valeurs
données par les experts pour la
probabilité qu'un incendie détruise
totalement votre forêt dans l'année
sont (0,05%, 0,15 %, 0,25%, 0,35%).
Information
concernant le
programme
public
Si un incendie se produit, votre forêt est entièrement et définitivement détruite.
Dans ce cas, les pouvoirs publics vous donnent une somme forfaitaire de 1500
€ pour vous compenser d’une partie de la perte financière subie, et ce que vous
soyez assuré ou non. Vous pouvez aussi choisir, en plus de cette aide, un
contrat d’assurance privée. Plusieurs contrats vous sont proposés. Vous pouvez
acheter un seul des contrats proposés. Chacun de ces contrats a un coût
différent et réduit différemment votre risque de perte. Si vous décidez de vous
assurer, le prix de l’assurance sera automatiquement déduit de votre revenu.
Consentement à
payer pour
l’assurance
1/ Dans ce scénario, quel est le montant de la cotisation annuelle d’assurance
maximale que vous seriez prêt à payer pour être couvert intégralement contre
les pertes éventuelles en cas d’incendie ?
Choix d’un
contrat
d’assurance
2/ Quel est le contrat d’assurance que vous choisiriez ?
Sélectionner le contrat que vous préférez.
Contrat A: indemnité = 500 €/ha, prime nette des taxes = 1 €/ha.
Contrat B: indemnité = 375 €/ha, prime nette des taxes = 0,75 €/ha.
Contrat C: indemnité = 250 €/ha, prime nette des taxes = 0,5 €/ha.
Contrat D: indemnité = 125 €/ha, prime nette des taxes = 0,25 €/ha.
Contrat E: indemnité = 0 €/ha, prime nette des taxes = 0 €/ha.
Consentement à
payer pour
l’auto-assurance
3/ Vous avez souscrit un contrat parmi les cinq proposés. En plus de la
cotisation payée pour le contrat choisi, quel est le montant d’argent que vous
seriez prêt à payer pour mettre en œuvre des actions (débroussaillement,
élagages de pénétration…) qui réduiraient l’ampleur des pertes éventuelles ?
Dans le document
Risques naturels, prévention et couverture : une application au secteur forestier
(Page 138-144)