4.4 Résultats de l’expérience
4.4.2 Analyse des activités d’auto-assurance
Nous observons dans un premier temps les résultats issus d’analyses préliminaires
et ensuite, les résultats directement associés aux tests de nos prédictions.
Quelques analyses préliminaires
Les prédictions issues du modèle théorique développé dans le chapitre précédent
sont obtenues dans un cadre où le propriétaire forestier a accès soit à l’assurance
soit à l’auto-assurance afin de se protéger contre les risques naturels. Or, dans notre
expérimentation, la décision d’auto-assurance est dépendante de celle du contrat
d’assurance choisi dans la question précédente. Par conséquent, seuls les individus
ayant opté pour le contrat d’assurance E (absence d’assurance) et ayant un
consente-ment à payer pour l’auto-assurance positif peuvent servir de base à nos prédictions
théoriques. Malheureusement, aucun participant n’a adopté ce comportement sur
l’ensemble des scénarios. Seuls 9 agents adoptent une fois ou l’autre ce
comporte-ment. Par conséquent, il nous est impossible de tester nos prédictions théoriques sur
les comportements d’auto-assurance. Par curiosité et afin d’exploiter les réponses
des sujets, nous regardons tout de même ce qu’il se passe lorsque la question relative
au consentement à payer pour l’auto-assurance est traitée de façon indépendante de
la question sur le choix du contrat.
Nous avons demandé aux sujets d’indiquer la somme d’argent qu’ils étaient prêts
à payer en plus du contrat d’assurance sélectionné afin de mettre en place des
ac-tivités de prévention telles que les élagages, ou le débroussaillement, par exemples.
Ces activités sont des activités d’auto-assurance parce qu’elles permettent de
ré-duire l’ampleur de la perte à la suite d’une catastrophe. Comme pour l’assurance,
les consentements à payer pour l’auto-assurance sont normalisés par l’espérance de
perte. Une analyse statistique révèle également que la distribution des CAP/EP
pour l’auto-assurance ne respecte pas l’hypothèse de normalité puisque les
coeffi-cients d’aplatissement (Kurtosis) appartiennent à [4,488 ; 6,768] et les coefficoeffi-cients
d’asymétrie à [2,258 ; 2,605], de sorte que nous transformons en log les CAP/EP.
Après transformation en log, les coefficients d’aplatissemment appartiennent à
[-1,431 ; -1,554] et ceux d’asymétrie à [-0,043 ; 0,160]. De la même façon que pour
l’assurance, les consentements à payer pour l’auto-assurance nuls ont été changés en
0,1. Ils étaient au nombre de 110.
Tab.4.6 – Moyennes des CAP/EP et Log(CAP/EP) en fonction de l’instrument de
politique publique et de la qualité de l’information probabilistique
Absence Aide Aide Subvention Total
d’aide forf. cond.
Risque Moy. CAP/EP 25,35 26,37 26,01 26,75 26,12
Moy. Log(CAP/EP) 0,46 0,50 0,46 0,49 0,48
Ambiguïté Moy. CAP/EP 14,88 14,68 14,74 14,38 14,67
Moy. Log(CAP/EP) 0,35 0,26 0,26 0,19 0,26
Risque Moy. CAP/EP 20,52 20,97 20,81 21,04 20,83
+ Amb. Moy. Log(CAP/EP) 0,41 0,38 0,37 0,35 0,38
NOTE : N = 78 individus,nrisque= 42,nambigu= 36.
L’analyse statistique a permis de tester si les consentements à payer pour
l’auto-assurance dépendent de la qualité de l’information probabilistique (Risque vs.
Am-biguïté), et du type d’aide gouvernementale. Les Log(CAP/EP) ont été étudiés à
l’aide d’une MANOVA comprenant 2 (Population) × 2 (Ordre) × 2 (Probabilité)
× 4 (Politique) × 2 (Revenu) avec des mesures répétées sur les deux derniers
fac-teurs. Nous trouvons un effet non-significatif pour la variable Ordre (F
1;70= 1,528 ;
p =0,221). Aucune interaction impliquant cette variable n’est significative. En
re-vanche, nous observons un effet significatif pour la variable Revenu (F
1;0.037= 39,083 ;
p = 0,000). La variable Population est également significative (F
1;70= 5,159 ; p =
0,026) indiquant, qu’en moyenne, les consentements à payer des propriétaires pour
l’auto-assurance sont différents de ceux des étudiants. Nous pouvons constater dans
quel sens s’opère cette différence à partir des tableaux suivants :
Tab. 4.7 – Moyennes des CAP/EP et Log(CAP/EP) pour les étudiants
Absence Aide Aide Subvention Total
d’aide forf. cond.
Risque Moy. CAP/EP 3,46 4,84 4,52 4,23 4,26
Moy. Log(CAP/EP) -0,08 0,05 -0,04 -0,02 -0,02
Ambiguïté Moy. CAP/EP 9,89 9,31 9,32 8,73 9,31
Moy. Log(CAP/EP) 0,29 0,08 0,10 -0,002 0,12
Risque Moy. CAP/EP 6,68 7,07 6,92 6,48 6,79
+ Amb. Moy. Log(CAP/EP) 0,10 0,07 0,03 -0,01 0,05
NOTE : N = 36 individus,nrisque= 18,nambigu= 18.
Tab. 4.8 – Moyennes des CAP/EP et Log(CAP/EP) pour les propriétaires
Absence Aide Aide Subvention Total
d’aide forf. cond.
Risque Moy. CAP/EP 41,76 42,51 42,13 43,63 42,51
Moy. Log(CAP/EP) 0,87 0,82 0,84 0,87 0,85
Ambiguïté Moy. CAP/EP 19,89 20,03 20,17 20,03 20,03
Moy. Log(CAP/EP) 0,42 0,43 0,42 0,38 0,41
Risque Moy. CAP/EP 32,39 32,87 32,72 33,52 32,87
+ Amb. Moy. Log(CAP/EP) 0,69 0,65 0,66 0,66 0,67
NOTE : N = 42 individus,nrisque= 24,nambigu= 18.
Les moyennes des CAP/EP des étudiants sont d’environ 6-7e/hectare alors que
celles des propriétaires forestiers sont de l’ordre de 32-33e/hectare, soit environ cinq
fois plus élevées. Nous pensons qu’il y a eu une différence de perception des
acti-vités d’auto-assurance par les deux populations. Il semblerait que les propriétaires
aient traité les actions d’auto-assurance comme des activités de gestion forestière
courantes et non comme une activité de prévention contre le risque d’incendie. A
contrario, l’aspect prévention a du être plus évident pour les étudiants qui sont
moins familiers de la gestion forestière quotidienne.
le ratio CAP/EP des étudiants est plus élevé dans un contexte ambigu que dans
un contexte risqué. Les propriétaires semblent adopter un comportement inverse.
En moyenne, le ratio CAP/EP des propriétaires est deux fois plus élevé dans un
contexte risqué que dans un contexte ambigu. Ce résultat semble indiquer que les
étudiants ont des comportements qui vont dans le sens de notre prédiction 4b alors
que les propriétaires non. Ce point sera analysé dans le détail par la suite.
Analyse des prédictions théoriques
Nous observons un effet non-significatif de la variable Probabilité (F
1;70= 0,609 ;
p = 0,438). Cela signifie que le consentement à payer des individus pour
l’auto-assurance dans les situations ambiguës n’est pas significativement différent de leur
consentement à payer pour l’auto-assurance en situation risquée. Nous constatons
également un effet non-significatif de la variable Politique (F
2,111;0,050= 1,029 ; p
= 0,363). Auncune interaction significative impliquant ces facteurs n’est observée.
Il convient de noter que le test de sphéricité de Mauchly révèle que la matrice de
variance-covariance de la variable dépendante Politique n’est pas sphérique (W de
Mauchly = 0,434 ; p = 0,000), de sorte que le F et la p-value reportés pour
Po-litique sont ajustés (Greenhouse-Geisser) afin de tenir compte de la violation de
l’hypothèse de sphéricité. Cet absence d’effet indique que le consentement à payer
des participants pour l’auto-assurance ne varie pas significativement en fonction de
l’instrument de politique publique testé. Ces résultats ne supportent ni nos
pré-dictions théoriques concernant l’effet des compensations publiques sur les activités
d’auto-assurance (prédictions 1b, 2b et 3b) ni celles portant sur l’effet de l’ambiguïté
(prédiction 4b).
Notre échantillon comprend des propriétaires forestiers privés et des étudiants en
école d’ingénieur forestier. Or, ces deux populations ont des connaissances sur le
sujet abordé lors de l’expérience, c’est pourquoi nous nous intéressons à une
exten-sion au sein de laquelle nous ajoutons une population d’étudiants sans connaissance
particulière ni de la couverture contre les risques naturels ni du secteur forestier.
Dans le document
Risques naturels, prévention et couverture : une application au secteur forestier
(Page 155-160)